Figure 1 – Prix mondial de l’électricité solaire photovoltaïque de 1975 à 2022. En dollars constants de 2022 par watt, ajusté pour l’inflation. Données : International Renewable Energy Agency (2023) ; Nemet (2009) ; Farmer et Lafond (2016) – avec retraitement majeur par Our World in Data.
En 1975, produire un watt d’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques coûtait 125 $. En 2022, produire un watt d’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques ne coûtait plus que 0.25 $. En quasiment cinquante ans, le prix a été divisé par 500.
Une diminution par un facteur de 500 équivaut à une diminution de 99.8 % du prix. Aujourd’hui, produire un watt d’électricité grâce à des panneaux solaires photovoltaïques ne coûte plus que 0.2 % de ce qu’il en coûtait il y a cinquante ans.
La Figure 1 montre que l’essentiel des gains ont eu lieu avant les années 1990, avec un prix divisé par environ 11 entre 1975 (125 $) et 1990 (11.5 $).
Pour autant, le prix a continué à substantiellement diminuer après 1990. La Figure 1 peut donner l’impression d’une stagnation, mais il s’agit d’une impression trompeuse.
Parmi les multiples phénomènes mis en évidence dans le Décryptage #1a, j’aimerais m’attarder sur deux phénomènes en particulier.
Le premier phénomène sur lequel je veux m’attarder est l’augmentation continue du PIB par habitant mondial depuis le 19ᵉ siècle.
Figure 1 – Moyenne mondiale du PIB par habitant de 1700 à 2022, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
En utilisant l’estimateur statistique BEAST, représenté sur la Figure 1 par les lignes verticales, j’identifie deux ruptures structurelles : une première rupture dans les années 1950, et une seconde au début des années 2000. Une rupture structurelle correspond à un changement du rythme d’évolution d’un indicateur statistique dans le temps. Dans la Figure 1, ces deux ruptures structurelles correspondent à des accélérations : l’augmentation du PIB par habitant mondial a accéléré dans les années 1950, puis a encore accéléré au début des années 2000.
Le second phénomène sur lequel je veux m’attarder est que la croissance du PIB par habitant mondial n’a pas été uniforme ni dans l’espace, ni dans le temps. Le PIB par habitant diffère, parfois substantiellement, d’une grande région du monde à l’autre, à la fois par son niveau et par son évolution historique.
Figure 2 – PIB par habitant de 1820 à 2022 dans les régions du monde, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences de coût de la vie entre pays. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
Toutes les régions du monde ont vu leur PIB par habitant augmenter, mais d’importantes disparités subsistent.
Dans l’article d’aujourd’hui, je vous propose d’explorer l’évolution du PIB par habitant des grandes régions du monde de la Figure 2.
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• Décryptage #1a : données mondiales • Décryptage #1b : les grandes régions du monde • Décryptage #1c : quelques pays, dont la France et les États-Unis • Décryptage #1d : la vie avant l’émergence du capitalisme
Un point méthodologique
Dans la série d’articles, j’utilise l’estimateur BEAST pour détecter les ruptures structurelles. Une rupture structurelle correspond à une accélération ou à un ralentissement de l’évolution d’une série statistique dans le temps. L’article ne porte pas sur BEAST, mais comme j’utilise beaucoup BEAST, il me semble utile de faire un point méthodologique à son sujet.
Vous verrez dans l’article que BEAST n’est pas toujours précis. Il parvient à détecter de nombreuses ruptures structurelles, mais pas toutes. Il a aussi parfois tendance à les détecter, mais avec une imprécision dans l’année. Faut-il en conclure que BEAST ne permet pas de détecter de manière fiable les ruptures structurelles ? Pas nécessairement.
L’imprécision de certaines détections est très vraisemblablement liée aux données que j’utilise. D’une part, elles sont irrégulières : il y a essentiellement une observation tous les cinq ans, la série ne devenant annuelle qu’à partir de 2015. D’autre part, des pas de temps de cinq ans sont fondamentalement imprécis.
Avec des données irrégulières et imprécises, BEAST, comme n’importe quel autre indicateur statistique, fournira des résultats imprécis.
Dans le prochain article de la série (Décryptage #1c), j’utiliserai des données annuelles. Vous verrez que la performance de BEAST s’améliorera significativement.
Si l’estimateur BEAST vous intéresse, j’ai prévu de publier un article technique pour expliquer en quoi il consiste, et comment l’utiliser avec R. Ne manquez pas l’article en vous abonnant à ma newsletter en veillant à bien activer la section « Statistiques et données ».
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Ces précisions méthodologiques faites, je vous propose de commencer par la région du monde qui, la première, a connu une importante croissance de son PIB par habitant : l’Occident.
Je vais me contenter d’explorer les données pour l’Europe de l’Ouest. Les données à ma disposition ne contiennent pas de données régionales pour l’Amérique du Nord. Dans le prochain article (Décryptage #1c), j’explorerai l’évolution du PIB par habitant dans certains pays, dont les États-Unis.
La Figure 3 montre le PIB par habitant en Europe de l’Ouest de 1820 à 2022.
Figure 3 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Europe de l’Ouest. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST détecte nettement une rupture structurelle en 1960. À cette période, les données ont un pas de temps de cinq ans. La date de la rupture structurelle détectée par BEAST est imprécise. Pour autant, on voit bien sur le graphique que l’augmentation du PIB par habitant accélère à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Historiquement, cette rupture structurelle coïncide avec la reconstruction d’une Europe dévastée par la guerre.
À l’œil nu, on voit cependant qu’il y a probablement eu des ruptures structurelles plus modestes bien avant la Seconde Guerre mondiale. C’est d’autant plus probable qu’il est solidement établi que la Révolution Industrielle a commencé en Europe lors du 19e siècle. Probablement parce que les données sont trop irrégulières et trop parcellaires, BEAST ne parvient pas à détecter les ruptures structurelles de moindre intensité. Par ailleurs, la forte augmentation post-Seconde Guerre Mondiale « écrase » l’échelle des ordonnées, ce qui rend les ruptures structurelles de moindre ampleur probablement plus difficiles à détecter (mon futur article de la section « Statistiques et données » qui portera spécifiquement sur BEAST permettra de comprendre en quoi). Comme les données du prochain article seront des données annuelles, BEAST parviendra à détecter davantage de ruptures structurelles.
La deuxième vague : le Sud global
Je vous propose maintenant de nous intéresser à l’évolution du PIB par habitant dans trois régions du Sud global : l’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MOAN) et l’Asie de l’Est.
Commençons par l’Amérique latine, avec la Figure 4.
Figure 4 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Amérique latine. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
Comme pour l’Europe de l’Ouest, BEAST détecte une rupture structurelle dans les années 1950. Il en détecte une seconde, quoiqu'avec moins de vraisemblance, au début des années 2000. Même si l’Amérique du Sud a été épargnée par la Seconde Guerre mondiale, et qu’il n’y a donc pas besoin de reconstruire le continent, le PIB par habitant a cependant augmenté d’environ 3 750 $ par an en 1950 à quasiment 9 000 $ par an en 1980.
La Figure 4 fait apparaître une cassure au début des années 1980. Le PIB par habitant de la région a soudainement baissé pour ensuite repartir à la hausse dans les années 1990. Je ne suis pas suffisamment connaisseur de l’histoire économique de l’Amérique du Sud pour identifier le (ou les) pays à l’origine de cette cassure. L’Argentine a bien connu une crise lors des années 2000, mais elle a lieu vingt ans après la cassure. Et j'ignore si l’Argentine a suffisamment de poids pour autant influencer sur la moyenne des pays d’Amérique du Sud.
Pourquoi est-ce que BEAST ne semble pas détecter la cassure des années 1980 ? Il y a sans doute deux raisons. La première est que les données ont des pas importants : une observation tous les cinq ans. La seconde est que la pente de la courbe avant la rupture et après la rupture semble relativement identique. Or, pour simplifier, BEAST détecte les ruptures structurelles en comparant la pente de la série temporelle pour différents sous-intervalles temporels.
Continuons avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, avec la Figure 5.
Figure 5 – PIB par habitant de 1820 à 2022 dans le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST détecte une possible rupture structurelle à la fin des années 1960, et une seconde avec beaucoup plus de vraisemblance en 2005. Je n’affirme pas qu’il s’agisse de l’explication. Cependant, il me semble au moins possible que la rupture des années 1960 puisse être liée à la décolonisation. La rupture de 2005 correspond à la rupture similaire visible dans la Figure 4 pour l’Amérique du Sud.
De manière semblable à l’Amérique du Sud, la région connaît un plateau lors des années 1980. Je ne suis pas suffisamment familier de l’histoire de la région pour identifier une possible explication à ce plateau.
Pour finir, l’Asie de l’Est. Tous les pays d’Asie de l’Est ne font pas partie du Sud global ; le Japon et la Corée du Sud n’en font pas partie. L’Asie de l’Est est un mélange de pays développés et de pays en développement.
Figure 6 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Asie de l’Est. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST détecte deux ruptures structurelles : une première dans les années 1960, une seconde dans les années 2000. Je ne suis pas sûr d’avoir en tête la liste exacte des pays qui composent cette région. Je suis cependant tenté de lire dans la première rupture structurelle la reconstruction du Japon après la Seconde Guerre mondiale, dans un mouvement semblable à celui de l’Europe de l’Ouest. La seconde rupture structurelle est probablement causée par l’important développement économique de la Chine à partir des années 2000.
Je note que l’Asie de l’Est est, pour l’instant, la seule région dans laquelle le PIB par habitant n’a pas baissé lors de la crise sanitaire de la COVID-19. Est-ce l’effet d’une crise sanitaire mieux gérée par les pays de la région, des pays qui avaient déjà acquis de l’expérience avec l’épidémie de SRAS en 2003 ?
Les autres vagues
Pour finir, j’aimerais m’intéresser à trois régions un peu à part des précédentes. Il s’agit des deux régions les plus pauvres, l’Asie du Sud et Sud-Est et l’Afrique sub-saharienne, et de l’Europe de l’Est.
Je vous propose de commencer par l’Asie du Sud et du Sud-Est, avec la Figure 7.
Figure 7 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Asie du Sud et du Sud-Est. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
Comme la plupart des régions étudiées jusqu’ici, BEAST détecte que l’Asie du Sud et du Sud-Est connaît une accélération de la croissance de son PIB par habitant dans les années 1990. La différence avec les autres régions tient à l’échelle des ordonnées : là où la Figure 4, la Figure 5 et la Figure 6 ont une échelle qui s’arrête de 15 000 à 20 000 dollars par an, la Figure 7 s’arrête à un peu moins de 9 000 dollars par an.
L’Asie du Sud et Sud-Est se développe, mais est encore loin d’atteindre le PIB par habitant d’autres régions du monde. Ce que l’on peut voir dans la Figure 2.
Continuons avec la Figure 8 et l’Afrique sub-saharienne. L’axe des ordonnées montre qu’il s’agit de la région ayant le PIB par habitant le plus bas parmi toutes les régions étudiées jusqu’ici.
Figure 8 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Afrique Sub-saharienne. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST détecte une possible rupture dans les années 1960. Je spécule, mais elle pourrait correspondre à la décolonisation d’un certain nombre de pays de la région, enfin libérés de l’emprise des pays colonialistes européens.
C’est surtout dans les années 2000 que BEAST détecte avec une forte vraisemblance une rupture structurelle. Elle est d’ailleurs visible à l’œil nu sur le graphique : le PIB par habitant connaît une importance augmentation. Comme pour l’Asie du Sud et du Sud-Est, le PIB par habitant reste toutefois à un niveau faible : l’échelle des ordonnées s’arrête à un peu plus de 3 500 $ par an.
Pour finir, je veux m’intéresser à l’Europe de l’Est dans la Figure 9. La région se distingue de toutes les autres, car elle a connu un évènement historique singulier au début des années 1990 : la chute du communisme. La chute du communisme a profondément transformé l’organisation politique, sociale et culturelle des pays concernés. Le système économique a, lui aussi, été profondément transformé.
Figure 9 – PIB par habitant de 1820 à 2022 en Europe de l’Est. En dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences dans le cout de la vie entre les pays. Lignes verticales : plus la ligne est forte, plus la vraisemblance qu’il y ait une rupture structurelle à cette date est grande. Détection des ruptures structurelles : voir https://o.simardcasanova.net/structural-breaks/ pour un point méthodologique. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST détecte deux ruptures structurelles. Une première dans les années 1960. Il s’agit possiblement du même phénomène de reconstruction qu’a connu l’Europe de l’Ouest à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. La seconde rupture structurelle est datée par BEAST en 2005 et correspond, au moins en partie, au rebond ayant fait suite à la chute du communisme.
La chute du communisme est visible sur le graphique : le PIB par habitant diminue sensiblement au cours des années 1990. Cependant, de nombreux pays anciennement communistes ont connu une croissance économique importante dès les années 2000, conduisant à un rattrapage, puis à un large dépassement, de la récession causée par la chute du communisme. Certains pays d’Europe de l’Est comme la Pologne ont rattrapé le PIB par habitant des pays d’Europe de l’Ouest. D’autres, comme la Russie, stagnent. Il subsiste une forte hétérogénéité parmi les anciens pays communistes.
Conclusion
La Figure 1 montre que le PIB par habitant mondial a connu deux ruptures structurelles : une première après la Seconde Guerre mondiale, une seconde au début des années 2000. En entrant dans le détail de chaque grande région du monde, on s'aperçoit que la plupart d’entre elles ont connu des ruptures structurelles à ces deux périodes. Mais pas toutes.
L’accélération de la croissance du PIB par habitant au tournant des années 2000 dans virtuellement le monde entier coïncide avec le développement de la mondialisation actuelle. La mondialisation consiste en la généralisation du commerce libre entre les pays. Or, on sait depuis deux siècles que le commerce entre deux pays fait augmenter la croissance économique dans les deux pays, un résultat largement validé empiriquement depuis. Il me semble probable que la rupture des années 2000 soit causée par la mondialisation, même si j’envisage d’explorer la littérature scientifique à ce sujet. Si une telle exploration vous intéresse, faites-m'en part dans les commentaires de l’article.
Malgré la tendance à la hausse du PIB par habitant partout dans le monde, des écarts importants subsistent, comme le montre les échelles souvent différentes des ordonnées des différentes figures.
Outre l’interprétation économique, il y a également une leçon méthodologique à tirer. La Figure 1 est une moyenne mondiale. Une moyenne agrège l’information des différentes observations qu’elle résume. Cette agrégation « noie » les évolutions spécifiques aux différentes régions du monde en une valeur unique. Et les évolutions des grandes régions du monde étant elles-mêmes des moyennes, elles masquent les évolutions des pays qui les composent.
Agréger des données est commode, car au lieu de superposer de multiples courbes régionales ou nationales, on peut se contenter d’une courbe unique qui « résume » l’évolution des régions et des pays. Toutefois, cette courbe unique fait perdre de l’information. Par exemple, il est impossible de détecter la chute du communisme, alors que c’est un phénomène qui a eu un impact considérable en Europe de l’Est.
Bien sûr, je ne dis pas qu’il ne faut pas agréger les données pour les résumer. L’agrégation de données est utile. Je dis plutôt que l’agrégation n’est pas sans limites, ni aspects négatifs. Comme tout traitement statistique, agréger des données implique de faire des arbitrages. On gagne sur certaines dimensions, on perd sur d’autres dimensions. Et en fonction de ce que l’on souhaite étudier, un même arbitrage pourra prendre des formes différentes. Il faut simplement avoir conscience de ce que l’on perd, et de ce que l’on gagne.
Dans le prochain article de cette série, le Décryptage #1c, j’explorerai le PIB par habitant de plusieurs pays, dont la France et les États-Unis. Parce que les données sont généralement annuelles, et que les séries s’étendent souvent sur plusieurs siècles, je pourrai explorer de manière encore plus fine les évolutions historiques et les ruptures structurelles. On perdra cependant en généralité, puisque l’histoire économique d’un pays ne renseigne pas nécessairement sur l’histoire économique des autres pays. Là aussi, il existe un arbitrage.
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De nombreuses personnes utilisent le mot « censure » pour décrire les décisions de modération prises par les plateformes de réseaux sociaux. Mais les deux mots peuvent-ils vraiment être utilisés de manière interchangeable ? Probablement pas.
Saviez-vous qu’au moment où vous lisez cet article, l’humanité n’a jamais été aussi riche ? Qu’il n’y a jamais eu autant d’humains vivant en même temps sur Terre ? Que l’humain moyen n’a jamais autant produit de richesses ?
Encore plus étonnant, si vous lisez cet article demain, après-demain, ou encore le jour d’après, ces trois phrases seront encore vraies.
L’humanité connaît aujourd’hui un niveau de richesse sans précédent, et nous n’avons jamais été aussi nombreuses et nombreux à vivre en même temps sur la planète.
Pour rendre compte de ce phénomène spectaculaire, je vous propose une exploration de données économiques et démographiques de longue période dans une série de quatre articles de décryptage.
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• Décryptage #1a : données mondiales • Décryptage #1b : les grandes régions du monde • Décryptage #1c : quelques pays, dont la France et les États-Unis • Décryptage #1d : la vie avant l’émergence du capitalisme
L’humanité n’a jamais été aussi riche
Comme le montre la Figure 1, le PIB (Produit Intérieur Brut) mondial a connu une croissance exponentielle lors des deux derniers siècles. Le PIB est une mesure (imparfaite, comme toutes les mesures) de la richesse produite pendant une période donnée dans une zone géographique donnée.
Figure 1 – PIB mondial de 1 à 2022, en trillions de dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
Comme le montrera le reste de l’article, le PIB n’est pas la seule série statistique qui a connu une croissance exponentielle lors des deux derniers siècles.
En zoomant sur les trois derniers siècles, la Figure 2 montre que la première phase de la croissance a commencé au 19ᵉ siècle, avec la première Révolution Industrielle et l’émergence du capitalisme.
Figure 2 – PIB mondial de 1700 à 2022, en trillions de dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
Cependant, c’est après la Seconde Guerre mondiale que la phase explosive de la croissance exponentielle a commencé. Nous sommes aujourd’hui toujours dans cette phase explosive.
À quelle date ont eu lieu les accélérations ? On appelle ces accélérations des ruptures structurelles.
Plutôt que de répondre à la question à l’œil nu, j’ai préféré utiliser une méthode statistique pour détecter les ruptures structurelles : l’estimateur bayésien BEAST. Des détails à son sujet sont disponibles dans un appendice technique (en anglais) en fin d’article. En appliquant BEAST sur les données de la Figure 2 (à partir de 1820 inclus, avec un intervalle de 5 ans pour l’estimation des données manquantes, voir l’appendice technique en fin d’article pour les détails), je détecte trois possibles ruptures structurelles :
1875, avec une probabilité de 1.8 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1955, avec une probabilité de 64.4 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1995, avec une probabilité de 79.5 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1955 correspond à la reconstruction de l’après-guerre en Europe. 1995 correspond à l’accélération du développement économique d’une partie de l’Asie.
La quantité de richesses produites chaque année par l’humanité est vertigineuse. En 1820, le PIB mondial était d’environ 1.2 trillion de dollars, soit 1.200 milliards de dollars. En 2022, il est de 130 trillions. En deux siècles, le PIB mondial a augmenté d’un facteur de quasiment 110. Ces chiffres sont tellement gigantesques qu’ils sont difficiles à se représenter.
L’humanité n’a jamais été aussi nombreuse
Alors que l’humanité n’a jamais produit autant de richesse, il n’y a en parallèle jamais eu autant d’humains vivant en même temps sur la planète.
Comme pour le PIB, la Figure 3 montre que la population a, elle aussi, connue une croissance exponentielle lors des deux derniers siècles.
Figure 3 – Population mondiale entre -10.000 et 2021, en milliards de personnes. Données : Gapminder - Population v7 (2022) et autres sources, avec retraitement majeur par Our World in Data.
En zoomant sur les trois derniers siècles, la Figure 4 montre que la population augmente de manière continue et linéaire à partir du 18ᵉ siècle. Comme pour le PIB, c’est à l’issue de la Seconde Guerre mondiale que l’augmentation de la population s’accélère.
Figure 4 – Population mondiale de 1700 à 2021, en milliards de personnes. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Gapminder - Population v7 (2022) et autres sources, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST (à partir de 1700 inclus, avec un intervalle d’un an pour l’estimation des données manquantes, voir l’appendice technique en fin d’article pour les détails) détecte de multiples ruptures structurelles. Les principales sont les suivantes :
1821, avec une probabilité de 27.5 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1881, avec une probabilité de 44.2 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1922, avec une probabilité de 46.3 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1951, avec une probabilité de 96.6 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1970, avec une probabilité de 89.3 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
Une possible interprétation des trois premières ruptures est le début de la transition démographique dans différents pays d’Europe. 1951 est visible à l’œil nu sur le graphique, et correspond à l’extension de la transition démographique au reste du monde.
En 1820, la population mondiale était d’environ 1.2 milliard de personnes. En 2021, elle était de quasiment 8 milliards de personnes. En deux siècles, la population mondiale a augmenté d’un facteur de 6.5.
Cependant, la population mondiale connaîtra un pic dans les prochaines décennies, avant de décroître. Comme le montre la Figure 5, le taux de croissance de la population a commencé à décroître dès les années 1960.
Figure 5 – Taux de croissance annuel de la population mondiale de 1950 à 2021. Courbe grise en pointillés : ajustement avec une régression locale, intervalle de confiance de 95 %. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : ONU, World Population Prospects (2022), retraitement par Our World in Data.
Mathématiquement, la dérivée seconde de la courbe est devenue négative. C’est comme si la baignoire continuait à se remplir (la population continue d'augmenter), mais que le débit du flux d’eau entrant était progressivement en train de se réduire (l’augmentation en pourcentage est de plus en plus petite).
BEAST détecte les ruptures structurelles suivantes :
1958, avec une probabilité de 99.7 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1962, avec une probabilité de 99.99 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1968, avec une probabilité de 2 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1975, avec une probabilité de 81.1 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1991, avec une probabilité de 90.6 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1999, avec une probabilité de 40 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
2015, avec une probabilité de 62 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
Lorsque le taux de croissance atteindra 0 %, la population cessera d’augmenter. Lorsque le taux de croissance deviendra négatif, la population commencera à diminuer. C’est déjà le cas dans un certain nombre de pays riches, comme le Japon.
Selon les prévisions, la population mondiale pourrait commencer à décroître d'ici à la fin du siècle. Pour en savoir plus, vous pouvez lire cet article de Max Roser et Hannah Richie (en anglais).
L’humain moyen n’a jamais produit autant de richesses
Dans la mesure où la population a connu une croissance exponentielle, il est raisonnable de se dire que le PIB ait, lui aussi, connu une croissance exponentielle. Si, chaque année, chaque humain produit 1.000 euros de richesse, et qu’en deux siècles, le nombre d’humains a été multiplié par 6.5, la richesse totale aura (logiquement) augmenté d’un facteur équivalent à celui de la population — soit 6.5.
Pour autant, on a vu que le facteur de croissance de la population et du PIB sont différents. La population a augmenté d’un facteur de 6.5, alors que le PIB a augmenté d’un facteur de quasiment 110. Le PIB a augmenté quasiment 17 fois plus que la population.
Pour contrôler, c’est-à-dire pour neutraliser, l’effet de la croissance démographique sur la richesse, on utilise le PIB par habitant. Le PIB par habitant consiste à diviser le PIB par la population.
Comme le montre la Figure 6, le PIB par habitant a, lui aussi, connu une croissance exponentielle. C’est ce qui me permet d’écrire que l’humain moyen n’a jamais produit autant de richesses.
Figure 6 – Moyenne mondiale du PIB par habitant de 1 à 2022, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
En zoomant sur les trois derniers siècles, la Figure 7 montre qu’il y a eu deux grandes phases. Une première phase d’augmentation lente, à partir du 19ᵉ siècle. Il s’agit de la première Révolution Industrielle et de l’émergence du capitalisme. Une seconde phase d’augmentation rapide, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.
Figure 7 – Moyenne mondiale du PIB par habitant de 1700 à 2022, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation. Lignes verticales : ruptures structurelles détectées par BEAST. Plus la ligne est épaisse, plus grande est la probabilité qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
BEAST (à partir de 1820 inclus, avec un intervalle de 5 ans pour l’estimation des données manquantes, voir l’appendice technique en fin d’article pour les détails) détecte les ruptures structurelles suivantes :
1880, avec une probabilité de 1.9 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
1960, avec une probabilité de 76.1 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
2005, avec une probabilité de 75.2 % qu’il s’agisse d’une « vraie » rupture
Le PIB par habitant montre des ruptures semblables à celles du PIB. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe se reconstruit. Au tournant des années 2000, ce sont de nombreux pays asiatiques qui voient leur PIB fortement augmenter.
Le PIB par habitant est passé d’environ 1.100 $ par an en 1820 à environ 16.500 $ par an en 2022. En deux siècles, la quantité moyenne de richesse produite par un humain a augmenté d’un facteur d’environ 16, un facteur semblable au facteur de quasiment 17 que je mentionnais plus haut. Pour le dire autrement, en deux siècles, la richesse produite par chaque humain vivant sur la planète a été multipliée par 16.
Si l’augmentation du PIB avait été uniquement due à la croissance de la population, le facteur de croissance du PIB par habitant aurait dû n’être que de 1.
À quoi est due cette « sur-augmentation » d’un facteur 16 du PIB par habitant ? C’est à cette question qu’essaie de répondre la branche de la science économique qui étudie la croissance économique de long terme. La théorie aujourd’hui dominante, la théorie de la croissance endogène, montre que la croissance économique de long terme est d’abord due à l’innovation. En grande partie grâce à l’innovation, technologique mais pas seulement, les humains d’aujourd’hui sont capables de produire en moyenne 16 fois plus de richesse aujourd’hui que les humains d’il y a deux siècles.
Une richesse qui reste inégalement répartie
Dire que l’humanité connaît aujourd’hui un niveau de richesse sans précédent n’implique pas que cette richesse soit répartie de manière uniforme sur la planète. La Figure 8 le montre : historiquement, ce sont d’abord les pays occidentaux qui ont connu une augmentation de leur richesse, mesurée ici avec le PIB par habitant.
Figure 8 – PIB par habitant de 1820 à 2022 dans les régions du monde, en dollars internationaux dans les prix de 2011. Ajusté pour l’inflation et pour les différences de coût de la vie entre pays. Données : Bolt et van Zanden - Maddison Project Database 2023 (2024) ; Maddison Database 2010, avec retraitement majeur par Our World in Data.
On voit cependant que depuis les années 1990, le PIB par habitant augmente dans toutes les régions du monde.
La croissance économique n’est pas un jeu à somme nulle : l’augmentation du PIB par habitant dans le pays A n’implique pas une diminution du PIB par habitant dans le pays B. A et B peuvent voir leur PIB par habitant croître simultanément. Comme le montre la Figure 8, c’est ce qui arrive depuis plusieurs décennies. Néanmoins, malgré l’augmentation quasiment généralisée du PIB par habitant dans les grandes régions du monde, l’écart entre les pays occidentaux et les autres pays reste important.
À noter que les moyennes de la Figure 8 ne disent rien des inégalités à l’intérieur des pays. Il y a des inégalités entreles pays, et il y a des inégalités à l’intérieur des pays. Elles peuvent chacune avoir des dynamiques différentes.
Conclusion
Les données montrent qu’il n’y a jamais eu autant d’humains sur la planète, et qu’ils n’ont jamais été aussi riches.
Une telle richesse est corrélée à de nombreuses avancées sociales, telles que l’accès à l’éducation, l’accès à la santé, l’augmentation de l’espérance de vie, la fin du travail des enfants, l’accès à des systèmes de retraite, l’accès aux loisirs, et ainsi de suite. Cette richesse est également corrélée à de nombreuses crises environnementales, comme le réchauffement climatique, l’artificialisation des sols ou la réduction de la biodiversité.
Les deux derniers siècles ont été une profonde rupture pour l’humanité. Par toutes ces transformations, l’expérience individuelle de l’existence a profondément changé. Notre quotidien est sans comparaison avec le quotidien de nos ancêtres d’il y a seulement deux siècles. Je ne suis pas certain que l’on s’en rende souvent compte.
Dans les prochains articles de la série, j’explorerai l’évolution du PIB par habitant dans les grandes régions du monde (Décryptage #1b), dans quelques pays, dont la France et les États-Unis (Décryptage #1c), et j’explorerai à quoi ressemblait la vie avant l’émergence du capitalisme (Décryptage #1d).
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Aviez-vous en tête l’existence de ces nombreux phénomènes exponentiels ? Saviez-vous qu’une part substantielle des évolutions ont eu lieu après la Seconde Guerre mondiale ? Saviez-vous que la croissance de la population avait commencé à ralentir depuis plusieurs décennies ? Saviez-vous que l’humain moyen avait vu sa richesse augmenter d’un facteur 16 depuis des deux derniers siècles ? Saviez-vous que toutes les régions du monde voient leur richesse par habitant augmenter, mais que des écarts importants persistent ?
Vous pouvez répondre à ces questions dans les commentaires de cet article, ou en répondant par e-mail si vous avez reçu l’article par e-mail.
Si vous avez trouvé l’article intéressant, n’hésitez pas à le partager autour de vous. Le bouche-à-oreille joue un rôle déterminant pour faire connaître mon travail.
À bientôt pour le prochain article de la série, Olivier
Contrairement à la plupart des pays riches, les États-Unis n’ont, à ce jour, pas un seul kilomètre de ligne ferroviaire à grande vitesse.
Il existe bien quelques services comme Acela (Northeast Corridor, entre Washington DC et Boston) et Brightline (Floride, entre Miami et Orlando), services qui sont d’ailleurs des succès commerciaux. Mais leur vitesse de pointe de 240 km/h (Acela) et de 200 km/h (Brightline) ne permettent pas de les catégoriser dans la grande vitesse ferroviaire, que l’on fait généralement débuter à 250 km/h. Il n’y a guère que le Canada qui fasse pire, où il n’y a même pas de service optimisé similaire à Acela ou Brightline.
Figure 1 – Acela (à gauche) et Brightline (à droite). Source : Apple Maps.
Pour autant, des projets de lignes à grande vitesse existent. Certaines lignes sont même en construction, comme la problématique CASHR (California High Speed Rail) en Californie. Néanmoins, ces projets ne permettent pas de combler l’important retard pris au cours des dernières décennies. Et le désastre politique, logistique et budgétaire qu’est la CASHR n’incite pas à l’optimisme.
Figure 2 – Localisation de l’état de Californie aux États-Unis.
Pour faire le point sur les projets les plus avancés, je vous recommande cet article de Théo Laubry publié dans Slate. L’article aborde plus spécifiquement la ligne Brightline West, dont la construction vient de commencer entre Los Angeles et Las Vegas sur le modèle d’un partenariat public-privé. Située entre la Californie et le Nevada, cette ligne a de bien meilleures chances d’aboutir, et sans exploser son budget, que la CASHR.
Théo l’écrit dans son article : l’état du ferroviaire à grande vitesse n’est que le reflet de l’état généralement mauvais du ferroviaire passager aux États-Unis. Comme le montre Figure 3, les États-Unis ont un important réseau ferré.
Figure 3 – Carte du réseau ferroviaire aux États-Unis. Source : OpenRailwayMap.
Ce réseau sert principalement au transport de fret. Comme le montre la Figure 4, le fret ferroviaire a une part modale beaucoup plus importante aux États-Unis qu’en Europe.
Figure 4
À quelques exceptions près, le ferroviaire passager est particulièrement peu développé aux États-Unis. Une illustration : la ligne du Pacific Surfliner n’offre que 10 allers-retours par jour entre Los Angeles (13.2 millions d’habitants dans la métropole) et San Diego (3.2 millions d’habitants dans la métropole), deux métropoles distantes de seulement 200 kilomètres. Le trajet dure environ 3 heures en train, contre environ 2 heures en voiture. La voie n’est pas électrifiée, et est même à voie unique sur une partie substantielle du trajet. Et pourtant, le Pacific Surfliner est le seconde ligne la plus empruntée du pays en nombre de voyageurs. C’est dire la faiblesse du ferroviaire passager.
Figure 5 – Horaires du Pacific Surfliner pour le lundi 13 mai 2024 entre Los Angeles et San Diego. Source : Amtrak.
L’administration de Joe Biden s’est engagée à revitaliser le transport ferroviaire de passagers. Mais le retard pris est important. Pour le combler, l’effort devra être maintenu sur une longue période. Il n’est pas certain que le climat politique chaotique des États-Unis permette un tel effort de long terme.
Est-ce que le Sénat du Tennessee a réellement voté une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails ? Je vous propose aujourd’hui la deuxième, et dernière, partie de mon enquête visant à répondre à la question.
Pour rappel, les chemtrails sont une théorie du complot, largement débunkée, prétendant que les trainées de condensation des avions de ligne seraient des produits chimiques, répandus à dessein par le gouvernement dans divers objectifs de manipulation.
D’après la première partie de mon enquête, la loi votée par la majorité républicaine du Sénat du Tennessee semblait bel et bien être une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails. Jusqu’à ce que je lise le texte de l’amendement : le texte pourrait tout à fait correspondre à une interdiction des expérimentations sauvages de géo-ingénierie, expérimentations qui ont malheureusement déjà eu lieu. Et si les médias avaient mal représenté le texte voté ?
Après avoir découvert que les minutes des débats au Sénat étaient disponibles en vidéo, je décide de les explorer. Les débats autour de la loi devraient m’indiquer si la loi porte sur les chemtrails, ou si elle porte sur les expérimentations sauvages de géo-ingénierie. C’est peu de dire que l’exploration des minutes m’ont permis de répondre sans ambiguïté à la question…
Si ça n’est pas déjà fait, n’hésitez pas à (re)lire la première partie de mon enquête, afin d’avoir les informations pertinentes en tête.
Je vais immédiatement mettre un terme au suspens : non, la loi n’a pas pour objectif d’encadrer les expérimentations sauvages de géo-ingénierie. Il s’agit d'une loi conspirationniste, qui s’insère à la virgule près dans l’écosystème conspirationniste dans lequel le Parti républicain baigne désormais. Les minutes des débats sont édifiantes, et ne laissent place à aucun doute.
Le site du Sénat propose deux vidéos : le vote en session plénière, et le vote dans le comité dédié à l’énergie, à l’agriculture et aux ressources naturelles.
Dans de nombreux parlements, y compris en France, le vote en session plénière est souvent purement formel. Il se contente d’acter les décisions prisent dans les comités. Il est simplement plus pratique de travailler ainsi. Pour cette raison, les débats dans les comités sont généralement plus importants que les débats en session plénière. Puisqu’il n’y a pas de débat lors du vote en session plénière, en toute hypothèse, c’est en comité que la loi a été débattue.
Je me suis donc intéressé à la session du comité du 6 mars 2024. Je n’ai, disons, pas été déçu du voyage.
J’ai extrait la dizaine de minutes de la session du comité portant spécifiquement sur l’amendement SB2691. J’ai également retranscrit les échanges. L'extrait montre sans ambiguïté que la loi est fondamentalement conspirationniste.
0:00
/9:51
Figure 1
Transcription
Transcription par Microsoft Stream.
Mis en forme et édité par Olivier Simard-Casanova.
En gras : la personne qui parle. En italique : le début de la prise de parole dans la Figure 1.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
0:00
You are recognized on Senate Bill 2691. Also has an amendment on it.
0:06
Does the amendment make that bill?
Chairman Steve Southerland
0:07
It does.
0:08
I'll move the bill.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
0:10
Chairman Sutherland moves the bill.
0:12
I second the bill.
0:13
We want to go ahead and get it in the right.
0:15
I move Amendment 014295.
0:18
Chairman Sutherland seconds it, in favor of the amendment.
0:23
Any objections?
0:25
The amendment is on the bill.
0:26
Do you want to explain it to us?
Chairman Steve Southerland
0:27
I'd like to go into recess and have someone to testify, if you would, please.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
0:33
OK, we're going to go into recess.
0:35
If you could please come forward.
0:44
If you would, please raise your right hand.
0:49
Do you affirm that the testimony you're providing to the Senate Energy Agricultural Natural Resource today is truthful and correct to the best of your knowledge?
Doctor Denise Sibley
0:58
Yes, Sir.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
0:59
Thank you.
0:59
Can you please state your name?
1:05
We have 3 minutes.
1:07
We're out of session or in recess.
Doctor Denise Sibley
1:10
My name is Doctor Denise Sibley.
1:12
I'm an internal medicine physician from Johnson City, TN.
1:15
I've practiced medicine for 35 years.
1:17
I support this bill and I refer to it as the Atmosphere Protection Act.
1:22
Several states besides our own, including New Hampshire, Rhode Island, Kentucky, Connecticut, Iowa, and South Dakota are involved in actions to protect their atmosphere as well.
1:32
Cloud seeding, quote, has been recognized since 1965 in Maryland and since 1967 in Pennsylvania, both in our own TCA 58-2-116 which specifically mentions legal weather modification in our own state and in this 44 pages White House produced document from June 2023, which is a congressionally mandated report regarding the framework for governmental past, present and future weather modification through solar radiation modification using stratospheric aerosol injection, marine cloud brightening and cirrus cloud thinning.
2:16
There is no doubt that weather modification is taking place within our state.
2:21
These actions of intentional manipulation of the atmosphere produce pollution and unintentional consequences that affect the health of our citizens, the safety of our water supply, our soil viability and crop production, ecosystem survival, precipitation extremes with flooding and drought, climate variability and extremes and disruption of the economy.
2:43
The spring of sulfur dioxide is identified as causing acid rain, known to be detrimental to the health of humans, causing respiratory diseases such as asthma and worsening lung disease, and it acidifies the water supply and soil.
2:57
In addition, heavy metals have been detected in rainwater samples in Tennessee from 2017 from Clarksville, TN that contains dangerous substances such as strontium, barium, aluminum, and sulfur.
3:12
We are in the process of obtaining new samples as well in our area.
3:16
We do not consent to this experimentation on our atmosphere and our citizens, nor the funding of it.
3:22
We do not consent to the intentional blocking of the sun through the use of particulate aerosols and heavy metals.
3:28
Blocking the sun would affect our crops with potential famine, deforestation, and the blocking of vitamin D production by humans, which is a major determinant of a natural immunity.
3:39
We do not consent to this unnatural, God-like desire to control the Heavens.
3:43
If we fail to block these actions with legislation by providing our own governance, then we will continue to be manipulated by the federal government and the stakeholders that are named in this White House report.
3:57
Scientific American in February 2023 also reported on the UN One Atmosphere global government for the experimentation and deployment of solar geoengineering and solar radiation modification, which would link all world governments under a singular control.
4:16
I urge you to support our 9th and 10th amendments to lead the nation as Tennessee forcefully says "No", not in this state.
4:23
You won't mess with our atmosphere.
4:25
Thank you for your work on behalf of our citizens.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
4:27
Hey Doctor, thank you for the testimony.
4:30
Do we have any questions for the witness?
4:33
Senator Oliver, you’re recognized.
Senator Charlane Oliver
4:36
Thank you.
4:36
Sorry, I didn't catch your name.
Doctor Denise Sibley
4:39
Doctor Denise Sibley.
Senator Charlane Oliver
4:41
Thank you, Doctor Sibley. Can you explain geoengineering to me like I'm 5?
Doctor Denise Sibley
4:47
Geoengineering is the intention of modifying the atmosphere to control the sun's radiation down to the Earth and to reflect some of that back in an effort to supposedly combat climate change and to also modify the weather.
Senator Charlane Oliver
5:09
Where is this geoengineering taking place In Tennessee?
Doctor Denise Sibley
5:14
The geoengineering is taking place on a United States wide area.
5:20
It is, the national organizations that are mentioned in this document.
5:26
Again, this is a White House produced congressional mandated document, or NASA and NOAA, which is the National Oceanic and Atmospheric Association, other academic entities that are involved in experimentation and modeling, as well as the Office of Scientific, OSTP, which I'd have to refer to that what that stands for.
5:51
But there are several national organizations that participate in this.
5:55
NASA and NOAA are the main ones.
Senator Charlane Oliver
5:56
But they're doing this in Tennessee?
Doctor Denise Sibley
6:00
They do it all over.
Senator Charlane Oliver
6:02
Gotcha.
6:03
So this bill, I'm trying to understand, this bill would prohibit them from doing geoengineering in Tennessee?
Doctor Denise Sibley
6:11
We would like to prohibit that for our citizens as we want the overreach of the government to not extend and injure the health of our citizens.
6:23
Yes, ma'am.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
6:26
Senator Bowling, you’re recognized.
Senator Janice Bowling
6:28
Thank you very much Doctor Sibley.
6:31
I do appreciate your coming to us with this and others.
6:35
I have been hearing about this from constituents for quite a time.
6:38
And the fact that it is taking place over Tennessee, it is up to us to stop this.
6:44
And I thank you for bringing this.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
6:47
Senator Niceley, you’re recognized.
Senator Frank Niceley
6:50
Thank you, Doctor Sibley.
6:51
This will be my wife's favorite bill of the year.
6:54
She has worried about this, I bet 10 years.
6:57
It's been going on a long, long time and it's amazing how many people never look up during the day.
7:03
But if you look up one day, let's be clear, the next day they will look like some angels being playing tic tac toe.
7:11
They're everywhere.
7:12
I've got pictures on my phone with Xes right over my house.
7:16
For years they denied that they were doing anything and then they finally admitted. I found it in the budget.
7:22
So we know they were doing it. Then they say, well it's to dim the sun so we don't have global cooling or warming or climate change.
7:31
They're saying that some of this stuff they're putting in the sky is to enhance the communication between the satellites and our cell phones and everything to make it make the transmissions more accurate.
Doctor Denise Sibley
7:45
Yes, Sir.
Senator Frank Niceley
7:47
So I don't know what's going on.
7:48
We need to know.
7:49
I think this is one of the better bills we've passed this year.
7:53
The only problem I have with it, there's no teeth in it.
7:56
But I think we should put some teeth in. If we catch a pilot doing this, jerk his license for six months or fine him some money.
8:02
I've noticed down here we pass bills and if we don't put teeth in it, they tend to ignore it.
8:08
I'd like to offer an amendment to put some kind of teeth in it, if we could.
Chairman Steve Southerland
8:17
Well, I think it might put a fiscal note on it if we do that.
8:21
So, I would prefer that we just pass it clean like.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
8:29
Any other questions or comments? From Senator Lowe. You're recognized.
Senator Adam Lowe
8:35
Thank you, Mr. Chairman.
8:35
The big revelation of the day is that Frank has a phone that takes pictures.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
8:43
Your name was called.
Senator Frank Niceley
8:45
Now, excuse me. Did you say the gentlemen from Strawberry Plains?
8:55
Smart people have a smartphone.
8:57
Wise people have flip phones.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
9:02
Thank you, Doctor Sibley, for your time.
Doctor Denise Sibley
9:04
Thank you, Sir, for letting me present today.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
9:06
We're going back into session.
9:08
Members, do you have any additional questions for the amended bill for Chairman Southerland?
9:15
Seeing none.
9:17
Madam clerk, can you please take the vote?
Clerk
9:20
Senator Bowling votes aye.
9:22
Senator Campbell votes no.
9:24
Senator Lowe votes aye.
9:26
Senator Niceley votes aye.
9:29
Senator Oliver votes no.
9:31
Senator Reeves votes aye.
9:33
Senator Rose votes aye.
9:35
Senator Walley votes aye.
9:37
Chairman Southerland votes aye.
9:39
There are 7 ayes.
9:40
2 noes.
1st Vice-Chairman Shane Reeves
9:41
Thank you.
9:47
Bill goes to calendar.
La session du comité tourne autour du témoignage d’une médecin, Denise Sibley. On s’intéressera plus loin à son profil. Pour le moment, intéressons-nous aux arguments auxquels elle a recours dans son témoignage. Pour rappel, il s’agit d’un témoignage sous serment.
Immédiatement, je suis alerté. Denise Sibley débute son témoignage en expliquant qu’elle est médecin, depuis 35 ans. Elle cite un peu plus loin des documents « de la NASA », « de la Maison Blanche », « de la NOAA ». Même si de tels arguments ne sont pas en eux-mêmes des preuves, mettre en avant son statut de médecin pour aborder un débat sans rapport direct avec la médecine, ou prétendre que des institutions crédibles seraient à l’origine de documents qui contiendraient des révélations choquantes, sont des éléments de langage classiques du discours conspirationniste.
Pour autant, similitude ne vaut pas preuve. Je suis alerté, mais ces arguments ne prouvent rien.
Non, ce qui prouve que Denise Sibley défend une position conspirationniste, c’est (notamment) cet extrait.
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Figure 2
La transcription — c’est moi qui souligne :
Cloud seeding, quote, has been recognized since 1965 in Maryland and since 1967 in Pennsylvania, both in our own TCA 58-2-116 which specifically mentions legal weather modification in our own state and in this 44 pages White House produced document from June 2023, which is a congressionally mandated report regarding the framework for governmental past, present and future weather modification through solar radiation modification using stratospheric aerosol injection, marine cloud brightening and cirrus cloud thinning. There is no doubt that weather modification is taking place within our state.
En français :
L'ensemencement de nuages est, je cite, reconnu depuis 1965 dans le Maryland et depuis 1967 en Pennsylvanie, à la fois dans notre propre TCA 58-2-116 qui mentionne spécifiquement les modifications légales des conditions météorologiques dans notre propre État et dans ce document de 44 pages produit par la Maison Blanche en juin 2023, qui est un rapport mandaté par le Congrès concernant le cadre de la modification gouvernementale passée, présente et future des conditions météorologiques par la modification du rayonnement solaire en utilisant l'injection d'aérosols stratosphériques, l'éclaircissement des nuages marins et l'amincissement des cirrus. Il ne fait aucun doute que des modifications météorologiques ont lieu dans notre État.
Denise Sibley affirme que l’État fédéral américain aurait recours à des techniques de chemtrails, et ce depuis 1965. Elle affirme également qu’il « ne fait aucun doute » que ces techniques sont utilisées dans le ciel du Tennessee. Comme le dit souvent Thomas C. Durand de La Tronche en Biais : « si c’est vrai, c’est très grave ».
Bien sûr, « l’information » n’a bien sûr aucun fondement. Cette déclaration de Denise Sibley réfute sans doute à elle seule l’hypothèse que la loi aurait pour objectif d’encadrer les expérimentations sauvages de géo-ingénierie menées par des startups peu scrupuleuses.
Plus loin, Denise Sibley réitère ses propos lorsque la sénatrice démocrate Charlane Oliver lui demande si des épandages ont lieu dans le ciel du Tennessee.
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Figure 3
La réponse de Denise Sibley :
The geoengineering is taking place on a United States wide area.
En français :
La géo-ingénierie est mise en œuvre sur l'ensemble du territoire des États-Unis.
Lorsque la sénatrice lui pose une seconde fois la question, voici la réponse :
They do it all over.
En français :
Ils le font partout.
Les déclarations de Denise Sibley sont accablantes.
Pire, certains sénateurs, tous républicains, tiennent eux-mêmes des propos conspirationnistes.
Commençons par la sénatrice Janice Bowling.
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Figure 4
Janice Bowling affirme notamment :
And the fact that it [the chemtrails] is taking place over Tennessee, it is up to us to stop this.
En français :
Et le fait que cela [les chemtrails] se passe partout au-dessus du Tennessee, c'est à nous d'y mettre fin.
La sénatrice affirme elle aussi que l’État fédéral procéderait à de l’épandage de produits chimiques dans le ciel du Tennessee.
Le sénateur Frank Niceley n’est pas en reste.
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Figure 5
En particulier, Frank Niceley se pose de nombreuses questions, et aurait même trouvé certaines réponses :
This will be my wife's favorite bill of the year. She has worried about this, I bet 10 years. It's been going on a long, long time and it's amazing how many people never look up during the day. But if you look up one day, let's be clear, the next day they will look like some angels being playing tic tac toe. They're everywhere. I've got pictures on my phone with Xes right over my house. For years they denied that they were doing anything and then they finally admitted. I found it in the budget. So we know they were doing it. Then they say, well it's to dim the sun so we don't have global cooling or warming or climate change. They're saying that some of this stuff they're putting in the sky is to enhance the communication between the satellites and our cell phones and everything to make it make the transmissions more accurate.
En français :
Ce sera la loi préférée de ma femme cette année. Elle se préoccupe de cette question depuis 10 ans, je parie. Cela dure depuis très longtemps et il est étonnant de voir combien de personnes ne lèvent jamais les yeux pendant la journée. Mais si vous levez les yeux un jour, soyons clairs, le lendemain, ils ressembleront à des anges jouant au morpion. Ils sont partout. J'ai des photos sur mon téléphone avec des X au-dessus de ma maison. Pendant des années, ils ont nié qu'ils faisaient quelque chose, puis ils ont fini par l'admettre. Je l'ai trouvé dans le budget. Nous savons donc qu'ils le faisaient. Ensuite, ils disent que c'est pour réduire la luminosité du soleil afin d'éviter le refroidissement ou le réchauffement de la planète ou le changement climatique. Ils disent que certaines des choses qu'ils mettent dans le ciel servent à améliorer la communication entre les satellites et nos téléphones portables et tout le reste pour rendre les transmissions plus précises.
Lorsque le sénateur Frank Niceley mentionne l’idée, pour le moins saugrenue, que l’épandage de produits chimiques par les avions de ligne, un épandage qui n’existe donc pas, aurait notamment pour objectif d’améliorer la connectivité des smartphones (vers 0m50 dans la vidéo de la Figure 5), Denise Sibley répond par un « Yes Sir » — « Oui, monsieur ».
Compte tenu des propos de Denise Sibley, et compte tenu des propos des sénateurs républicains, il me semble désormais établi au-delà de tout doute raisonnable que l’amendement SB2691 est bel et bien conspirationniste.
Qui est Denise Sibley ?
Dans la mesure où le témoignage de Denise Sibley est au cœur des débats, il me semble utile de s'intéresser au profil de Denise Sibley. Denise Sibley est-elle une témoin de confiance ?
Avant de continuer, une précision importante. S’intéresser au profil de Denise Sibley n’a pas pour objectif de lui mettre une cible dans le dos. Il est hors de question de la harceler, de la menacer, ou de faire preuve d’un quelconque comportement antisocial à son égard. De telles méthodes scélérates sont celles des conspirationnistes, inutile de s’en inspirer.
Retour à Denise Sibley. Il suffit de consulter quelques minutes son site Internet pour constater qu’elle participe activement à l’écosystème conspirationniste conservateur.
Dès la page d’accueil, je suis alerté. Comme le montre la Figure 6, Denise Sibley se qualifie de « freedom fighter », une « combattante de la liberté ». C’est un élément de langage classique des sphères conspirationnistes conservatrices américaines.
Figure 6 – Capture d’écran partielle de la page d’accueil du site de Denise Sibley.
C’est par exemple au nom de la « liberté » que les conspirationnistes conservateurs ont combattu masques et vaccins contre la COVID, contribuant à la mort évitable de dizaines de milliers de personnes.
Denise Sibley dit également défendre la « liberté religieuse ». Il s’agit cette fois d'un élément de langage classique de la droite protestante radicale américaine, alliée à Donald Trump, et qui a minima tolère de cohabiter avec le conspirationnisme d’extrême-droite.
Le reste du site Internet confirme mes suspicions.
Une page est dédiée à la COVID-19. En tant que médecin, je m’attends à ce que Denise Sibley y prodigue des conseils basés sur les preuves scientifiques.
Or, dans un long texte disponible en capture d’écran dans la Figure 7, elle recommande, entre autres, de traiter les infections à la COVID-19 avec de l’ivermectine et de l’hydroxychloroquine.
Figure 7 – Capture d’écran des recommandations de Denise Sibley pour lutter contre la COVID-19.
Je ne vais pas détailler ce que Denise Sibley affirme dans ce texte. Il y a beaucoup d’affirmations sans preuves, voire de fausses informations, et ça n’est pas le sujet de l’enquête. Je vais me contenter de noter qu’elle mentionne « Marseille », sous-entendu l’équipe de Didier Raoult à l’IHU, lorsqu'elle aborde l’hydroxychloroquine (troisième image de la Figure 7). On a là une belle illustration que l’œuvre de Didier Raoult sert de substrat à des conspirationnistes américains.
La page dédiée à la COVID-19 contient des vidéos, dont au moins une traite des masques. Je n’ai pas regardé ces vidéos. Je suppose qu'elles contiennent également de la désinformation médicale.
La dernière page qui m’intéresse est celle où Denise Sibley relate ses interventions médiatiques.
Une lecture superficielle suffit pour constater que Denise Sibley est intervenue à de nombreuses reprises dans les médias conspirationnistes de l’extrême-droite américaine, comme le podcast de Tomi Lahren.
Afin de conserver une archive de ces pages, j’en ai fait des captures d’écran en PDF.
Compte tenu de toutes ces informations, il me semble douteux de faire confiance aux propos de Denise Sibley. Il me semble encore plus douteux de l’inviter en tant que témoin sous serment dans une chambre législative. C’est pourtant ce qu’a fait le Sénat du Tennessee.
La dérive conspirationniste du Parti républicain
Mon enquête confirme que les sénateurs républicains du Sénat du Tennessee ont bel et bien voté une loi conspirationniste visant à interdire les chemtrails. Cette loi, surréaliste, fondamentalement conspirationniste, qui prétend lutter contre un phénomène qui n’existe pas, illustre de manière spectaculaire la dérive conspirationniste du Parti républicain. Une dérive qui s’est accélérée depuis bientôt dix ans, avec la domination désormais complète du parti par Donald Trump. Je ne serais pas surpris que des lois similaires soient votées par d’autres législatures contrôlées par le Parti républicain.
En plus de clarifier le caractère conspirationniste de la loi, j’ai voulu que mon enquête soit la plus transparente, la plus complète et la plus méthodique possible. Répondre efficacement à la désinformation et à la mésinformation nécessite rigueur, méthode et prudence épistémique. C’est en tout cas l’approche que je veux suivre. Je ne prétends pas que mon enquête soit parfaite. J’ai en tout cas essayé de la mener en respectant ces principes.
Si mon enquête vous a plu, n’hésitez pas à vous abonner à ma newsletter pour ne pas manquer mes prochains articles de vulgarisation scientifique et sur l’esprit critique.
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Matt Navarra, sur Threads en citant un article de Business Insider, rapporte qu'aux États-Unis, Threads a d'ores et déjà davantage d'utilisateurs quotidiens que X, anciennement Twitter.
En avril 2024, Threads a ainsi 28 millions d'utilisateurs actifs quotidiens, contre 22 millions pour X. Threads a 100 millions d'utilisateurs actifs mensuels, contre 140 millions pour X.
Même si X continue à avoir davantage d'utilisateurs actifs mensuels que Threads, il s'agit d'une performance remarquable pour Threads. Pour rappel, Threads n'a été lancé qu'en juillet 2023 aux États-Unis.
Il est également remarquable que si Elon Musk n'avait pas pris une série de décisions toutes plus catastrophiques les unes que les autres après avoir racheté Twitter, Meta n'aurait sans doute jamais lancé Threads. Le rachat de Twitter par Elon Musk, et sa gestion catastrophique de la plateforme depuis, est un cas d'école de blessure auto-infligée.
Il y a environ un an, j'avais publié une compilation des décisions catastrophiques prises par Elon Musk à la tête de Twitter. Je n'ai pas prévu de publier une suite à cet article, mais je pourrais. La série ne s'est pas arrêté en avril 2023.
Carbon Brief a publié un article très complet, qui contient de nombreuses visualisations de données des températures globales. Elles montrent que 2024 a d'ores et déjà battu de nombreux records.
Comme le montre la Figure 1, les quatre premiers mois de 2024 sont ceux ayant connu l'anomalie de température la plus importante depuis les années 1940. L'anomalie de température est l'écart entre la température observée et la température moyenne au cours de la période 1850-1900.
Figure 1 - Source : Carbon Brief.
La Figure 2 représente des données similaires, avec un pas quotidien plutôt que mensuel.
Figure 2 - Source : Carbon Brief.
Enfin, la Figure 3 montre la distribution géographique de l'anomalie de température. Plus la zone est rouge, plus l'anomalie de température est importante. La carte montre que la quasi-totalité de la planète est concernée.
Je l'ai souvent dit, et l'article de Carbon Brief me permet de le répéter : il est essentiel de lutter contre le réchauffement climatique avec des solutions dont l'efficacité a été démontrée, en moins partiellement, par la littérature scientifique. Il n'y aurait rien de pire que de rater la transition écologique parce que l'on aurait mis en place des "solutions" inefficaces dont on se serait convaincus du contraire.
Si vous lisez l'anglais, l'article mérite d'être lu. Le travail de visualisation de données est par ailleurs remarquable.
La Figure 1 est un intéressant graphique partagé sur Bluesky par Jacob T. Levy. Il s'agit du total cumulé des fonds levés par les campagnes de Donald Trump (en rouge) et par Joe Biden (en bleu), en 2020 (ligne pointillée) et en 2024 (ligne continue), entre 600 jours avant le jour de l'élection et le jour de l'élection ("Election Day").
Les fonds sont des dons, provenant d'individus ou d'organisations. Aux États-Unis, les organisations comme les entreprises peuvent financer les campagnes électorales.
Pour rappel, Threads est le concurrent de Twitter de Meta adossé à Instagram.
D'après Digiday, Meta aurait fait la promotion des futures fonctionnalités publicitaires de Threads auprès d'une sélection de responsables travaillant dans l'industrie publicitaire. Les fonctionnalités publicitaires arriveraient dans la deuxième partie de 2024, soit à peine un an après le lancement du réseau.
Il était évident dès le départ que Meta allait monétiser Threads par de la publicité. Je ne pensais cependant pas que ça irait aussi vite. D'autant qu'en attendant, le fil algorithmique de Threads est toujours d'une insondable médiocrité.
It is with a heavy heart that I share this sad news with you. Despite how much we’ve accomplished together, we will be shutting down Post News within the next few weeks.
We have done many great things together. We built a toxicity-free community, a platform where Publishers engage, and an app that validated many theories around Micropayments and consumers’ willingness to purchase individual articles. We even managed to cultivate a phenomenal tipping ecosystem for creators and commenters.
But, at the end of the day, our service is not growing fast enough to become a real business or a significant platform. A consumer business, at its core, needs to show rapid consumer adoption and we have not managed to find the right product combination to make it happen.
En français :
C'est le cœur lourd que je partage avec vous cette triste nouvelle. Malgré tout ce que nous avons accompli ensemble, nous fermerons Post News dans les prochaines semaines.
Nous avons fait beaucoup de grandes choses ensemble. Nous avons construit une communauté sans toxicité, une plateforme où les éditeurs s'engagent, et une application qui a validé de nombreuses théories autour des micropaiements et de la disposition des consommateurs à acheter des articles individuels. Nous avons même réussi à cultiver un écosystème phénoménal de pourboires pour les créateurs et les commentateurs.
Mais, en fin de compte, notre service ne se développe pas assez rapidement pour devenir une véritable entreprise ou une plateforme majeure. Fondamentalement, une entreprise avec un produit grand public doit bénéficier d'une adoption rapide par les consommateurs et nous n'avons pas réussi à trouver la bonne combinaison pour que cela se produise.
post.news a connu un pic de popularité lorsque Elon Musk a racheté Twitter. Le produit venait à peine d'être lancé et, comme Bluesky, il a dû mettre en place des barrières pour éviter que les utilisateurs ne submergent ses ressources limitées. Malgré ce départ en trombe, post.news est finalement resté trop petit pour espérer devenir viable.
post.news avait prévu d'adopter ActivityPub, le protocole ouvert sur lequel sont notamment bâtis Mastodon, Flipboard et Threads. ActivityPub permet à toutes les plateformes compatibles d'interagir entre elles. Par exemple, il est possible de suivre des comptes Threads sur Mastodon, et bientôt, il sera possible de suivre des comptes Mastodon sur Threads.
Avec les protocoles ouverts, il n'est plus nécessaire de devoir bâtir une base d'utilisateurs pour lancer un produit viable. La base d'utilisateurs est déjà là, via le protocole.
Je ne critique pas post.news pour autant. La plateforme a été lancée juste avant qu'il ne devienne clair que l'avenir des réseaux sociaux serait bâti sur des protocoles ouverts.
Pour redessiner l'icône d'un dossier avec un émoji dans la barre de favoris, renommer le dossier avec l'émoji souhaité — et rien d'autre.
Pour redessiner l'icône d'un dossier appelé "Dossier" avec l'émoji "👀", renommez "Dossier" en "👀".
Figure 1 - Avant : le dossier porte le nom "Dossier" et a une icône de dossier.Figure 2 - Après : le dossier a été renommé en "👀", l'icône du dossier a disparu.
Le graphique représente les dépenses militaires des membres européens de l'OTAN, en valeur absolue (hors inflation, bâtons) et en part du PIB (courbe).
J'inaugure un nouveau format de contenu : Plus. Il s'agit d'un format dans lequel je partage avec vous les coulisses de mon travail de vulgarisation scientifique, et en particulier ce qui se prépare.
Petite originalité, c'est un format qui sera au moins en partie audio, par le biais de notes vocales. C'est le cas du numéro d'aujourd'hui, pour lequel il y a également une transcription texte.
C'est un format qui se veut sans prétention, et qui me permet de rester en contact avec vous. Il est réservé aux personnes ayant un abonnement payant. Si ça n'est pas déjà le cas, n'hésitez pas à vous abonner à l'une des formules payantes pour y avoir accès. Les formules payantes vous permettent par ailleurs de soutenir mon travail.
Au programme de la note vocale d'aujourd'hui : la logistique de la newsletter, les articles sur la littérature scientifique qui arrivent, les prochains épisodes du podcast, le fait que je veuille prendre le temps de creuser les sujets que je couvre, et l'intérêt de la communication asynchrone.
N'hésitez pas à me faire part de vos retours sur ce nouveau format !
Figure 1 - Localisation de l'état de l'Oregon aux États-Unis.
Depuis, les médias relatent un nombre inquiétant d'incidents impliquant des avions de Boeing.
Pour autant, y a-t-il un problème généralisé avec les avions de Boeing ?
Dans une récente vidéo, Xavier Tytelman explique que l'importante couverture médiatique des incidents impliquant des avions de Boeing est en réalité trompeuse.
Certains incidents sont dûs à une maintenance défaillante, qui n'est pas le fait de Boeing. D'autres sont dûs à des problèmes sur les moteurs, qui ne sont pas construits par Boeing. Enfin, des incidents identiques à ceux connus par des avions de Boeing, mais impliquant des avions de Airbus, ne font l'objet d'aucune couverture médiatique particulière.
De mon point de vue, cette série d'incidents ressemble à un biais de confirmation : un certain nombre de médias cherchent les incidents impliquant des avions de Boeing. Et forcément, ils en trouvent. Compte tenu du nombre important d'avions en circulation, et du nombre important de vols chaque jour, même si le taux d'incident est quasiment de 0 %, il y aura forcément quelques incidents chaque semaine.
Boeing a semble-t-il un authentique problème de contrôle-qualité de ses chaînes de production. Des questions se posent également sur l'inefficacité de la régulation américaine : faute de moyens, les autorités de régulation ont en effet délégué des pans entiers de la régulation de Boeing à… Boeing. Ce qui peut créer un (évident) problème dans l'implémentation et le suivi des régulations par Boeing.
Ces problèmes sont sérieux, et doivent être traités comme tel. Pour autant, couvrir le moindre incident, y compris lorsque Boeing n'y est pour rien, contribue à propager une lecture trompeuse de la situation, et alimente les peurs des passagers des compagnies aériennes.
N'oublions pas que l'aérien, comme le ferroviaire, sont des modes de transport largement plus sûrs que la voiture.
Figure 2 - Risque des modes de transport dans l'Union Européenne.
Voici ce que j'ai publié au cours de la semaine sur ma newsletter.
J'ai notamment publié la première partie d'une enquête sur une loi conspirationniste votée par le Sénat du Tennessee visant à interdire les chemtrails.
Par ailleurs, vos retours sur le premier numéro du Point ont été excellents. Merci ! Je continue à expérimenter avec le format, ainsi qu'avec la revue de presse.
Je vous souhaite un excellent week-end, et une bonne lecture.
Le graphique représente le risque des modes de transport dans l'Union Européenne, mesuré par le nombre de décès par milliard de kilomètre-passagers (dans l'UE-27 lors de la période 2011-2015).
Vous, ou l'un de vos proches, avez peut-être été récemment prélevé de plusieurs dizaines d'euros par une énigmatique "Société française d'assurance multirisques", ou SFAM.
L'entreprise existe bel et bien, et est connue pour prélever, sans autorisation, d'anciens clients pour des services d'assurance qui n'existent pas. Elle a une importante ardoise à régler auprès de l'Urssaf, et apparement, ses dirigeants se sont dit que prélever sans autorisation les comptes d'anciens clients était une stratégie viable pour rétablir les finances de l'entreprise.
D'après 60 Millions de Consommateurs, voici comment faire si vous êtes victime des pratiques scélérates de cette entreprise :
Vous êtes un ancien client de la Sfam ? Consultez sans tarder vos derniers relevés bancaires. Si vous constatez un prélèvement indu, faites opposition au paiement auprès de votre banque. Bloquez-le avec le numéro de mandat, inscrit à côté du libellé qui figure sur votre relevé. Cela empêchera l’entreprise de vous débiter.
N’hésitez pas non plus à signaler l’entreprise et ses autres marques commerciales (Foriou, Hubside, Celside, Serena, Info Presse) auprès de la Répression des fraudes, sur le site SignalConso. Le plus important est de rester vigilant et de régulièrement regarder ses comptes pour stopper ces prélèvements dès qu’ils surviennent.
En février 2024, une cour canadienne a obligé Air Canada à partiellement rembourser le billet d'avion acheté par l'un de ses clients. Le client avait demandé au bot du support client les conditions dans lesquelles Air Canada rembourse les billets d'avion achetés en urgence lorsqu'un proche décède. Or, le bot a répondu en hallucinant une politique de remboursement qui n'existe pas.
Air Canada a proposé un bon d'achat de 200 dollars canadiens à son client, qui l'a refusé et a porté l'affaire devant un tribunal. Air Canada a combattu la plainte, en argumentant que le client aurait dû se référer aux pages expliquant la politique de remboursement plutôt qu'aux propos du bot. Le juge n'a manifestement pas été réceptif à l'argument, considérant que les propos du bot ont la même valeur juridique que les pages rédigées par des humains.
Suite à ce jugement, Air Canada a semble-t-il rapidement arrêté son bot, dont la mise en place a pourtant été coûteuse. Le bot avait pour objectifs de diminuer les coûts du service client et d'améliorer la qualité du service rendu.
De mon point de vue, ce qui est intéressant dans cette anecdote est la confiance déraisonnable qu'Air Canada a accordé à son bot. Il est documenté, y compris dans la littérature scientifique, que les IA basées sur des large language models comme ChatGPT sont susceptibles d'hallucinations. Elles ont tendance à inventer des informations qui n'existent pas. Or, Air Canada a semble-t-il fait comme si cette limite, pourtant documentée, n'existait pas, ou était suffisamment mineure pour ne pas poser de problème.
Sur Threads, Gergely Orosz évoque une anecdote similaire dans ces deux posts.
I enjoy hearing companies use GenAI / LLMs as experiments (that can fail!) to improve developer productivity.
Lately, I'm hearing more stories of even large companies where leadership is treating it as a (desperate) solution that must succeed in increasing productivity.
Like there's ~$10B company, losing money big time, where they are pushing devs to dump what they know into the wiki; and hope their internal LLM can scoop it up and e.g. launch new features in new regions, autonomously, and without the need to have a dev involved.
Ugh.
En français :
J'aime bien entendre les entreprises utiliser les IA génératives / les LLM comme des expérimentations (qui peuvent échouer !) pour améliorer la productivité des développeurs.
Dernièrement, j'entends de plus en plus d'histoires de grandes entreprises dont les dirigeants traitent les IA génératives comme une solution (désespérée) qui doit réussir à tout prix à améliorer la productivité.
Par exemple, il y a une entreprise de 10 milliards de dollars qui perd beaucoup d'argent et qui pousse les développeurs à déverser tout ce qu'ils savent dans le wiki, en espérant que leur LLM interne puisse récupérer ces informations et, par exemple, lancer de nouvelles fonctionnalités dans de nouvelles régions [du monde], de manière autonome et sans avoir besoin d'impliquer un développeur.
Ugh.
Quiconque ayant déjà demandé à une IA générative de générer du code informatique sait que le code généré doit être revu méticuleusement. Souvent, c'est du code qui ressemble à du code qui tourne, mais qui ne tourne pas. Ou c'est du code qui tourne, mais qui ne fait pas ce qu'il est censé faire.
Comme pour Air Canada et son bot de service client, croire qu'une technologie aussi sujette à halluciner puisse servir à développer de nouvelles fonctionnalités sans intervention humaine relève de la pensée désidérative. Les IA génératives seront peut-être capables d'écrire du code fiable à 100 %, ou de ne pas halluciner des politiques de remboursement qui n'existent pas. Mais dans sa forme actuelle, la technologie n'en est pas capable.
Comme je l'écrivais l'été dernier, les IA génératives méritent mieux que des paniques morales.
Mais elles ne méritent pas non plus d'être traitées comme des solutions miracles, en oubliant leurs limites pourtant largement documentées. Le risque est alors de commettre des erreurs parfois coûteuses, pourtant faciles à éviter. Je présume qu'Air Canada ne sera pas la seule organisation à prendre ce genre de décision.
Je suis très heureux de partager avec vous le premier numéro du Point.
Le Point est un nouveau format que j'ai prévu de publier chaque samedi, normalement à 10 h (heure de Paris). Chaque numéro liste ce que j'ai publié au cours de la semaine dans la newsletter. J'expérimentale également une revue de presse ainsi qu'une section musicale.
Compte tenu du volume important d'articles et de Notes que je publie, l'un des objectifs du Point est de vous permettre de recevoir un email récapitulatif par semaine, plutôt qu'un email pour chaque article ou chaque Note. Vous êtes un certain nombre à m'avoir demandé cette option, la voici désormais disponible.
Vous pouvez paramétrer les emails que vous recevez dans votre compte.
Si vous avez connu les numéros du Fil que je publiais sur L'Économiste Sceptique, la revue de presse du Point s'en rapproche. La différence est que la revue de presse du Point couvre davantage de thématiques, est mieux organisée, et ne porte pas sur la littérature scientifique. J'ai prévu de partager la littérature scientifique dans des Notes ainsi que dans des articles.
Enfin, la section musicale me permet de partager sans prétention la musique que j'écoute en ce moment.
En fonction de vos retours et de la simplicité à maintenir la revue de presse et la section musicale, il est possible que ces deux sections du Point évoluent — voire disparaissent si l'expérimentation n'est pas concluante. Par contre, le récapitulatif hebdomadaire est un format pérenne, qui n'est pas expérimental.
L'accès au Point nécessite un abonnement à l'une des formules payantes de ma newsletter.
J'apprends sur Bluesky que le psychologue et économiste américano-israélien Daniel Kahneman est décédé à l'âge de 90 ans.
Au cours de sa longue carrière scientifique, Daniel Kahneman a contribué à montrer que les mécanismes psychologiques influencent substantiellement les décisions humaines, dont les biais cognitifs. Psychologue de formation, ses travaux ont participé à fonder l'économie comportementale, une branche de la science économique à la frontière avec la psychologie.
Il a reçu le Prix Nobel en 2002.
Mes condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.
En juillet 2023, le Center for Countering Digital Hate (CCDH), une association luttant contre la haine en ligne, a publié une série de rapports prétendant que X, anciennement Twitter, ne modère pas, ou très peu, certains discours de haine. En réponse, Elon Musk a annoncé que X allait porter plainte contre le CCDH, au prétexte que les rapports seraient fallacieux et destinés à nuire à X en faisant fuir les annonceurs.
Je me permets de noter que le comportement dérangé de Elon Musk, le fait qu'il propage constamment des théories conspirationnistes et des idées d'extrême-droite, et le délabrement de la plateforme depuis qu'il a racheté Twitter en octobre 2022, sont des explications sans doute convaincantes à la fuite des annonceurs. Mais là n'est pas le sujet.
Le juge fédéral Charles R. Brayer a rendu son jugement aujourd'hui : la plainte de X est classée sans suite (viaBest of Dying Twitter sur Threads). En parcourant la décision du juge, la décision n'a semble-t-il pas été difficile à prendre…
Pour le juge, il ne fait aucun doute que l'objectif de la plainte de X n'était pas de tenter de faire réparer un dommage que le CCDH aurait causé à X, mais de faire taire le CCDH — et potentiellement, les autres groupes ou individus susceptibles de critiquer la plateforme. Pour le juge, l'objectif de la plainte était de nuire à la liberté d'expression du CCDH. On notera l'ironie de la situation : alors que Elon Musk se présente comme un défenseur de la "liberté d'expression", un juge classe sans suite la plainte de son entreprise parce que l'objectif de la plainte est de… limiter la liberté d'expression d'un tiers.
D'un point de vue juridique, les procédures destinées à faire taire les critiques par l'intimidation, ou en forçant leurs auteurs à des dépenses d'avocat considérables, s'appellent des procédures bâillons (SLAPP en anglais). Or, la Californie a des lois qui protègent la liberté d'expression contre les procédures bâillons. Si j'ai bien compris la décision du juge, c'est au titre de l'une de ces lois qu'il a classé sans suite la plainte de X.
Pour finir, je vous propose la pépite avec laquelle le juge introduit sa décision :
Sometimes it is unclear what is driving a litigation, and only by reading between the lines of a complaint can one attempt to surmise a plaintiff’s true purpose. Other times, a complaint is so unabashedly and vociferously about one thing that there can be no mistaking that purpose. This case represents the latter circumstance. This case is about punishing the Defendants for their speech.
En français :
Parfois, il n’est pas clair ce qui motive une procédure, et ce n’est qu’en lisant entre les lignes d’une plainte que l’on peut essayer de deviner le véritable objectif d’un plaignant. D’autres fois, une plainte est si éhonteusement et si bruyament centrée sur un seul élément qu’il ne peut y avoir aucun doute sur son objectif. Cette affaire représente la dernière situation. Cette affaire vise à punir le défendeur [le CCDH] pour ses propos.
Si le détail de la décision vous intéresse, vous trouverez le fichier PDF ci-dessous. Notez cependant qu'il s'agit d'un long document, qu'il est technique, et qu'il nécessite des compétences pointues en droit américain pour être correctement compris.
D'après des données compilées par le Washington Post, Donald Trump utilise des propos de plus en plus radicaux dans ses discours pour décrire les émeutiers qui ont attaqué le Capitole le 6 janvier 2021.
Après les avoir qualifiés de "prisonniers politiques", ce qu'ils ne sont pas, Donald Trump appelle désormais les émeutiers des "otages", ce qu'ils ne sont pas non plus.
Figure 1 - Nombre de discours dans lesquels Donald Trump appelle au moins une fois les émeutiers du 6 Janvier des "otages". Source : Washington Post.
En plus de ces qualifications fallacieuses, Donald Trump promet également une amnistie des émeutiers.
En plus de l'évident problème moral que pose la rhétorique de Donald Trump, la radicalisation de son discours est sans doute une mauvaise stratégie politique. J'ai vu passer au moins deux sondages récents qui montrent qu'une large majorité des américains condamnent l'émeute, ce qu'illustre la Figure 2.
Figure 2 - 22 % des sondés "approuvent" les actions de ceux qui sont entrés de force dans le Capitole le 6 janvier 2021, 78 % "désapprouvent". Source : CBS News et YouGov.
Pire, la Figure 3 montre que la majorité des sympathisants républicains désapprouvent l'émeute. Y compris les sympathisants MAGA ("Make America Great Again"), qui sont pourtant les sympathisants républicains les plus alignés sur Donald Trump.
Figure 3 - 43 % des sympathisants républicains MAGA ("Make America Great Again") "approuvent" les actions de ceux qui sont entrés de force dans le Capitole le 6 janvier 2021, contre 22 % des sympathisants républicains non-MAGA. Source : CBS News et YouGov.
Un second sondage, que je n'arrive pas à retrouver, montrait que seulement un tiers des sympathisants républicains avaient une vision positive des émeutiers (il me semble que la question posée était "diriez-vous que les personnes ayant participé au 6 Janvier sont des patriotes ?").
Les émeutiers du Capitole sont particulièrement impopulaires dans l'électorat américain. Les défendre comme le fait Donald Trump va à l'encontre de l'opinion publique, ce qui pourrait coûter cher dans les urnes. Le Parti républicain continue par exemple de payer très cher la suppression de la protection fédérale de l'avortement par la Cour Suprême dont il est à l'origine.
Les propos de Donald Trump sont d'autant moins une bonne stratégie politique que les démocrates ont tout intérêt à utiliser sa rhétorique contre lui dans leur communication. Et compte tenu de l'impopularité des émeutiers dans l'opinion publique américaine, on peut se dire que la stratégie sera probablement efficace.
Sur Bluesky, le CNES a partagé une spectaculaire photographie du Taj Mahal, prise depuis l'espace par l'un des deux satellites Pléiades.
Le Taj Mahal en Inde, observé par un satellite Pléiades à près de 700 km d'altitude ! Ce mausolée de marbre blanc est considéré comme un joyau de l'architecture moghole. La longue bande noire située au nord du bâtiment est un méandre de la rivière Yamuna.
Sensor Tower a récemment publié des données sur le nombre d'utilisateurs quotidiens actifs de l'application mobile de X, anciennement Twitter. Les données montrent qu'aux États-Unis, le nombre d'utilisateurs quotidiens actifs de l'application mobile a diminué d'un peu moins de 25 % depuis que la plateforme a été rachetée par Elon Musk.
Figure 1
Au niveau mondial, les données de Sensor Tower montrent une baisse du nombre d'utilisateurs quotidiens actifs de X de 15 %.
La Figure 1 montre une tendance générale à la baisse : les applications mobiles de TikTok et Instagram voient également le nombre d'utilisateurs quotidiens actifs diminuer. Pour autant, X est la plateforme qui connaît, et de loin, la baisse la plus importante. La baisse s'est accélérée à l'été 2023, lorsque Elon Musk a renommé Twitter en X.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une variable directement comparable à celle mesurée par Sensor Tower, X prétend avoir 250 millions d'utilisateurs quotidiens actifs. Si la donnée est vraie, elle montre une stagnation depuis que Elon Musk a racheté la plateforme : Twitter rapportait à l'époque avoir 258 utilisateurs quotidiens actifs monétisables (qui est encore une variable différente).
À ma connaissance, les seules données qui ne montrent pas une diminution substantielle du nombre d'utilisateurs de X sont celles de X, de Elon Musk et de Linda Yaccarino.
Sans dire qu'elles sont nécessairement fausses, de mon point de vue, les données publiées par X ne sont pas crédibles. Dans la mesure où l'entreprise n'est plus cotée en bourse, elle ne prend aucun risque juridique à publier des données manipulées, voire fausses. Les données publiées par X vont à rebours de toutes les autres. Elon Musk comme Linda Yaccarino sont réputés pour tordre la réalité pour la faire correspondre à ce qu'ils aimeraient qu'elle soit. Enfin, les anecdotes montrant que des communautés entières ont quitté la plateforme s'accumulent.
Pour ma part, le nombre d'abonnés à mon compte Twitter francophone @EcoSceptique a commencé à diminuer depuis octobre 2022. Depuis 2016, je n'ai jamais connu un tel phénomène.
Figure 2 - Nombre de personnes abonnées à mon compte X francophone @EcoSceptique entre le 24 mars 2023 et le 24 mars 2024.
Pour finir, je serais curieux d'avoir d'autres données sur l'activité sur la plateforme que celles mesurant les utilisateurs actifs.
Par exemple, sur Mastodon, le nombre d'utilisateurs mensuels actifs diminue (Figure 3a), ce qui pourrait laisser penser que la plateforme devient une sorte de ville fantôme. Or, le nombre de publications se maintient à un niveau élevé (Figure 3b), ce qui fait augmenter le nombre moyen de publications par utilisateur mensuel actif et contredit l'hypothèse de la ville fantôme.
Figure 3 - Nombre d'utilisateurs mensuels actifs (a) et nombre de publications mensuelles sur Mastodon (b). Source : fedidb.org.
En admettant que les données sur le nombre d'utilisateurs publiées par X, Elon Musk et Linda Yaccarino soient vraies, que disent les autres données d'activité comme le nombre de publications quotidiennes ou mensuelles ? Si j'avais à parier, je suppose que ces dernières montrent, elles aussi, une réduction de l'activité sur X.
Le niveau d'eau bas a contraint la Panama Canal Authority à réduire le transit quotidien de 36 bateaux à 24, ainsi que le tirant d'eau maximum (le tirant d'eau est la "profondeur" avec laquelle la coque d'un bateau peut s'enfoncer dans l'eau).
La réduction du transit a un impact négatif sur de nombreux secteurs, tels que l'énergie, les porte-conteneurs ou le transport du grain.
Because of historically low water levels at Gatun Lake, the Panama Canal Authority has reduced daily traffic from 36 to 24 vessels & limited allowable draft size, affecting energy product carriers, container vessels, & ships transporting grain from the US.
Ce type de perturbation va devenir de plus en plus fréquente à mesure que les effets du réchauffement climatique vont se manifester. Le Canal du Panama, comme de nombreuses autres infrastructures, a été conçu pour un climat différent de celui qui est en train de s'installer.
Dans une intéressante vidéo publiée sur Nota Bonus le 20 mai 2023, vidéo que j’ai récemment découverte, Benjamin Brillaud offre une réflexion intéressante sur le débunking.
Faut-il débunker ? Si oui, qui ? Et comment ? Quels sont les avantages et les inconvénients du débunking ? Peut-on utiliser d’autres méthodes pour lutter contre la désinformation et la mésinformation ?
Pour ma part, je n’ai jamais été un grand producteur de débunking. Ça m’est arrivé d’en écrire, et j’ai quelques brouillons de débunking en économie de l’environnement dans des états variés d’avancement. Pour autant, c’est un exercice qui ne m’attire plus. Il est peu probable que je publie un jour ces brouillons.
Du point de vue des finances de la newsletter, publier des débunkings est sans doute une meilleure stratégie que de ne pas en publier. Comme le dit Benjamin dans la vidéo, le débunking a une apparence de confrontation qui attire. Mais ça n’est pas une « ambiance » que je veux favoriser sur la newsletter.
À la place, je préfère adopter l’approche pédagogique dont Benjamin parle également, même si elle fait moins de vues : transmettre des savoirs, issus de sources de qualité, sur des thèmes où la désinformation et la mésinformation prolifèrent, le tout dans une ambiance calme et apaisée.
Pour autant, je ne nie pas l'intérêt du débunking. Je dis encore moins qu’il ne faut pas en faire. Le débunking est utile. Je partage l’opinion de Benjamin lorsqu'il explique qu’opposer débunking et pédagogie n’a guère de sens. Les deux approches ont leur intérêt, et se complètent.
À l’avenir, j’aimerais explorer davantage la littérature scientifique qui étudie l’efficacité du débunking. J’avais déjà publié un premier article de vulgarisation à ce sujet, à partir d’un working paper de science économique. Je souhaite continuer.
Au-delà des analyses de praticiennes et praticiens de la médiation scientifique et du débunking, analyses qui sont bien sûr utiles, il me semble important d’avoir des réponses plus systématiques. Des réponses que seule la méthode scientifique permet d’obtenir.
J’ai d’ores et déjà mis de côté un certain nombre de références scientifiques. Attendez-vous à ce que je publie de prochains articles sur le sujet. Si ça n’est pas déjà fait, ne les manquez pas en vous abonnant à ma newsletter.
À quoi sert la défense ? Combien coûte l’armée chaque année ? Est-ce que les budgets militaires européens sont réellement en augmentation ? À quels autres services publics faut-il renoncer pour financer le réarmement ?
Alors que la Russie a illégalement envahi l’Ukraine, ces questions, et d’autres, sont devenues des questions d’actualité. En plus de fournir un soutien militaire à l’Ukraine, l’hostilité de la Russie oblige les pays européens à se réarmer, afin de renforcer leur dissuasion.
Découvrez comment un chercheur en science économique répond à ces questions dans cet entretien.
Pour s'abonner à la newsletter de la Chaire Économie de défense :
J’ai trouvé cet intéressant graphique dans un récent article de Laura Laker sur Bloomberg :
Figure 1 – Nombre de déplacements quotidiens en voiture individuelle (à gauche) et à vélo (à droite) à Londres. Données : Transport for London. Graphique : Bloomberg.
La Figure 1 montre que depuis les années 2000, le nombre de déplacements quotidiens à vélo à Londres a été multipliée par 4. D’environ 300.000 déplacements en 2000, il y a désormais entre 1.1 et 1.3 million de déplacements quotidiens à vélo selon les années.
Sur la même période, les déplacements quotidiens en voiture individuelle se sont lentement érodés, passant de 10.9 millions de déplacements à 9.2 millions de déplacements.
Bien sûr, il ne s’agit de données que pour une ville. Ces données illustrent cependant bien la tendance de fond de transformation des modes de transport urbains.
C'est avec grand plaisir que je vous annonce que depuis le mercredi 7 février 2024, je tiens une courte chronique hebdomadaire de médiation scientifique sur France Bleu Sud Lorraine. J'y aborde des travaux scientifiques qui permettent d'éclairer les sujets d'actualité et les thématiques lorrains.
Je partagerai régulièrement les chroniques sur mon site. Même si vous ne vivez pas en Lorraine, je pense qu’elles peuvent vous intéresser.
Participer à un média est une expérience nouvelle pour moi, que je prends avec curiosité et intérêt. En tant que nancéien et lorrain, c'est par ailleurs un réel plaisir que de participer à un grand média local comme France Bleu Sud Lorraine — qui plus est, un média du service public.
Je précise que je ne suis pas rémunéré pour ces chroniques.
J'en profite pour remercier Olivier Damette, Julien Lhuillier ainsi que toute l'équipe de France Bleu Sud Lorraine pour son chaleureux accueil.
Combien coûte la défense nationale chaque année ? Qu’est-ce qu’implique l’augmentation du budget de l’armée pour les autres dépenses publiques, comme l’éducation, la justice, la santé ou encore l’environnement ? Comment l'invasion de l'Ukraine par la Russie modifie-t-elle la trajectoire du budget de la défense, en France mais aussi en Europe ?
Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ces questions, et d’autres, sont devenues des questions d’actualité. En plus de fournir un soutien militaire à l’Ukraine, l’hostilité de la Russie oblige les pays européens à se doter de forces armées robustes, afin de renforcer leur dissuasion.
Je vais enregistrer dans les prochains jours un Café portant sur l'économie de la défense, où nous aborderons ces questions — et d’autres. Mon invité sera Julien Malizard, chercheur en économie de la défense, titulaire-adjoint de la Chaire Économie de défense à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).
Si vous avez des questions sur l’économie de la défense que vous aimeriez que je pose à mon invité, n’hésitez pas à m’en faire part — par exemple, en publiant un commentaire sous cette Note.
Pour rappel, les Cafés sont un format où pendant environ une heure, j’échange avec une personne experte sur l’un des thèmes que je couvre dans ma newsletter. Auparavant, les Cafés étaient enregistrés en public. Pour des raisons logistiques, j’ai récemment annoncé qu’ils seront désormais diffusés en différé.
L'émission sera diffusée plus tard dans l’année sur mon site. Pour ne pas la manquer, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter.
En novembre 2023, j'ai publié un article afin de vous rassurer : non, je n'ai pas abandonné L'Économiste Sceptique. Entre la déliquescence de Twitter et d'importants problèmes de santé qui m'ont occupé de l'été 2022 à la fin de 2023, 2023 a été une année difficile pour mon activité de médiation scientifique.
Pour autant, ces péripéties sont derrière moi. En coulisses, le travail a continué. Il a été considérable. Le gros du chantier est désormais terminé. Ce qui me permet de vous annoncer que je reprends le rythme normal de publication de mon contenu de médiation scientifique. Avec trois importants changements.
Par ailleurs, j'ai conscience qu'au cours des derniers mois, ma communication n'a pas été idéale. Je vous propose de faire le point.
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En bref
• Je reprends la publication de mon contenu de médiation scientifique sur la science économique, l'esprit critique, l'environnement et les États-Unis à un rythme normal. • Même chose pour mon contenu sur la création de contenu sur Internet.
• Annonce #1 : j'ai fusionné mes différentes newsletters et sites sur un site unique, olivier.simardcasanova.net. Vos abonnements ont été migré, ainsi que mon contenu. • Annonce #2 : je mets à la retraite le nom de mes différentes newsletters, y compris celui de "L'Économiste Sceptique", pour écrire directement sous mon nom. Le retrait des différents noms est sans conséquence sur mon contenu. • Annonce #3 : ma ligne éditoriale évolue. Moins d'analyses personnelles, davantage de littérature scientifique, et davantage de graphiques.
• Si vous aviez un abonnement à l'une de mes newsletters, choisissez quels articles recevoir dans votre compte.
Qui suis-je ?
Après la (longue) semi-absence qui s'achève aujourd'hui, c'est sans doute utile de refaire les présentations. Il est également possible que vous m'ayez découvert sur Threads, Bluesky ou Mastodon. C'est l'occasion d'en savoir plus sur qui je suis.
Je m'appelle Olivier Simard-Casanova, je suis économiste (depuis 2012), statisticien (depuis 2014) et médiateur scientifique (depuis 2015). J'ai une expérience dans le milieu de la recherche et de l'enseignement supérieur, et depuis 2019, je suis indépendant.
Au cours des dernières années, j'ai été le créateur et l'auteur de plusieurs newsletters :
L'Économiste Sceptique, sur la science économique, le scepticisme scientifique et l'économie de l'environnement
L'Heure Américaine, sur la société et la politique des États-Unis
Cities 2100, sur les mobilités urbaines en Amérique du Nord
IndieNotes, sur la création de contenu indépendante en ligne
Pour en savoir plus sur moi, n'hésitez pas à consulter la page À propos.
Ma communication
Avant d'aborder les newsletters, j'aimerais faire un point sur mon manque de communication.
Comme je l'expliquais dans mon article de novembre, j'ai pris de plein fouet la destruction de Twitter par Elon Musk. Twitter jouait un rôle central dans mon activité d'indépendant. Sa destruction a eu un impact négatif considérable sur mon travail. Et en particulier, sur mon travail de médiation scientifique.
Concernant ma capacité à communiquer, c'est comme si Elon Musk m'avait pris de force le mégaphone des mains en exigeant que je lui donne de l'argent pour le récupérer. Ça n'est rien de moins que de l'extorsion, extorsion que je ne peux pas accepter.
Or, ça n'a pas été possible de vous dire "je quitte Twitter, retrouvez-moi sur la plateforme Y".
D'une part, je n'ai pas toujours eu des expériences heureuses sur les plateformes alternatives à Twitter, qui ont par ailleurs mis du temps à émerger et à atteindre une masse critique d'utilisateurs.
D'autre part, ni Mastodon, ni Threads, ni Bluesky ne sont des clones de Twitter. Après tout, Twitter était un lieu toxique bien avant son rachat par Elon Musk. Je comprends que les plateformes alternatives tentent d'emprunter un chemin différent. Mais ce chemin différent suppose de comprendre comment ces nouvelles plateformes fonctionnent, et de s'y adapter. Ce qui prend forcément du temps.
Je me suis donc retrouvé dépourvu et orphelin, ne sachant plus trop ni où, ni comment, m'exprimer. Quand s'ajoutent à la destruction de Twitter mes problèmes de santé, devoir gérer ce qui ont été les deux pires crises de ma vie en même temps n'a pas été simple. Sans mes problèmes de santé, j'aurais probablement pu trouver un nouvel équilibre plus rapidement, et me remettre à communiquer efficacement plus rapidement.
Et puis, petit à petit, je me suis souvenu que j'avais déjà un espace où je peux m'exprimer librement : mes newsletters.
Annonce #1 : les newsletters
L'un des avantages des périodes difficiles est qu'elles permettent de s'interroger en profondeur, et d'introduire des changements parfois importants.
La destruction de Twitter m'a obligé à refondre des pans entiers de ma manière de travailler, Elon Musk ayant détruit la plupart de mes outils. Mes problèmes de santé m'ont par ailleurs donné une nouvelle vision de moi-même, encore plus saine et encore plus robuste que la précédente. Je me suis dit que j'avais une occasion idéale, et sans doute unique, pour repenser en profondeur mon activité de médiation scientifique.
Jusqu'ici, je publiais, ou de manière plus objective, j'ai essayé de publier, plusieurs newsletters thématiques distinctes, chacune avec un site Internet et une identité différente : L'Économiste Sceptique, L'Heure Américaine et IndieNotes . Pour moi, c'était lourd à gérer. Pour vous, c'était confus et dispersé. Afin de simplifier aussi bien ma vie que la vôtre, j'ai fusionné mes newsletters en un site unique.
Concrètement, mon contenu précédemment publié sur mes différentes newsletters est désormais hébergé sur mon nouveau site, qui est à mon nom : olivier.simardcasanova.net. Si vous aviez un abonnement à l'une de mes précédentes newsletters, j'ai migré votre abonnement vers le nouveau site.
Sur le nouveau site, j'écrirai, et en réalité, j'écris déjà, sur les mêmes sujets que précédemment : la science économique, l'esprit critique, l'environnement, les États-Unis, la création de contenu indépendante sur Internet, et quelques autres encore. C'est d'ailleurs un peu abusif de parler de "nouveau" site : le nouveau site contient l'essentiel du contenu de médiation scientifique que j'ai publié depuis 2015, soit plus de 600 articles !
Au lieu d'avoir plusieurs sites avec chacun une newsletter thématique, il y a désormais un site unique qui héberge tous mes articles et toutes mes newsletters.
Bien sûr, j'ai conscience que tout le monde n'est pas intéressé par tous les sujets sur lesquels j'écris. J'ai ainsi séparé les anciennes newsletters en Univers, dont vous pouvez retrouver la liste sur la page Explorer. Si vous avez un abonnement à la newsletter, vous pouvez choisir de ne recevoir que les articles de certains Univers.
Lors de la fusion des newsletters, je n'ai pas pu préserver vos préférences d'abonnement aux courriels.
Si vous aviez déjà un abonnement à l'une de mes newsletters, merci de vous rendre dans votre compte grâce au bouton ci-dessus pour choisir quels articles vous souhaitez recevoir par courriel.
Toutes mes excuses pour la gêne occasionnée.
Annonce #2 : L'Économiste Sceptique
L'Économiste Sceptique étant, et de très loin, ma newsletter la plus lue, il me semble important de lui consacrer quelques mots. D'autant que la deuxième annonce concerne L'Économiste Sceptique.
Fondamentalement, la fusion des différentes newsletters en un site unique est une démarche de simplification. À la fusion, j'ai associé le retrait du nom des différentes newsletters préexistantes. Y compris pour "L'Économiste Sceptique". En d'autres termes, je mets à la retraite le nom "L'Économiste Sceptique".
J'aurais pu titrer mon annonce "La fin de L'Économiste Sceptique". Un tel titre aurait sans aucun doute fait parler. Mais il aurait été trompeur. Le seul Économiste Sceptique qui disparaît, c'est le nom. Le contenu, lui, reste intact. Tous les articles que j'ai publiés depuis 2021 sur www.ecosceptique.com sont disponibles en intégralité sur le nouveau site. Surtout, je continue à écrire sur la science économique, l'esprit critique et l'environnement à un rythme similaire, voire supérieur, au rythme de croisière que j'avais sur L'Économiste Sceptique.
Pourquoi retirer le nom "L'Économiste Sceptique" ? Après tout, c'est un nom qui commençait à être connu. C'est une décision importante, que j'ai mûrement réfléchie. Elle est motivée par trois raisons principales.
La première raison est que c'est un nom parfois confus, en particulier pour les personnes qui ne sont pas familières avec le scepticisme scientifique. Le retrait du nom permet de mettre un terme à cette confusion. La deuxième raison est que parfois, les gens m'appellent "L'Économiste Sceptique". Or, "L'Économiste Sceptique" n'a jamais été un pseudonyme. C'est le nom de la newsletter. Retirer le nom permet de mettre un terme à cette seconde confusion. La troisième raison est que je me sens désormais à l'aise d'écrire directement sous mon nom, plutôt que de me "cacher" derrière un nom impersonnel et dans une certaine mesure, artificiel.
Sur le nouveau site, trois Univers remplacent L'Économiste Sceptique :
La séparation en trois Univers vous donne davantage de contrôle : vous pouvez choisir plus finement les articles que vous souhaitez recevoir par courriel.
La création d'un Univers spécifique à l'esprit critique va également me permettre de partager des travaux scientifiques en lien avec l'esprit critique issus d'autres disciplines que la science économique. J'en ai d'ores et déjà plusieurs dizaines que j'aimerais partager avec vous, et j'en découvre chaque semaine de nouveaux.
Si un ou plusieurs de ces Univers vous intéressent, ne manquez pas mes prochains articles en vous abonnant à la newsletter.
Depuis plusieurs mois, j'expérimente avec une nouvelle ligne éditoriale. Si vous consultez la liste chronologique de mes publications, vous constaterez que malgré mon manque de communication, j'ai en réalité été particulièrement actif depuis l'été 2023. Ces expérimentations ont porté leurs fruits. Leurs résultats sont même allés au-delà de mes espérances.
Je peux donc vous annoncer ce qui est sans doute le plus important changement : la ligne éditoriale de mon travail de médiation scientifique évolue. À compter de maintenant, je publierai moins d'analyses personnelles, davantage d'articles portant directement sur la littérature scientifique, et davantage de graphiques.
Pourquoi cette nouvelle ligne éditoriale en particulier ?
Contrairement à ce que certains allumés toxiques qui ne savent manifestement pas lire prétendent à longueur de vidéos insultantes et fallacieuses sur YouTube, je ne suis pas un commentateur. Je ne suis pas un éditorialiste. Je ne suis pas un économiste de plateau télé qui vient donner son avis mésinformé sur la dernière polémique en cours, ou qui dit à son audience exactement ce qu'elle veut entendre au mépris des faits.
Depuis 2015, ma démarche, que j'airégulièrementrépété, a toujours été celle d'un médiateur scientifique. Mon objectif n'est pas de vous convaincre. Mon objectif n'est pas de vous faire changer d'avis. Mon objectif n'est pas de faire la guerre à quiconque ayant l'audace de ne pas penser exactement comme moi. Mon objectif n'est pas d'être connu, ni de me bâtir une influence sur votre dos.
Mon objectif a toujours été, est encore, et continuera à être, de partager avec vous la littérature scientifique qui m'intéresse, qui m'interpelle, qui m'étonne, qui m'émerveille, qui me surprend ou qui me fait réfléchir. Et c'est tout. Je n'ai pas d'autre objectif. Le reste ne m'intéresse pas.
Sans renier mon travail, il m'a semblé que la ligne éditoriale des anciennes newsletters, et celle de L'Économiste Sceptique en particulier, était encore trop souvent dans l'analyse personnelle plutôt que dans le partage de la littérature scientifique. Le recours à l'analyse personnelle m'a également conduit à écrire des articles contenant d'importantes erreurs et d'importants oublis. Commettre des erreurs n'est pas en soi une catastrophe. Les erreurs sont des occasions d'apprendre. Mais en tant que médiateur scientifique soucieux de faire du bon travail, je me devais de tirer les leçons de ces erreurs. La nouvelle ligne éditoriale a pour objectif d'éviter qu'elles ne se reproduisent.
Enfin, à un niveau plus personnel, la nouvelle ligne éditoriale est davantage en phase avec mes aspirations profondes de médiateur scientifique : la curiosité, l'émerveillement, et l'envie de partager ma passion pour les sciences.
Concrètement, je vais davantage partager et expliquer des articles de recherche publiés par des économistes, et par des scientifiques issus d'autres sciences humaines et sociales. Il y aura toujours de l'éditorial, mais il sera plus explicitement identifié comme tel.
Concernant les formats, je n'ai pas prévu de changer les formats existants. Il y aura toujours des articles, et il y aura toujours des vidéos. Les Cafés continueront, même si pour des raisons logistiques, j'ai pris la décision de ne plus les enregistrer en direct. Vous aurez la possibilité de me transmettre à l'avance vos questions, que je poserai à l'invité·e pendant l'enregistrement.
Depuis l'été 2023, j'expérimente avec un format court, les Notes. Plus courtes et plus simples à écrire que les articles, les Notes ont pour objectif de remplacer les publications sous forme de fils que dans le passé, j'aurais publié sur Twitter. Les Notes ont vocation à prendre une place importante dans mon contenu. C'est un format qui s'ajoute aux formats existants, en les complétant.
Enfin, j'expérimente avec des directs en vidéo sur YouTube. L'expérimentation est prometteuse, et a vocation à continuer au cours des prochains mois.
Qu'en est-il des formules payantes ?
Comme pour L'Économiste Sceptique, la newsletter fusionnée est également une newsletter partiellement payante. Si vous vous étiez abonné à l'une des formules payantes de L'Économiste Sceptique, j'ai migré votre abonnement payant vers le nouveau site. Vous n'avez rien à faire.
💡
Sur le nouveau site, vous avez accès au même contenu que celui auquel vous aviez accès sur le site de L'Économiste Sceptique. Le contenu qui était gratuit reste gratuit, le contenu qui était derrière le paywall reste derrière le paywall.
Les formules payantes vous donnent accès à l'intégralité de mon contenu, passé comme à venir. Elles vous permettent également de soutenir mon travail, et de m'aider à pérenniser mon activité de médiation scientifique. Enfin, elles vous permettent de recevoir toutes les Notes par courriel dès leur publication, ainsi que le Point mensuel.
J'en profite pour remercier du fond du cœur celles et ceux d'entre vous qui avez continué à me soutenir financièrement malgré cette longue période de creux. Sans votre précieux soutien, je n'aurais pas pu refondre mon activité de médiateur scientifique comme j'ai pu le faire. J'aurais même sans doute été contraint de mettre un terme à mon activité de médiateur scientifique. Un grand merci ! Je me considère chanceux d'avoir une communauté bienveillante, intéressante et intéressée, et engagée comme vous l'êtes.
Si ça n'est pas déjà le cas, vous pouvez vous aussi vous abonner à l'une des formules payantes, et ainsi m'aider à relancer sereinement mon activité de médiateur scientifique.
Entre le retour à un rythme de publication normal, et les trois changements que je viens d'annoncer, c'est sans aucune doute une nouvelle aventure qui commence ! Une nouvelle aventure qui est, et de très loin, la plus enthousiasmante de toute ma carrière de médiateur scientifique. Elle fait suite à une période vraiment difficile, ce qui la rend d'autant plus savoureuse. J'espère que vous serez nombreuses et nombreux à la partager avec moi.
Si vous n'êtes pas déjà abonné·e à la newsletter, n'hésitez pas à rejoindre les milliers d'autres personnes qui font déjà partie de l'aventure. Vous ne manquerez aucun de mes prochains articles.
Pour discuter sereinement de ces changements, pour répondre à vos questions, et pour discuter de mes projets à venir, je vous donne rendez-vous mardi 27 février 2024 de 20 h 30 à 21 h 30 (heure de Paris) sur YouTube pour un direct.
Si vous recevez cet article par courriel, n'hésitez pas à répondre au courriel pour me faire part de vos retours, de vos questions et de vos remarques. Vous pouvez également publier un commentaire sur le site.
Quiconque utilise encore X en aura fait l'expérience : la plateforme est submergée par des acteurs inauthentiques — concrètement, des bots. Qui n'a pas eu des quantités industrielles de "Hannah" dans ses notifications au cours des derniers mois ?
Pour autant, les anecdotes personnelles ne suffisent pas pour affirmer que X a un problème généralisé d'activité inauthentique. Pour faire une telle affirmation, il est nécessaire de recourir à des données. Une entreprise spécialisée vient de publier de telles données. Ce qu'elles montrent est aussi choquant que catastrophique.
La semaine dernière, aux États-Unis a eu lieu le Super Bowl. Il s'agit d'un évènement majeur de football américain. L'édition de cette année a battu des records d'audience. Y compris sur X, c'est en tout cas ce qu'a déclaré l'entreprise. Pour autant, dans quelle mesure l'activité sur X lors du Super Bowl était réellement de l'activité humaine ?
D'après CHEQ, une entreprise spécialisée dans la détection de trafic inauthentique et la lutte contre la fraude publicitaire en ligne, pendant le Super Bowl de 2024, le trafic provenant de X à destination des sites Internet de ses clients était constitué de bots à hauteur de 75 %. Vous avez bien lu : les trois-quarts du trafic provenant de X à destination du site Internet des clients de CHEQ était inauthentique.
À titre de comparaison, voici la part de trafic inauthentique mesuré par CHEQ pour d'autres plateformes :
TikTok, Super Bowl de 2024 : 2.56 %
Facebook, Super Bowl de 2024 : 2.01 %
Instagram, Super Bowl de 2024 : 0.73 %
Twitter, Super Bowl de 2023 : 2.81 %
J'ai fait deux graphiques pour illustrer l'ampleur du problème. La Figure 1 reprend les données ci-dessus.
Figure 1
La Figure 2 reprend les mêmes données que la Figure 1, et j'ai ajouté les données de X pour 2024.
Figure 2
Il ne me semble pas utile de commenter ce qui différencie la Figure 1 de la Figure 2.
CHEQ a également publié des données portant sur la part du trafic inauthentique pendant le mois de janvier 2024 :
TikTok : un peu plus de 2.6 %
Facebook : un peu plus de 2 %
Instagram : 0.96 %
X : 31.82 %
Même en dehors d'évènements majeurs comme le Super Bowl, la Figure 3 montre à quel point X se distingue par le volume considérable de trafic inauthentique qui provient de la plateforme.
Figure 3
Voici comment Guy Tytunovich, le fondateur et PDG de CHEQ, commente les données :
I've never seen anything even remotely close to 50 percent, not to mention 76 percent. I'm amazed… I've never, ever, ever, ever seen anything even remotely close.
Ma traduction :
Je n’ai jamais rien vu de même vaguement proche de 50 %, sans parler de 76 %. Je suis estomaqué… Je n’ai jamais, jamais, jamais, jamais vu quelque chose de même vaguement proche.
Deux importantes précisions méthodologiques. La première est que l'on ne sait pas si les données de CHEQ sont représentatives : les données sont issues d'un échantillon constitué des sites Internet des clients de l'entreprise, plutôt que d'une sélection variée de sites Internet. La deuxième est que les données de CHEQ ne mesurent pas l'activité inauthentique directement sur X. Ce que mesurent les données de CHEQ, c'est la proportion du trafic provenant de X vers les sites de ses clients qui n'est pas authentique.
Ces précisions faites, les données de CHEQ vont néanmoins dans le sens de ce que rapportent de nombreux utilisateurs de X depuis des mois. Si X génère autant de trafic inauthentique vers des sites tiers, cela implique que l'activité inauthentique sur la plateforme est importante.
Les données de CHEQ montrent a minima que l'activité inauthentique sur X a significativement augmenté : à méthodologie relativement constante (les outils de détection de CHEQ) et à échantillon relativement constant (les sites Internet des clients de CHEQ), le trafic inauthentique en provenance de Twitter en 2023, puis de X en 2024, au cours du Super Bowl a été multiplié par… quasiment 27 !
Figure 4
En plus de sévèrement dégrader l'expérience utilisateur, et donc de diminuer encore l'utilité de la plateforme, l'augmentation significative de l'activité inauthentique sur X pose également un problème financier pour l'entreprise. Si des annonceurs achètent de la publicité, comment savoir si la publicité a été vue par des humains ou par des bots ? Acheter de la publicité pour qu'elle soit vue par des bots n'intéressera personne.
La lutte contre l'activité inauthentique était présentée par Elon Musk comme un objectif majeur lorsqu'il a racheté l'entreprise. C'est par exemple dans cet objectif qu'il a dynamité le système de vérification d'identité. Quasiment un an et demi plus tard, il me semble clair que l'activité inauthentique n'a pas disparue de X. Pire : la situation s'est considérablement dégradée. L'effort à faire pour corriger le tir sera sans doute considérable, s'il est un jour entrepris.
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Mise à jour le 17 février 2024 à 14:55 : la Figure 4 est triée dans l'ordre chronologique.
Issu d'une série de sondages de Gallup, le graphique montre la proportion d'adultes qui disent "approuver" les mariages interraciaux entre personnes noires et personnes blanches aux États-Unis.
En 1958, seulement 4 % de la population approuvait les mariages interraciaux. Il aura fallu attendre les années 1990 pour qu'une majorité de la population américaine approuve.
Lorsque l'on sépare les données par groupe racial, les données montrent au moins deux phénomènes.
Ce sont surtout les personnes blanches qui ont été lentes à approuver les mariages interraciaux.
Même si les personnes noires approuvent majoritairement les mariages interraciaux depuis 1968, la proportion qui approuve était d'une courte majorité à la fin des années 1960.
Figure 2
Davantage de détails sont disponibles sur le site de Gallup :
Concrètement, Threads appliquera une étiquette Politique aux comptes qui publient régulièrement du contenu politique. Les publications des comptes étiquetés ne seront pas recommandées aux comptes qui ne les suivent pas.
Les personnes qui souhaitent avoir des recommendations de contenu politique dans leur flux algorithmique pourront activer une option dans les réglages. Par défaut, l'option sera désactivée. Par ailleurs, le contenu des comptes étiquetés qu'une personne suit déjà ne sera pas masqué dans le flux algorithmique.
Pour ma part, je trouve que c'est une excellente décision de la part de Meta, au moins sur le principe. Twitter a été en partie ruiné par des comptes politiques toxiques qui vivent pour récolter des likes, des reposts et des abonnements. Ils ne travaillent pas, peu, ou mal. Ils ont les pires comportements antisociaux. Des articles scientifiques montrent d'ailleurs que les comptes les plus partisans se comportent de manière toxique dans tous les contextes, pas seulement lors de discussions politiques.
La contribution de ces comptes au débat paraît bien minime. Si vous faites partie de la communauté sceptique et que vous fréquentez, ou avez fréquenté, Twitter, vous avez certainement une longue liste de comptes en tête pour illustrer ce phénomène.
Les plateformes ont intérêt à réduire la probabilité que ces comptes nuisent aux autres utilisateurs et utilisatrices. Leur rendre la vie difficile, par exemple en n'amplifiant pas leur contenu, va dans cette direction.
Je ne sais pas si cette politique de Meta produira les effets escomptés. Je le souhaite. A minima, elle me semble prometteuse, car elle a le potentiel pour étouffer ces comptes politiques toxiques avant qu'ils ne ruinent Threads comme ils ont ruiné, et ruinent encore, Twitter.
Il faudra cependant prêter attention à son implémentation. Le flux algorithmique de Threads est notoirement mauvais. La modération de Threads est également bien médiocre. Le principe de cette politique est bon. Mais il faudra voir comment Meta traduira concrètement cette décision.
Bibliographie
Mamakos, Michalis, et Eli J Finkel. 2023. « The social media discourse of engaged partisans is toxic even when politics are irrelevant ». PNAS Nexus 2 (10): pgad325. https://doi.org/10.1093/pnasnexus/pgad325.
Jay Grabber, la PDG de Bluesky, annonce qu'en un peu moins de 24 heures, 550.000 comptes ont été créés sur la plateforme :
2 more hours until we’ve been open for 24 hours — we’ve welcomed 550k newskies, testing every piece of the infra.
D'après ce site, il y a actuellement quasiment 3.8 millions de comptes sur Bluesky.
Figure 1 - Impression d'écran réalisée le 7 février 2024 à 13h50 (heure de Paris)
Par déduction, avant l'ouverture à toutes et tous de Bluesky, il y avait 3.25 millions de comptes. En à peine 24 heures, le nombre d'utilisateurs de Bluesky a donc augmenté de 17 % (!).
Je suis curieux de voir l'évolution du rythme de création de nouveaux comptes au cours des prochaines semaines. Il va probablement se réduire, mais dans quelle mesure ?
C'est en tout cas une période fascinante pour suivre le marché des plateformes sociales, qui évolue rapidement.
Après quasiment un an en beta fermée, le réseau social Bluesky est désormais accessible à toutes et tous.
Si vous n'avez pas déjà un compte sur Bluesky, la méthode pour en créer un est simple : il vous suffit de vous rendre sur bsky.app et de vous laisser guider. D'expérience, Bluesky est un endroit beaucoup plus sain que X, anciennement Twitter.