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À partir d’avant-hierL'Économiste Sceptique

Comment le prix du photovoltaïque a-t-il évolué dans le temps ? - Graphique #1

Comment le prix du photovoltaïque a-t-il évolué dans le temps ? - Graphique #1
Figure 1 – Prix mondial de l’électricité solaire photovoltaïque de 1975 à 2022. En dollars constants de 2022 par watt, ajusté pour l’inflation. Données : International Renewable Energy Agency (2023) ; Nemet (2009) ; Farmer et Lafond (2016) – avec retraitement majeur par Our World in Data.
Comment le prix du photovoltaïque a-t-il évolué dans le temps ? - Graphique #1

En 1975, produire un watt d’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques coûtait 125 $. En 2022, produire un watt d’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques ne coûtait plus que 0.25 $. En quasiment cinquante ans, le prix a été divisé par 500.

Une diminution par un facteur de 500 équivaut à une diminution de 99.8 % du prix. Aujourd’hui, produire un watt d’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques ne coûte plus que 0.2 % de ce qu’il en coûtait il y a cinquante ans.

La Figure 1 montre que l’essentiel des gains ont eu lieu avant les années 1990, avec un prix divisé par environ 11 entre 1975 (125 $) et 1990 (11.5 $).

Pour autant, le prix a continué à substantiellement diminuer après 1990. La Figure 1 peut donner l’impression d’une stagnation, mais il s’agit d’une impression trompeuse.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b

Chère lectrice, cher lecteur,

Cet article est le second article de ma série dans lequel je vous emmène dans une exploration de données économiques et démographiques de long terme.

Dans le premier article (Décryptage #1a), je m’étais intéressé aux données mondiales.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Découvrez les fascinants phénomènes exponentiels qui ont transformé l’humanité lors des trois derniers siècles
Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1bOlivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b

Parmi les multiples phénomènes mis en évidence dans le Décryptage #1a, j’aimerais m’attarder sur deux phénomènes en particulier.

Le premier phénomène sur lequel je veux m’attarder est l’augmentation continue du PIB par habitant mondial depuis le 19ᵉ siècle.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b
Figure 1 – Moyenne mondiale du PIB par habitant de 1700 à 2022, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data. 

En utilisant l’estimateur statistique BEAST, représenté sur la Figure 1 par les lignes verticales, j’identifie deux ruptures structurelles : une première rupture dans les années 1950, et une seconde au début des années 2000. Une rupture structurelle correspond à un changement du rythme d’évolution d’un indicateur statistique dans le temps. Dans la Figure 1, ces deux ruptures structurelles correspondent à des accélérations : l’augmentation du PIB par habitant mondial a accéléré dans les années 1950, puis a encore accéléré au début des années 2000.

Le second phénomène sur lequel je veux m’attarder est que la croissance du PIB par habitant mondial n’a pas été uniforme ni dans l’espace, ni dans le temps. Le PIB par habitant diffère, parfois substantiellement, d’une grande région du monde à l’autre, à la fois par son niveau et par son évolution historique.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b
Figure 2 – PIB par habitant de 1820 à 2022 dans les régions du monde, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences de coût de la vie entre pays. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

Toutes les régions du monde ont vu leur PIB par habitant augmenter, mais d’importantes disparités subsistent.

Dans l’article d’aujourd’hui, je vous propose d’explorer l’évolution du PIB par habitant des grandes régions du monde de la Figure 2.

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• Décryptage #1a : données mondiales
• Décryptage #1b : les grandes régions du monde
• Décryptage #1c : quelques pays, dont la France et les États-Unis
• Décryptage #1d : la vie avant l’émergence du capitalisme

Un point méthodologique

Dans la série d’articles, j’utilise l’estimateur BEAST pour détecter les ruptures structurelles. Une rupture structurelle correspond à une accélération ou à un ralentissement de l’évolution d’une série statistique dans le temps. L’article ne porte pas sur BEAST, mais comme j’utilise beaucoup BEAST, il me semble utile de faire un point méthodologique à son sujet.

Vous verrez dans l’article que BEAST n’est pas toujours précis. Il parvient à détecter de nombreuses ruptures structurelles, mais pas toutes. Il a aussi parfois tendance à les détecter, mais avec une imprécision dans l’année. Faut-il en conclure que BEAST ne permet pas de détecter de manière fiable les ruptures structurelles ? Pas nécessairement.

L’imprécision de certaines détections est très vraisemblablement liée aux données que j’utilise. D’une part, elles sont irrégulières : il y a essentiellement une observation tous les cinq ans, la série ne devenant annuelle qu’à partir de 2015. D’autre part, des pas de temps de cinq ans sont fondamentalement imprécis.

Avec des données irrégulières et imprécises, BEAST, comme n’importe quel autre indicateur statistique, fournira des résultats imprécis.

Dans le prochain article de la série (Décryptage #1c), j’utiliserai des données annuelles. Vous verrez que la performance de BEAST s’améliorera significativement.

Si l’estimateur BEAST vous intéresse, j’ai prévu de publier un article technique pour expliquer en quoi il consiste, et comment l’utiliser avec R. Ne manquez pas l’article en vous abonnant à ma newsletter en veillant à bien activer la section « Statistiques et données ».

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La première vague : l’Occident

Ces précisions méthodologiques faites, je vous propose de commencer par la région du monde qui, la première, a connu une importante croissance de son PIB par habitant : l’Occident.

Je vais me contenter d’explorer les données pour l’Europe de l’Ouest. Les données à ma disposition ne contiennent pas de données régionales pour l’Amérique du Nord. Dans le prochain article (Décryptage #1c), j’explorerai l’évolution du PIB par habitant dans certains pays, dont les États-Unis.

La Figure 3 montre le PIB par habitant en Europe de l’Ouest de 1820 à 2022.

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Figure 3 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Europe de l’Ouest. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST détecte nettement une rupture structurelle en 1960. À cette période, les données ont un pas de temps de cinq ans. La date de la rupture structurelle détectée par BEAST est imprécise. Pour autant, on voit bien sur le graphique que l’augmentation du PIB par habitant accélère à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Historiquement, cette rupture structurelle coïncide avec la reconstruction d’une Europe dévastée par la guerre.

À l’œil nu, on voit cependant qu’il y a probablement eu des ruptures structurelles plus modestes bien avant la Seconde Guerre mondiale. C’est d’autant plus probable qu’il est solidement établi que la Révolution Industrielle a commencé en Europe lors du 19e siècle. Probablement parce que les données sont trop irrégulières et trop parcellaires, BEAST ne parvient pas à détecter les ruptures structurelles de moindre intensité. Par ailleurs, la forte augmentation post-Seconde Guerre Mondiale « écrase » l’échelle des ordonnées, ce qui rend les ruptures structurelles de moindre ampleur probablement plus difficiles à détecter (mon futur article de la section « Statistiques et données » qui portera spécifiquement sur BEAST permettra de comprendre en quoi). Comme les données du prochain article seront des données annuelles, BEAST parviendra à détecter davantage de ruptures structurelles.

La deuxième vague : le Sud global

Je vous propose maintenant de nous intéresser à l’évolution du PIB par habitant dans trois régions du Sud global : l’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MOAN) et l’Asie de l’Est.

Commençons par l’Amérique latine, avec la Figure 4.

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Figure 4 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Amérique latine. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

Comme pour l’Europe de l’Ouest, BEAST détecte une rupture structurelle dans les années 1950. Il en détecte une seconde, quoiqu'avec moins de vraisemblance, au début des années 2000. Même si l’Amérique du Sud a été épargnée par la Seconde Guerre mondiale, et qu’il n’y a donc pas besoin de reconstruire le continent, le PIB par habitant a cependant augmenté d’environ 3 750 $ par an en 1950 à quasiment 9 000 $ par an en 1980.

La Figure 4 fait apparaître une cassure au début des années 1980. Le PIB par habitant de la région a soudainement baissé pour ensuite repartir à la hausse dans les années 1990. Je ne suis pas suffisamment connaisseur de l’histoire économique de l’Amérique du Sud pour identifier le (ou les) pays à l’origine de cette cassure. L’Argentine a bien connu une crise lors des années 2000, mais elle a lieu vingt ans après la cassure. Et j'ignore si l’Argentine a suffisamment de poids pour autant influencer sur la moyenne des pays d’Amérique du Sud.

Pourquoi est-ce que BEAST ne semble pas détecter la cassure des années 1980 ? Il y a sans doute deux raisons. La première est que les données ont des pas importants : une observation tous les cinq ans. La seconde est que la pente de la courbe avant la rupture et après la rupture semble relativement identique. Or, pour simplifier, BEAST détecte les ruptures structurelles en comparant la pente de la série temporelle pour différents sous-intervalles temporels.

Continuons avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, avec la Figure 5.

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Figure 5 – PIB par habitant de 1820 à 2022 dans le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST détecte une possible rupture structurelle à la fin des années 1960, et une seconde avec beaucoup plus de vraisemblance en 2005. Je n’affirme pas qu’il s’agisse de l’explication. Cependant, il me semble au moins possible que la rupture des années 1960 puisse être liée à la décolonisation. La rupture de 2005 correspond à la rupture similaire visible dans la Figure 4 pour l’Amérique du Sud.

De manière semblable à l’Amérique du Sud, la région connaît un plateau lors des années 1980. Je ne suis pas suffisamment familier de l’histoire de la région pour identifier une possible explication à ce plateau.

Pour finir, l’Asie de l’Est. Tous les pays d’Asie de l’Est ne font pas partie du Sud global ; le Japon et la Corée du Sud n’en font pas partie. L’Asie de l’Est est un mélange de pays développés et de pays en développement.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b
Figure 6 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Asie de l’Est. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST détecte deux ruptures structurelles : une première dans les années 1960, une seconde dans les années 2000. Je ne suis pas sûr d’avoir en tête la liste exacte des pays qui composent cette région. Je suis cependant tenté de lire dans la première rupture structurelle la reconstruction du Japon après la Seconde Guerre mondiale, dans un mouvement semblable à celui de l’Europe de l’Ouest. La seconde rupture structurelle est probablement causée par l’important développement économique de la Chine à partir des années 2000.

Je note que l’Asie de l’Est est, pour l’instant, la seule région dans laquelle le PIB par habitant n’a pas baissé lors de la crise sanitaire de la COVID-19. Est-ce l’effet d’une crise sanitaire mieux gérée par les pays de la région, des pays qui avaient déjà acquis de l’expérience avec l’épidémie de SRAS en 2003 ?

Les autres vagues

Pour finir, j’aimerais m’intéresser à trois régions un peu à part des précédentes. Il s’agit des deux régions les plus pauvres, l’Asie du Sud et Sud-Est et l’Afrique sub-saharienne, et de l’Europe de l’Est.

Je vous propose de commencer par l’Asie du Sud et du Sud-Est, avec la Figure 7.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b
Figure 7 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Asie du Sud et du Sud-Est. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

Comme la plupart des régions étudiées jusqu’ici, BEAST détecte que l’Asie du Sud et du Sud-Est connaît une accélération de la croissance de son PIB par habitant dans les années 1990. La différence avec les autres régions tient à l’échelle des ordonnées : là où la Figure 4, la Figure 5 et la Figure 6 ont une échelle qui s’arrête de 15 000 à 20 000 dollars par an, la Figure 7 s’arrête à un peu moins de 9 000 dollars par an.

L’Asie du Sud et Sud-Est se développe, mais est encore loin d’atteindre le PIB par habitant d’autres régions du monde. Ce que l’on peut voir dans la Figure 2.

Continuons avec la Figure 8 et l’Afrique sub-saharienne. L’axe des ordonnées montre qu’il s’agit de la région ayant le PIB par habitant le plus bas parmi toutes les régions étudiées jusqu’ici.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b
Figure 8 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Afrique Sub-saharienne. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST détecte une possible rupture dans les années 1960. Je spécule, mais elle pourrait correspondre à la décolonisation d’un certain nombre de pays de la région, enfin libérés de l’emprise des pays colonialistes européens.

C’est surtout dans les années 2000 que BEAST détecte avec une forte vraisemblance une rupture structurelle. Elle est d’ailleurs visible à l’œil nu sur le graphique : le PIB par habitant connaît une importance augmentation. Comme pour l’Asie du Sud et du Sud-Est, le PIB par habitant reste toutefois à un niveau faible : l’échelle des ordonnées s’arrête à un peu plus de 3 500 $ par an.

Pour finir, je veux m’intéresser à l’Europe de l’Est dans la Figure 9. La région se distingue de toutes les autres, car elle a connu un évènement historique singulier au début des années 1990 : la chute du communisme. La chute du communisme a profondément transformé l’organisation politique, sociale et culturelle des pays concernés. Le système économique a, lui aussi, été profondément transformé.

Une richesse mondiale sans précédent qui reste inégalement répartie – Décryptage #1b
Figure 9 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Europe de l’Est. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST détecte deux ruptures structurelles. Une première dans les années 1960. Il s’agit possiblement du même phénomène de reconstruction qu’a connu l’Europe de l’Ouest à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. La seconde rupture structurelle est datée par BEAST en 2005 et correspond, au moins en partie, au rebond ayant fait suite à la chute du communisme.

La chute du communisme est visible sur le graphique : le PIB par habitant diminue sensiblement au cours des années 1990. Cependant, de nombreux pays anciennement communistes ont connu une croissance économique importante dès les années 2000, conduisant à un rattrapage, puis à un large dépassement, de la récession causée par la chute du communisme. Certains pays d’Europe de l’Est comme la Pologne ont rattrapé le PIB par habitant des pays d’Europe de l’Ouest. D’autres, comme la Russie, stagnent. Il subsiste une forte hétérogénéité parmi les anciens pays communistes.

Conclusion

La Figure 1 montre que le PIB par habitant mondial a connu deux ruptures structurelles : une première après la Seconde Guerre mondiale, une seconde au début des années 2000. En entrant dans le détail de chaque grande région du monde, on s'aperçoit que la plupart d’entre elles ont connu des ruptures structurelles à ces deux périodes. Mais pas toutes.

L’accélération de la croissance du PIB par habitant au tournant des années 2000 dans virtuellement le monde entier coïncide avec le développement de la mondialisation actuelle. La mondialisation consiste en la généralisation du commerce libre entre les pays. Or, on sait depuis deux siècles que le commerce entre deux pays fait augmenter la croissance économique dans les deux pays, un résultat largement validé empiriquement depuis. Il me semble probable que la rupture des années 2000 soit causée par la mondialisation, même si j’envisage d’explorer la littérature scientifique à ce sujet. Si une telle exploration vous intéresse, faites-m'en part dans les commentaires de l’article.

Malgré la tendance à la hausse du PIB par habitant partout dans le monde, des écarts importants subsistent, comme le montre les échelles souvent différentes des ordonnées des différentes figures.

Outre l’interprétation économique, il y a également une leçon méthodologique à tirer. La Figure 1 est une moyenne mondiale. Une moyenne agrège l’information des différentes observations qu’elle résume. Cette agrégation « noie » les évolutions spécifiques aux différentes régions du monde en une valeur unique. Et les évolutions des grandes régions du monde étant elles-mêmes des moyennes, elles masquent les évolutions des pays qui les composent.

Agréger des données est commode, car au lieu de superposer de multiples courbes régionales ou nationales, on peut se contenter d’une courbe unique qui « résume » l’évolution des régions et des pays. Toutefois, cette courbe unique fait perdre de l’information. Par exemple, il est impossible de détecter la chute du communisme, alors que c’est un phénomène qui a eu un impact considérable en Europe de l’Est.

Bien sûr, je ne dis pas qu’il ne faut pas agréger les données pour les résumer. L’agrégation de données est utile. Je dis plutôt que l’agrégation n’est pas sans limites, ni aspects négatifs. Comme tout traitement statistique, agréger des données implique de faire des arbitrages. On gagne sur certaines dimensions, on perd sur d’autres dimensions. Et en fonction de ce que l’on souhaite étudier, un même arbitrage pourra prendre des formes différentes. Il faut simplement avoir conscience de ce que l’on perd, et de ce que l’on gagne.

Dans le prochain article de cette série, le Décryptage #1c, j’explorerai le PIB par habitant de plusieurs pays, dont la France et les États-Unis. Parce que les données sont généralement annuelles, et que les séries s’étendent souvent sur plusieurs siècles, je pourrai explorer de manière encore plus fine les évolutions historiques et les ruptures structurelles. On perdra cependant en généralité, puisque l’histoire économique d’un pays ne renseigne pas nécessairement sur l’histoire économique des autres pays. Là aussi, il existe un arbitrage.

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À bientôt pour le prochain article,
Olivier

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a

Chère lectrice, cher lecteur,

Saviez-vous qu’au moment où vous lisez cet article, l’humanité n’a jamais été aussi riche ? Qu’il n’y a jamais eu autant d’humains vivant en même temps sur Terre ? Que l’humain moyen n’a jamais autant produit de richesses ? 

Encore plus étonnant, si vous lisez cet article demain, après-demain, ou encore le jour d’après, ces trois phrases seront encore vraies.

L’humanité connaît aujourd’hui un niveau de richesse sans précédent, et nous n’avons jamais été aussi nombreuses et nombreux à vivre en même temps sur la planète.

Pour rendre compte de ce phénomène spectaculaire, je vous propose une exploration de données économiques et démographiques de longue période dans une série de quatre articles de décryptage.

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• Décryptage #1a : données mondiales
• Décryptage #1b : les grandes régions du monde
• Décryptage #1c : quelques pays, dont la France et les États-Unis
• Décryptage #1d : la vie avant l’émergence du capitalisme

L’humanité n’a jamais été aussi riche

Comme le montre la Figure 1, le PIB (Produit Intérieur Brut) mondial a connu une croissance exponentielle lors des deux derniers siècles. Le PIB est une mesure (imparfaite, comme toutes les mesures) de la richesse produite pendant une période donnée dans une zone géographique donnée.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 1 – PIB mondial de 1 à 2022, en trillions de dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

Comme le montrera le reste de l’article, le PIB n’est pas la seule série statistique qui a connu une croissance exponentielle lors des deux derniers siècles.

En zoomant sur les trois derniers siècles, la Figure 2 montre que la première phase de la croissance a commencé au 19ᵉ siècle, avec la première Révolution Industrielle et l’émergence du capitalisme.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 2 – PIB mondial de 1700 à 2022, en trillions de dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

Cependant, c’est après la Seconde Guerre mondiale que la phase explosive de la croissance exponentielle a commencé. Nous sommes aujourd’hui toujours dans cette phase explosive.

À quelle date ont eu lieu les accélérations ? On appelle ces accélérations des ruptures structurelles.

Plutôt que de répondre à la question à l’œil nu, j’ai préféré utiliser une méthode statistique pour détecter les ruptures structurelles : l’estimateur bayésien BEAST. Des détails à son sujet sont disponibles dans un appendice technique (en anglais) en fin d’article. En appliquant BEAST sur les données de la Figure 2 (à partir de 1820 inclus, avec un intervalle de 5 ans pour l’estimation des données manquantes, voir l’appendice technique en fin d’article pour les détails), je détecte trois possibles ruptures structurelles :

  • 1875, avec une probabilité de 1.8 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1955, avec une probabilité de 64.4 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1995, avec une probabilité de 79.5 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture

1955 correspond à la reconstruction de l’après-guerre en Europe. 1995 correspond à l’accélération du développement économique d’une partie de l’Asie.

La quantité de richesses produites chaque année par l’humanité est vertigineuse. En 1820, le PIB mondial était d’environ 1.2 trillion de dollars, soit 1.200 milliards de dollars. En 2022, il est de 130 trillions. En deux siècles, le PIB mondial a augmenté d’un facteur de quasiment 110. Ces chiffres sont tellement gigantesques qu’ils sont difficiles à se représenter.

L’humanité n’a jamais été aussi nombreuse

Alors que l’humanité n’a jamais produit autant de richesse, il n’y a en parallèle jamais eu autant d’humains vivant en même temps sur la planète.

Comme pour le PIB, la Figure 3 montre que la population a, elle aussi, connue une croissance exponentielle lors des deux derniers siècles.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 3 – Population mondiale entre -10.000 et 2021, en milliards de personnes. Données : Gapminder - Population v7 (2022) et autres sources, avec retraitement majeur par Our World in Data.

En zoomant sur les trois derniers siècles, la Figure 4 montre que la population augmente de manière continue et linéaire à partir du 18ᵉ siècle. Comme pour le PIB, c’est à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que l’augmentation de la population s’accélère.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 4 – Population mondiale de 1700 à 2021, en milliards de personnes. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Gapminder - Population v7 (2022) et autres sources, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST (à partir de 1700 inclus, avec un intervalle d’un an pour l’estimation des données manquantes, voir l’appendice technique en fin d’article pour les détails) détecte de multiples ruptures structurelles. Les principales sont les suivantes :

  • 1821, avec une probabilité de 27.5 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1881, avec une probabilité de 44.2 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1922, avec une probabilité de 46.3 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1951, avec une probabilité de 96.6 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1970, avec une probabilité de 89.3 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture

Une possible interprétation des trois premières ruptures est le début de la transition démographique dans différents pays d’Europe. 1951 est visible à l’œil nu sur le graphique, et correspond à l’extension de la transition démographique au reste du monde.

En 1820, la population mondiale était d’environ 1.2 milliard de personnes. En 2021, elle était de quasiment 8 milliards de personnes. En deux siècles, la population mondiale a augmenté d’un facteur de 6.5.

Cependant, la population mondiale connaîtra un pic dans les prochaines décennies, avant de décroître. Comme le montre la Figure 5, le taux de croissance de la population a commencé à décroître dès les années 1960.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 5 – Taux de croissance annuel de la population mondiale de 1950 à 2021. Courbe grise en pointillés : ajustement avec une régression locale, intervalle de confiance de 95 %. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : ONU, World Population Prospects (2022), retraitement par Our World in Data.

Mathématiquement, la dérivée seconde de la courbe est devenue négative. C’est comme si la baignoire continuait à se remplir (la population continue d'augmenter), mais que le débit du flux d’eau entrant était progressivement en train de se réduire (l’augmentation en pourcentage est de plus en plus petite).

BEAST détecte les ruptures structurelles suivantes :

  • 1958, avec une probabilité de 99.7 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1962, avec une probabilité de 99.99 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1968, avec une probabilité de 2 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1975, avec une probabilité de 81.1 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1991, avec une probabilité de 90.6 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1999, avec une probabilité de 40 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 2015, avec une probabilité de 62 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture

Lorsque le taux de croissance atteindra 0 %, la population cessera d’augmenter. Lorsque le taux de croissance deviendra négatif, la population commencera à diminuer. C’est déjà le cas dans un certain nombre de pays riches, comme le Japon.

Selon les prévisions, la population mondiale pourrait commencer à décroître d'ici à la fin du siècle. Pour en savoir plus, vous pouvez lire cet article de Max Roser et Hannah Richie (en anglais).

Two centuries of rapid global population growth will come to an end
Global population has increased rapidly over the past century. This period of rapid growth is temporary: the world is entering a new equilibrium and rapid population growth is coming to an end.
L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1aOur World in DataBy: Max Roser and Hannah Ritchie
L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a

L’humain moyen n’a jamais produit autant de richesses

Dans la mesure où la population a connu une croissance exponentielle, il est raisonnable de se dire que le PIB ait, lui aussi, connu une croissance exponentielle. Si, chaque année, chaque humain produit 1.000 euros de richesse, et qu’en deux siècles, le nombre d’humains a été multiplié par 6.5, la richesse totale aura (logiquement) augmenté d’un facteur équivalent à celui de la population — soit 6.5.

Pour autant, on a vu que le facteur de croissance de la population et du PIB sont différents. La population a augmenté d’un facteur de 6.5, alors que le PIB a augmenté d’un facteur de quasiment 110. Le PIB a augmenté quasiment 17 fois plus que la population. 

Pour contrôler, c’est-à-dire pour neutraliser, l’effet de la croissance démographique sur la richesse, on utilise le PIB par habitant. Le PIB par habitant consiste à diviser le PIB par la population.

Comme le montre la Figure 6, le PIB par habitant a, lui aussi, connu une croissance exponentielle. C’est ce qui me permet d’écrire que l’humain moyen n’a jamais produit autant de richesses.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 6 – Moyenne mondiale du PIB par habitant de 1 à 2022, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

En zoomant sur les trois derniers siècles, la Figure 7 montre qu’il y a eu deux grandes phases. Une première phase d’augmentation lente, à partir du 19ᵉ siècle. Il s’agit de la première Révolution Industrielle et de l’émergence du capitalisme. Une seconde phase d’augmentation rapide, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 7 – Moyenne mondiale du PIB par habitant de 1700 à 2022, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

BEAST (à partir de 1820 inclus, avec un intervalle de 5 ans pour l’estimation des données manquantes, voir l’appendice technique en fin d’article pour les détails) détecte les ruptures structurelles suivantes :

  • 1880, avec une probabilité de 1.9 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 1960, avec une probabilité de 76.1 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
  • 2005, avec une probabilité de 75.2 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture

Le PIB par habitant montre des ruptures semblables à celles du PIB. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe se reconstruit. Au tournant des années 2000, ce sont de nombreux pays asiatiques qui voient leur PIB fortement augmenter.

Le PIB par habitant est passé d’environ 1.100 $ par an en 1820 à environ 16.500 $ par an en 2022. En deux siècles, la quantité moyenne de richesse produite par un humain a augmenté d’un facteur d’environ 16, un facteur semblable au facteur de quasiment 17 que je mentionnais plus haut. Pour le dire autrement, en deux siècles, la richesse produite par chaque humain vivant sur la planète a été multipliée par 16.

Si l’augmentation du PIB avait été uniquement due à la croissance de la population, le facteur de croissance du PIB par habitant aurait dû n’être que de 1.

À quoi est due cette « sur-augmentation » d’un facteur 16 du PIB par habitant ? C’est à cette question qu’essaie de répondre la branche de la science économique qui étudie la croissance économique de long terme. La théorie aujourd’hui dominante, la théorie de la croissance endogène, montre que la croissance économique de long terme est d’abord due à l’innovation. En grande partie grâce à l’innovation, technologique mais pas seulement, les humains d’aujourd’hui sont capables de produire en moyenne 16 fois plus de richesse aujourd’hui que les humains d’il y a deux siècles.

Une richesse qui reste inégalement répartie

Dire que l’humanité connaît aujourd’hui un niveau de richesse sans précédent n’implique pas que cette richesse soit répartie de manière uniforme sur la planète. La Figure 8 le montre : historiquement, ce sont d’abord les pays occidentaux qui ont connu une augmentation de leur richesse, mesurée ici avec le PIB par habitant.

L’humanité n’a jamais été aussi riche ni aussi nombreuse – Décryptage #1a
Figure 8 – PIB par habitant de 1820 à 2022 dans les régions du monde, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences de coût de la vie entre pays. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.

On voit cependant que depuis les années 1990, le PIB par habitant augmente dans toutes les régions du monde.

La croissance économique n’est pas un jeu à somme nulle : l’augmentation du PIB par habitant dans le pays A n’implique pas une diminution du PIB par habitant dans le pays B. A et B peuvent voir leur PIB par habitant croître simultanément. Comme le montre la Figure 8, c’est ce qui arrive depuis plusieurs décennies. Néanmoins, malgré l’augmentation quasiment généralisée du PIB par habitant dans les grandes régions du monde, l’écart entre les pays occidentaux et les autres pays reste important. 

À noter que les moyennes de la Figure 8 ne disent rien des inégalités à l’intérieur des pays. Il y a des inégalités entre les pays, et il y a des inégalités à l’intérieur des pays. Elles peuvent chacune avoir des dynamiques différentes.

Conclusion

Les données montrent qu’il n’y a jamais eu autant d’humains sur la planète, et qu’ils n’ont jamais été aussi riches.

Une telle richesse est corrélée à de nombreuses avancées sociales, telles que l’accès à l’éducation, l’accès à la santé, l’augmentation de l’espérance de vie, la fin du travail des enfants, l’accès à des systèmes de retraite, l’accès aux loisirs, et ainsi de suite. Cette richesse est également corrélée à de nombreuses crises environnementales, comme le réchauffement climatique, l’artificialisation des sols ou la réduction de la biodiversité.

Les deux derniers siècles ont été une profonde rupture pour l’humanité. Par toutes ces transformations, l’expérience individuelle de l’existence a profondément changé. Notre quotidien est sans comparaison avec le quotidien de nos ancêtres d’il y a seulement deux siècles. Je ne suis pas certain que l’on s’en rende souvent compte.

Dans les prochains articles de la série, j’explorerai l’évolution du PIB par habitant dans les grandes régions du monde (Décryptage #1b), dans quelques pays, dont la France et les États-Unis (Décryptage #1c), et j’explorerai à quoi ressemblait la vie avant l’émergence du capitalisme (Décryptage #1d).

Pour ne pas manquer les prochains articles, abonnez-vous à ma newsletter.

Aviez-vous en tête l’existence de ces nombreux phénomènes exponentiels ? Saviez-vous qu’une part substantielle des évolutions ont eu lieu après la Seconde Guerre mondiale ? Saviez-vous que la croissance de la population avait commencé à ralentir depuis plusieurs décennies ? Saviez-vous que l’humain moyen avait vu sa richesse augmenter d’un facteur 16 depuis des deux derniers siècles ? Saviez-vous que toutes les régions du monde voient leur richesse par habitant augmenter, mais que des écarts importants persistent ?

Vous pouvez répondre à ces questions dans les commentaires de cet article, ou en répondant par e-mail si vous avez reçu l’article par e-mail.

Si vous avez trouvé l’article intéressant, n’hésitez pas à le partager autour de vous. Le bouche-à-oreille joue un rôle déterminant pour faire connaître mon travail.

À bientôt pour le prochain article de la série,
Olivier

Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Chère lectrice, cher lecteur,

Est-ce que le Sénat du Tennessee a réellement voté une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails ? Je vous propose aujourd’hui la deuxième, et dernière, partie de mon enquête visant à répondre à la question.

Pour rappel, les chemtrails sont une théorie du complot, largement débunkée, prétendant que les trainées de condensation des avions de ligne seraient des produits chimiques, répandus à dessein par le gouvernement dans divers objectifs de manipulation.

D’après la première partie de mon enquête, la loi votée par la majorité républicaine du Sénat du Tennessee semblait bel et bien être une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails. Jusqu’à ce que je lise le texte de l’amendement : le texte pourrait tout à fait correspondre à une interdiction des expérimentations sauvages de géo-ingénierie, expérimentations qui ont malheureusement déjà eu lieu. Et si les médias avaient mal représenté le texte voté ?

Après avoir découvert que les minutes des débats au Sénat étaient disponibles en vidéo, je décide de les explorer. Les débats autour de la loi devraient m’indiquer si la loi porte sur les chemtrails, ou si elle porte sur les expérimentations sauvages de géo-ingénierie. C’est peu de dire que l’exploration des minutes m’ont permis de répondre sans ambiguïté à la question…

Si ça n’est pas déjà fait, n’hésitez pas à (re)lire la première partie de mon enquête, afin d’avoir les informations pertinentes en tête.

Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails – Partie 1
Le problème ? Non seulement, les chemtrails n’existent pas. Pire, il s’agit d’une théorie du complot sans fondement.
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Une témoin et un comité

Je vais immédiatement mettre un terme au suspens : non, la loi n’a pas pour objectif d’encadrer les expérimentations sauvages de géo-ingénierie. Il s’agit d'une loi conspirationniste, qui s’insère à la virgule près dans l’écosystème conspirationniste dans lequel le Parti républicain baigne désormais. Les minutes des débats sont édifiantes, et ne laissent place à aucun doute.

Le site du Sénat propose deux vidéos : le vote en session plénière, et le vote dans le comité dédié à l’énergie, à l’agriculture et aux ressources naturelles.

Dans de nombreux parlements, y compris en France, le vote en session plénière est souvent purement formel. Il se contente d’acter les décisions prisent dans les comités. Il est simplement plus pratique de travailler ainsi. Pour cette raison, les débats dans les comités sont généralement plus importants que les débats en session plénière. Puisqu’il n’y a pas de débat lors du vote en session plénière, en toute hypothèse, c’est en comité que la loi a été débattue.

Je me suis donc intéressé à la session du comité du 6 mars 2024. Je n’ai, disons, pas été déçu du voyage.

Senate Energy, Ag., and Nat. Resources Committee
Live and Recorded Public meetings of Senate Energy, Ag., and Nat. Resources Committee for Tennessee State Legislature
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

J’ai extrait la dizaine de minutes de la session du comité portant spécifiquement sur l’amendement SB2691. J’ai également retranscrit les échanges. L'extrait montre sans ambiguïté que la loi est fondamentalement conspirationniste.

0:00
/9:51

Figure 1

Transcription

  • Transcription par Microsoft Stream.
  • Mis en forme et édité par Olivier Simard-Casanova.
  • En gras : la personne qui parle. En italique : le début de la prise de parole dans la Figure 1.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

0:00

You are recognized on Senate Bill 2691. Also has an amendment on it.

0:06

Does the amendment make that bill?

Chairman Steve Southerland

0:07

It does.

0:08

I'll move the bill.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

0:10

Chairman Sutherland moves the bill.

0:12

I second the bill.

0:13

We want to go ahead and get it in the right.

0:15

I move Amendment 014295.

0:18

Chairman Sutherland seconds it, in favor of the amendment.

0:23

Any objections?

0:25

The amendment is on the bill.

0:26

Do you want to explain it to us?

Chairman Steve Southerland

0:27

I'd like to go into recess and have someone to testify, if you would, please.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

0:33

OK, we're going to go into recess.

0:35

If you could please come forward.

0:44

If you would, please raise your right hand.

0:49

Do you affirm that the testimony you're providing to the Senate Energy Agricultural Natural Resource today is truthful and correct to the best of your knowledge?

Doctor Denise Sibley

0:58

Yes, Sir.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

0:59

Thank you.

0:59

Can you please state your name?

1:05

We have 3 minutes.

1:07

We're out of session or in recess.

Doctor Denise Sibley

1:10

My name is Doctor Denise Sibley.

1:12

I'm an internal medicine physician from Johnson City, TN.

1:15

I've practiced medicine for 35 years.

1:17

I support this bill and I refer to it as the Atmosphere Protection Act.

1:22

Several states besides our own, including New Hampshire, Rhode Island, Kentucky, Connecticut, Iowa, and South Dakota are involved in actions to protect their atmosphere as well.

1:32

Cloud seeding, quote, has been recognized since 1965 in Maryland and since 1967 in Pennsylvania, both in our own TCA 58-2-116 which specifically mentions legal weather modification in our own state and in this 44 pages White House produced document from June 2023, which is a congressionally mandated report regarding the framework for governmental past, present and future weather modification through solar radiation modification using stratospheric aerosol injection, marine cloud brightening and cirrus cloud thinning.

2:16

There is no doubt that weather modification is taking place within our state.

2:21

These actions of intentional manipulation of the atmosphere produce pollution and unintentional consequences that affect the health of our citizens, the safety of our water supply, our soil viability and crop production, ecosystem survival, precipitation extremes with flooding and drought, climate variability and extremes and disruption of the economy.

2:43

The spring of sulfur dioxide is identified as causing acid rain, known to be detrimental to the health of humans, causing respiratory diseases such as asthma and worsening lung disease, and it acidifies the water supply and soil.

2:57

In addition, heavy metals have been detected in rainwater samples in Tennessee from 2017 from Clarksville, TN that contains dangerous substances such as strontium, barium, aluminum, and sulfur.

3:12

We are in the process of obtaining new samples as well in our area.

3:16

We do not consent to this experimentation on our atmosphere and our citizens, nor the funding of it.

3:22

We do not consent to the intentional blocking of the sun through the use of particulate aerosols and heavy metals.

3:28

Blocking the sun would affect our crops with potential famine, deforestation, and the blocking of vitamin D production by humans, which is a major determinant of a natural immunity.

3:39

We do not consent to this unnatural, God-like desire to control the Heavens.

3:43

If we fail to block these actions with legislation by providing our own governance, then we will continue to be manipulated by the federal government and the stakeholders that are named in this White House report.

3:57

Scientific American in February 2023 also reported on the UN One Atmosphere global government for the experimentation and deployment of solar geoengineering and solar radiation modification, which would link all world governments under a singular control.

4:16

I urge you to support our 9th and 10th amendments to lead the nation as Tennessee forcefully says "No", not in this state.

4:23

You won't mess with our atmosphere.

4:25

Thank you for your work on behalf of our citizens.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

4:27

Hey Doctor, thank you for the testimony.

4:30

Do we have any questions for the witness?

4:33

Senator Oliver, you’re recognized.

Senator Charlane Oliver

4:36

Thank you.

4:36

Sorry, I didn't catch your name.

Doctor Denise Sibley

4:39

Doctor Denise Sibley.

Senator Charlane Oliver

4:41

Thank you, Doctor Sibley. Can you explain geoengineering to me like I'm 5?

Doctor Denise Sibley

4:47

Geoengineering is the intention of modifying the atmosphere to control the sun's radiation down to the Earth and to reflect some of that back in an effort to supposedly combat climate change and to also modify the weather.

Senator Charlane Oliver

5:09

Where is this geoengineering taking place In Tennessee?

Doctor Denise Sibley

5:14

The geoengineering is taking place on a United States wide area.

5:20

It is, the national organizations that are mentioned in this document.

5:26

Again, this is a White House produced congressional mandated document, or NASA and NOAA, which is the National Oceanic and Atmospheric Association, other academic entities that are involved in experimentation and modeling, as well as the Office of Scientific, OSTP, which I'd have to refer to that what that stands for.

5:51

But there are several national organizations that participate in this.

5:55

NASA and NOAA are the main ones.

Senator Charlane Oliver

5:56

But they're doing this in Tennessee?

Doctor Denise Sibley

6:00

They do it all over.

Senator Charlane Oliver

6:02

Gotcha.

6:03

So this bill, I'm trying to understand, this bill would prohibit them from doing geoengineering in Tennessee?

Doctor Denise Sibley

6:11

We would like to prohibit that for our citizens as we want the overreach of the government to not extend and injure the health of our citizens.

6:23

Yes, ma'am.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

6:26

Senator Bowling, you’re recognized.

Senator Janice Bowling

6:28

Thank you very much Doctor Sibley.

6:31

I do appreciate your coming to us with this and others.

6:35

I have been hearing about this from constituents for quite a time.

6:38

And the fact that it is taking place over Tennessee, it is up to us to stop this.

6:44

And I thank you for bringing this.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

6:47

Senator Niceley, you’re recognized.

Senator Frank Niceley

6:50

Thank you, Doctor Sibley.

6:51

This will be my wife's favorite bill of the year.

6:54

She has worried about this, I bet 10 years.

6:57

It's been going on a long, long time and it's amazing how many people never look up during the day.

7:03

But if you look up one day, let's be clear, the next day they will look like some angels being playing tic tac toe.

7:11

They're everywhere.

7:12

I've got pictures on my phone with Xes right over my house.

7:16

For years they denied that they were doing anything and then they finally admitted. I found it in the budget.

7:22

So we know they were doing it. Then they say, well it's to dim the sun so we don't have global cooling or warming or climate change.

7:31

They're saying that some of this stuff they're putting in the sky is to enhance the communication between the satellites and our cell phones and everything to make it make the transmissions more accurate.

Doctor Denise Sibley

7:45

Yes, Sir.

Senator Frank Niceley

7:47

So I don't know what's going on.

7:48

We need to know.

7:49

I think this is one of the better bills we've passed this year.

7:53

The only problem I have with it, there's no teeth in it.

7:56

But I think we should put some teeth in. If we catch a pilot doing this, jerk his license for six months or fine him some money.

8:02

I've noticed down here we pass bills and if we don't put teeth in it, they tend to ignore it.

8:08

I'd like to offer an amendment to put some kind of teeth in it, if we could.

Chairman Steve Southerland

8:17

Well, I think it might put a fiscal note on it if we do that.

8:21

So, I would prefer that we just pass it clean like.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

8:29

Any other questions or comments? From Senator Lowe. You're recognized.

Senator Adam Lowe

8:35

Thank you, Mr. Chairman.

8:35

The big revelation of the day is that Frank has a phone that takes pictures.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

8:43

Your name was called.

Senator Frank Niceley

8:45

Now, excuse me. Did you say the gentlemen from Strawberry Plains?

8:55

Smart people have a smartphone.

8:57

Wise people have flip phones.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

9:02

Thank you, Doctor Sibley, for your time.

Doctor Denise Sibley

9:04

Thank you, Sir, for letting me present today.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

9:06

We're going back into session.

9:08

Members, do you have any additional questions for the amended bill for Chairman Southerland?

9:15

Seeing none.

9:17

Madam clerk, can you please take the vote?

Clerk

9:20

Senator Bowling votes aye.

9:22

Senator Campbell votes no.

9:24

Senator Lowe votes aye.

9:26

Senator Niceley votes aye.

9:29

Senator Oliver votes no.

9:31

Senator Reeves votes aye.

9:33

Senator Rose votes aye.

9:35

Senator Walley votes aye.

9:37

Chairman Southerland votes aye.

9:39

There are 7 ayes.

9:40

2 noes.

1st Vice-Chairman Shane Reeves

9:41

Thank you.

9:47

Bill goes to calendar.

La session du comité tourne autour du témoignage d’une médecin, Denise Sibley. On s’intéressera plus loin à son profil. Pour le moment, intéressons-nous aux arguments auxquels elle a recours dans son témoignage. Pour rappel, il s’agit d’un témoignage sous serment.

Immédiatement, je suis alerté. Denise Sibley débute son témoignage en expliquant qu’elle est médecin, depuis 35 ans. Elle cite un peu plus loin des documents « de la NASA », « de la Maison Blanche », « de la NOAA ». Même si de tels arguments ne sont pas en eux-mêmes des preuves, mettre en avant son statut de médecin pour aborder un débat sans rapport direct avec la médecine, ou prétendre que des institutions crédibles seraient à l’origine de documents qui contiendraient des révélations choquantes, sont des éléments de langage classiques du discours conspirationniste.

Pour autant, similitude ne vaut pas preuve. Je suis alerté, mais ces arguments ne prouvent rien.

Non, ce qui prouve que Denise Sibley défend une position conspirationniste, c’est (notamment) cet extrait.

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Figure 2

La transcription — c’est moi qui souligne :

Cloud seeding, quote, has been recognized since 1965 in Maryland and since 1967 in Pennsylvania, both in our own TCA 58-2-116 which specifically mentions legal weather modification in our own state and in this 44 pages White House produced document from June 2023, which is a congressionally mandated report regarding the framework for governmental past, present and future weather modification through solar radiation modification using stratospheric aerosol injection, marine cloud brightening and cirrus cloud thinning. There is no doubt that weather modification is taking place within our state.

En français :

L'ensemencement de nuages est, je cite, reconnu depuis 1965 dans le Maryland et depuis 1967 en Pennsylvanie, à la fois dans notre propre TCA 58-2-116 qui mentionne spécifiquement les modifications légales des conditions météorologiques dans notre propre État et dans ce document de 44 pages produit par la Maison Blanche en juin 2023, qui est un rapport mandaté par le Congrès concernant le cadre de la modification gouvernementale passée, présente et future des conditions météorologiques par la modification du rayonnement solaire en utilisant l'injection d'aérosols stratosphériques, l'éclaircissement des nuages marins et l'amincissement des cirrus. Il ne fait aucun doute que des modifications météorologiques ont lieu dans notre État.

Denise Sibley affirme que l’État fédéral américain aurait recours à des techniques de chemtrails, et ce depuis 1965. Elle affirme également qu’il « ne fait aucun doute » que ces techniques sont utilisées dans le ciel du Tennessee. Comme le dit souvent Thomas C. Durand de La Tronche en Biais : « si c’est vrai, c’est très grave ».

Bien sûr, « l’information » n’a bien sûr aucun fondement. Cette déclaration de Denise Sibley réfute sans doute à elle seule l’hypothèse que la loi aurait pour objectif d’encadrer les expérimentations sauvages de géo-ingénierie menées par des startups peu scrupuleuses.

Plus loin, Denise Sibley réitère ses propos lorsque la sénatrice démocrate Charlane Oliver lui demande si des épandages ont lieu dans le ciel du Tennessee.

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Figure 3

La réponse de Denise Sibley :

The geoengineering is taking place on a United States wide area.

En français :

La géo-ingénierie est mise en œuvre sur l'ensemble du territoire des États-Unis.

Lorsque la sénatrice lui pose une seconde fois la question, voici la réponse :

They do it all over.

En français :

Ils le font partout.

Les déclarations de Denise Sibley sont accablantes.

Pire, certains sénateurs, tous républicains, tiennent eux-mêmes des propos conspirationnistes.

Commençons par la sénatrice Janice Bowling.

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Figure 4

Janice Bowling affirme notamment :

And the fact that it [the chemtrails] is taking place over Tennessee, it is up to us to stop this.

En français :

Et le fait que cela [les chemtrails] se passe partout au-dessus du Tennessee, c'est à nous d'y mettre fin.

La sénatrice affirme elle aussi que l’État fédéral procéderait à de l’épandage de produits chimiques dans le ciel du Tennessee.

Le sénateur Frank Niceley n’est pas en reste.

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Figure 5

En particulier, Frank Niceley se pose de nombreuses questions, et aurait même trouvé certaines réponses :

This will be my wife's favorite bill of the year. She has worried about this, I bet 10 years. It's been going on a long, long time and it's amazing how many people never look up during the day. But if you look up one day, let's be clear, the next day they will look like some angels being playing tic tac toe. They're everywhere. I've got pictures on my phone with Xes right over my house. For years they denied that they were doing anything and then they finally admitted. I found it in the budget. So we know they were doing it. Then they say, well it's to dim the sun so we don't have global cooling or warming or climate change. They're saying that some of this stuff they're putting in the sky is to enhance the communication between the satellites and our cell phones and everything to make it make the transmissions more accurate.

En français :

Ce sera la loi préférée de ma femme cette année. Elle se préoccupe de cette question depuis 10 ans, je parie. Cela dure depuis très longtemps et il est étonnant de voir combien de personnes ne lèvent jamais les yeux pendant la journée. Mais si vous levez les yeux un jour, soyons clairs, le lendemain, ils ressembleront à des anges jouant au morpion. Ils sont partout. J'ai des photos sur mon téléphone avec des X au-dessus de ma maison. Pendant des années, ils ont nié qu'ils faisaient quelque chose, puis ils ont fini par l'admettre. Je l'ai trouvé dans le budget. Nous savons donc qu'ils le faisaient. Ensuite, ils disent que c'est pour réduire la luminosité du soleil afin d'éviter le refroidissement ou le réchauffement de la planète ou le changement climatique. Ils disent que certaines des choses qu'ils mettent dans le ciel servent à améliorer la communication entre les satellites et nos téléphones portables et tout le reste pour rendre les transmissions plus précises.

Lorsque le sénateur Frank Niceley mentionne l’idée, pour le moins saugrenue, que l’épandage de produits chimiques par les avions de ligne, un épandage qui n’existe donc pas, aurait notamment pour objectif d’améliorer la connectivité des smartphones (vers 0m50 dans la vidéo de la Figure 5), Denise Sibley répond par un « Yes Sir » — « Oui, monsieur ».

Compte tenu des propos de Denise Sibley, et compte tenu des propos des sénateurs républicains, il me semble désormais établi au-delà de tout doute raisonnable que l’amendement SB2691 est bel et bien conspirationniste.

Qui est Denise Sibley ?

Dans la mesure où le témoignage de Denise Sibley est au cœur des débats, il me semble utile de s'intéresser au profil de Denise Sibley. Denise Sibley est-elle une témoin de confiance ?

Avant de continuer, une précision importante. S’intéresser au profil de Denise Sibley n’a pas pour objectif de lui mettre une cible dans le dos. Il est hors de question de la harceler, de la menacer, ou de faire preuve d’un quelconque comportement antisocial à son égard. De telles méthodes scélérates sont celles des conspirationnistes, inutile de s’en inspirer.

Retour à Denise Sibley. Il suffit de consulter quelques minutes son site Internet pour constater qu’elle participe activement à l’écosystème conspirationniste conservateur.

Dr. Denise Sibley
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2Dr. Denise Sibley0
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Dès la page d’accueil, je suis alerté. Comme le montre la Figure 6, Denise Sibley se qualifie de « freedom fighter », une « combattante de la liberté ». C’est un élément de langage classique des sphères conspirationnistes conservatrices américaines.

Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2
Figure 6 – Capture d’écran partielle de la page d’accueil du site de Denise Sibley.

C’est par exemple au nom de la « liberté » que les conspirationnistes conservateurs ont combattu masques et vaccins contre la COVID, contribuant à la mort évitable de dizaines de milliers de personnes.

Excess death rates for Republicans and Democrats during the COVID-19 pandemic
Political affiliation has emerged as a potential risk factor for COVID-19, amid evidence that Republican-leaning counties have had higher COVID-19 death rates than Democrat-leaning counties and evidence of a link between political party affiliation and vaccination views. This study constructs an individual-level dataset with political affiliation and excess death rates during the COVID-19 pandemic via a linkage of 2017 voter registration in Ohio and Florida to mortality data from 2018 to 2021. We estimate substantially higher excess death rates for registered Republicans when compared to registered Democrats, with almost all of the difference concentrated in the period after vaccines were widely available in our study states. Overall, the excess death rate for Republicans was 5.4 percentage points (pp), or 76%, higher than the excess death rate for Democrats. Post-vaccines, the excess death rate gap between Republicans and Democrats widened from 1.6 pp (22% of the Democrat excess death rate) to 10.4 pp (153% of the Democrat excess death rate). The gap in excess death rates between Republicans and Democrats is concentrated in counties with low vaccination rates and only materializes after vaccines became widely available.
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2arXiv.orgJacob Wallace
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Denise Sibley dit également défendre la « liberté religieuse ». Il s’agit cette fois d'un élément de langage classique de la droite protestante radicale américaine, alliée à Donald Trump, et qui a minima tolère de cohabiter avec le conspirationnisme d’extrême-droite.

Le reste du site Internet confirme mes suspicions.

Une page est dédiée à la COVID-19. En tant que médecin, je m’attends à ce que Denise Sibley y prodigue des conseils basés sur les preuves scientifiques.

COVID-19 — Dr. Denise Sibley
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2Dr. Denise Sibley0

Or, dans un long texte disponible en capture d’écran dans la Figure 7, elle recommande, entre autres, de traiter les infections à la COVID-19 avec de l’ivermectine et de l’hydroxychloroquine.

Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Figure 7 – Capture d’écran des recommandations de Denise Sibley pour lutter contre la COVID-19.

Je ne vais pas détailler ce que Denise Sibley affirme dans ce texte. Il y a beaucoup d’affirmations sans preuves, voire de fausses informations, et ça n’est pas le sujet de l’enquête. Je vais me contenter de noter qu’elle mentionne « Marseille », sous-entendu l’équipe de Didier Raoult à l’IHU, lorsqu'elle aborde l’hydroxychloroquine (troisième image de la Figure 7). On a là une belle illustration que l’œuvre de Didier Raoult sert de substrat à des conspirationnistes américains.

La page dédiée à la COVID-19 contient des vidéos, dont au moins une traite des masques. Je n’ai pas regardé ces vidéos. Je suppose qu'elles contiennent également de la désinformation médicale.

La dernière page qui m’intéresse est celle où Denise Sibley relate ses interventions médiatiques.

Media — Dr. Denise Sibley
Dr. Denise Sibley fights for freedom speaking on the current Board of Health’s overreach and tyranny in regards to Covid 19. 
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2Dr. Denise Sibley0
Le Sénat du Tennessee vote une loi conspirationniste pour interdire les chemtrails – Partie 2

Une lecture superficielle suffit pour constater que Denise Sibley est intervenue à de nombreuses reprises dans les médias conspirationnistes de l’extrême-droite américaine, comme le podcast de Tomi Lahren.

Afin de conserver une archive de ces pages, j’en ai fait des captures d’écran en PDF.

Compte tenu de toutes ces informations, il me semble douteux de faire confiance aux propos de Denise Sibley. Il me semble encore plus douteux de l’inviter en tant que témoin sous serment dans une chambre législative. C’est pourtant ce qu’a fait le Sénat du Tennessee.

La dérive conspirationniste du Parti républicain

Mon enquête confirme que les sénateurs républicains du Sénat du Tennessee ont bel et bien voté une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails. Cette loi, surréaliste, fondamentalement conspirationniste, qui prétend lutter contre un phénomène qui n’existe pas, illustre de manière spectaculaire la dérive conspirationniste du Parti républicain. Une dérive qui s’est accélérée depuis bientôt dix ans, avec la domination désormais complète du parti par Donald Trump. Je ne serais pas surpris que des lois similaires soient votées par d’autres législatures contrôlées par le Parti républicain.

En plus de clarifier le caractère conspirationniste de la loi, j’ai voulu que mon enquête soit la plus transparente, la plus complète et la plus méthodique possible. Répondre efficacement à la désinformation et à la mésinformation nécessite rigueur, méthode et prudence épistémique. C’est en tout cas l’approche que je veux suivre. Je ne prétends pas que mon enquête soit parfaite. J’ai en tout cas essayé de la mener en respectant ces principes.

Si mon enquête vous a plu, n’hésitez pas à vous abonner à ma newsletter pour ne pas manquer mes prochains articles de vulgarisation scientifique et sur l’esprit critique.

Vous pouvez également soutenir financièrement mon travail, en vous abonnant à l’une des formules payantes. Pour rappel, mon travail est exclusivement soutenu par vous, lectrices et lecteurs.

À bientôt pour mon prochain article,
Olivier

La campagne de Joe Biden lève beaucoup plus de fonds que la campagne de Donald Trump

La Figure 1 est un intéressant graphique partagé sur Bluesky par Jacob T. Levy. Il s'agit du total cumulé des fonds levés par les campagnes de Donald Trump (en rouge) et par Joe Biden (en bleu), en 2020 (ligne pointillée) et en 2024 (ligne continue), entre 600 jours avant le jour de l'élection et le jour de l'élection ("Election Day").

Les fonds sont des dons, provenant d'individus ou d'organisations. Aux États-Unis, les organisations comme les entreprises peuvent financer les campagnes électorales.

Figure 1 - En millions de dollars.

Le graphique, issu d'un article du New York Times, montre plusieurs faits notables.

⭐️ Point #1 - Semaine du 25 mars 2024

⭐️ Point #1 - Semaine du 25 mars 2024

Chère abonnée, cher abonné,

Je suis très heureux de partager avec vous le premier numéro du Point.

Le Point est un nouveau format que j'ai prévu de publier chaque samedi, normalement à 10 h (heure de Paris). Chaque numéro liste ce que j'ai publié au cours de la semaine dans la newsletter. J'expérimentale également une revue de presse ainsi qu'une section musicale.

Compte tenu du volume important d'articles et de Notes que je publie, l'un des objectifs du Point est de vous permettre de recevoir un email récapitulatif par semaine, plutôt qu'un email pour chaque article ou chaque Note. Vous êtes un certain nombre à m'avoir demandé cette option, la voici désormais disponible.

Vous pouvez paramétrer les emails que vous recevez dans votre compte.

Si vous avez connu les numéros du Fil que je publiais sur L'Économiste Sceptique, la revue de presse du Point s'en rapproche. La différence est que la revue de presse du Point couvre davantage de thématiques, est mieux organisée, et ne porte pas sur la littérature scientifique. J'ai prévu de partager la littérature scientifique dans des Notes ainsi que dans des articles.

Enfin, la section musicale me permet de partager sans prétention la musique que j'écoute en ce moment.

En fonction de vos retours et de la simplicité à maintenir la revue de presse et la section musicale, il est possible que ces deux sections du Point évoluent — voire disparaissent si l'expérimentation n'est pas concluante. Par contre, le récapitulatif hebdomadaire est un format pérenne, qui n'est pas expérimental.

L'accès au Point nécessite un abonnement à l'une des formules payantes de ma newsletter.

Bonne lecture !

Olivier

Daniel Kahneman est décédé

J'apprends sur Bluesky que le psychologue et économiste américano-israélien Daniel Kahneman est décédé à l'âge de 90 ans.

Au cours de sa longue carrière scientifique, Daniel Kahneman a contribué à montrer que les mécanismes psychologiques influencent substantiellement les décisions humaines, dont les biais cognitifs. Psychologue de formation, ses travaux ont participé à fonder l'économie comportementale, une branche de la science économique à la frontière avec la psychologie.

Il a reçu le Prix Nobel en 2002.

Mes condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.

Best-selling psychologist of Thinking, Fast and Slow, dies at 90
One of the founders of behavioral economics, who incorporated human quirks into the study of how people make economic decisions, has died. Daniel Kahneman was 90.
NPRScott Horsley

Via Paul Hünermund sur Bluesky

La plainte de X contre une association luttant contre la haine en ligne classée sans suite

En juillet 2023, le Center for Countering Digital Hate (CCDH), une association luttant contre la haine en ligne, a publié une série de rapports prétendant que X, anciennement Twitter, ne modère pas, ou très peu, certains discours de haine. En réponse, Elon Musk a annoncé que X allait porter plainte contre le CCDH, au prétexte que les rapports seraient fallacieux et destinés à nuire à X en faisant fuir les annonceurs.

Je me permets de noter que le comportement dérangé de Elon Musk, le fait qu'il propage constamment des théories conspirationnistes et des idées d'extrême-droite, et le délabrement de la plateforme depuis qu'il a racheté Twitter en octobre 2022, sont des explications sans doute convaincantes à la fuite des annonceurs. Mais là n'est pas le sujet.

#126 - Elon Musk est en train de détruire Twitter
Voici un résumé de ce qui est arrivé à Twitter depuis son rachat par Musk en octobre 2022. Accrochez-vous, c’est édifiant.
Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova

Le juge fédéral Charles R. Brayer a rendu son jugement aujourd'hui : la plainte de X est classée sans suite (via Best of Dying Twitter sur Threads). En parcourant la décision du juge, la décision n'a semble-t-il pas été difficile à prendre…

Judge tosses Elon Musk’s X lawsuit against anti-hate group
A judge dismissed all of X’s claims.
The Verge

Pour le juge, il ne fait aucun doute que l'objectif de la plainte de X n'était pas de tenter de faire réparer un dommage que le CCDH aurait causé à X, mais de faire taire le CCDH — et potentiellement, les autres groupes ou individus susceptibles de critiquer la plateforme. Pour le juge, l'objectif de la plainte était de nuire à la liberté d'expression du CCDH. On notera l'ironie de la situation : alors que Elon Musk se présente comme un défenseur de la "liberté d'expression", un juge classe sans suite la plainte de son entreprise parce que l'objectif de la plainte est de… limiter la liberté d'expression d'un tiers.

D'un point de vue juridique, les procédures destinées à faire taire les critiques par l'intimidation, ou en forçant leurs auteurs à des dépenses d'avocat considérables, s'appellent des procédures bâillons (SLAPP en anglais). Or, la Californie a des lois qui protègent la liberté d'expression contre les procédures bâillons. Si j'ai bien compris la décision du juge, c'est au titre de l'une de ces lois qu'il a classé sans suite la plainte de X.

Pour finir, je vous propose la pépite avec laquelle le juge introduit sa décision :

Sometimes it is unclear what is driving a litigation, and only by reading between the lines of a complaint can one attempt to surmise a plaintiff’s true purpose. Other times, a complaint is so unabashedly and vociferously about one thing that there can be no mistaking that purpose. This case represents the latter circumstance. This case is about punishing the Defendants for their speech.

En français :

Parfois, il n’est pas clair ce qui motive une procédure, et ce n’est qu’en lisant entre les lignes d’une plainte que l’on peut essayer de deviner le véritable objectif d’un plaignant. D’autres fois, une plainte est si éhonteusement et si bruyament centrée sur un seul élément qu’il ne peut y avoir aucun doute sur son objectif. Cette affaire représente la dernière situation. Cette affaire vise à punir le défendeur [le CCDH] pour ses propos.

Si le détail de la décision vous intéresse, vous trouverez le fichier PDF ci-dessous. Notez cependant qu'il s'agit d'un long document, qu'il est technique, et qu'il nécessite des compétences pointues en droit américain pour être correctement compris.

La rhétorique de Donald Trump sur l'émeute du 6 Janvier se radicalise

D'après des données compilées par le Washington Post, Donald Trump utilise des propos de plus en plus radicaux dans ses discours pour décrire les émeutiers qui ont attaqué le Capitole le 6 janvier 2021.

Après les avoir qualifiés de "prisonniers politiques", ce qu'ils ne sont pas, Donald Trump appelle désormais les émeutiers des "otages", ce qu'ils ne sont pas non plus.

Figure 1 - Nombre de discours dans lesquels Donald Trump appelle au moins une fois les émeutiers du 6 Janvier des "otages". Source : Washington Post.

En plus de ces qualifications fallacieuses, Donald Trump promet également une amnistie des émeutiers.

www.washingtonpost.com via Michael Clemens sur Bluesky

En plus de l'évident problème moral que pose la rhétorique de Donald Trump, la radicalisation de son discours est sans doute une mauvaise stratégie politique. J'ai vu passer au moins deux sondages récents qui montrent qu'une large majorité des américains condamnent l'émeute, ce qu'illustre la Figure 2.

Figure 2 - 22 % des sondés "approuvent" les actions de ceux qui sont entrés de force dans le Capitole le 6 janvier 2021, 78 % "désapprouvent". Source : CBS News et YouGov.

Pire, la Figure 3 montre que la majorité des sympathisants républicains désapprouvent l'émeute. Y compris les sympathisants MAGA ("Make America Great Again"), qui sont pourtant les sympathisants républicains les plus alignés sur Donald Trump.

Figure 3 - 43 % des sympathisants républicains MAGA ("Make America Great Again") "approuvent" les actions de ceux qui sont entrés de force dans le Capitole le 6 janvier 2021, contre 22 % des sympathisants républicains non-MAGA. Source : CBS News et YouGov.

Un second sondage, que je n'arrive pas à retrouver, montrait que seulement un tiers des sympathisants républicains avaient une vision positive des émeutiers (il me semble que la question posée était "diriez-vous que les personnes ayant participé au 6 Janvier sont des patriotes ?").

Les émeutiers du Capitole sont particulièrement impopulaires dans l'électorat américain. Les défendre comme le fait Donald Trump va à l'encontre de l'opinion publique, ce qui pourrait coûter cher dans les urnes. Le Parti républicain continue par exemple de payer très cher la suppression de la protection fédérale de l'avortement par la Cour Suprême dont il est à l'origine.

Les propos de Donald Trump sont d'autant moins une bonne stratégie politique que les démocrates ont tout intérêt à utiliser sa rhétorique contre lui dans leur communication. Et compte tenu de l'impopularité des émeutiers dans l'opinion publique américaine, on peut se dire que la stratégie sera probablement efficace.

Le débunking : pour ou contre ?

Dans une intéressante vidéo publiée sur Nota Bonus le 20 mai 2023, vidéo que j’ai récemment découverte, Benjamin Brillaud offre une réflexion intéressante sur le débunking.

Faut-il débunker ? Si oui, qui ? Et comment ? Quels sont les avantages et les inconvénients du débunking ? Peut-on utiliser d’autres méthodes pour lutter contre la désinformation et la mésinformation ?

Pour ma part, je n’ai jamais été un grand producteur de débunking. Ça m’est arrivé d’en écrire, et j’ai quelques brouillons de débunking en économie de l’environnement dans des états variés d’avancement. Pour autant, c’est un exercice qui ne m’attire plus. Il est peu probable que je publie un jour ces brouillons.

Du point de vue des finances de la newsletter, publier des débunkings est sans doute une meilleure stratégie que de ne pas en publier. Comme le dit Benjamin dans la vidéo, le débunking a une apparence de confrontation qui attire. Mais ça n’est pas une « ambiance » que je veux favoriser sur la newsletter.

À la place, je préfère adopter l’approche pédagogique dont Benjamin parle également, même si elle fait moins de vues : transmettre des savoirs, issus de sources de qualité, sur des thèmes où la désinformation et la mésinformation prolifèrent, le tout dans une ambiance calme et apaisée.

Pour autant, je ne nie pas l'intérêt du débunking. Je dis encore moins qu’il ne faut pas en faire. Le débunking est utile. Je partage l’opinion de Benjamin lorsqu'il explique qu’opposer débunking et pédagogie n’a guère de sens. Les deux approches ont leur intérêt, et se complètent.

À l’avenir, j’aimerais explorer davantage la littérature scientifique qui étudie l’efficacité du débunking. J’avais déjà publié un premier article de vulgarisation à ce sujet, à partir d’un working paper de science économique. Je souhaite continuer.

💎 #111 - Des preuves de l’efficacité du débunking
Et aussi : la réforme du marché carbone européen, les dérives des influenceurs financiers et des questions sur les capacités industrielles occidentales dans la guerre en Ukraine
Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova

Au-delà des analyses de praticiennes et praticiens de la médiation scientifique et du débunking, analyses qui sont bien sûr utiles, il me semble important d’avoir des réponses plus systématiques. Des réponses que seule la méthode scientifique permet d’obtenir.

J’ai d’ores et déjà mis de côté un certain nombre de références scientifiques. Attendez-vous à ce que je publie de prochains articles sur le sujet. Si ça n’est pas déjà fait, ne les manquez pas en vous abonnant à ma newsletter.

Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4

Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4

À quoi sert la défense ? Combien coûte l’armée chaque année ? Est-ce que les budgets militaires européens sont réellement en augmentation ? À quels autres services publics faut-il renoncer pour financer le réarmement ?

Alors que la Russie a illégalement envahi l’Ukraine, ces questions, et d’autres, sont devenues des questions d’actualité. En plus de fournir un soutien militaire à l’Ukraine, l’hostilité de la Russie oblige les pays européens à se réarmer, afin de renforcer leur dissuasion.

Découvrez comment un chercheur en science économique répond à ces questions dans cet entretien.

Pour s'abonner à la newsletter de la Chaire Économie de défense :

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Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4Chaire Économie de défense - IHEDNBertrand Demandre
Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4

Retrouvez-moi chaque semaine sur France Bleu Sud Lorraine

Retrouvez-moi chaque semaine sur France Bleu Sud Lorraine

Chère lectrice, cher lecteur,

C'est avec grand plaisir que je vous annonce que depuis le mercredi 7 février 2024, je tiens une courte chronique hebdomadaire de médiation scientifique sur France Bleu Sud Lorraine. J'y aborde des travaux scientifiques qui permettent d'éclairer les sujets d'actualité et les thématiques lorrains.

Je partagerai régulièrement les chroniques sur mon site. Même si vous ne vivez pas en Lorraine, je pense qu’elles peuvent vous intéresser.

Participer à un média est une expérience nouvelle pour moi, que je prends avec curiosité et intérêt. En tant que nancéien et lorrain, c'est par ailleurs un réel plaisir que de participer à un grand média local comme France Bleu Sud Lorraine — qui plus est, un média du service public.

Je précise que je ne suis pas rémunéré pour ces chroniques.

J'en profite pour remercier Olivier Damette, Julien Lhuillier ainsi que toute l'équipe de France Bleu Sud Lorraine pour son chaleureux accueil.

Olivier

Un Café sur l'économie de la défense

26 février 2024 à 14:53

Combien coûte la défense nationale chaque année ? Qu’est-ce qu’implique l’augmentation du budget de l’armée pour les autres dépenses publiques, comme l’éducation, la justice, la santé ou encore l’environnement ? Comment l'invasion de l'Ukraine par la Russie modifie-t-elle la trajectoire du budget de la défense, en France mais aussi en Europe ?

Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ces questions, et d’autres, sont devenues des questions d’actualité. En plus de fournir un soutien militaire à l’Ukraine, l’hostilité de la Russie oblige les pays européens à se doter de forces armées robustes, afin de renforcer leur dissuasion.

Je vais enregistrer dans les prochains jours un Café portant sur l'économie de la défense, où nous aborderons ces questions — et d’autres. Mon invité sera Julien Malizard, chercheur en économie de la défense, titulaire-adjoint de la Chaire Économie de défense à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).

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Chaire Économie de défense - IHEDNBertrand Demandre

Si vous avez des questions sur l’économie de la défense que vous aimeriez que je pose à mon invité, n’hésitez pas à m’en faire part — par exemple, en publiant un commentaire sous cette Note.

Pour rappel, les Cafés sont un format où pendant environ une heure, j’échange avec une personne experte sur l’un des thèmes que je couvre dans ma newsletter. Auparavant, les Cafés étaient enregistrés en public. Pour des raisons logistiques, j’ai récemment annoncé qu’ils seront désormais diffusés en différé.

L'émission sera diffusée plus tard dans l’année sur mon site. Pour ne pas la manquer, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter.

Quiz #1 - À la découverte de la macroéconomie

🖋️
Mise à jour le 2 mars 2024 à 15 h 25 : à la suite de vos retours (encore merci !), j'ai substantiellement réécrit le quiz.

Date de publication initiale : le 24 février 2024 à 14 h.
Quiz #1 - À la découverte de la macroéconomie

Si le quiz ne s'affiche pas correctement, vous pouvez y accéder à cette adresse.

Je suis de retour

22 février 2024 à 15:30
Je suis de retour

Chère lectrice, cher lecteur,

En novembre 2023, j'ai publié un article afin de vous rassurer : non, je n'ai pas abandonné L'Économiste Sceptique. Entre la déliquescence de Twitter et d'importants problèmes de santé qui m'ont occupé de l'été 2022 à la fin de 2023, 2023 a été une année difficile pour mon activité de médiation scientifique.

Ai-je abandonné L’Économiste Sceptique ?
Après une année pleine de turbulences, il est temps de faire le point
Je suis de retourOlivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
Je suis de retour

Pour autant, ces péripéties sont derrière moi. En coulisses, le travail a continué. Il a été considérable. Le gros du chantier est désormais terminé. Ce qui me permet de vous annoncer que je reprends le rythme normal de publication de mon contenu de médiation scientifique. Avec trois importants changements.

Par ailleurs, j'ai conscience qu'au cours des derniers mois, ma communication n'a pas été idéale. Je vous propose de faire le point.

📋
En bref

• Je reprends la publication de mon contenu de médiation scientifique sur la science économique, l'esprit critique, l'environnement et les États-Unis à un rythme normal.
• Même chose pour mon contenu sur la création de contenu sur Internet.

• Annonce #1 : j'ai fusionné mes différentes newsletters et sites sur un site unique, olivier.simardcasanova.net. Vos abonnements ont été migré, ainsi que mon contenu.
• Annonce #2 : je mets à la retraite le nom de mes différentes newsletters, y compris celui de "L'Économiste Sceptique", pour écrire directement sous mon nom. Le retrait des différents noms est sans conséquence sur mon contenu.
• Annonce #3 : ma ligne éditoriale évolue. Moins d'analyses personnelles, davantage de littérature scientifique, et davantage de graphiques.

• Si vous aviez un abonnement à l'une de mes newsletters, choisissez quels articles recevoir dans votre compte.

Qui suis-je ?

Après la (longue) semi-absence qui s'achève aujourd'hui, c'est sans doute utile de refaire les présentations. Il est également possible que vous m'ayez découvert sur Threads, Bluesky ou Mastodon. C'est l'occasion d'en savoir plus sur qui je suis.

Je m'appelle Olivier Simard-Casanova, je suis économiste (depuis 2012), statisticien (depuis 2014) et médiateur scientifique (depuis 2015). J'ai une expérience dans le milieu de la recherche et de l'enseignement supérieur, et depuis 2019, je suis indépendant.

Je suis de retour

Au cours des dernières années, j'ai été le créateur et l'auteur de plusieurs newsletters :

  • L'Économiste Sceptique, sur la science économique, le scepticisme scientifique et l'économie de l'environnement
  • L'Heure Américaine, sur la société et la politique des États-Unis
  • Cities 2100, sur les mobilités urbaines en Amérique du Nord
  • IndieNotes, sur la création de contenu indépendante en ligne

Pour en savoir plus sur moi, n'hésitez pas à consulter la page À propos.

Ma communication

Avant d'aborder les newsletters, j'aimerais faire un point sur mon manque de communication.

Comme je l'expliquais dans mon article de novembre, j'ai pris de plein fouet la destruction de Twitter par Elon Musk. Twitter jouait un rôle central dans mon activité d'indépendant. Sa destruction a eu un impact négatif considérable sur mon travail. Et en particulier, sur mon travail de médiation scientifique.

Concernant ma capacité à communiquer, c'est comme si Elon Musk m'avait pris de force le mégaphone des mains en exigeant que je lui donne de l'argent pour le récupérer. Ça n'est rien de moins que de l'extorsion, extorsion que je ne peux pas accepter.

Or, ça n'a pas été possible de vous dire "je quitte Twitter, retrouvez-moi sur la plateforme Y".

D'une part, je n'ai pas toujours eu des expériences heureuses sur les plateformes alternatives à Twitter, qui ont par ailleurs mis du temps à émerger et à atteindre une masse critique d'utilisateurs.

D'autre part, ni Mastodon, ni Threads, ni Bluesky ne sont des clones de Twitter. Après tout, Twitter était un lieu toxique bien avant son rachat par Elon Musk. Je comprends que les plateformes alternatives tentent d'emprunter un chemin différent. Mais ce chemin différent suppose de comprendre comment ces nouvelles plateformes fonctionnent, et de s'y adapter. Ce qui prend forcément du temps.

Je me suis donc retrouvé dépourvu et orphelin, ne sachant plus trop ni où, ni comment, m'exprimer. Quand s'ajoutent à la destruction de Twitter mes problèmes de santé, devoir gérer ce qui ont été les deux pires crises de ma vie en même temps n'a pas été simple. Sans mes problèmes de santé, j'aurais probablement pu trouver un nouvel équilibre plus rapidement, et me remettre à communiquer efficacement plus rapidement.

Et puis, petit à petit, je me suis souvenu que j'avais déjà un espace où je peux m'exprimer librement : mes newsletters.

Annonce #1 : les newsletters

L'un des avantages des périodes difficiles est qu'elles permettent de s'interroger en profondeur, et d'introduire des changements parfois importants.

La destruction de Twitter m'a obligé à refondre des pans entiers de ma manière de travailler, Elon Musk ayant détruit la plupart de mes outils. Mes problèmes de santé m'ont par ailleurs donné une nouvelle vision de moi-même, encore plus saine et encore plus robuste que la précédente. Je me suis dit que j'avais une occasion idéale, et sans doute unique, pour repenser en profondeur mon activité de médiation scientifique.

Jusqu'ici, je publiais, ou de manière plus objective, j'ai essayé de publier, plusieurs newsletters thématiques distinctes, chacune avec un site Internet et une identité différente : L'Économiste Sceptique, L'Heure Américaine et IndieNotes . Pour moi, c'était lourd à gérer. Pour vous, c'était confus et dispersé. Afin de simplifier aussi bien ma vie que la vôtre, j'ai fusionné mes newsletters en un site unique.

Concrètement, mon contenu précédemment publié sur mes différentes newsletters est désormais hébergé sur mon nouveau site, qui est à mon nom : olivier.simardcasanova.net. Si vous aviez un abonnement à l'une de mes précédentes newsletters, j'ai migré votre abonnement vers le nouveau site.

Sur le nouveau site, j'écrirai, et en réalité, j'écris déjà, sur les mêmes sujets que précédemment : la science économique, l'esprit critique, l'environnement, les États-Unis, la création de contenu indépendante sur Internet, et quelques autres encore. C'est d'ailleurs un peu abusif de parler de "nouveau" site : le nouveau site contient l'essentiel du contenu de médiation scientifique que j'ai publié depuis 2015, soit plus de 600 articles !

Au lieu d'avoir plusieurs sites avec chacun une newsletter thématique, il y a désormais un site unique qui héberge tous mes articles et toutes mes newsletters.

Bien sûr, j'ai conscience que tout le monde n'est pas intéressé par tous les sujets sur lesquels j'écris. J'ai ainsi séparé les anciennes newsletters en Univers, dont vous pouvez retrouver la liste sur la page Explorer. Si vous avez un abonnement à la newsletter, vous pouvez choisir de ne recevoir que les articles de certains Univers.

Lors de la fusion des newsletters, je n'ai pas pu préserver vos préférences d'abonnement aux courriels.

Si vous aviez déjà un abonnement à l'une de mes newsletters, merci de vous rendre dans votre compte grâce au bouton ci-dessus pour choisir quels articles vous souhaitez recevoir par courriel.

Toutes mes excuses pour la gêne occasionnée.

Annonce #2 : L'Économiste Sceptique

L'Économiste Sceptique étant, et de très loin, ma newsletter la plus lue, il me semble important de lui consacrer quelques mots. D'autant que la deuxième annonce concerne L'Économiste Sceptique.

Fondamentalement, la fusion des différentes newsletters en un site unique est une démarche de simplification. À la fusion, j'ai associé le retrait du nom des différentes newsletters préexistantes. Y compris pour "L'Économiste Sceptique". En d'autres termes, je mets à la retraite le nom "L'Économiste Sceptique".

J'aurais pu titrer mon annonce "La fin de L'Économiste Sceptique". Un tel titre aurait sans aucun doute fait parler. Mais il aurait été trompeur. Le seul Économiste Sceptique qui disparaît, c'est le nom. Le contenu, lui, reste intact. Tous les articles que j'ai publiés depuis 2021 sur www.ecosceptique.com sont disponibles en intégralité sur le nouveau site. Surtout, je continue à écrire sur la science économique, l'esprit critique et l'environnement à un rythme similaire, voire supérieur, au rythme de croisière que j'avais sur L'Économiste Sceptique.

Pourquoi retirer le nom "L'Économiste Sceptique" ? Après tout, c'est un nom qui commençait à être connu. C'est une décision importante, que j'ai mûrement réfléchie. Elle est motivée par trois raisons principales.

La première raison est que c'est un nom parfois confus, en particulier pour les personnes qui ne sont pas familières avec le scepticisme scientifique. Le retrait du nom permet de mettre un terme à cette confusion. La deuxième raison est que parfois, les gens m'appellent "L'Économiste Sceptique". Or, "L'Économiste Sceptique" n'a jamais été un pseudonyme. C'est le nom de la newsletter. Retirer le nom permet de mettre un terme à cette seconde confusion. La troisième raison est que je me sens désormais à l'aise d'écrire directement sous mon nom, plutôt que de me "cacher" derrière un nom impersonnel et dans une certaine mesure, artificiel.

Sur le nouveau site, trois Univers remplacent L'Économiste Sceptique :

La séparation en trois Univers vous donne davantage de contrôle : vous pouvez choisir plus finement les articles que vous souhaitez recevoir par courriel.

La création d'un Univers spécifique à l'esprit critique va également me permettre de partager des travaux scientifiques en lien avec l'esprit critique issus d'autres disciplines que la science économique. J'en ai d'ores et déjà plusieurs dizaines que j'aimerais partager avec vous, et j'en découvre chaque semaine de nouveaux.

Si un ou plusieurs de ces Univers vous intéressent, ne manquez pas mes prochains articles en vous abonnant à la newsletter.

Annonce #3 : la ligne éditoriale

Depuis plusieurs mois, j'expérimente avec une nouvelle ligne éditoriale. Si vous consultez la liste chronologique de mes publications, vous constaterez que malgré mon manque de communication, j'ai en réalité été particulièrement actif depuis l'été 2023. Ces expérimentations ont porté leurs fruits. Leurs résultats sont même allés au-delà de mes espérances.

Je peux donc vous annoncer ce qui est sans doute le plus important changement : la ligne éditoriale de mon travail de médiation scientifique évolue. À compter de maintenant, je publierai moins d'analyses personnelles, davantage d'articles portant directement sur la littérature scientifique, et davantage de graphiques.

Pourquoi cette nouvelle ligne éditoriale en particulier ?

Contrairement à ce que certains allumés toxiques qui ne savent manifestement pas lire prétendent à longueur de vidéos insultantes et fallacieuses sur YouTube, je ne suis pas un commentateur. Je ne suis pas un éditorialiste. Je ne suis pas un économiste de plateau télé qui vient donner son avis mésinformé sur la dernière polémique en cours, ou qui dit à son audience exactement ce qu'elle veut entendre au mépris des faits.

Depuis 2015, ma démarche, que j'ai régulièrement répété, a toujours été celle d'un médiateur scientifique. Mon objectif n'est pas de vous convaincre. Mon objectif n'est pas de vous faire changer d'avis. Mon objectif n'est pas de faire la guerre à quiconque ayant l'audace de ne pas penser exactement comme moi. Mon objectif n'est pas d'être connu, ni de me bâtir une influence sur votre dos.

Mon objectif a toujours été, est encore, et continuera à être, de partager avec vous la littérature scientifique qui m'intéresse, qui m'interpelle, qui m'étonne, qui m'émerveille, qui me surprend ou qui me fait réfléchir. Et c'est tout. Je n'ai pas d'autre objectif. Le reste ne m'intéresse pas.

Sans renier mon travail, il m'a semblé que la ligne éditoriale des anciennes newsletters, et celle de L'Économiste Sceptique en particulier, était encore trop souvent dans l'analyse personnelle plutôt que dans le partage de la littérature scientifique. Le recours à l'analyse personnelle m'a également conduit à écrire des articles contenant d'importantes erreurs et d'importants oublis. Commettre des erreurs n'est pas en soi une catastrophe. Les erreurs sont des occasions d'apprendre. Mais en tant que médiateur scientifique soucieux de faire du bon travail, je me devais de tirer les leçons de ces erreurs. La nouvelle ligne éditoriale a pour objectif d'éviter qu'elles ne se reproduisent.

Enfin, à un niveau plus personnel, la nouvelle ligne éditoriale est davantage en phase avec mes aspirations profondes de médiateur scientifique : la curiosité, l'émerveillement, et l'envie de partager ma passion pour les sciences.

Concrètement, je vais davantage partager et expliquer des articles de recherche publiés par des économistes, et par des scientifiques issus d'autres sciences humaines et sociales. Il y aura toujours de l'éditorial, mais il sera plus explicitement identifié comme tel.

Concernant les formats, je n'ai pas prévu de changer les formats existants. Il y aura toujours des articles, et il y aura toujours des vidéos. Les Cafés continueront, même si pour des raisons logistiques, j'ai pris la décision de ne plus les enregistrer en direct. Vous aurez la possibilité de me transmettre à l'avance vos questions, que je poserai à l'invité·e pendant l'enregistrement.

Depuis l'été 2023, j'expérimente avec un format court, les Notes. Plus courtes et plus simples à écrire que les articles, les Notes ont pour objectif de remplacer les publications sous forme de fils que dans le passé, j'aurais publié sur Twitter. Les Notes ont vocation à prendre une place importante dans mon contenu. C'est un format qui s'ajoute aux formats existants, en les complétant.

Enfin, j'expérimente avec des directs en vidéo sur YouTube. L'expérimentation est prometteuse, et a vocation à continuer au cours des prochains mois.

Qu'en est-il des formules payantes ?

Comme pour L'Économiste Sceptique, la newsletter fusionnée est également une newsletter partiellement payante. Si vous vous étiez abonné à l'une des formules payantes de L'Économiste Sceptique, j'ai migré votre abonnement payant vers le nouveau site. Vous n'avez rien à faire.

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Sur le nouveau site, vous avez accès au même contenu que celui auquel vous aviez accès sur le site de L'Économiste Sceptique. Le contenu qui était gratuit reste gratuit, le contenu qui était derrière le paywall reste derrière le paywall.

Les formules payantes vous donnent accès à l'intégralité de mon contenu, passé comme à venir. Elles vous permettent également de soutenir mon travail, et de m'aider à pérenniser mon activité de médiation scientifique. Enfin, elles vous permettent de recevoir toutes les Notes par courriel dès leur publication, ainsi que le Point mensuel.

J'en profite pour remercier du fond du cœur celles et ceux d'entre vous qui avez continué à me soutenir financièrement malgré cette longue période de creux. Sans votre précieux soutien, je n'aurais pas pu refondre mon activité de médiateur scientifique comme j'ai pu le faire. J'aurais même sans doute été contraint de mettre un terme à mon activité de médiateur scientifique. Un grand merci ! Je me considère chanceux d'avoir une communauté bienveillante, intéressante et intéressée, et engagée comme vous l'êtes.

Si ça n'est pas déjà le cas, vous pouvez vous aussi vous abonner à l'une des formules payantes, et ainsi m'aider à relancer sereinement mon activité de médiateur scientifique.

Une nouvelle aventure, ensemble

Entre le retour à un rythme de publication normal, et les trois changements que je viens d'annoncer, c'est sans aucune doute une nouvelle aventure qui commence ! Une nouvelle aventure qui est, et de très loin, la plus enthousiasmante de toute ma carrière de médiateur scientifique. Elle fait suite à une période vraiment difficile, ce qui la rend d'autant plus savoureuse. J'espère que vous serez nombreuses et nombreux à la partager avec moi.

Si vous n'êtes pas déjà abonné·e à la newsletter, n'hésitez pas à rejoindre les milliers d'autres personnes qui font déjà partie de l'aventure. Vous ne manquerez aucun de mes prochains articles.

Pour discuter sereinement de ces changements, pour répondre à vos questions, et pour discuter de mes projets à venir, je vous donne rendez-vous mardi 27 février 2024 de 20 h 30 à 21 h 30 (heure de Paris) sur YouTube pour un direct.

Si vous recevez cet article par courriel, n'hésitez pas à répondre au courriel pour me faire part de vos retours, de vos questions et de vos remarques. Vous pouvez également publier un commentaire sur le site.

À très bientôt,
Olivier

Meta ne recommandera pas de contenu politique sur Threads

9 février 2024 à 18:18

C'est ce que l'entreprise vient d'annoncer dans la presse. Adam Mosseri, le PDG d'Instagram, a également publié un fil d'explication sur Threads.

Concrètement, Threads appliquera une étiquette Politique aux comptes qui publient régulièrement du contenu politique. Les publications des comptes étiquetés ne seront pas recommandées aux comptes qui ne les suivent pas.

Les personnes qui souhaitent avoir des recommendations de contenu politique dans leur flux algorithmique pourront activer une option dans les réglages. Par défaut, l'option sera désactivée. Par ailleurs, le contenu des comptes étiquetés qu'une personne suit déjà ne sera pas masqué dans le flux algorithmique.

Pour ma part, je trouve que c'est une excellente décision de la part de Meta, au moins sur le principe. Twitter a été en partie ruiné par des comptes politiques toxiques qui vivent pour récolter des likes, des reposts et des abonnements. Ils ne travaillent pas, peu, ou mal. Ils ont les pires comportements antisociaux. Des articles scientifiques montrent d'ailleurs que les comptes les plus partisans se comportent de manière toxique dans tous les contextes, pas seulement lors de discussions politiques.

The social media discourse of engaged partisans is toxic even when politics are irrelevant
Abstract. Prevailing theories of partisan incivility on social media suggest that it derives from disagreement about political issues or from status competition
OUP AcademicDavid Rand

La contribution de ces comptes au débat paraît bien minime. Si vous faites partie de la communauté sceptique et que vous fréquentez, ou avez fréquenté, Twitter, vous avez certainement une longue liste de comptes en tête pour illustrer ce phénomène.

Les plateformes ont intérêt à réduire la probabilité que ces comptes nuisent aux autres utilisateurs et utilisatrices. Leur rendre la vie difficile, par exemple en n'amplifiant pas leur contenu, va dans cette direction.

Je ne sais pas si cette politique de Meta produira les effets escomptés. Je le souhaite. A minima, elle me semble prometteuse, car elle a le potentiel pour étouffer ces comptes politiques toxiques avant qu'ils ne ruinent Threads comme ils ont ruiné, et ruinent encore, Twitter.

Il faudra cependant prêter attention à son implémentation. Le flux algorithmique de Threads est notoirement mauvais. La modération de Threads est également bien médiocre. Le principe de cette politique est bon. Mais il faudra voir comment Meta traduira concrètement cette décision.

Bibliographie

Mamakos, Michalis, et Eli J Finkel. 2023. « The social media discourse of engaged partisans is toxic even when politics are irrelevant ». PNAS Nexus 2 (10): pgad325. https://doi.org/10.1093/pnasnexus/pgad325.

Les effets de l'école à distance sur la santé mentale des élèves

31 janvier 2024 à 09:51

Lors de la pandémie de COVID-19, de nombreuses écoles sont passées à l'enseignement à distance. Quels effets le passage au distanciel a eu sur la santé mentale des élèves ?

Cette question n'est pas une question d'opinion, mais une question factuelle. Les effets du passage au distanciel ne sont pas une question de point de vue personnel, mais une question de données empiriques.

Un article à paraître dans la revue American Economic Journal: Economic Policy utilise des données suédoises pour offrir un élément de réponse à cette question. Comme le montre la Figure 1, une partie seulement des élèves suédois sont passés à l'école à distance, ce qui permet de constituer un groupe contrôle (les élèves en distanciel) et un groupe témoin (les élèves en présentiel).

🧭
Indicateur de confiance

• Profondeur de lecture : lecture partielle (2/3)
• Proximité scientifique : proximité moyenne (2/3)

En savoir plus →
Figure 1 - Part des élèves en présentiel ("Open") et en distanciel ("Remote") au collège ("Lower-secondary", de 14 à 16 ans) et au lycée ("Upper-secondary", de 17 à 19 ans) lors du printemps 2020 en Suède

Grâce à cette expérience naturelle et comme l'illustre la Figure 2, Evelina Björkegren, Helena Svaleryd et Jonas Vlachos, les trois auteurs de l'article, trouvent que les élèves en distanciel ont utilisé 4.4 % moins souvent les services de soins psychiatriques que les élèves en présentiel. La baisse est principalement due à une diminution des diagnostics et des prescriptions pour des troubles dépressifs et des troubles anxieux.

Un surprenant résultat sur les différences de comportements de compétition entre femmes et hommes

17 janvier 2024 à 15:31

Une vaste littérature en science économique montre que les hommes font en moyenne davantage preuve de compétition que les femmes. L'explication dominante de cette différence est une tendance à la sur-confiance dans leurs capacités des hommes.

Un working paper de Tünde Lénárd, Dániel Horn et Hubert János Kiss remet en question cette explication.

🧭
Indicateur de confiance

• Profondeur de lecture : lecture superficielle (1/3)
• Proximité scientifique : proximité moyenne (2/3)

En savoir plus →

Comme la littérature scientifique pré-existante, le working paper mesure également que les hommes font davantage preuve de compétition que les femmes. Mais il échoue à établir que la différence est due à une tendance à la sur-confiance des hommes.

Dans une expérience de laboratoire, les chercheurs mesurent trois niveaux de confiance chez les sujets : sur-confiance (le sujet surestime ses performances), sous-confiance (le sujet sous-estime ses performances), et réalisme (le sujet estime correctement ses performances). Si l'explication dominante est correcte, parmi les sujets faisant preuve de sur-confiance, les hommes devraient davantage faire preuve de compétition que les femmes. Or, de manière surprenante, il n'y a pas de différence dans les comportements de compétition entre femmes et hommes parmi les sujets sur-confiants. Il n'y a pas non plus de différence parmi les sujets sous-confiants.

En revanche, parmi les sujets faisant preuve de réalisme sur leurs performances, les hommes font davantage preuve de compétition que les femmes — et la différence est significative.

Le working paper échoue donc à établir que la différence dans les comportements de compétition est due à une sur-confiance des hommes. Le résultat est robuste à différentes spécifications statistiques, suggérant qu'il ne s'agit pas d'un artéfact dans les données expérimentales.

Deux précisions cependant. La première est qu'il s'agit d'un working paper, qui n'a pas fait l'objet d'une revue par les pairs. La seconde est qu'il s'agit d'un seul article. Son résultat devra être répliqué par d'autres articles pour être confirmé, précisé ou réfuté.

Competition, confidence and gender: shifting the focus from
The gender gap in competitiveness is argued to explain gender differences in later life outcomes, including career choices and the gender wage gap. In experimental settings, a prevalent explanation at
Tünde Lénárd & Hubert János Kiss & Dániel Horn

Via Dennis Alexis Valin Dittrich sur Mastodon

Résumé

The gender gap in competitiveness is argued to explain gender differences in later life outcomes, including career choices and the gender wage gap. In experimental settings, a prevalent explanation attributes this gap to males being more (over)confident than females (we call this the compositional channel). While our lab-in-the-field study using data from students in 53 classrooms (N$>$1000) reproduces this finding, it also uncovers a second, potentially more impactful channel of confidence contributing to the gender gap in competitiveness (the preference channel). To disentangle the two channels, we propose a more precise measure of confidence based on whether the subjects’ believed performance rank exceeds, coincides with or falls short of their actual performance in a real-effort task. We label categories of this Guessed - Actual Performance (GAP) difference as overconfident, realistic or underconfident, respectively. Surprisingly, there is no gender difference in competitiveness within the over- and underconfident subgroups, while a significant gender gap exists among the realistic. So, even if both genders had the same level of confidence, a persistent gender gap in preference (or taste) for competition would remain in the realistic group. This finding is robust across all specifications, challenging previous theories about the overconfidence of men being the sole driver of the relationship between confidence and the gender gap in competition.

Bibliographie

Lénárd, Tünde, Hubert János Kiss, et Dániel Horn. 2023. « Competition, Confidence and Gender: Shifting the Focus from the Overconfident to the Realistic ». CERS-IE Working Papers. Institute of Economics, Centre for Economic and Regional Studies. https://ideas.repec.org//p/has/discpr/2327.html.

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