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Reçu hier — 22 août 2025

Sur les traces de la légende du canard d’or – Épisode II

22 août 2025 à 04:34

Bon, les amis, comment ça va vous ? Parce que moi, franchement… pas terrible. Je suis toujours à la recherche de mon canard d’or, que le chef Antoine a caché je ne sais où. J’ai pourtant rendu à temps ma copie pour le livre sur le bio. On est même toujours n°1 des ventes sur Amazon dans la catégorie “Agriculture Biologique”… Alors pourquoi ne me le rend-il pas ?

— Tu te ramollis, Fred, fais marcher ton cerveau. Cette énigmounette est largement à ta portée, et à celle de nos lecteurs, m’a-t-il même répondu quand je lui ai posé la question. Impossible n’est pas électrons, souviens-toi, a-t-il ajouté, l’air satisfait.

Alors j’ai crié, crié, pour qu’il revienne. Puis j’ai cherché. Partout. J’ai même commencé par les Pays-Bas. Fausse piste. (Mais bonne nouvelle : j’ai ramené une idée d’article.)

— Arrête de courir, Fred, et réfléchis, m’a dit Antoine quand je suis rentré, bredouille.

Alors j’ai réfléchi… 

…et je pense avoir trouvé un truc. J’ai repensé à mon premier article. Je l’avais intitulé : À la recherche du canard d’or, clin d’œil assumé à l’histoire de la chouette d’or. Mais quand il est paru, le titre avait changé : À la recherche de la légende du canard d’or. Et là je me suis dit : ce n’est sûrement pas un hasard. Antoine a dû le modifier pour une bonne raison.

J’ai même essayé de placer le mot rajouté dans la grille trouvée sur son bureau… Et vous savez quoi ? Il rentre parfaitement en sixième ligne.

Je pense que je tiens quelque chose… Nager dans les rhododendrons… Mais bien sûr, Antoine…

Plus que dix mots à trouver pour reconstituer l’énigme et la grille. Et ces chiffres… On dirait que… Vous m’aidez ? Je suis prêt à distribuer les abonnements VIP et Quark comme s’il en pleuvait, si on trouve.

— Même pas en rêve, a rajouté Antoine en publiant l’article…

À suivre…

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Reçu avant avant-hier

Aéronautique : l’étoffe du net zéro ?

3 août 2025 à 06:22

Longtemps admirée, aujourd’hui sous le feu des critiques, l’aviation commerciale incarne mieux que tout autre secteur le dilemme entre liberté de mouvement et urgence climatique. Elle doit se réinventer pour continuer à relier le monde sans le réchauffer. Le secteur s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 : promesse crédible ou techno-solutionnisme inconséquent ?

1 000 entreprises, 300 000 emplois (directs et induits), 77,7 milliards € de chiffre d’affaires… si la France représente moins de 4 % du trafic aérien mondial, elle concentre à elle seule 15,6 % des exportations mondiales de l’aérospatial. Pendant que les débats se focalisent sur les voyages personnels ou les jets privés, le pays dispose d’un levier bien plus stratégique : celui de sa capacité industrielle à décarboner l’aéronautique mondiale. Un enjeu économique majeur, puisque le secteur est le premier contributeur à la balance commerciale française, avec un excédent de 23,5 milliards d’euros en 2022, soit l’équivalent de 4,3 % du PIB.

Twingo vole

Imaginez : vous partez pour Le Caire en ne consommant que 2,35 litres de carburant et en émettant 59 g de CO₂ aux 100 km. L’équivalent d’un road trip à deux en Twingo… mais à 900 km/h et 10 000 mètres d’altitude.

Science-fiction ? Non. C’est déjà ce que permet un Boeing 787, en conditions optimales.

Entre 1990 et 2019 — date à laquelle le secteur aérien a été intégré aux objectifs climatiques européens — les émissions par passager-kilomètre ont chuté de plus de 50 %, grâce à des avions plus sobres, des motorisations plus efficaces et des vols mieux remplis.

Résultat : si les émissions de CO₂ de l’aviation ont doublé depuis 1990, atteignant environ 1 milliard de tonnes juste avant la crise Covid, elles ne représentent toujours que 2,5 % des émissions mondiales. En incluant les effets non-CO₂ — comme les NOx, la vapeur d’eau ou les traînées de condensation —, son impact climatique total est estimé à environ 4 % du réchauffement global.

Contrails : et si le ciel se dégageait pour l’aérien ?

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CO2 : Objectif nul

Le secteur aérien s’est collectivement engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Cet objectif, désormais partagé par l’ensemble des grandes organisations aéronautiques internationales constitue le cap structurant de la stratégie industrielle du secteur pour les 25 prochaines années.

Pour y parvenir, l’aviation mise sur trois leviers complémentaires : le déploiement des carburants durables (SAF), l’émergence de technologies de rupture, et l’optimisation des opérations au sol comme en vol. Aucun ne suffit à lui seul ; c’est leur combinaison qui rend la trajectoire crédible.

Les SAF y occupent une place centrale. Mais leur coût reste aujourd’hui très élevé et les obstacles à franchir pour leur montée en puissance demeurent considérables.

SAF : Tintin au pays de l’or vert ?

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En parallèle, les industriels remettent plein gaz sur les ruptures technologiques. Les efforts portent sur les turboréacteurs compatibles SAF, les avions hybrides-électriques, les structures allégées ou encore les ailes morphing, capables de modifier leur forme en vol pour gagner en efficacité énergétique. Mais c’est surtout du côté des moteurs ultra-efficients que les gains les plus rapides sont attendus. 

Le successeur de l’A320, présenté par Airbus en mars dernier, intègre la plupart de ces innovations. Cet appareil, jusqu’à 30 % plus efficient que l’A320neo, est conçu dès l’origine pour opérer à 100 % au SAF. Il doit être construit en matériaux composites allégés, avec des ailes longues et repliables supportant des moteurs sans carénage révolutionnaires. Sa mise en service est prévue à la fin des années 2030.

Le successeur de l’A320 devrait être équipé de moteurs RISE de CFM dépourvus de carénage. © CFM International

L’hydrogène liquide reste étudié comme une solution de rupture à plus long terme mais les annonces récentes d’Airbus laissent entrevoir un décalage du calendrier, avec une mise en service probablement repoussée à 2040 ou au-delà.

Le troisième levier repose sur une optimisation opérationnelle systématique : amélioration des trajectoires en vol, réduction du roulage, gestion au sol plus efficiente, avec, de plus en plus, recours à l’intelligence artificielle pour optimiser l’ensemble des opérations. 

Malgré les incertitudes — sur la disponibilité des SAF ou les percées technologiques —, l’IATA réaffirme fermement son engagement à atteindre la neutralité carbone en 2050. Le coût estimé de cette transition est colossal : 4 700 milliards de dollars, soit en moyenne 174 milliards par an. Mais dans 20 ans, les trois quarts de la flotte actuelle auront probablement été remplacés.

Cet effort s’inscrit dans le cadre plus large du scénario Net Zéro porté par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui vise à contenir les émissions de l’aviation sous 1 000 Mt de CO₂ dès 2030. Un cap ambitieux, mais atteignable à condition d’agir vite — car le trafic, lui, continue de croître : 8,2 milliards de passagers sont attendus à cette échéance.

Report moral, report modal

Reste une question sensible : faut-il freiner cette croissance ? L’idée d’imposer interdictions, quotas ou fiscalité punitive revient régulièrement dans le débat. Pourtant, l’aviation commerciale profite à tous.

Depuis les années 1960, le nombre de passagers a été multiplié par 45 — de 100 millions à plus de 4,5 milliards. Ce ne sont pas « les mêmes qui voyagent plus », ce sont davantage de personnes qui accèdent au ciel. Et c’est justement ce succès que certains lui reprochent.

Ceux qui dénoncent le tourisme de masse — dont les impacts, bien réels, méritent d’être régulés — ou qui prônent la sobriété pour les autres, tout en affichant le bilan carbone d’une centrale à charbon allemande, sont souvent les premiers à s’exempter des efforts qu’ils prétendent imposer à tous. Pour aller voir pousser un arbre en Guyane. Ou pour assister à une conférence… sur le climat. Le tout en s’estimant exemplaires, car, n’est-ce pas, ils ne prennent plus l’avion… entre deux vols.

Faut-il au moins renoncer à l’avion sur les trajets courts ? Pas forcément. Le train peut être une excellente alternative — à condition d’être abordable, ponctuel et rapide. Mais il ne capte pas toujours les passagers de l’avion : une étude Carbone 4 pour le SNPL montre que, faute d’offre compétitive, beaucoup se rabattent sur la voiture… au risque d’aggraver le bilan carbone. 

Un turbo pour l’économie

L’aéronautique est d’abord un puissant vecteur d’émancipation. Elle relie les familles, les cultures, incarne la liberté, le progrès, le lien humain — et, pour beaucoup, elle fait encore rêver. On insiste souvent sur ses externalités négatives, en oubliant que sa balance globale reste très positive, par tout ce qu’elle rend possible.

Le transport aérien est notamment un moteur essentiel de l’économie mondiale. En 2019, l’aérien représentait près de 35 % de la valeur des échanges mondiaux, tout en ne transportant que moins de 1 % des volumes. Les marchandises acheminées par avion — pour une valeur estimée entre 6 000 et 7 000 milliards de dollars par an — concernent principalement des produits à forte valeur ajoutée ou sensibles au délai : médicaments, électronique, luxe, composants industriels. Par ailleurs, la moitié des touristes internationaux voyagent par avion, générant chaque année plus de 1 000 milliards dollars de recettes. De nombreuses économies émergentes ou insulaires en dépendent fortement.

Le Covid a été un stress test grandeur nature de ce que représente l’aviation. En 2020, le trafic passager s’est effondré de 66 %, provoquant des pertes massives pour l’ensemble de la filière (‑244 milliards de dollars cette année-là, ‑146 milliards en 2021). Pour le tourisme mondial, le choc a été brutal : les arrivées internationales ont chuté de 65 à 70 %, entraînant jusqu’à 1 200 milliards de dollars de pertes de recettes. Dans certaines régions, les revenus liés au transport aérien se sont effondrés de 90 %. Reconfiner volontairement ce secteur, ce serait non seulement renoncer à ses services rendus, mais aussi l’empêcher de financer sa propre transition.

Rêves de gosse

L’aéronautique n’est pas parfaite. Mais elle agit, elle innove et progresse vite. La saborder au nom d’une idéologie punitive serait une erreur historique. Car la véritable écologie, c’est celle qui améliore, et qui rend les progrès accessibles à tous.

Rien n’est gagné pour autant. Les défis sont immenses. La trajectoire Net Zéro exige des investissements massifs, des ruptures technologiques et industrielles profondes, et une mobilisation sans faille de tout un écosystème. Mais la feuille de route est claire.

“L’aérien ne doit plus faire partie des rêves d’enfants aujourd’hui” affirmait Léonore Moncond’huy, maire écologiste de Poitiers, en supprimant les aides municipales aux aéroclubs locaux. Pourtant, c’est ainsi que la France peut faire sa part pour le monde : en permettant aux enfants de continuer à rêver. Pour que demain, ces rêves de gosses se transforment en solutions d’ingénieurs.

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Le bio selon les faits : mirage ou miracle ? 

28 juillet 2025 à 22:39

Toujours au top dans l’actualité, l’agriculture biologique remporte pourtant un succès… décroissant. Alors, nécessaire purification par le marché pour une filière très subventionnée qui réclame toujours plus de débouchés imposés ? Ou injustice faite à un mode de production vertueux, censé nous nourrir sainement et préserver la planète ?

Longtemps promue comme une solution miracle – pour les sols, l’eau, la biodiversité, la santé et même le climat – l’agriculture biologique bénéficie d’un soutien politique rarement démenti. En 2025 encore, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, y voit un « pilier essentiel de notre souveraineté alimentaire » et lui réaffirme son soutien « indéfectible ». Un engagement sonnant et trébuchant : plus de 350 millions d’euros d’aides par an, et un objectif de 21 % de surface agricole utile en bio d’ici à 2030 – deux fois plus qu’aujourd’hui.

Pourtant, la dynamique s’essouffle. Les surfaces stagnent, la consommation recule, les conversions s’arrêtent voire s’inversent. Et les soutiens du bio en viennent à hystériser le débat, parfois jusqu’à l’indignité. Le jour du vote de la loi de simplification agricole, Marine Tondelier publiait : « Tous les députés qui voteront pour la loi Duplomb voteront pour l’empoisonnement de vos enfants et la destruction de la biodiversité ». Y a-t-il urgence qui justifie l’outrance ?

Alors : que promettait vraiment le bio ? Qu’a-t-il tenu ? Et est-il vraiment la meilleure – voire la seule – voie pour conjuguer santé, climat, biodiversité et souveraineté alimentaire ?

C’est ce débat que Les Électrons Libres ouvrent ici, en cinq chapitres. Sans parti pris, mais avec nuance, en restant attachés aux faits permettant d’explorer en profondeur les dessous de notre assiette.

Tout l’été, nous publions ici gratuitement une partie de notre livre, « Trop bio pour être vrai ? » – mais une partie seulement.

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Épisode suivant : I. La bio du bio

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La bio du bio

28 juillet 2025 à 22:39

Au XIXᵉ siècle, Thomas Malthus écrivait que « le pouvoir multiplicateur de la population est infiniment plus grand que le pouvoir de la terre de produire la subsistance de l’homme ». Cette vision profondément pessimiste – devenue un nom commun, le malthusianisme – de la croissance démographique l’amenait à penser que la planète ne pourrait nourrir durablement plus d’un milliard d’humains — un seuil franchi dès 1804, soit, ironiquement, à peine quelques années après la parution de son Essai sur le principe de population (1798).

Depuis 1927, date à laquelle l’humanité a atteint deux milliards d’habitants, la population mondiale a quadruplé. Pourtant, le nombre de fermes dans le monde est resté relativement stable — autour de 600 millions — tandis que la main-d’œuvre agricole a chuté drastiquement dans les pays industrialisés. Dans le même temps, la surface agricole mondiale s’est accrue jusqu’à représenter environ 37 % des terres émergées, avant de se stabiliser.

Agriculture vivrière : le grand bond en arrière

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Cet exploit a été rendu possible par des transformations radicales de l’agriculture : semences hybrides à haut rendement, engrais de synthèse, produits phytosanitaires, mécanisation, irrigation massive… Ce bouleversement, amorcé dans les années 1950-60, a pris le nom de « révolution verte ».

Les résultats se sont avérés spectaculaires : en Inde, les rendements du riz ont été multipliés par cinq entre 1960 et 2000. L’apport énergétique moyen par habitant a fortement augmenté, la malnutrition infantile a reculé et les grandes famines ont quasiment disparu, en dehors des contextes de guerre et des moments où l’idéologie a pris le pas sur la science. On pense à l’URSS et aux délires pseudo-scientifiques de Lyssenko qui ont ravagé l’agriculture soviétique. Mais aussi à la Chine maoïste où les politiques agricoles de collectivisation forcée ont provoqué la mort de dizaines de millions de personnes, et, bien entendu, au Cambodge, quand les Khmers rouges ont tenté de supprimer la propriété privée et l’agriculture moderne, éradiquant plus de 25% de la population locale, un sinistre record dans l’Histoire.

Trofim Lyssenko, jardinier et idéologue redouté

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L’agriculture moderne est l’un des plus grands succès de l’humanité. Elle a permis d’éviter des famines massives et, sous l’impulsion de pionniers comme Norman Borlaug, sauvé plus d’un milliard de vies. Mais ces avancées décisives ont aussi eu leur revers. L’intensification agricole a entraîné pollutions, perte de biodiversité, émissions accrues de gaz à effet de serre et appauvrissement des sols. La spécialisation des cultures, la disparition des haies et le recours massif aux intrants ont fragilisé la résilience des agrosystèmes..

Norman Borlaug, l’homme qui en sauva un milliard

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La France illustre bien ces évolutions. À partir des années 1960, son agriculture s’est modernisée à marche forcée : mécanisation, structuration des filières, limitation des importations et prix d’achats garantis via la PAC. Résultat : la production a doublé depuis 1960 — et même plus que triplé pour les céréales — sans extension des surfaces cultivées.

Mais cette modernisation s’est accompagnée d’un exode rural massif. Le nombre d’exploitations est passé de 1,26 million en 1979 à moins de 400 000 en 2020. Il pourrait chuter à 275 000 d’ici 2035. Dans le même temps, la taille moyenne des exploitations a augmenté de 25 % entre 2010 et 2020. Beaucoup d’exploitants ont quitté la profession, d’autres sont devenus dépendants des aides publiques.Mais les chiffres les plus éloquents sont ceux-là.  En 1960, l’agriculture au sens large (incluant la sylviculture et la pêche) représentait 21% de l’emploi total en France. En 2023, selon les dernières données disponibles de l’INSEE, elle ne pèse plus que 2,51%… 

Et les crises se sont accumulées : chlordécone, dioxines, hormones, vache folle… Des scandales sanitaires et environnementaux ont profondément ébranlé la confiance des citoyens dans le modèle productiviste.

C’est dans ce contexte, et souvent en réaction à ces dérives, qu’un premier mouvement en faveur d’une agriculture plus « naturelle » a émergé dès le début du XXᵉ siècle.

L’agriculture biologique contemporaine émerge ensuite dans les années 1940, en Europe et en Inde, comme réaction à la montée en puissance de l’agriculture industrielle et à sa dépendance croissante aux intrants chimiques. Les premiers pionniers insistent alors sur une idée a priori simple : la fertilité d’un sol ne peut être durablement maintenue qu’en respectant ses cycles biologiques, par l’usage de composts, de rotations longues et d’engrais organiques, et non par le recours exclusif aux fertilisants de synthèse.

Deux figures marquent les débuts de ce courant. En Angleterre, Albert Howard, envoyé en Inde comme agronome impérial, observe les méthodes agricoles locales et défend une approche holistique du sol, de la plante et de l’animal. Il développe l’idée de sol vivant et met l’accent sur le recyclage de la matière organique. En Allemagne, Rudolf Steiner, gourou sulfureux sans la moindre compétence agricole, pose en 1924 les bases de la biodynamie : un mélange de techniques agronomiques, de pratiques lunaires — au sens propre comme au figuré — et de rituels ésotériques, comme l’enfouissement d’une corne de vache remplie de bouse à l’équinoxe.

Biodynamie : quand l’agriculture sent le soufre

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Dans les années 1960-70, à la faveur d’une prise de conscience écologique (pollutions, marées noires) et d’inquiétudes sanitaires, le bio gagne en visibilité. En France, l’AFAB (Association française pour l’agriculture biologique) est créée dès 1962. D’autres réseaux militants ou coopératifs suivent. L’État ne reconnaîtra officiellement le label « AB » qu’en 1985, puis adoptera la réglementation européenne dans les années 1990-2000. Le règlement UE 2018/848 fixe aujourd’hui les règles précises de l’agriculture biologique.

Les grands principes du bio

Les exigences légales du règlement (UE) 2018/848 sont :

  • Interdiction formelle des OGM, engrais minéraux, pesticides de synthèse ; les antibiotiques ne sont utilisés qu’en dernier recours pour santé animale 
  • Rotation pluriannuelle des cultures, intégrant légumineuses ou engrais verts pour préserver la fertilité des sols 
  • Gestion des sols avec priorité donnée à la matière organique (compost, fumier), réduction du labour, lutte contre l’érosion et maintien de la vie microbienne du sol
  • Protection des plantes basée sur des variétés résistantes, la lutte biologique, et un recours limité à des substances autorisées uniquement si les méthodes alternatives sont insuffisantes
  • Élevage biologique exigeant : densité maîtrisée, plein air, alimentation biologique dès la naissance, races adaptées et bien-être animal renforcé.

Contrairement à une idée reçue, le bio n’est pas nécessairement local, ni sans mécanisation, ni sans intrants, ni même sans chauffage de serre : un produit bio peut venir de très loin, voyager en camion frigorifique, et avoir une empreinte carbone importante.

Le mot d’ordre affiché est simple : « nourrir sans nuire ». Mais derrière cette formule, le bio porte une dimension idéologique assumée : rejet du productivisme et de la mondialisation, culte du « naturel », et préemption du « manger sainement ».

Longtemps porté par des pionniers sincères, ce modèle s’est institutionnalisé. Aujourd’hui, environ 10 % des terres agricoles françaises sont cultivées en bio. Le marché s’est structuré, la grande distribution s’est emparée du label, et la consommation a explosé jusqu’en 2021.

Mais cette croissance s’accompagne de tensions. Et plus le modèle s’étend, plus ses prétentions hégémoniques se heurtent à ses propres limites économiques et agronomiques.

Les défis du XXIème siècle : les travaux d’Hercule de l’agriculture

Surtout, une question de fond s’impose : l’agriculture biologique est-elle vraiment le contre-modèle vertueux qui nous est présenté ? Ou masque-t-elle, sous couvert d’évidence morale, un débat plus vaste sur les compromis à faire ?

Car les défis auxquels l’agriculture est confrontée sont considérables. Même si la croissance démographique ralentit, la première question – et la plus cruciale – reste celle de notre capacité à produire assez pour nourrir une population mondiale toujours en augmentation. Mais aussi d’y parvenir en assurant une qualité sanitaire élevée et des produits diversifiés à un coût acceptable pour le consommateur. Ce qui introduit logiquement le problème de la rémunération équitable des producteurs et de l’amélioration de leurs conditions de travail, dans un contexte de pénurie récurrente de main-d’œuvre dans les filières agricoles. Le tout devant se réaliser dans le souci constant de la réduction de l’empreinte environnementale globale (eau, sols, climat, biodiversité) et de la minimisation de la surface agricole. Des questions qui, pour la plupart, s’apparentent à des dilemmes.

Face à eux, le bio est-il alors la solution  ? Tient-il ses promesses ? Ou son omniprésence médiatique et politique occulte-t-elle d’autres solutions, plus efficaces, voire plus réalistes ?

Ce sont ces questions que nous aborderons dans les chapitres suivants de cette série et du livre qui en découle.

Tout l’été, nous publions ici gratuitement les bonnes feuilles de notre livre, « Trop bio pour être vrai ? ». Pour le lire en intégralité, c’est par là :

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Suite la semaine prochaine avec le chapitre II : Santé, l’effet placeb(i)o

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Grand jeu d’été : sur les traces de la légende du canard d’or

28 juillet 2025 à 09:59

L’autre jour, alors que j’étais tranquillement dans mon bain en train de jouer avec ma collection de canards en plastique, Antoine, notre lider maximo à tous, a soudain débarqué dans la salle de bains.

— Dis donc Fred, ça commence à bien faire, on attend encore ton chapitre pour le bouquin sur le bio. Tu sais qu’il sort dans deux semaines ?
— Mais on a seulement décidé de l’écrire hier, c’est impossible…
— Impossible n’est pas Électrons, affirma-t-il. On disrupte, oui ou non ?
— Oui, mais…
— Pas de mais qui tienne. Tiens, pour te motiver, je t’ai emprunté cette petite chose sur ton bureau.
— Mon canard d’or ?
— Oui, ton canard d’or. Celui que tu prétends avoir rapporté d’une expédition au temple perdu, ou je ne sais quoi.
— Mais…
— Tu le retrouveras quand les articles sortiront, un point c’est tout. Toi qui aimes tant distribuer des abonnements VIP, tu n’as qu’à te faire aider de nos lecteurs.

Nager dans les rhododendrons

Chers amis lecteurs, voilà ce que j’ai compris du défi que m’a lancé Antoine : il a enterré le canard d’or, mon canard d’or, dans un lieu secret, connu de lui seul. Et il ne me le rendra que si je suis capable de découvrir le lieu dont il s’agit.

D’après ce que j’ai compris, il y a une énigme à résoudre. Et il a l’intention de cacher les mots composant cette énigme dans les titres et sous-titres des articles de notre dossier sur le bio, qui paraîtra à partir de demain. Je pense qu’on pourra les repérer… mais ce ne sera pas si facile.

Alors voilà ce que je vous propose :
Vous m’aidez à retrouver mon canard d’or, et j’offre un abonnement VIP au premier qui trouve l’endroit.
J’offre aussi des abonnements Quark à ceux qui feront avancer le décodage de l’énigme.

On échangera sur mon compte X @sjowall69 pour poser vos questions et partager les découvertes.

Bien sûr qu’on va la résoudre, cette énigme. « Impossible n’est pas Électrons », n’est-ce pas ?

PS : j’ai quand même un peu fouillé son bureau… et dans un tiroir, j’ai trouvé ça.
Je ne sais pas trop si ça peut aider.
Je publie cet article un peu comme une bouteille à la mer. J’espère qu’il ne va pas trop le caviarder…

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Trop bio pour être vrai ? Le livre !

17 juillet 2025 à 13:01

Il peine à se faire une place dans nos assiettes, mais doit pourtant, pour le législateur, représenter 21 % de notre agriculture dans 4 ans. Derrière ce volontarisme, la promesse d’une alimentation plus saine et plus respectueuse de l’environnement. Mais manger bio est-il vraiment bon pour la santé et pour la planète ?

Un livre compact, direct et ludique, coloré et richement illustré ! Nos spécialistes Stéphane Varaire, Jérôme Barrière, Anne Denis & Frédéric Halbran, soutenus par Antoine Copra et Benjamin Sire, font le point sur l’état de la science, sans a priori et sans faux-semblants.

À grignoter sans modération !

Disponible dès aujourd’hui, sur Amazon pour les versions broché et Kindle et directement sur notre site au format epub.

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A69 : l’autoroute à contresens

10 juillet 2025 à 04:43

Depuis plus de deux ans, le feuilleton du chantier de l’autoroute A69 cristallise les tensions. Ce week-end encore, une “turboteuf” s’est tenue au château de Scopont, lieu de convergence des luttes entre écologistes radicaux, drapeaux palestiniens et châtelain en détresse. L’occasion de faire le point sur les arguments des uns et des autres autour de cette autoroute mal aimée.

Un serpent de mer…

L’autoroute A69, c’est ce tronçon à 2 × 2 voies de 53 km en construction destiné à relier l’A68 (près de Toulouse) à la rocade de Castres. L’idée d’une liaison rapide remonte à la fin des années 1990. Le bassin Castres–Mazamet, qui compte environ 100 000 habitants et 50 000 emplois, est le seul de cette taille à ne bénéficier ni d’une autoroute, ni d’une ligne TGV. La RN126, route nationale étroite et sinueuse, y est régulièrement saturée et accidentogène.

Plusieurs options sont envisagées avant que l’option autoroutière ne soit retenue en 2014. Financé à 77 % par le concessionnaire privé ATOSCA, le projet obtient un avis favorable lors de l’enquête publique (plus de 15 000 pages), puis une Déclaration d’Utilité Publique en 2018. Les travaux, démarrés en 2023, sont suspendus en février 2025 à la suite d’un recours administratif, puis relancés au printemps, au grand dam des opposants.

… devenu symbole à abattre

Car, très vite, l’A69 est devenue la cible privilégiée des écologistes et de leurs relais politiques. En 2023, à peine les travaux lancés, plusieurs associations ont déposé un recours contre les autorisations environnementales, dans l’espoir d’obtenir la suspension du chantier, voire son abandon pur et simple.

Se sont alors enchaînées occupations du chantier, manifestations “festives”, tribunes collectives et actions judiciaires. Avec, en tête de gondole de la contestation, des figures militantes de Paris et Toulouse dénonçant un projet “anachronique”, “écocide” ou “climaticide”.

Usant de leur statut comme argument d’autorité, un aréopage de scientifiques “en rébellion” présente notre autoroute comme  “le symbole de ce qu’il ne faut plus faire” : — une dénonciation plus incantatoire que factuelle, appelant à “changer nos imaginaires fondés sur la vitesse, l’accélération, l’accumulation”, sans jamais chiffrer les enjeux concrets. Même logique chez Cyril Dion : « Si on n’arrête pas un projet comme l’A69, on va arrêter quoi pour faire face au péril climatique ? ». L’enjeu n’est donc plus l’impact réel du projet, mais la portée symbolique de son abandon. Le résultat importe moins que l’ivresse de l’action.

A69 : la fabrique de l’opinion

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Écolos des villes et locaux des champs

De quoi alimenter un vrai feuilleton. La preuve : en février 2025, un coup de théâtre remet tout en cause. Le tribunal administratif de Toulouse annule l’autorisation environnementale. Sensible aux arguments des requérants, il estime qu’il n’existe « pas de nécessité impérieuse » à réaliser le projet, et que les bénéfices invoqués — gain de temps, désenclavement, sécurité — ne justifient pas qu’on déroge aux objectifs de conservation de la biodiversité.

Les écologistes des centres-villes crient victoire, exigeant l’arrêt définitif du projet, et font la fête à Toulouse. Depuis Paris, Laurence Tubiana, figure centrale de la diplomatie climatique française, enfonce le clou : “le bassin de Castres n’est pas enclavé”, “l’autoroute n’a pas d’intérêt pour les entreprises”, et “l’intérêt réel du Tarn, c’est de faire face aux sécheresses et aux inondations qu’il subit”.

De quoi nourrir un ressentiment local bien réel : celui alimenté par des gens extérieurs à un territoire, qu’ils ne connaissent pas, expliquant à ses habitants ce qui est bon pour eux. Mépris de classe et paternalisme s’invitent dans la danse.

Et quelle alternative leur propose-t-on ? Un projet baptisé « Une autre voie », qui pousse le décalage jusqu’à la caricature : 87 km de véloroute, une “centrale des fertilités”, un “hameau des low-techs”, et à Castres… ”La cité du vélo”. Le tout financé par 100 millions d’euros d’argent public, sans étude d’impact sérieuse ni faisabilité démontrée.

Docufiction : cinq ans après l’abandon de l’A69, une vélodéroute 

J’approfondis

L’A69 en questions

Mais au-delà du bruit d’une minorité militante — 8 Français sur 10 soutiennent les grands projets d’aménagement — des questions légitimes continuent de se poser.

Un projet écocide ?

C’est un fait : comme toute infrastructure, l’A69 a un impact écologique. Elle entraîne l’artificialisation de  300 hectares — 1/9000e de la surface agricole utile française. Le projet prévoit cependant 1 000 hectares de compensations, dont 35 sites écologiques, 200 ouvrages de franchissement pour la faune, et des zones humides reconstituées. Des mesures spécifiques  — replantation de haies, déplacements, corridors écologiques — ont été prises pour la préservation des espèces protégées avec un objectif de zéro perte nette. A elles seules, ces mesures environnementales représentent 23 % du coût global.

Un projet anachronique ?

Une des questions qui se posent, concerne la justification d’un projet conçu à la fin du XXe siècle et pensé avant que l’heure de l’urgence écologique sonne de manière aussi assourdissante qu’aujourd’hui. Les opposants dénoncent une infrastructure héritée du temps du “tout-voiture”. Mais ses défenseurs répondent qu’une autoroute bien pensée peut accompagner la transition grâce aux véhicules électriques ou autonomes, au covoiturage, ou à la logistique bas-carbone…

Ils soutiennent que de bonnes routes rendent la mobilité plus fluide, plus sûre, mieux connectée — et donc potentiellement plus sobre. Avec, en toile de fond, un constat souvent oublié : le réseau autoroutier principal français reste, à densité égale de population, l’un des moins développés d’Europe.

Aménager la nationale ?

Comme pour la ligne grande vitesse (LGV) ou le Lyon–Turin, l’alternative mise en avant consiste à moderniser l’existant. Mais les études commandées par les opposants montrent que l’aménagement de la RN126 nécessiterait l’abattage de 1 600 arbres (contre 200 pour l’A69), l’expropriation de 90 habitations (contre 36), pour un niveau d’artificialisation équivalent. Et un financement 100 % public, contre seulement 23 % pour l’autoroute. Une aberration. Car adapter une infrastructure ancienne aux normes actuelles (gabarit, sécurité, bruit, continuité écologique) s’avère souvent plus complexe, plus coûteux et plus destructeur de l’environnement qu’un tracé neuf bien conçu.

Un coût élevé pour un gain minime ?

L’argument revient souvent. Un tel projet supposera un péage élevé pour un gain de temps jugé marginal. Mais cette lecture passe à côté de l’essentiel. L’objectif n’est pas de faire de Castres ou Mazamet des cités-dortoirs de Toulouse, mais de créer les conditions d’un développement économique autonome. En attirant des entreprises. En créant de l’emploi localement. Comme à Albi, où l’arrivée de l’A68 a enclenché une dynamique territoriale.

Désenclaver ou renoncer

Le bassin Castres–Mazamet n’a pas d’autoroute. Pas de TGV. L’aéroport de Castres, mis en avant par le TA de Toulouse, n’est qu’un gros aérodrome régional. Mazamet s’étiole. Castres survit sous perfusion des laboratoires Pierre Fabre.

L’A69 ne réglera pas tout. Mais sans elle, Castres et Mazamet restent structurellement enclavées. Il ne s’agit pas seulement de minutes gagnées, mais d’accessibilité, de connectivité, d’emploi et d’image. Elle n’est sans doute pas une condition suffisante au développement, mais elle en est aujourd’hui une condition nécessaire.

Y renoncer, c’est accepter l’immobilisme. C’est faire primer le symbole sur le réel. C’est laisser une partie du territoire décroître au nom d’une écologie de posture. La question est donc simple : veut-on désenclaver ce territoire… ou le laisser sur le bas-côté ?

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