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Micro-plastiques, maxi-peurs

17 août 2025 à 06:19

« Microplastiques, mégapollution » (Sciences et avenir), « à la maison ou en voiture, vous êtes cernés » (Libération)… Dès qu’une nouvelle étude paraît sur les microplastiques, les titres de presse anxiogènes fleurissent. Pourtant, aujourd’hui, nos connaissances sur le sujet sont bien plus limitées que ne le suggèrent nos confrères.

Ces derniers mois, deux publications parues dans les plus prestigieuses revues médicales mondiales — le New England Journal of Medicine et Nature Medicine — ont relancé les débats. Elles suggèrent que les micros (de 1 µm à 5 mm) et nanoplastiques (< 1 µm) peuvent s’accumuler dans les tissus humains, de nos artères à notre cerveau, et être associés à un excès d’événements cardiovasculaires ou à des atteintes neurologiques. Elles s’ajoutent aux études évoquant des risques au niveau respiratoire en raison d’un possible stress oxydatif, une inflammation chronique, des déséquilibres du microbiote respiratoire et ainsi une possible aggravation de pathologies telles que l’asthme, la bronchite chronique, la fibrose pulmonaire. En France, une étude de l’Université de Toulouse alerte sur la pollution de nos voitures et de nos intérieurs. Idem pour certaines eaux en bouteille, selon l’Office français de la biodiversité (OFB). Qu’en est-il réellement ?

Microplastiques : l’échec politique face à une pollution invisible

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Les microplastiques causent-ils des AVC ?

Dans le New England Journal of Medicine (NEJM), des chirurgiens vasculaires ont analysé des plaques carotidiennes prélevées chez des patients opérés. Ces dépôts, généralement composés d’un mélange de graisses (cholestérol), de cellules inflammatoires, de tissus fibreux et de calcaire, se forment à l’intérieur des deux grosses artères situées de chaque côté du cou. Avec le temps, ils peuvent les rétrécir, réduisant le flux sanguin vers le cerveau, ou se rompre, provoquant un accident vasculaire cérébral.

En analysant ces plaques, les scientifiques ont parfois détecté des micros et nanoplastiques, surtout du polyéthylène et, plus rarement, du PVC. Quand c’était le cas, les patients présentaient, sur trente-quatre mois de suivi, un excès marqué d’événements cardiovasculaires majeurs, avec un risque relatif environ 4,5 fois plus élevé. Mais il s’agit d’une étude observationnelle, qui ne prouve pas la causalité. Surtout, comme le rappellent les auteurs, l’absence de groupe témoin empêche toute conclusion définitive. Les particules observées, de même type, quel que soit le sujet, peuvent aussi provenir de la salle d’opération ou du matériel chirurgical lui-même, souvent en plastique.

Nos cerveaux infiltrés ?

Dans Nature Medicine, des neuropathologistes de l’Université du Nouveau-Mexique ont, pour la première fois, détecté des nanoplastiques dans le cerveau humain post-mortem. Du polyéthylène, dans les trois quarts des cas, mais aussi du polypropylène, du PVC et du polystyrène. Les concentrations mesurées y sont très élevées, 7 à 30 fois plus que dans le foie ou les reins, et elles auraient augmenté de 50 % entre 2016 et 2024 ! Pire, chez les personnes atteintes de démence (Alzheimer ou démence vasculaire), les niveaux cérébraux sont cinq fois supérieurs aux autres !

Mais l’étude présente aussi des limites majeures. Les contrôles destinés à repérer d’éventuelles contaminations sont incomplets : l’eau et les planches à découper en polyéthylène utilisées pourraient constituer des sources de particules, tout comme les lavages des tissus — réalisés différemment pour les cerveaux sains et ceux atteints de démence. La forte proportion de polyéthylène pourrait ainsi refléter une contamination liée à l’utilisation d’une planche à découper en plastique plutôt qu’une accumulation réelle. L’uniformité des types de polymères détectés, quel que soit l’âge ou l’exposition supposée, ne plaide pas non plus en faveur d’une bioaccumulation progressive.

En résumé, si cette étude met en évidence la possible présence de microplastiques dans le cerveau, elle ne permet pas de confirmer ni leur origine, ni un lien causal avec la démence ou d’autres pathologies. Les auteurs eux-mêmes rappellent qu’il faudra des protocoles plus robustes pour lever ces incertitudes.

L’eau en bouteille, la source du mal ?

Reste à comprendre d’où viennent ces particules et dans quelle mesure elles franchissent nos barrières de protection. Début janvier, Le Monde accusait sans nuance l’eau en bouteille, « massivement polluée par des nanoparticules de plastique ». Problème, l’étude à laquelle le journal se réfère, si elle constitue une nouvelle approche prometteuse pour identifier et quantifier les nanoplastiques, est loin d’être sans faille. L’eau de référence utilisée comme témoin contenait d’ailleurs plus de particules que l’eau en bouteille testée !

Le nettoyage du matériel avec cette eau de laboratoire contaminée pouvait par ailleurs augmenter artificiellement la concentration mesurée dans l’eau en bouteille… Difficile, dans ces conditions, de savoir quelle part des particules en proviennent… et de ne pas s’interroger sur la proportionnalité de l’emballement médiatique.

Emballement qui refait surface ces derniers jours avec la mise en cause de Contrex et Hépar par Médiapart, qui dénonce la contamination aux microplastiques de leurs eaux par les décharges sauvages de Nestlé. Laisser du plastique se dégrader dans l’environnement peut effectivement polluer les sols et la nappe phréatique, même si ce processus, très lent, a peu de chances d’avoir lieu en quelques décennies seulement. Il faudra attendre la parution du rapport de l’OFB, sur lequel se fonde l’article, pour en juger.

D’autres sources bien identifiées

Souligner les limites des articles scientifiques et la façon dont ils sont relayés dans les médias ne remet pas en cause la réalité de la présence de ces microparticules dans l’environnement. Un rapport de référence de l’institut néerlandais RIVM pointe trois contributeurs majeurs : l’usure des pneus sur la route (pour le moment augmentée par les voitures électriques, au poids moyen supérieur à celui des voitures thermiques), les granulés industriels qui servent de matière première, et la fragmentation des déchets plastiques. Viennent ensuite les peintures, les textiles et quelques autres usages. Réduire ces flux en amont a des bénéfices documentés pour l’environnement et, possiblement, pour la santé, même si cela reste à prouver. Ces mesures peuvent guider l’action publique, en attendant une évaluation plus précise des risques pour la santé humaine, même si les coûts inhérents à ces décisions doivent être évalués.

Comment freiner les émissions des pneus ?

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Moins médiatisée que l’eau en bouteille, l’inhalation est pourtant une voie d’exposition probable. Les particules et fibres issues des textiles, des matériaux domestiques et des poussières intérieures composent un cocktail auquel nous sommes exposés en continu, notamment dans les espaces clos. Une « revue systématique » parue en 2024 — et plus récemment un article publié en juillet 2025 par une équipe de recherche française —, souligne les larges incertitudes sur les doses réellement inhalées et déposées dans les voies respiratoires, mais confirme que la pollution de l’air intérieur n’est pas à négliger. Là encore, la priorité est de standardiser les méthodes et d’évaluer les risques associés à cette exposition, en fonction des sources de contamination.

C’est également ce que souligne l’OMS dans son dernier rapport sur les expositions par inhalation et par l’alimentation, estimant que les données actuelles sont trop limitées et disparates pour évaluer clairement les risques. Elle appelle à mieux mesurer les expositions réelles, à harmoniser les méthodes d’analyse et à poursuivre l’amélioration des procédés de production d’eau potable, où les enjeux microbiologiques restent prioritaires. Une position de prudence : l’incertitude ne signifie pas l’innocuité, mais elle invite à éviter les conclusions hâtives et alarmistes.

Un air de moins en moins pollué ?

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Des gestes simples, plutôt que des discours alarmistes

Informer sans jouer sur la peur, c’est rappeler qu’un contaminant détecté dans un tissu ne prouve pas qu’il provoque une maladie. Mais aussi qu’on ne peut pas déduire d’un simple comptage de particules dans une bouteille d’eau qu’elles finiront dans notre cerveau. C’est aussi hiérarchiser les priorités. Oui, la pollution plastique exige des mesures fortes pour l’environnement et l’industrie ; oui, les soupçons d’impact sur la santé justifient d’accélérer la recherche et le suivi médical ; mais non, on ne peut pas, à ce stade, établir un lien avec la démence ou donner des conseils médicaux précis. 

Aujourd’hui, hormis une norme « d’attente » trop généraliste et peu pertinente, il n’existe toujours pas de méthode standardisée pour extraire, mesurer et identifier les microplastiques, ce qui rend les études difficilement comparables entre elles. Ce travail est en cours au niveau européen et international, mais il prendra du temps. Or pour informer, il faut s’appuyer sur des études solides, capables de détecter les microplastiques avec rigueur et de limiter les erreurs. Puis expliquer clairement ce que l’on ne sait pas encore — comme la relation dose-effet chez l’humain, l’importance des nanoplastiques par rapport aux microplastiques, ou le rôle des additifs et des autres polluants présents dans le matériau. 

Enfin, mettre en avant les actions qui font consensus. En avril, l’Europe a ainsi adopté un accord pour réduire les fuites de granulés industriels. Elle a également imposé des restrictions dans l’utilisation de microplastiques intentionnellement ajoutés. Reste à essayer de réduire les particules liées à l’usure des pneus et à faire la promotion de gestes simples du quotidien, comme éviter de chauffer des aliments dans des plastiques non prévus à cet usage, privilégier la réutilisation plutôt que le jetable, et si c’est le cas, trier ses déchets. Par contre, privilégier l’eau du robinet ne limite pas forcément l’exposition aux microplastiques, puisqu’elle passe dans des tuyaux qui en sont constitués. 

Tout ceci est moins spectaculaire qu’un titre alarmiste, plus utile pour la santé publique, et plus fidèle à l’état réel des connaissances. Malheureusement, nous assistons à un cercle vicieux. Les médias mettent en lumière les études les plus anxiogènes, au risque d’influencer négativement le comportement des consommateurs et d’alimenter la défiance envers la science, en entretenant la confusion entre hypothèse et certitude. Pour avancer, celle-ci a besoin de temps, de transparence et de sérénité. Surtout pas de frénésie médiatique.

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L’humanité va-t-elle vaincre de justesse les super-bactéries ?

6 août 2025 à 20:51

La peste. Et si cette terrible maladie infectieuse revenait, plus résistante que jamais ? Face à cette menace, et à d’autres plus terribles encore, la pandémie de Covid-19 a offert une arme redoutable : l’ARN messager.

Le monde oublie trop souvent certains de ses plus grands héros. En janvier 1897, la peste ravage Byculla, un quartier de Bombay bâti sur d’anciens marécages. Dans un laboratoire de fortune, le docteur ukrainien Waldemar Haffkine s’administre un avant-goût du bacille Yersinia pestis.

Il n’est est pas à son coup d’essai : 4 ans plus tôt, il vaccinait 25 000 indiens contre le choléra, malgré la méfiance des populations locales, qui l’accusent de mener des expérimentations pour le pouvoir colonial. A Calcutta, un fanatique religieux musulman tente même de le poignarder à la gorge. Il s’en sort avec de simples blessures, et refuse de quitter son poste. Affaibli par la malaria, il doit pourtant retourner en France quelques mois plus tard. 

Mais, très vite, il repart affronter cette nouvelle épidémie qui décime la péninsule indienne. Après ses premiers tests sur des lapins et des chevaux, puis, donc, sur lui-même, il inocule son nouveau vaccin à des volontaires de la prison voisine. Tous survivent. Les sept détenus du groupe-contrôle, eux, meurent les uns après les autres.

Pour la première fois dans l’histoire, on apprivoise la « peste ».

La peste, un retour possible ?

Depuis, cette maladie semble reléguée au rang de souvenir, cantonnée à quelques foyers en Afrique et en Asie centrale. Mais la menace persiste. Si les antibiotiques (streptomycine, gentamicine, doxycycline, fluoroquinolones) ont permis de sauver des vies, la découverte en 1995 de souches de Y. pestis multirésistantes a mis en garde contre un possible retour en force du bacille.

Heureusement, un nouvel espoir apparaît. Héritée de la lutte contre la COVID-19, la technologie de l’ARN messager est aujourd’hui exploitée pour neutraliser la forme pulmonaire de la peste. En encapsulant deux protéines clés de la bactérie dans des nanoparticules lipidiques, une équipe israélienne vient d’obtenir 100 % de protection chez l’animal, après seulement deux injections. Cette avancée repose sur la capacité unique de l’ARNm à activer à la fois la réponse humorale et la réponse cellulaire. La première produit des anticorps pour neutraliser les agents pathogènes à distance, dans les liquides du corps (sang, lymphe, etc.). La seconde mobilise des cellules immunitaires, comme les lymphocytes T, qui vont reconnaître et détruire directement les cellules infectées. Cela ouvre la voie à des vaccins « plug-and-play », adaptables en quelques semaines seulement.

Lutter contre les “super-bactéries” résistantes aux antibiotiques

Cette technologie est une révolution. Car si la peste reste un risque, c’est surtout la menace globale des « super-bactéries » qui inquiète. A force d’y être exposées, ces bactéries résistent aux antibiotiques. Un phénomène naturel amplifié par leur usage excessif. Dans le monde, leur consommation continue de croître, malgré un recul dans certains pays comme la France depuis le début du siècle. Aujourd’hui, c’est  l’un des plus grands dangers sanitaires mondiaux.

Ainsi, la typhoïde XDR, résistante à presque tous les antiobiotiques de première ligne, est apparue au Pakistan en 2016. Depuis, elle a été exportée via les voyageurs vers le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, et plusieurs pays d’Europe et d’Asie

En 2022, environ 410 000 personnes ont développé une tuberculose résistante à l’isoniazide et à la rifampicine, notamment en Inde, en Chine, en Russie et en Afrique du Sud, mais aussi dans certaines républiques d’Asie centrale et d’Europe de l’Est.

L’Organisation mondiale de la santé tire la sonnette d’alarme :  l’antibiorésistance est la « peste » du XXIᵉ siècle, responsable de plus d’un million de morts chaque année.

Y mettre un terme pourrait réduire drastiquement la mortalité liée aux infections, alléger la pression sur les hôpitaux et limiter la propagation de clones résistants. La plateforme ARNm offre des perspectives inédites : un ciblage vaccinal plus précis, un moindre recours aux antibiotiques, et la possibilité de freiner l’émergence de nouveaux variants bactériens. 

Sous la présidence de Donald Trump, les vaccins ARNm sont remis en cause par le Ministre de la santé, l’antivax Robert Kennedy Jr.. Leur développement pourrait pourtant permettre de sauver l’humanité de nouvelles pandémies mondiales. Nul doute que Haffkine en aurait rêvé.

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Santé, l’effet placeb(i)o

5 août 2025 à 03:59

Laquelle choisir ? C’est la question que chacun s’est déjà posée devant son rayon fruits et légumes au moment de choisir entre une laitue conventionnelle et son alternative bio, presque deux fois plus chère. La santé serait-elle à ce prix ?

Dans l’imaginaire collectif, le logo AB agit comme un talisman. Il suggère une assiette plus saine, censée protéger des cancers et autres maladies chroniques. Ce récit est nourri par un marketing agressif, largement relayé par une communication médiatique et politique très alarmiste sur les « pesticides chimiques ».

Les salades bio de Benoît Biteau

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Mais que dit vraiment la littérature scientifique ?

Les promesses santé du bio : des corrélations, mais pas de preuves

L’une des études épidémiologiques les plus commentées est celle de NutriNet-Santé, publiée en 2018. Elle a suivi près de 70 000 volontaires pendant quatre ans, dont 78 % de femmes, d’un âge moyen de 44 ans. Au total, 1 340 cancers ont été diagnostiqués. Résultat : les consommateurs réguliers de produits bio affichaient un taux de cancers de 1,6 %, contre 2,2 % chez les non-consommateurs — soit une différence relative d’environ 25 %.

De quoi nourrir un battage médiatique sans nuance… mais trompeur. Car il s’agit d’une étude observationnelle de cohorte, sans répartition aléatoire entre groupes « bio » et « non bio ». Or, avec cette méthode, les différences constatées peuvent résulter de biais de confusion (habitudes alimentaires globales, niveau d’études, activité physique, tabagisme…), plutôt que d’un effet direct du mode de production. Dit autrement : les amateurs de bio ne sont pas en meilleure santé parce qu’ils mangent bio, mais mangent bio parce qu’ils prennent soin de leur santé et sont donc sensibles aux messages prétendant cette agriculture plus vertueuse sanitairement.  .

Pourtant, l’Institut national du cancer le rappelle explicitement : « Il n’y a pas de preuve scientifique qui indique qu’une alimentation bio réduit le risque de cancer ».

Même prudence dans une étude norvégienne (MoBa) portant sur 28 000 femmes enceintes. Elle suggère une association entre consommation fréquente de légumes bio et réduction du risque de prééclampsie (une hypertension artérielle pouvant survenir après 20 semaines de grossesse). Mais là encore, ce lien statistique pourrait s’expliquer par d’autres paramètres liés au mode de vie, indépendamment du bio lui-même.

Enfin, une revue systématique de Stanford, publiée en 2012, n’a identifié aucun bénéfice clair du bio sur la santé, ni de différence notable en valeur nutritionnelle, et pas davantage en morbidité, malgré une exposition réduite aux résidus de pesticides.

Pesticides dangereux : la décrue silencieuse

De son côté, l’agriculture conventionnelle ne reste pas figée dans ses pratiques et progresse continuellement. Depuis 2009, les quantités de substances classées CMR (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques) qu’elle utilise ont fortement diminué en France. Les CMR1 (les plus préoccupantes) ont été quasiment éliminées à partir de 2021, tandis que les CMR2 ont chuté de près de moitié en dix ans. Ces évolutions traduisent les améliorations continues de la régulation européenne et des pratiques agricoles, qui tendent à éliminer les molécules les plus dangereuses. 

Risques de résidus et contaminations naturelles : pas de blanc-seing pour le bio

La question des résidus de pesticides illustre bien cette autre nuance. Les enquêtes officielles montrent qu’environ 10 % des fruits et légumes bio contiennent des traces mesurables, contre près de 50 % en conventionnel. Mais toutes filières confondues, plus de 95 % des échantillons restent entre 50 et 100 fois en dessous des limites maximales de résidus fixées avec une large marge de sécurité. Autrement dit, même si la salade conventionnelle a plus de chances de contenir un résidu, celui-ci reste très inférieur aux seuils jugés préoccupants. À moins de consommer plusieurs dizaines de salades par jour, l’impact sanitaire est négligeable. Pas de quoi — vous en conviendrez — en faire toute une salade.

Précisons aussi que la méthode la plus efficace pour éliminer la grande majorité des résidus présents en surface reste… de laver ses fruits et légumes.

Mais tout ne peut pas se nettoyer. C’est le cas de la bière. Or, une étude récente portant sur 45 d’entre elles, a détecté des traces de glyphosate dans plus de la moitié des échantillons — y compris deux productions bio — à des niveaux si faibles qu’il faudrait boire près de 2 000 bouteilles par jour pour atteindre la dose maximale admissible. On vous a pourtant martelé (à raison) que l’alcool devait être consommé avec modération !

Ces résidus, même dans les produits bio, sont généralement dus à des contaminations fortuites : dérives de pulvérisation, pollution environnementale ou fraudes ponctuelles. Preuve en est, que le bio est régulièrement l’objet de rappels de ses produits. Ainsi, en 2025, un lot de potimarrons bio français a été retiré du marché pour dépassement des seuils réglementaires en pesticides, tout comme un autre, de poivre noir bio importé, contaminé par de l’anthraquinone, une substance non autorisée.

Quand une ferme bio déclenche une épidémie

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Cela ne signifie pas que le label soit trompeur. Seulement qu’il ne donne en rien un blanc seing sanitaire sur la seule base de sa revendication.

D’autant que les agriculteurs bio utilisent notamment le sulfate de cuivre pour lutter contre les maladies fongiques. Ce métal lourd, « naturel » certes, s’accumule dans les sols et peut être toxique pour la faune… comme pour l’être humain, s’il est soumis à de fortes doses du produit.

Bouillie bordelaise : une image de naturel vraiment fondée ?

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Autre exemple souvent ignoré : les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP), toxines naturelles produites par certaines plantes sauvages (séneçon, datura…). On en a retrouvé dans des herbes aromatiques bio, entraînant des rappels de produits. Des vaches en pâture peuvent aussi en ingérer si leur pré est infesté : des traces d’AP peuvent alors se retrouver dans le lait, y compris bio.

Même logique pour l’aflatoxine M1, une mycotoxine cancérogène issue de fourrages moisis, détectable dans le lait — bio ou non — en cas de mauvaises conditions de stockage. Mais, rassurons-nous, ces contaminations restent exceptionnelles, grâce à la rigueur des contrôles européens.

Enfin, des enquêtes ont mis en lumière la présence de polluants persistants (PCB, dioxines) parfois plus élevée dans des produits animaux bio, ou encore des taux de phtalates surprenants dans certaines huiles d’olive bio, parfois supérieurs à ceux mesurés en conventionnel.

Autant de signaux qui rappellent que « bio » ne rime pas automatiquement avec « pureté », et que, quels que soient les labels, la vigilance et les contrôles sanitaires restent essentiels.

Nutrition et équilibre : le vrai levier santé

La plupart des méta-analyses convergent vers un même constat : les grands déterminants nutritionnels de notre santé sont la surconsommation de sucre, de sel, d’alcool, de produits ultra-transformés et la sédentarité — bien plus que l’exposition résiduelle à des substances déjà très encadrées.

Ainsi, passer de deux à cinq portions quotidiennes de fruits et légumes, bio ou non, diminue la mortalité toutes causes confondues de l’ordre de 13 %. Inversement, un burger-frites bio reste de la malbouffe bio, tandis qu’une assiette de brocolis surgelés conventionnels constitue un véritable atout pour le cœur et les artères.

Et puis, il y a le coût — un facteur décisif. Le surcoût du bio varie de +30 % à +80 % selon les filières et les enseignes le commercialisant. Pour un foyer modeste, cette surtaxe peut réduire la consommation totale de végétaux. Or, la première priorité de santé publique est d’augmenter la part de fruits et légumes dans l’assiette, pas de sélectionner un label ni de privilégier les plus chers. Et le constat est préoccupant : seulement un Français sur cinq atteint les cinq portions recommandées par jour, une part encore plus faible chez les jeunes.

Le marketing de la peur, qui laisse entendre qu’« hors du bio, point de salut », risque aussi de détourner les budgets des ménages de produits sains mais accessibles. 

C’est que conclut une thèse soutenue en 2018 : « À l’échelle individuelle, nous devons continuer à encourager nos patients à manger des fruits et légumes conventionnels s’ils ne peuvent avoir accès au bio. En effet, des études confirment qu’il est préférable de consommer des légumes avec pesticides que de ne pas en manger du tout. »

Alors, quelle salade choisir ?

Une laitue conventionnelle bien lavée ne mettra pas votre santé en danger, même consommée quotidiennement. Si réduire légèrement votre exposition aux résidus vous semble important — et si votre budget le permet — alors la salade bio peut être une option.

Mais l’essentiel est ailleurs : manger plus de végétaux variés, choisir des produits frais, éviter la malbouffe et les produits ultra-transformés, cuisiner davantage, bouger plus. Le bio est un choix possible, pas un passage obligé. Ce qui compte, c’est ce que vous mettez dans votre assiette… pas le logo sur l’étal.

Tout l’été, nous publions ici gratuitement les bonnes feuilles de notre livre, « Trop bio pour être vrai ? ». Pour le lire en intégralité, c’est par là :

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Suite la semaine prochaine avec le chapitre III : Environnement, le vert à moitié plein.

Épisode précédent : La bio du bio

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Diabète de type 1 : Révolution en vue ?

26 juin 2025 à 04:42

Un traitement expérimental à base de cellules souches à même de permettre aux patients diabétiques de type 1 de se passer d’injections d’insuline ? C’est la promesse du Zimislecel. Mais prudence, néanmoins. Explications.

Des cellules souches pour guérir ?

C’est peut-être un tournant historique pour les millions de personnes vivant avec un diabète de type 1. Cette maladie auto-immune, en général diagnostiquée entre 5 et 20 ans, détruit les cellules du pancréas qui fabriquent l’insuline, l’hormone essentielle pour réguler le sucre dans le sang. 

Sans insuline, impossible de survivre : les patients doivent s’injecter ce médicament à vie, plusieurs fois par jour, et jongler en permanence entre risques d’hyperglycémie (trop de sucre) et d’hypoglycémie (pas assez); cette dernière pouvant avoir des effets immédiats à même de plonger sa victime dans le coma.

Mais pour la première fois, un traitement expérimental permettrait de s’affranchir des injections. Son nom : Zimislecel (Vertex Pharmaceuticals), un concentré d’innovation à base de cellules souches (de 0 .4 x 10^9 cellules à 0.8 x 10^9 cellules) transformées en cellules pancréatiques capables de produire de l’insuline.

Ces cellules sont issues d’un donneur distinct du receveur. Elles ont donc nécessité un traitement immunosuppresseur associé pour éviter le rejet. Initialement sous formes de cellules souches pluripotentes, elles ont été « programmées » pour devenir des îlots pancréatiques entièrement différenciés, comprenant les fameuses cellules bêta productrices d’insuline.

Dans un essai préliminaire publié par le New England Journal of Medicine, 12 patients très atteints (hypoglycémies graves, dépendance totale à l’insuline) ont reçu ce traitement en une seule perfusion de 30 à 60 mn via un cathéter dans la veine porte. Résultat ? Tous ont retrouvé une production naturelle d’insuline. Mieux : 10 d’entre eux n’avaient plus besoin d’injections un an après l’infusion, avec un taux d’hémoglobine glyquée optimal < 7%.

C’est une avancée spectaculaire. La greffe de cellules productrices d’insuline existe déjà, mais elle est limitée par la rareté des donneurs et la qualité variable des greffons. Ici, on parle de produire ces cellules en laboratoire, à partir de cellules souches, et de les rendre fonctionnelles chez l’humain.

Prudence néanmoins…

Prudence. L’étude reste précoce, basée sur un tout petit effectif d’une dizaine de patients. Deux décès sont survenus : l’un lié à une méningite à cryptococcus après chirurgie des sinus, favorisée par l’immunosuppression et la prise de corticoïdes pourtant interdits ; l’autre dû à une démence aggravée par des antécédents de traumatisme crânien. Comme dit plus haut, le traitement impose une immunosuppression : les effets à long terme sont inconnus et restent à établir sur plus de patients. Mais c’est un pas immense vers un objectif longtemps jugé utopique : restaurer l’autonomie métabolique des personnes diabétiques. La médecine régénérative frappe fort… et ce n’est sans doute que le début.

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Glyphosate, le retour

16 juin 2025 à 04:23

Chaque semaine, un nouveau signal d’alarme sanitaire vient semer l’effroi sur nos fils d’actualité : aspartame, cadmium, pesticides… C’est le festival de « Tu cannes ! ». Mais la star des produits faisant vendre du papier est le glyphosate. Le voilà de retour dans l’actualité avec la parution de ce qui est présenté par nos confrères, allant du Monde, en passant par Le Quotidien du Médecin ou Mediapart, comme « la plus vaste étude jamais menée » sur le sujet. Verdict : il augmenterait le risque de cancer. Frissons garantis.

Mais avant de réclamer son interdiction immédiate, une analyse de l’étude s’impose. Spoiler alerte, ça ne va pas faire plaisir à tous ceux qui sont atteints de glyphosatophobie chronique…

Mode d’action et usage

Découvert dans les années 1970, le glyphosate est un herbicide non sélectif : il bloque la synthèse de certains acides aminés chez les plantes. Il est utilisé seul ou dans des formulations commerciales, comme Roundup Bioflow (en Europe) ou RangerPro (aux États-Unis), enrichies en surfactants (substances qui réduisent la tension de surface d’un liquide facilitant leur mélange avec d’autres). Son usage massif et mondial en fait un candidat régulier aux polémiques sanitaires.

Flashback : l’étude Séralini, dix ans plus tôt

En 2012, le biologiste Gilles-Éric Séralini affirme avoir observé une hausse de tumeurs mammaires chez des rats exposés au Roundup. L’étude est vite contestée : seulement dix rats par groupe, analyses statistiques faibles, et surtout, rats Sprague-Dawley, connus pour développer spontanément des tumeurs au cours de leur vie. L’article est rétracté un an plus tard. Pourtant, la nouvelle étude reprend… le même modèle animal.

Que montre l’étude Ramazzini ?

Menée par un laboratoire italien engagé de longue date contre divers produits chimiques, l’étude suit 1 020 rats Sprague-Dawley (51 mâles et 51 femelles par groupe), exposés dès la gestation à trois doses de glyphosate : 0,5 mg/kg/j (la DJA européenne, bien au-dessus de l’exposition humaine réelle), 5 mg/kg/j et 50 mg/kg/j. Le glyphosate est administré pur ou sous forme de Roundup Bioflow ou RangerPro. Les auteurs annoncent une augmentation « significative » de tumeurs bénignes et malignes à toutes les doses : leucémies, hémangiosarcomes, cancers du foie, de la thyroïde, du système nerveux…

Des résultats inquiétants, mais fragiles

Le problème ? Il est multiple. Les rats utilisés développent déjà spontanément des tumeurs avec l’âge. Sans corrections statistiques pour les dizaines de comparaisons réalisées, le risque de faux positifs est considérable. Certaines données sont incohérentes : à la dose la plus faible de Roundup Bioflow, aucun lymphome détecté, contre 10 % dans le groupe témoin. Comment un cancérogène pourrait-il « effacer » une tumeur ? Silence radio dans l’étude. On observe aussi des courbes en U (plus de tumeurs à faibles doses qu’à fortes), et surtout, de nombreux résultats reposent sur un ou deux cas par groupe. C’est trop peu. Un calcul simple montre qu’il faudrait presque le double de rats pour détecter de façon fiable un risque multiplié par dix sur une tumeur rare. Enfin, et c’est crucial : le glyphosate est administré ici en continu dans l’eau de boisson. Rien à voir avec l’exposition humaine, qui se fait par l’alimentation, à petites doses, par pics, et à des niveaux des milliers de fois inférieurs. En population générale, le glyphosate urinaire tourne autour de 1 à 5 µg/L. Seuls certains applicateurs agricoles atteignent des niveaux plus élevés, et chez eux, un léger sur-risque de lymphome non hodgkinien est débattu depuis vingt ans – un signal absent de l’étude Ramazzini.

Une couverture médiatique biaisée

La plupart des articles reprennent les conclusions sans mise en contexte. Pas un mot sur les limites du modèle animal, les erreurs statistiques, l’inadéquation des doses testées. On empile les tumeurs comme on aligne les arguments d’un procès. On oublie aussi de préciser que les rats exposés ont vécu aussi longtemps que les témoins : aucune surmortalité observée. Présenter ces résultats comme une preuve implacable, c’est confondre signal expérimental et démonstration scientifique.

Alerter, oui. Interdire dans la précipitation, non.

Oui, cette étude mérite d’être discutée. Mais elle ne prouve pas un danger immédiat pour l’humain. Elle appelle à des reproductions indépendantes, sur d’autres souches animales, avec des protocoles plus robustes et des données publiques. Interdire le glyphosate sans alternative viable reviendrait à rouvrir la porte au labour intensif, à l’érosion des sols, à plus de CO₂, et parfois à des herbicides plus toxiques. La vraie voie, c’est une transition agronomique intelligente : rotations, couverts végétaux, désherbage mécanique, robotique.

Science vs storytelling

L’étude Ramazzini ne change pas fondamentalement l’état des connaissances. Elle relance un débat déjà ancien, sans le faire progresser de façon décisive. La presse, elle, joue souvent le rôle de caisse de résonance plutôt que celui de filtre critique. La science avance par contradiction et rigueur. Pas par proclamation.

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Cadmium : empoisonne-t-on vraiment nos enfants avec les céréales du matin ?

9 juin 2025 à 05:13

Un ennemi revient sous les projecteurs : le cadmium, brandi dans les médias comme une nouvelle « bombe sanitaire » pour les Français. Pourtant, loin des effets de manche, il est essentiel d’examiner calmement les faits, sans céder à l’alarmisme ambiant. Les Électrons Libres sont là pour ça ! Alors ? S’empoisonne-t-on vraiment avec les céréales du matin ou le pain quotidien ?

D’où vient le cadmium ?

Ce métal lourd est naturellement présent dans les roches phosphatées, utilisées depuis des décennies pour fabriquer des engrais. Selon leur origine, ces phosphates peuvent contenir de quelques dizaines à plusieurs centaines de milligrammes de cadmium par kilogramme. Une fois épandus, ils se dispersent dans le sol, se lient aux particules argileuses et à la matière organique, puis s’infiltrent dans les plantes via les racines. Les feuilles (épinards, choux), tubercules (pommes de terre) et surtout les céréales (blé, riz, avoine, maïs) sont particulièrement susceptibles d’accumuler ce métal. Mais pas que : les crustacés aussi.

En France, l’enquête ESTEBAN (2014–2016), publiée en 2021, montre qu’une proportion significative de la population française est exposée : 47 % des adultes et 18 % des enfants présentent un taux urinaire de cadmium supérieur à la valeur critique (≈ 0,5 µg/g de créatinine) définie par l’ANSES. Ce sont ces chiffres qui justifient l’alerte sur les céréales, car ce sont les enfants qui en consomment le plus. « On empoisonnerait donc nos enfants ? » Loin de là … Car, en creusant un peu – ce que certains confrères omettent parfois de faire – on constate que le sur-risque de voir un taux biologique élevé parmi les consommateurs réguliers de céréales n’est que de …8 % par rapport aux gamins qui en consomment très peu ! Pas de quoi fouetter le matou ! De même, on évite de dire que chez les adultes, le principal facteur de risque retrouvé parmi les 47% des adultes… est le tabagisme. Là, le risque de constat de la présence d’un taux élevé de cadmium dans l’organisme augmente de plus de 50% ! Et oui… dans chaque cigarette il y a entre 1 et 2 µg de cadmium !

Au surplus, il est nécessaire de garder en mémoire que les recommandations actuelles sur les valeurs toxicologiques de référence (fondées avant tout sur un risque accru d’atteinte tubulaire rénale ou d’ostéoporose) intègrent d’importantes marges de sécurité : les dépasser ne se traduit pas nécessairement par une maladie, d’autant que le cadmium s’accumule sur plusieurs décennies et que chaque individu réagit différemment.

Le cadmium : un enjeu politico-économique

Derrière la question sanitaire, se cache en réalité un véritable bras de fer géopolitique gavé de lobbying. Les engrais phosphatés importés du Maroc, riches en cadmium (60–70 mg/kg de P₂O₅), rivalisent avec ceux de Russie, beaucoup moins contaminés (< 20 mg/kg). Lorsque l’Union européenne a proposé d’abaisser progressivement le seuil maximal à 20 mg/kg d’ici 2034, Rabat a déployé un lobbying intense pour préserver ses parts de marché, tandis que Moscou, voyant une opportunité pour renforcer ses exportations, a soutenu des normes strictes. Selon notre consœur du Point, Géraldine Woessner, cette démarche russe serait l’œuvre de Safer Phosphate, un « lobby créé en 2016 par le géant […] des engrais PhosAgro, propriété de l’oligarque Andrey Guryev, proche de Vladimir Poutine ». Ce qui expliquerait que l’étude ayant conduit à sonner l’alerte médiatique, ne comportant pourtant aucune nouvelle donnée, se soit opportunément invitée dans le débat, afin d’offrir quelques lauriers vertueux au Kremlin, tandis que fait rage la guerre qu’il mène à une Ukraine soutenue par l’UE. 

Entre pays nordiques, Benelux et États méditerranéens, les débats ont reflété tant des préoccupations sanitaires que des enjeux économiques. Au final, le règlement européen (UE) 2019/1009 a opté pour un seuil intermédiaire (60 mg/kg en 2022, 40 mg/kg en 2026, 20 mg/kg en 2034). Un compromis qui témoigne de la pression exercée par les différents Etats concernés. 

Et le cancer ?

Le cadmium est classé cancérogène avéré (CIRC, Groupe 1), mais ses dangers dépendent de la dose et de la durée d’exposition. Une méta-analyse de 2025 signale un risque relatif (RR) de 2 pour le cancer du pancréas : exposé à forte dose, on pourrait doubler le risque. Cependant, ce chiffre reste modéré comparé à d’autres facteurs mieux documentés : le tabagisme (RR > 4 pour un paquet par jour), la consommation excessive d’alcool ou l’obésité, qui jouent ici un rôle plus net et mieux établi. Comme bien souvent. Même si nombreux préfèrent regarder ailleurs. Ce ne sont donc pas nos céréales ou notre tartine matinale qui sont donc le plus à incriminer.

Pour autant attention ! L’accumulation chronique du cadmium n’est pas anodine. De faibles apports répétés s’ajoutent au fil des années et peuvent induire des atteintes rénales (tubulopathies), osseuses (ostéoporose, fractures) voire cardiovasculaires, même sans symptôme immédiat.

Phobie alimentaire et responsabilités médiatiques

La solution miracle selon certains pour ne pas se tuer à petit feu ? Consommer bio ! Une méta-analyse publiée il y a plus de dix ans rapporte que les aliments issus de la filière bio présentent en moyenne 48% de cadmium en moins que les aliments issus de l’agriculture traditionnelle. Problème, pour arriver à un tel chiffre, cette méta-analyse a colligé des publications allant de 1992 à 2011, qui ne reflètent pas les modes de cultures d’aujourd’hui. Car outre le fait que l’agriculture bio peut aussi contenir des résidus de cadmium, en agriculture conventionnelle, l’utilisation des engrais phosphatés a été divisée par deux depuis l’an 2000

La chute de l’utilisation des engrais phosphatés

J’approfondis

Les messages alarmistes, assimilant les céréales pour enfants ou le pain à un poison permanent, sont non seulement exagérés, mais aussi injustes envers ceux qui ne peuvent pas s’offrir des produits bio ou de niche. Culpabiliser les familles modestes, au prétexte qu’elles achètent des produits « à bas prix », est un procédé dangereux. La peur générée risque de faire basculer nombre de nos compatriotes dans la méfiance systématique, voire la défiance envers toute autorité sanitaire. Les Électrons Libres ont déjà souligné la dérive similaire avec l’alerte autour de l’aspartame, pourtant bien plus anodin que le cadmium. Preuve en est que crier au loup quelle que soit la substance concernée peut s’avérer problématique.

En guise de conclusion. Si la nuance nous est permise…

Le cadmium mérite de faire l’objet d’une vigilance sérieuse, mais ne doit pas provoquer une panique contagieuse. Il est donc, à son propos, nécessaire de :

  • Reconnaître que son accumulation à long terme peut nuire à la santé, en particulier aux fonctions rénale et osseuse.
  • Comprendre que l’exposition actuelle (hors tabagisme assidu) n’entraîne pas automatiquement un surcroît massif de cancers, notamment pancréatiques.
  • Se méfier des messages trop choquants qui occultent la nuance nécessaire et culpabilisent inutilement.
  • Promouvoir des pratiques agricoles et industrielles réduisant la teneur en cadmium, tout en encourageant une alimentation diversifiée plutôt qu’une diète de la peur.

Enfin, pour répondre à l’appel de l’ancien Ministre de la Santé Aurélien Rousseau et de l’actuel, Yannick Neuder, pousser en faveur de la création d’un registre national épidémiologique des cancers pour mieux comprendre les véritables facteurs de risque évitables… qui peuvent d’ailleurs varier d’un territoire à l’autre.

En somme, informer sans dramatiser, c’est protéger la santé publique sans alimenter la psychose. Elle-même dangereuse pour la santé.

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