Mémoire vive, SSD : Micron sort du marché grand public et met fin à la marque Crucial
Crucial (Adj) : qualifie ce qui est décisif
Micron invoque les tensions grandissantes sur l’approvisionnement en mémoire provoquées par les investissements dans l’IA pour justifier une décision radicale : sa sortie prochaine du marché grand public. Ce faisant, il met un terme à la marque Crucial, bien connue des amateurs de hardware.
Les tensions déjà à l’œuvre sur le marché grand public de la mémoire, vive ou flash, risquent de s’accentuer. Le groupe états-unien Micron vient en effet d’annoncer la fin de ses activités grand public, qui s’incarnaient jusqu’ici au travers de la marque Crucial. Il acte sa décision au travers d’un communiqué daté du 3 décembre, qui précise que la vente des produits Crucial va s’interrompre sur tous les canaux de distribution, à l’échelle mondiale.
Des lignes reconverties vers des marchés plus porteurs
S’il prend soin de remercier les équipes et les clients de la marque Crucial, active pendant 29 ans, et souligne le caractère « difficile » de cette décision, le groupe assume la dimension stratégique de cette dernière. Ce mouvement témoignerait « de l’engagement de Micron envers la transformation continue de son portefeuille et l’alignement qui en résulte de ses activités sur des vecteurs de croissance structurels et rentables dans le domaine de la mémoire et du stockage », enrobe le communiqué.
« Alimentée par l’IA, la croissance des centres de données a entraîné une forte augmentation de la demande en mémoire et en stockage. Micron a pris la difficile décision de se retirer du marché grand public de Crucial afin d’améliorer l’approvisionnement et le support pour ses clients stratégiques les plus importants dans les segments à forte croissance », décrit de façon plus explicite Sumit Sadana, vice président exécutif du groupe des activités.
Micron indique que l’approvisionnement en produits Crucial sera assuré jusqu’en février 2026, et promet que le support et le service après-vente seront assurés au-delà de cette date. Les produits RAM et NAND vendus sous la marque Micron sur le marché professionnel (serveurs notamment) resteront quant à eux disponibles. Les lignes précédemment dévolues à la fabrication des puces DDR et NAND intégrées aux barrettes et SSD Crucial seront quant à elles reconverties vers des segments de marché plus lucratifs.
Micron ne précise pas si ses lignes de production de GDDR7, dont les puces équipent une partie des cartes graphiques pour joueurs de la série RTX 5000 chez NVIDIA, sont concernées par ce mouvement.

Pénurie à venir, des effets déjà sensibles
Cette annonce intervient alors que les analystes évoquent depuis plusieurs semaines une possible pénurie à venir sur le marché de la mémoire. Alors que la demande globale ne cesse d’augmenter, les principaux acteurs du secteur que sont Samsung, SK Hynix et Micron concentrent en effet leurs capacités de production, actuelles ou en cours de développement, vers les segments associés à l’IA générative : la mémoire vive DDR pour serveurs et surtout la mémoire HBM (High Bandwidth Memory) utilisée au sein des puces spécialisées dans l’IA, qu’il s’agisse des composants signés NVIDIA, des derniers TPU de Google ou des produits développés par Amazon.
Il faut dire que la demande, nourrie par les promesses d’investissement de tous les grands noms de l’IA, est phénoménale. Début 2024, le Coréen SK Hynix indiquait par exemple avoir déjà vendu la quasi-totalité de sa production prévisionnelle pour 2025. Le phénomène s’est depuis considérablement accéléré, et les tensions déjà sensibles devraient s’accentuer, sur la DDR comme sur la NAND.
D’après le cabinet spécialisé Trendforce, les fournisseurs de mémoire flash n’auraient plus que sept à dix semaines de stock d’avance, contre 10 à 15 semaines un trimestre plus tôt. Côté mémoire vive, les leaders coréens Samsung et SK Hynix ont tous deux émis des alertes quant à la disponibilité de leurs puces DRAM. Le premier serait par exemple en mesure de ne traiter que 70 % des demandes entrantes, et ne verrait pas l’horizon s’éclaircir avant 2028.
Reste à voir quels seront les effets concrets de cette pénurie sur le marché de l’informatique grand public ou professionnelle, hors serveurs. Doc_TB, ancien de Canard PC Hardware qui accompagne LDLC sur des sujets d’approvisionnement et de création de composants en marque blanche, remarque que les difficultés déjà à l’oeuvre font revenir un phénomène oublié de longue date : celui des barrettes DDR no-name, faisant appel à des puces mémoire déclassées (n’ayant pas rempli les exigences de contrôle qualité pour être intégrées sur des produits de grande marque).