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Womanizer : l’ère du techno plaisir !

13 juillet 2025 à 05:17

Vibros, consolateurs, godemichés et autres sex-toys : si les objets servant à l’épanouissement sexuel n’ont pas attendu le XXIe siècle pour entrer dans les gens, ce n’est que très récemment qu’ils sont entrés dans les mœurs.

À l’heure d’Internet, de l’intelligence artificielle, des smartphones qui font à peu près tout, sauf le café, et des voitures qui se conduisent toutes seules, il eût été fort surprenant que les techniques pour prendre son pied restent coincées au stade préhistorique (d’ailleurs le plus ancien godemiché connu a 28 000 ans. Il était en pierre et servait aussi à casser du silex — probablement pas simultanément en revanche).

Mais la révolution clitoridienne du XXIe siècle, c’est le Womanizer. Finies les vibrations style machine à laver (un appareil qui, lui, n’a pas fait que libérer la femme), désormais les nouvelles technologies permettent de jouir avec de l’air : « un appareil qui aspire le clitoris, crée des mouvements d’ondes électriques et génère autant de vibrations qui conduisent à l’orgasme».

La femme de son inventeur, Mickaël Lenke, un ingénieur allemand, a dû tester tous les prototypes (on salue son sens du sacrifice) avant de valider la machine qui allait apparemment lutter contre une injustice sociale dont on ne parle pas assez : le « fossé masturbatoire entre les genres ». Selon l’entreprise Womanizer, il concerne 62% des femmes. Une infamie probablement imputable au patriarcat, ou aux néonicotinoïdes, à moins que ce ne soit une question de charge mentale ou de barbecue, on s’y perd. Bref…

Le Womanizer n’est pas juste un sex-toy ; c’est un objet technologique de précision capable, contrairement à tout un tas d’hommes, de garantir un orgasme d’une efficacité chirurgicale en un temps record, et ce autant de fois que nécessaire et sans se plaindre. C’est un moyen d’automatiser le plaisir mais aussi de le libérer des contraintes affectives et sexuelles. Il s’inscrit dans le sillage des objets offerts par la révolution technologique qui nous permettent de nous détacher des autres, au même titre que le smartphone et les écouteurs (à la différence qu’on n’a pas encore signalé d’utilisatrice qui en ferait profiter tout le monde avec le son à fond dans les transports en commun. Pour l’instant.)

Les mots et la chose

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Prendre le contrôle de son plaisir grâce aux progrès technologiques, c’est aussi un argument pour certaines féministes qui y voient une manière de se détacher un peu plus des hommes grâce à la machine. C’est aussi un moyen de s’éloigner du stigmate englué à la pratique depuis la nuit des temps.

Prendre son pied, c’était pas mieux avant

Si les Romains ne voyaient pas malice à s’amuser avec divers objets pour s’envoyer en l’air, seul ou à plusieurs (jetez un œil au « cabinet secret » du musée archéologique de Naples pour admirer certains objets retrouvés dans les ruines pompéiennes dont la destination laisse peu de place au doute), et que les Grecs utilisaient des olisbos, des phallus de cuir rembourrés de crin qui, selon Aristophane, occupaient les femmes en l’absence de leurs maris (ils nous ont laissé suffisamment d’œuvres graphiques pour savoir qu’elles n’étaient pas les seules à s’en servir), au Moyen-Âge, en Occident, le plaisir solitaire devient brusquement un péché mortel sanctionné par des peines longues et dures.

À l’époque des Lumières et de l’avènement de la science, la masturbation devient carrément dangereuse pour la santé, « cause d’une infinité de maladies très graves, le plus souvent mortelles » peut-on lire dans L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Comme quoi, on a beau jeu de mettre la mortalité sur le dos des famines, guerres, maladies et autres fléaux : l’explication était peut-être beaucoup plus simple.

Pas touche !

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Le XIXe siècle – misère – est à la fois celui d’une violente répression masturbatoire (à l’aide de diverses ceintures, mécanismes à pointes voire mutilation génitale) et de la mécanisation des jouets sexuels. Alors qu’il cherchait simplement à soulager les douleurs musculaires, un certain Dr Granville invente sans faire exprès (le hasard fait bien les choses) le tout premier vibromasseur. Jusqu’aux années 1920, ce type d’appareil électrique sera utilisé par les médecins pour « soigner » les femmes hystériques (maladie à la très large définition qui va des crampes aux mains au cancer en passant par la vulgarité du langage, les nausées et les sautes d’humeur).

Le tout premier sex-shop ouvre en Allemagne (décidément) en 1962. Et depuis l’arrivée salvatrice d’Internet, il n’est désormais plus nécessaire de rentrer discrètement dans une boutique interlope à la vitrine opaque pour se procurer un sex-toy : les magasins de plaisir ont désormais vibro sur rue et font de la publicité jusque dans le métro. La pratique masturbatoire s’est démocratisée et s’astiquer le totem n’est désormais plus tabou.

La chasteté par les corn-flakes

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Le sexe, une valeur en chute libre ?

Selon une enquête de Grand View Research, le marché mondial des sex-toys tournait autour de 35,2 milliards de dollars en 2023 et devrait atteindre rien moins que 62,7 milliards d’ici 2030. Cet essor correspond non seulement à un déclin de la natalité, mais aussi à un désintérêt des jeunes générations pour le jeu de la bête à deux dos. Selon une étude Ifop pour LELO (réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 29 décembre 2023 au 2 janvier 2024 auprès d’un échantillon de 1 911 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus), chez les moins de 35 ans, 52% des hommes ont déjà évité un rapport sexuel pour se masturber avec un sex-toy (et 22% des femmes). Chez ces jeunes, 50% des hommes ont déjà évité un rapport sexuel pour regarder une série ou un film (41% des femmes), pour aller sur les réseaux sociaux (48% pour les hommes contre 19% pour les femmes), et les jeux vidéo ont déjà été une bonne raison pour 53% des hommes de refuser une partie de jambes en l’air (contre 43% des femmes).

Une autre enquête conduite par l’Inserm en 2023 révèle que davantage de femmes admettent se masturber (elles étaient 42,2% en 1992, 72,9% en 2023). L’activité sexuelle et la fréquence des rapports ont diminué pour les deux sexes et dans tous les groupes d’âge :

Comment expliquer cette chasteté nouvelle ? Le développement du virtuel, particulièrement depuis la pandémie de Covid qui a également fait naître chez de nombreux jeunes la peur du corps de l’autre, potentiellement contaminant (sans compter le risque de se prendre un râteau) ? La vague #metoo est une explication : si elle a à la fois libéré la parole des femmes et entrouvert les oreilles des hommes, elle décourage aussi les prises d’initiatives chez certains qui craignent d’être perçus comme des agresseurs par des jeunes femmes convaincues par des voix médiatiques ou politiques que tous les mâles sont toxiques. N’oublions pas qu’un homme sur deux ou trois est un agresseur sexuel, comme l’affirme sans preuve et sans vergogne Caroline de Haas, qui propose de lucratives formations aux entreprises pour débusquer les prédateurs qu’elles emploient.

La génération Instagram a cela de paradoxal que s’y côtoient des adolescentes hypersexualisées et une nouvelle forme de pruderie et de jugement moral vis-à-vis du cul et des parades nuptiales humaines (autrefois appelées « drague »). Avec le sommeil et l’alimentation, le sexe est une activité animale par excellence et les tentatives de « déconstruction » en vogue au sein d’une certaine jeunesse tournant délibérément le dos aux attitudes des générations précédentes conduisent à des comportements d’abstinence ou de virtualité dont le potentiel d’épanouissement reste à prouver.

Si la révolution technologique a permis de libérer l’orgasme, reste encore à libérer la tête.

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MAGA : L’Amérique fantasmée de Trump a (presque) vraiment existé.

4 juillet 2025 à 04:12

« Make America Great Again ». Comme souvent en politique, les fausses promesses s’appuient sur un soupçon de réalité. Si l’Amérique rêvée des trumpistes existe surtout au cinéma, elle s’appuie sur des faits historiques qui ont donné aux États-Unis leur forme et leur mentalité actuelles. 

Rendre sa grandeur à l’Amérique. MAGA, le slogan de Trump depuis 2016 (pour la petite histoire, il a déposé ce slogan dès 2012, soit quatre ans avant sa candidature) est devenu un outil de marketing de masse. Comme le “take back control” de Boris Johnson en Angleterre, soufflé par son conseiller Dominic Cummings. Aussi creux qu’il puisse paraître, ce n’est pourtant pas seulement une pub pour des casquettes. En 2016 beaucoup d’Américains y ont cru, et beaucoup y croient encore.

L’Amérique n’a, naturellement, jamais été grande (pas plus que la France, la Grande-Bretagne ou la Papouasie). Elle a sans nul doute eu des moments de grandeur, toujours saupoudrés de bémols suffisamment honteux pour qu’on mette un peu d’eau dans son coca. La déclaration d’Indépendance américaine est certes un texte plein de bonnes intentions, mais elle n’en excluait pas moins des hommes « créés égaux » jouissant du droit à « la vie, la liberté et la recherche du bonheur » : les Noirs réduits en esclavage et les Indiens  en cours d’extermination.

L’Amérique de Trump renvoie toutefois à un jalon de sa si courte et pourtant si foisonnante histoire qui s’inscrit dans le fameux American Dream. Sa « grandeur » supposée évoque un retour vers un siècle et, surtout, une mentalité inscrits dans l’imaginaire américain comme ceux de l’aventure, de l’indépendance et de la liberté. C’est l’Amérique du XIXe siècle, de la conquête de l’Ouest, de l’industrialisation, d’une société traditionnelle très blanche et très pieuse convaincue d’avoir été choisie par Dieu pour imposer ses valeurs à un monde plus ou moins barbare.

Cette période marque le début d’une immigration massive dans un pays neuf et plein de promesses. Des millions d’immigrants pâlichons majoritairement protestants (sans oublier les Mormons, beaucoup de catholiques, notamment irlandais fuyant la famine, et quelques autres minorités), principalement venus d’Europe du Nord-Ouest, arrivent en quête d’une nouvelle vie. 

Certains vont peupler les grandes villes portuaires, d’autres emprunter le tout nouveau chemin de fer et partir coloniser l’intérieur des terres, repoussant sans cesse la fameuse Frontière en recréant, à partir de rien, des communautés villageoises autour de l’église, de l’école et du saloon.

La foi des pionniers est teintée d’un individualisme courageux valorisant le travail, la volonté et l’autosuffisance et sert de cadre moral dans des régions vierges marquées par la précarité et la violence. Pour ces communautés très religieuses, la spoliation de la terre des Indiens n’entre pas dans la catégorie des péchés dignes de susciter des scrupules : cette colonisation est en effet d’inspiration divine, théorie verbalisée dans le principe de « destinée manifeste » mêlant droit divin et expansion géographique et que l’on retrouve, aujourd’hui, dans les prétentions de Trump. À l’époque, il s’agissait de repousser les frontières de l’Amérique vers le sud et vers l’ouest sous prétexte de mission civilisatrice. On peut voir dans la volonté de Donald Trump d’étendre la férule étatsunienne au Canada, au Panama, dont il a menacé de prendre le canal, et au Groenland, qu’il souhaite contrôler, un prolongement de cette destinée d’inspiration divine revendiquée par les Wasps du XIXe siècle.

Car côté religiosité, Trump n’est pas en reste. Si lors de son premier mandat, ses tendances messianiques pointaient déjà leur nez, depuis la tentative d’assassinat à laquelle il a réchappé en juillet 2024 il ne fait plus aucun doute que Dieu est avec lui.

In God they trust

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Ce retour aux valeurs religieuses, proclamé par le mouvement MAGA est particulièrement incarné par le vice-président Vance dont le couple modèle (Usha Vance a interrompu sa carrière d’avocate pour se consacrer à celle de son époux) s’affiche en parangon des valeurs familiales (tout en restant moderne : il est catholique et elle hindoue).

Cette mentalité trouve un prolongement dans le « Projet 2025 », largement influencé par Russel Vought, stratège central du programme trumpien et directeur du bureau de la gestion et du budget. Ce projet lancé par le think tank très conservateur Heritage Foundation, promeut une recentralisation autour d’un exécutif fort, la réduction du rôle des agences fédérales et de leurs dépenses et un retour aux prérogatives des États qui s’inscrit dans l’esprit du républicanisme anti-fédéraliste du XIXe siècle. La création du DOGE, ce département chargé de l’efficacité gouvernementale, créé pour optimiser le fonctionnement du gouvernement fédéral, et le démantèlement partiel des ministères de l’Éducation et de la Santé illustrent cette volonté de réduire la portée de l’État fédéral dans la vie des citoyens au profit des États fédérés.

Le désir de réindustrialisation et la guerre commerciale à laquelle Trump se livre à grands coups de menaces tarifaires en montagnes russes peuvent eux aussi se voir en miroir avec celle du XIXe siècle. À partir de la guerre de Sécession (1860-1865), l’industrialisation rapide du nord du pays conduit à une importante augmentation des exportations de produits transformés. Dans la dernière décennie du siècle, à quelques hoquets près, l’excédent commercial devient structurel.

Trump aspire à revenir à une Amérique en col bleu, industrielle, agricole et exportatrice, image d’Épinal qui ne prend pas en compte des réalités modernes telles que la concurrence de la Chine avec laquelle les échanges commerciaux étaient très secondaires au XIXe siècle.

Les mots pour le dire

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Ces projections idéalisées du mouvement MAGA renvoient à une Amérique qui a vraiment existé – en faisant abstraction de toutes ses facettes économiquement et humainement désastreuses. C’est l’Amérique des westerns, du cow-boy au grand cœur et de l’immigrant (blanc) entouré de sa famille pieuse et laborieuse, isolée des affaires du monde. C’est celle de la communauté rassemblée autour de l’église, qui n’a besoin de rien et de personne et surtout pas d’un « big government » pour s’épanouir et s’enrichir. Comme tous les stéréotypes, elle s’appuie sur une réalité multifacette que le fil du temps a lissée et transformée en légende, en faisant passer à la trappe non seulement ceux qui ont été écrasés au passage, mais aussi les difficultés que ces premiers Américains ont réellement affrontées. Une nation fantasmée où les rôles étaient clairs et où, en partant de rien, on pouvait arriver au sommet à force de travail, de volonté et grâce à Dieu et au tout-puissant dollar. Bien sûr, les millions de morts — colons, esclaves et Indiens, et les innombrables miséreux restés au bord de la route n’ont pas leur place dans cette légende : le pays du  Make America Great Again, c’est, naturellement, celle des vainqueurs. Ou de ceux qui s’imaginent l’être…

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Doctrine Monroe : le mensonge de l’isolationnisme made in USA

28 juin 2025 à 22:46

Depuis le président Monroe et sa doctrine isolationniste édictée en 1823, jusqu’à Donald Trump, les États-Unis ne cessent de brandir leur volonté de ne pas intervenir dans les affaires du monde pour mieux… faire exactement le contraire.                                        

Souvenez-vous : Trump a fait campagne sur la volonté de l’Amérique de ne plus s’impliquer dans des guerres à l’étranger, ou tout au moins de ne pas en déclencher. 

Il a d’ailleurs abondamment reproché à Barack Obama d’être un président belliqueux, notamment pour ses interventions au Moyen-Orient. Ironie, quand tu nous tiens : on se souvient même qu’il l’accusait, en 2011, d’être à la fois faible et inefficace et de vouloir « déclencher une guerre en Iran pour se faire réélire ».

America First

Tant d’un point de vue commercial, stratégique, politique que militaire, pour Trump c’est America First, l’Amérique d’abord. Cette posture, marquée par la défiance envers les alliances traditionnelles, l’a poussé à se retirer de nombre d’entre elles. Si l’on pense, entre autres, à l’accord de Paris sur le climat, à celui sur le nucléaire iranien, à l’OMS (retrait annulé par Joe Biden), à l’UNESCO, comme au Partenariat transpacifique de libre-échange avec une partie de l’Asie et de l’Océanie. Elle est associée à une volonté de voir l’Europe se charger de sa propre défense, marquant une rupture avec le rôle traditionnel de garant de la sécurité du monde que les États-Unis jouaient depuis le dernier conflit mondial.

Ce choix s’inscrit dans la droite ligne d’un principe d’isolationnisme politique datant de la première partie du XIXe siècle, qui énonce que les États-Unis n’interviendraient plus dans les affaires du monde, hormis dans sa propre zone d’influence et si ses intérêts étaient en jeu : la doctrine Monroe. Ce principe théorisé en 1823 par James Monroe, le cinquième président américain, avance que toute intervention européenne dans l’hémisphère occidental serait considérée comme une menace pour la sécurité du pays (qui, on le rappelle, s’était libéré du joug britannique moins d’un demi-siècle auparavant).

On y va, on n’y va pas : de Washington à Roosevelt, l’isolationnisme à géométrie variable

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Les États-Unis n’ayant jamais été à une contradiction près, cet isolationnisme n’entrava en rien ses aspirations expansionnistes. Une stratégie fondée sur l’élargissement  frénétique de ses frontières à grands coups de chemins de fer, de pionniers en chariots bâchés, d’extermination des Indiens et de guerres avec ses voisins – fussent-ils européens. En effet, la doctrine Monroe n’empêcha pas la guerre contre le Mexique (1846-1848) qui déboucha sur l’annexion du Texas et de la Californie, ni celle contre l’Espagne en 1898, qui fit des États-Unis une véritable puissance impériale : Cuba, Porto Rico, les Philippines et Guam passant alors dans le giron américain. C’est d’ailleurs depuis cette victoire que le pays contrôle la fameuse base militaire cubaine de Guantanamo.

Cet isolationnisme à géométrie variable se retrouve maintenant dans la politique de Donald Trump. Il claironne sa fidélité à la doctrine Monroe, tout en lui donnant de grands coups de canif depuis le début de son second mandat : en ordonnant des frappes contre les Houthis au Yémen, en Somalie contre l’État Islamique et contre le régime iranien et ses installations nucléaires. Aujourd’hui comme au XIXe siècle, les grands principes finissent toujours par se heurter à la réalité et à ses impératifs.

En 1904, Theodore Roosevelt énonça ce qui sera nommé le « corollaire Roosevelt » pour justifier l’interventionnisme américain en dépit de la doctrine Monroe : « L’injustice chronique ou l’impuissance conduisant à un relâchement général des règles de la société civilisée peut, au bout du compte, exiger, en Amérique ou ailleurs, l’intervention d’une nation civilisée et, dans l’hémisphère occidental, l’adhésion des États-Unis à la doctrine de Monroe peut forcer les États-Unis, bien qu’à contrecœur, dans des cas flagrants d’injustice et d’impuissance, à exercer un pouvoir de police international », prononça-t-il dans un discours resté célèbre, le 6 décembre 1904, à l’occasion de la troisième session du 58è Congrès des États-Unis. Un changement de paradigme largement reproduit depuis. La preuve par Trump.

Une diplomatie de mâle alpha

Si l’actuel président américain entend officiellement limiter l’interventionnisme, il ne renonce pas pour autant à une diplomatie offensive qui semble un peu saugrenue à notre époque. Elle n’est pas sans rappeler la théorie de « Destinée manifeste » qui prévalait en Amérique au XIXe siècle et servait de justification à l’agrandissement du territoire d’un océan à l’autre. La tentation d’annexer le Groenland pour des raisons aussi stratégiques que minérales en est une bonne illustration. Tout comme l’annonce, lors de son discours d’investiture, de sa volonté de reprendre le contrôle du canal de Panama, ou  l’évocation répétée d’un Canada qui deviendrait le 51e État américain. Toutes ces intentions s’inscrivent symboliquement dans une continuité expansionniste digne de l’Amérique de la conquête de l’Ouest.

Mais l’action trumpiste marque néanmoins une différence avec celle de ses prédécesseurs. Elle exprime davantage une forme de diplomatie de mâle alpha, qui menace beaucoup pour obtenir peu, et dont les visées sont avant tout économiques.

La liberté, une histoire de gros sous ?

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Là où la doctrine Monroe invoquait la non-ingérence européenne pour mieux asseoir une influence américaine naissante, Trump revendique une Amérique forte, indépendante, recentrée sur elle-même et dégagée des contraintes de l’ordre international. Cette Amérique-là, il la veut avant tout commerçante et commerciale ; la guerre n’est pas son affaire. S’il était philosophe, il dirait sans doute qu’il nous faut cultiver notre jardin — mais c’est un businessman, alors c’est, encore et toujours, America First. Mais aussi  Americarmy, avec un budget militaire en hausse de 13% en 2026, dont une grande part de dépenses discrétionnaires. Alors, que vaut la promesse d’un pacifisme menaçant, qui, adepte du  « en même temps », affûte ses armes ?

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