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Reçu aujourd’hui — 10 octobre 2025

Scanners pédiatriques, pas d’affolement ! 

10 octobre 2025 à 05:22

Faut-il avoir peur des rayons X ? Une vaste enquête nord-américaine relance le débat sur les radiations médicales, évoquant jusqu’à un cancer pédiatrique sur dix lié aux scanners. Radioscopie de conclusions à relativiser.

Il est 22 h à l’hôpital. Un enfant fiévreux et anémié arrive aux urgences, ses parents inquiets redoutent une infection grave. Pour lever le doute, les médecins réalisent un scanner en urgence. L’examen est normal, soulagement général. Mais ce soulagement a un revers invisible : une dose de rayons X administrée à l’enfant. L’utilisation de la tomodensitométrie, plus connue sous le nom de scanner, s’est répandue de manière fulgurante, passant d’environ trois millions d’examens en 1980 à soixante-deux millions au milieu des années 2000 aux États-Unis. En France, on estime qu’environ onze millions de ces examens sont réalisés chaque année. Face à cette explosion, la question des risques liés aux rayonnements refait surface. Une nouvelle étude parue dans The New England Journal of Medicine vient justement de quantifier ce « coût caché » : elle suggère qu’un cas de cancer sur dix chez l’enfant pourrait être attribuable aux radiations mentionnées. Faut-il s’inquiéter d’un chiffre aussi important ? Comment ce risque se compare-t-il aux autres sources de radiation, et que faire pour le réduire sans renoncer aux outils favorisant le diagnostic ?

Des risques réels, mais très relatifs

L’étude nord-américaine a suivi 3,7 millions d’enfants nés entre 1996 et 2016 sur son continent. Les chercheurs ont mesuré la dose de rayonnement reçue par la moelle osseuse, exprimée en milligrays (mGy), qui quantifient l’énergie déposée dans un tissu, et analysé la survenue de cancers hématologiques comme les leucémies et les lymphomes. Leur constat : plus la dose cumulée est élevée, plus le risque croît. Les enfants ayant reçu entre 50 et 100 mGy voyaient leur risque relatif multiplié par environ 3,6. Selon les auteurs, environ 10 % des cancers du sang observés dans cette cohorte pourraient être attribués à l’imagerie. En termes de risque absolu, cela correspondait à une incidence cumulée de 55,1 cancers hématologiques pour 10 000 enfants exposés, contre 14,3 pour 10 000 chez les non exposés, soit un excès de 40,8 cas pour 10 000 enfants (environ 0,4 % supplémentaires). Ces chiffres frappent les esprits, mais ils reflètent un passé révolu : l’étude s’arrête en 2017 et repose sur des scanners souvent installés dans les années 2000, bien plus irradiants que les machines utilisées aujourd’hui. De plus, les grandes études épidémiologiques sont sujettes à des biais, notamment de sélection : les enfants subissant plusieurs scanners sont souvent déjà atteints de maladies graves, ce qui peut exagérer statistiquement le lien entre exposition et cancer.

Ce surrisque n’est pas une réelle découverte. Une étude européenne EPI-CT a déjà analysé plus de 658 000 enfants ayant subi des scanners de la tête, avec une dose moyenne de 38 mGy au cerveau par examen. Elle a recensé 165 tumeurs cérébrales malignes et estime qu’un seul de ces examens pourrait induire, pour 10 000 enfants, un cas supplémentaire de tumeur dans les cinq à quinze années suivantes. L’ASNR indique aussi qu’en France, environ 100 000 scanners sont réalisés chaque année chez les enfants de 0 à 15 ans. Si les doses pouvaient être réduites de moitié, l’excès de risque attendu serait très limité (quelques cas supplémentaires sur une décennie), dans un contexte global de milliers de tumeurs survenant spontanément. De quoi relativiser et rassurer les parents inquiets face à des titres parfois sensationnalistes et sans nuance.

Comparer pour comprendre

Pour mieux situer les doses, rappelons que l’exposition naturelle aux rayonnements est en moyenne de 2 à 4 mSv 1 par an, principalement liée au radon présent dans l’air des habitations et aux roches granitiques dans certaines régions comme la Bretagne, où l’irradiation naturelle peut atteindre localement 5 à 7 mSv par an. Les rayons cosmiques contribuent aussi, surtout en altitude ou lors des vols aériens. À titre de comparaison, un vol Nice–New York de six heures représente environ 0,02 mSv, une dose proche de ce que délivre une radiographie pulmonaire. Les aliments comme les fruits de mer apportent une dose très faible et le tabac expose également, mais ces apports restent mineurs comparés au radon. Une radiographie de l’abdomen correspond à environ 0,7 mSv, soit trois à quatre mois d’irradiation naturelle. Un scanner de la tête délivre en moyenne 1,6 à 2 mSv, l’équivalent de huit à dix mois de rayonnement naturel ou 100 longs courriers. Un scanner thoracique adulte est plutôt autour de 6 mSv, soit environ deux ans et demi d’exposition naturelle. Une tomodensitométrie de l’abdomen ou de la colonne lombaire atteint 7 à 8 mSv, soit environ trois années de rayonnement naturel.

La révolution des “basses doses”

La bonne nouvelle, c’est que les machines de 2025 n’ont plus rien à voir avec celles d’il y a vingt ans. On parle désormais de scanners dits « basse dose ». Les innovations permettent de réduire l’irradiation tout en maintenant, voire en améliorant, la qualité des images. On utilise la modulation automatique du faisceau, des filtres adaptatifs, des détecteurs plus sensibles, et des reconstructions d’image assistées par algorithmes ou intelligence artificielle. Certains hôpitaux disposent déjà de scanners à comptage photonique capables de diminuer la dose d’environ 50 % tout en offrant une excellente résolution. Les autorités sanitaires françaises constatent une baisse continue des niveaux de référence diagnostiques entre 2016 et 2021 et encouragent des valeurs encore plus basses pour les enfants.

Malgré tout, pour que les progrès technologiques se traduisent concrètement par une réduction des doses, il est essentiel de renouveler régulièrement les appareils, idéalement tous les cinq à sept ans. Si la tarification des actes techniques est trop compressée, par exemple avec la réduction envisagée de 11 % dans la loi de financement de la Sécurité sociale, cela pourrait ralentir l’investissement dans du matériel moderne et compromettre l’effort de diminution des doses reçues par les patients.

Rassurer sans banaliser

En conclusion pour les parents, le message est rassurant mais demande de rester attentif : un scanner bien paramétré sur une machine récente délivre une dose faible, souvent inférieure ou comparable à l’irradiation naturelle annuelle. Lorsqu’un médecin prescrit un scanner, c’est parce qu’il attend un bénéfice diagnostique majeur. Plutôt que de craindre l’examen, il vaut mieux questionner son utilité, vérifier s’il existe une alternative sans rayons comme avec une échographie ou une IRM et s’assurer que l’appareil est moderne et adapté à l’enfant. Le principe ALARA (« As Low As Reasonably Achievable » ou aussi bas que raisonnablement possible) doit toujours guider la pratique. L’histoire de l’imagerie médicale n’est pas celle de la peur, mais celle du progrès réfléchi. Les scanners d’hier irradiaient beaucoup plus ; ceux d’aujourd’hui, bien utilisés, protègent tout en permettant de voir encore mieux.

  1. Pour interpréter les chiffres, rappelons que le gray (mGy) mesure l’énergie déposée, tandis que le sievert (mSv) intègre la sensibilité biologique des tissus exposés. Le discours public emploie plutôt souvent les mSv pour exprimer le risque de cancer. ↩

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Moustique : sus au tueur né

5 octobre 2025 à 06:04

Paludisme, dengue, chikungunya, Zika… quatre terribles maladies transmises par un même tueur. Grâce aux vaccins, aux biotechnologies ou aux moustiques modifiés, l’humanité peut enfin espérer les éradiquer. Juste à temps, car ce minuscule meurtrier envahit progressivement la France.

Si l’on vous demandait quel est l’animal le plus dangereux pour l’homme, vous penseriez peut-être au requin, au serpent ou au chien. En réalité, l’ennemi public numéro un est minuscule, léger comme une plume et se glisse discrètement dans nos nuits : le moustique.

Derrière son bourdonnement agaçant se cache un tueur de masse. Au cours du dernier siècle, les maladies qu’il transmet — paludisme, dengue, chikungunya, Zika, fièvre jaune — ont causé des dizaines de millions de morts. Aujourd’hui encore, près de 800 000 personnes meurent chaque année après une simple piqûre. C’est deux fois plus que les morts causées… par l’homme lui-même. À chaque lever de soleil, plus de mille familles dans le monde perdent un proche à cause d’un moustique.

Le paludisme : le plus vieux fléau de l’humanité

De toutes ces maladies, le paludisme reste le plus meurtrier. Selon l’OMS, en 2023 on comptait plus de 249 millions de cas dans 85 pays et plus de 600 000 décès, dont près de 80 % d’enfants de moins de cinq ans. Rien qu’en Afrique subsaharienne, toutes les deux minutes, un enfant meurt de cette infection. En Asie du Sud-Est, dans certaines régions d’Amérique latine et en Guyane, le parasite reste endémique, c’est-à-dire qu’il circule en permanence dans la population locale, avec des cas toute l’année ou qui reviennent à chaque saison des pluies, sans jamais disparaître complètement.

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Autisme : le Doliprane plonge Trump dans l’effervescence

24 septembre 2025 à 04:27

« N’en prenez pas, n’en prenez pas ! » Pour Donald Trump et son inénarrable Secrétaire d’État à la Santé, Robert F. Kennedy Jr., la prise de paracétamol pendant la grossesse est responsable de l’autisme. Une annonce spectaculaire… et une fake news de plus ?

La crainte ne date pas d’hier. Elle remonte à 2008, quand une première étude suggère un lien possible entre exposition prénatale au paracétamol1 et troubles du spectre autistique. Si l’échantillon — 83 cas et 80 témoins — est trop limité pour en tirer des conclusions solides, la question revient régulièrement depuis. En août 2025, une méta-analyse regroupant 46 études évoque un sur-risque très modeste d’autisme. Mais entre données autodéclarées, mémoire maternelle incertaine aboutissant à des oublis ou des erreurs de déclaration et faibles effectifs, les limites méthodologiques sont nombreuses. Surtout, l’analyse ne permet pas de distinguer l’effet du médicament de celui des fièvres ou des infections qui ont motivé son usage. Or ces infections sont elles-mêmes associées à un risque accru de troubles neurodéveloppementaux.

Vaccins et autisme : la persistance d’un mythe

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L’Association américaine des obstétriciens-gynécologues a immédiatement rappelé que ce type d’étude, entaché de biais majeurs, ne permet en aucun cas d’affirmer une causalité. La littérature scientifique reste limitée et contradictoire, avec moins d’une centaine de travaux. Certaines publications concluent à un sur-risque très faible, d’autres ne trouvent aucun lien. Quelques-unes vont même jusqu’à suggérer un effet protecteur.

Pourtant, une étude de grande ampleur existe. Menée en Suède sur près de 2,5 millions d’enfants, elle montre que les femmes ayant pris du paracétamol n’ont pas plus d’enfants autistes que les autres. Sa force tient à sa taille exceptionnelle, à la qualité des registres nationaux de santé et à l’ajustement possible par de nombreux facteurs familiaux et médicaux. Bien plus solide que les plus petits travaux, elle tend à écarter l’hypothèse d’un lien direct entre paracétamol et autisme.

Toutes ces interrogations sont aussi motivées par l’apparente explosion des cas, puisqu’il y aurait aujourd’hui dix fois plus d’enfants concernés que dans les années soixante-dix. Une hausse qui s’explique par l’élargissement progressif des critères de diagnostic. Des profils autrefois exclus sont désormais intégrés dans le spectre de l’autisme. Grâce à une meilleure sensibilisation des familles et des professionnels, les signes sont plus facilement repérés, le dépistage est plus précoce et plus systématique. Enfin, des formes légères, longtemps passées inaperçues, sont aujourd’hui reconnues. S’y ajoutent des évolutions démographiques, comme l’âge plus avancé des parents et l’amélioration de la survie des enfants à risque. Autrement dit, il y a davantage d’autistes diagnostiqués, mais pas nécessairement plus de chances de l’être.

La fake news du paracétamol contaminé par un virus mortel

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Il importe de garder une rigueur scientifique irréprochable, sans se laisser guider par des biais cognitifs. Que Donald Trump ait instrumentalisé le sujet ne doit pas conduire à écarter toute hypothèse d’emblée. La recherche doit se poursuivre méthodiquement, loin des emballements médiatiques. Mais aujourd’hui, ses déclarations n’ont aucune base scientifique solide.

Le paracétamol reste l’antalgique de référence pendant la grossesse, à condition de l’utiliser à la dose minimale efficace et sur une durée limitée. Certaines femmes enceintes pourraient être tentées, par sécurité, de se passer de médication. Mais l’inaction n’est pas sans risques : une fièvre maternelle non traitée représente un danger bien réel pour la mère et son enfant. C’est toute la tragédie de ce chimérique combat trumpien, qui pourrait engendrer des drames bien réels.

Aucun lien d’intérêt à déclarer en lien avec cet article.

1    Le médicament est appelé acétaminophène en Amérique du Nord et vendu sous le nom de Tylenol®, équivalent du Doliprane® ou de l’Efferalgan®.

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Pénurie d’organes : l’espoir des xénogreffes

15 septembre 2025 à 04:58

Six mois sans dialyse grâce à un rein de porc génétiquement modifié.
Les xénogreffes peuvent-elles résoudre la pénurie d’organes ? L’an dernier, en France, plus de 850 personnes sont mortes faute de greffon. 22 500 étaient sur liste d’attente.

L’histoire de la transplantation d’organes est marquée par les rêves, les audaces et les échecs de plusieurs générations de médecins : un corps humain vivant grâce à un organe d’une autre espèce. Aux États-Unis, un patient de 67 ans survit depuis plus de six mois sans dialyse grâce à un rein de porc génétiquement modifié, un exploit qui fascine la communauté médicale. C’est la première fois qu’un greffon porcin fonctionne aussi longtemps chez un humain vivant. L’organe provient d’un animal dont le génome a été profondément modifié : plusieurs gènes responsables du rejet hyperaigu ont été supprimés, d’autres gènes humains ajoutés pour limiter l’inflammation et les complications de coagulation, et les rétrovirus endogènes porcins ont été désactivés pour réduire le risque infectieux. Cette réussite ouvre un espoir pour les milliers de patients en attente d’un rein. Elle marque une étape après de nombreuses tentatives moins fructueuses, mais rappelle aussi les obstacles qu’il reste à surmonter.

Les premiers essais de xénogreffes remontent au début du XXᵉ siècle : en 1906, à Lyon, le chirurgien français Mathieu Jaboulay implante un rein de chèvre puis de porc à deux patientes en insuffisance rénale terminale. Les greffons ne survivent que quelques jours, mais ces interventions sont les premières de leur genre. Dans les années 1960, l’Américain Keith Reemtsma, à l’université de Tulane, greffe des reins de chimpanzé à une dizaine de patients. Une femme, institutrice de 23 ans, survit neuf mois, retourne même travailler pour un temps, avant de décéder soudainement. L’autopsie révèlera que les reins de chimpanzé ne présentaient aucun signe de rejet.

La même époque voit des essais de greffes cardiaques animales : en 1968, le Dr Denton Cooley implante un cœur de mouton chez un homme de 48 ans qui décède en deux heures ; l’année suivante, à Lyon, l’équipe du Pr Pierre Marion tente sans succès un cœur de chimpanzé. En 1984, à l’université de Loma Linda en Californie, un cœur de babouin est greffé à une petite fille connue sous le nom de « Baby Fae », qui survit 21 jours et devient l’icône des xénogreffes et des questions éthiques qui en découlent.
En 1992, le Pr Thomas Starzl, pionnier de la transplantation hépatique, greffe un foie de babouin à un patient en insuffisance terminale ; la survie est de 70 jours, record pour une xénogreffe de foie. Plus récemment, en 2022, l’université du Maryland réalise la première transplantation d’un cœur de porc génétiquement modifié chez un patient en phase terminale : le greffon fonctionne deux mois avant un rejet fulminant. Ces expériences ont permis de mieux comprendre l’immunité, la physiologie et les risques infectieux, mais ont aussi montré combien il reste difficile de parvenir à des greffes durables et sûres.

L’ère des porcs « humanisés »

Aujourd’hui, nous entrons peut-être dans une nouvelle ère. Les porcs « humanisés » utilisés pour la transplantation ne ressemblent plus à ceux de l’époque de Jaboulay : leur ADN est édité pour supprimer les principaux antigènes déclenchant un rejet immédiat et massif (le rejet hyperaigu). D’autres modifications rendent leurs organes plus compatibles avec la physiologie humaine.

Malgré ces avancées, plusieurs défis demeurent. Le rejet par les anticorps reste possible, même après ces corrections génétiques, car le système immunitaire peut encore identifier des différences subtiles. À cela s’ajoutent des incompatibilités physiologiques : un rein de porc ne gère pas exactement la coagulation sanguine comme un rein humain, et il ne produit pas l’urine de la même manière, ce qui complique l’intégration. Un autre enjeu majeur est le risque infectieux. Même si l’élevage sous haute surveillance réduit fortement ce danger, il existe toujours la possibilité de transmission de virus porcins ou de rétrovirus intégrés dans le génome du porc, appelés rétrovirus endogènes. Enfin, les immunosuppresseurs modernes — indispensables pour empêcher le rejet — ont rendu ces essais possibles. Mais leur utilisation prolongée fragilise l’organisme : risque accru d’infections, de cancers, et d’effets toxiques sur différents organes. C’est, encore aujourd’hui, l’une des limites majeures de cette approche.

Des organoïdes à la bio-impression 3D

Les xénogreffes ne sont pas la seule piste pour répondre à la pénurie d’organes. Des chercheurs travaillent par exemple sur les organoïdes rénaux, de petits « mini-reins » cultivés à partir de cellules souches pluripotentes, qui pourraient un jour remplacer une partie d’un rein défaillant. D’autres explorent les matrices acellulaires : on retire toutes les cellules d’un organe animal pour ne conserver que son échafaudage biologique, que l’on recolonise ensuite avec des cellules humaines afin d’obtenir un organe plus compatible. La bio-impression 3D, encore au stade expérimental, vise quant à elle à fabriquer couche par couche des tissus vivants capables de remplir certaines fonctions. Enfin, une autre stratégie cherche à induire une tolérance immunologique : plutôt que de bloquer le rejet à coups de médicaments, il s’agit de « rééduquer » le système immunitaire, en combinant une transplantation d’organe avec une greffe de moelle osseuse pour que l’organisme considère l’organe greffé comme le sien.

Prudence néanmoins : l’exemple récent montre que la xénogreffe peut prolonger une vie de manière encore anecdotique lorsqu’aucune autre option n’est disponible, mais elle n’est pas encore prête à remplacer la greffe humaine standard. L’enjeu est de proposer à chaque patient une solution fiable, sûre et durable et, pour cela, la recherche doit se poursuivre sur plusieurs fronts.

En attendant, la pénurie d’organes continue d’interroger notre solidarité. Huit Français sur dix se déclarent favorables au don après leur mort. Mais, en pratique, l’opposition des proches au moment du décès va souvent à l’encontre de cette volonté.

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Le thon des cantines : faut-il en faire une salade ?

4 septembre 2025 à 22:16

Paris, Lyon, Marseille… Dans plusieurs grandes villes françaises, le thon ne passe plus le portail des écoles. Trop de mercure dans les boîtes, selon deux ONG. Nouvel excès de précaution, ou vrai risque pour la santé des enfants ?

Cette semaine, Nice, Cagnes-sur-Mer et Marseille ont rejoint un collectif de huit villes (Bègles, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Mouans‑Sartoux, Paris et Rennes) qui ont décidé de bannir temporairement ce poisson du menu des enfants. Une décision motivée par une enquête publiée en 2024 par les ONG Foodwatch et Bloom, qui révèle des niveaux élevés de mercure dans les conserves analysées. 

Alors, faut-il vraiment bannir un ingrédient aussi banal qu’une boîte de thon ? Un énième excès de zèle a-t-il succédé à un nouvel emballement médiatique ?  Ou l’histoire est-elle un peu plus subtile ?

La mauvaise note du thon en conserve

Aujourd’hui, dans le thon frais, la concentration en mercure est fixée par l’Union européenne à 1 mg par kilo, comme pour d’autres grands prédateurs marins tels que l’espadon, le marlin ou le flétan. Pour les poissons plus petits, comme la sardine, le maquereau ou le merlan, la limite est beaucoup plus stricte : 0,3 mg/kg. Pourquoi une telle différence ? Parce que le thon ne peut pas, et n’a jamais pu, respecter ce chiffre. Au sommet de la chaîne alimentaire, le mercure présent chez ses proies s’accumule dans son organisme. Avec une norme trop stricte, il disparaîtrait purement et simplement des étals. Le chiffre retenu est donc plus politique que sanitaire.

Dans les boîtes de conserve, le problème s’aggrave : la chair perd de l’eau et concentre davantage le mercure. Une boîte peut contenir l’équivalent de 2 à 3 mg/kg, parfois plus. Lors des tests réalisés par les ONG, certaines affichaient jusqu’à 3,9 mg/kg. Près de 13 fois la limite tolérée pour d’autres poissons de consommation courante !

Le phénomène n’est pas nouveau. Une étude américaine a analysé les concentrations en mercure de spécimens de musées capturés il y a près d’un siècle. Celles-ci sont du même ordre qu’aujourd’hui.

Un enfant, une boîte, cas d’école

Prenons le cas extrême d’un enfant de 40 kg qui mange une boîte entière de 150 g de thon, avec une teneur de 3,9 mg/kg (le maximum mesuré). Cela représente environ 0,585 mg de mercure ingéré.

Or, la dose hebdomadaire tolérable (DHT) fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est de 1,3 microgramme de mercure par kilo de poids corporel. Pour un enfant de 40 kg, cela correspond à 0,052 mg par semaine.

Une seule boîte suffit pour que cet enfant dépasse la limite… d’un facteur 11.

Le principe de précaution à la rescousse

Face à ce décalage entre normes et réalité, certaines municipalités ont décidé de jouer la carte du principe de précaution. Pour elles, tant que les seuils européens ne tiennent pas compte des conserves, mieux vaut éviter d’exposer inutilement les enfants.

Elles n’ont pas tout à fait tort. Le mercure, et plus encore le méthylmercure qui s’accumule dans les chairs des gros poissons, est un neurotoxique puissant. Chez l’enfant, une exposition élevée ou prolongée peut affecter le développement du cerveau et du système nerveux, ralentir l’acquisition du langage, altérer la mémoire ou la motricité fine. Chez l’adulte, une consommation excessive et répétée peut aussi fragiliser le système cardiovasculaire ou les reins. 

Faut-il s’inquiéter dans nos cuisines ?

Soyons clairs : manger un pan bagnat ou une salade niçoise un dimanche d’été ne met personne en danger immédiat. Le mercure est un contaminant chronique : il s’accumule au fil du temps, surtout si l’on en consomme souvent. Les vrais risques concernent les enfants, les femmes enceintes et les gros consommateurs réguliers de thon.

Pour un adulte qui en mange de temps en temps, le risque reste faible. Mais pour un enfant qui en mange plusieurs fois par mois à la cantine, faire preuve de prudence peut se comprendre.

Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain… ni le poisson avec la boîte

Attention toutefois à ne pas tomber dans l’excès inverse. Tous les poissons ne sont pas logés à la même enseigne. Beaucoup – sardines, maquereaux, saumons, truites – sont à la fois riches en oméga-3 et pauvres en contaminants et jouent un rôle essentiel dans notre équilibre alimentaire.

Ce n’est bien sûr pas parce qu’il y a potentiellement un problème avec le thon en conserve que toute la mer est à proscrire. Priver la population de poissons bénéfiques serait même une grave erreur sanitaire.
L’action des maires est un coup de projecteur politique qui peut pousser Bruxelles à revoir des normes manifestement insuffisantes. Le thon, comme beaucoup d’aliments, doit se consommer avec modération. Mais en attendant une éventuelle révision des règles, rien n’empêche de profiter d’un pan bagnat ou d’une salade niçoise, contrairement à la petite musique que l’on commence à entendre cette semaine.

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Micro-plastiques, maxi-peurs

17 août 2025 à 06:19

« Microplastiques, mégapollution » (Sciences et avenir), « à la maison ou en voiture, vous êtes cernés » (Libération)… Dès qu’une nouvelle étude paraît sur les microplastiques, les titres de presse anxiogènes fleurissent. Pourtant, aujourd’hui, nos connaissances sur le sujet sont bien plus limitées que ne le suggèrent nos confrères.

Ces derniers mois, deux publications parues dans les plus prestigieuses revues médicales mondiales — le New England Journal of Medicine et Nature Medicine — ont relancé les débats. Elles suggèrent que les micros (de 1 µm à 5 mm) et nanoplastiques (< 1 µm) peuvent s’accumuler dans les tissus humains, de nos artères à notre cerveau, et être associés à un excès d’événements cardiovasculaires ou à des atteintes neurologiques. Elles s’ajoutent aux études évoquant des risques au niveau respiratoire en raison d’un possible stress oxydatif, une inflammation chronique, des déséquilibres du microbiote respiratoire et ainsi une possible aggravation de pathologies telles que l’asthme, la bronchite chronique, la fibrose pulmonaire. En France, une étude de l’Université de Toulouse alerte sur la pollution de nos voitures et de nos intérieurs. Idem pour certaines eaux en bouteille, selon l’Office français de la biodiversité (OFB). Qu’en est-il réellement ?

Microplastiques : l’échec politique face à une pollution invisible

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Les microplastiques causent-ils des AVC ?

Dans le New England Journal of Medicine (NEJM), des chirurgiens vasculaires ont analysé des plaques carotidiennes prélevées chez des patients opérés. Ces dépôts, généralement composés d’un mélange de graisses (cholestérol), de cellules inflammatoires, de tissus fibreux et de calcaire, se forment à l’intérieur des deux grosses artères situées de chaque côté du cou. Avec le temps, ils peuvent les rétrécir, réduisant le flux sanguin vers le cerveau, ou se rompre, provoquant un accident vasculaire cérébral.

En analysant ces plaques, les scientifiques ont parfois détecté des micros et nanoplastiques, surtout du polyéthylène et, plus rarement, du PVC. Quand c’était le cas, les patients présentaient, sur trente-quatre mois de suivi, un excès marqué d’événements cardiovasculaires majeurs, avec un risque relatif environ 4,5 fois plus élevé. Mais il s’agit d’une étude observationnelle, qui ne prouve pas la causalité. Surtout, comme le rappellent les auteurs, l’absence de groupe témoin empêche toute conclusion définitive. Les particules observées, de même type, quel que soit le sujet, peuvent aussi provenir de la salle d’opération ou du matériel chirurgical lui-même, souvent en plastique.

Nos cerveaux infiltrés ?

Dans Nature Medicine, des neuropathologistes de l’Université du Nouveau-Mexique ont, pour la première fois, détecté des nanoplastiques dans le cerveau humain post-mortem. Du polyéthylène, dans les trois quarts des cas, mais aussi du polypropylène, du PVC et du polystyrène. Les concentrations mesurées y sont très élevées, 7 à 30 fois plus que dans le foie ou les reins, et elles auraient augmenté de 50 % entre 2016 et 2024 ! Pire, chez les personnes atteintes de démence (Alzheimer ou démence vasculaire), les niveaux cérébraux sont cinq fois supérieurs aux autres !

Mais l’étude présente aussi des limites majeures. Les contrôles destinés à repérer d’éventuelles contaminations sont incomplets : l’eau et les planches à découper en polyéthylène utilisées pourraient constituer des sources de particules, tout comme les lavages des tissus — réalisés différemment pour les cerveaux sains et ceux atteints de démence. La forte proportion de polyéthylène pourrait ainsi refléter une contamination liée à l’utilisation d’une planche à découper en plastique plutôt qu’une accumulation réelle. L’uniformité des types de polymères détectés, quel que soit l’âge ou l’exposition supposée, ne plaide pas non plus en faveur d’une bioaccumulation progressive.

En résumé, si cette étude met en évidence la possible présence de microplastiques dans le cerveau, elle ne permet pas de confirmer ni leur origine, ni un lien causal avec la démence ou d’autres pathologies. Les auteurs eux-mêmes rappellent qu’il faudra des protocoles plus robustes pour lever ces incertitudes.

L’eau en bouteille, la source du mal ?

Reste à comprendre d’où viennent ces particules et dans quelle mesure elles franchissent nos barrières de protection. Début janvier, Le Monde accusait sans nuance l’eau en bouteille, « massivement polluée par des nanoparticules de plastique ». Problème, l’étude à laquelle le journal se réfère, si elle constitue une nouvelle approche prometteuse pour identifier et quantifier les nanoplastiques, est loin d’être sans faille. L’eau de référence utilisée comme témoin contenait d’ailleurs plus de particules que l’eau en bouteille testée !

Le nettoyage du matériel avec cette eau de laboratoire contaminée pouvait par ailleurs augmenter artificiellement la concentration mesurée dans l’eau en bouteille… Difficile, dans ces conditions, de savoir quelle part des particules en proviennent… et de ne pas s’interroger sur la proportionnalité de l’emballement médiatique.

Emballement qui refait surface ces derniers jours avec la mise en cause de Contrex et Hépar par Médiapart, qui dénonce la contamination aux microplastiques de leurs eaux par les décharges sauvages de Nestlé. Laisser du plastique se dégrader dans l’environnement peut effectivement polluer les sols et la nappe phréatique, même si ce processus, très lent, a peu de chances d’avoir lieu en quelques décennies seulement. Il faudra attendre la parution du rapport de l’OFB, sur lequel se fonde l’article, pour en juger.

D’autres sources bien identifiées

Souligner les limites des articles scientifiques et la façon dont ils sont relayés dans les médias ne remet pas en cause la réalité de la présence de ces microparticules dans l’environnement. Un rapport de référence de l’institut néerlandais RIVM pointe trois contributeurs majeurs : l’usure des pneus sur la route (pour le moment augmentée par les voitures électriques, au poids moyen supérieur à celui des voitures thermiques), les granulés industriels qui servent de matière première, et la fragmentation des déchets plastiques. Viennent ensuite les peintures, les textiles et quelques autres usages. Réduire ces flux en amont a des bénéfices documentés pour l’environnement et, possiblement, pour la santé, même si cela reste à prouver. Ces mesures peuvent guider l’action publique, en attendant une évaluation plus précise des risques pour la santé humaine, même si les coûts inhérents à ces décisions doivent être évalués.

Comment freiner les émissions des pneus ?

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Moins médiatisée que l’eau en bouteille, l’inhalation est pourtant une voie d’exposition probable. Les particules et fibres issues des textiles, des matériaux domestiques et des poussières intérieures composent un cocktail auquel nous sommes exposés en continu, notamment dans les espaces clos. Une « revue systématique » parue en 2024 — et plus récemment un article publié en juillet 2025 par une équipe de recherche française —, souligne les larges incertitudes sur les doses réellement inhalées et déposées dans les voies respiratoires, mais confirme que la pollution de l’air intérieur n’est pas à négliger. Là encore, la priorité est de standardiser les méthodes et d’évaluer les risques associés à cette exposition, en fonction des sources de contamination.

C’est également ce que souligne l’OMS dans son dernier rapport sur les expositions par inhalation et par l’alimentation, estimant que les données actuelles sont trop limitées et disparates pour évaluer clairement les risques. Elle appelle à mieux mesurer les expositions réelles, à harmoniser les méthodes d’analyse et à poursuivre l’amélioration des procédés de production d’eau potable, où les enjeux microbiologiques restent prioritaires. Une position de prudence : l’incertitude ne signifie pas l’innocuité, mais elle invite à éviter les conclusions hâtives et alarmistes.

Un air de moins en moins pollué ?

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Des gestes simples, plutôt que des discours alarmistes

Informer sans jouer sur la peur, c’est rappeler qu’un contaminant détecté dans un tissu ne prouve pas qu’il provoque une maladie. Mais aussi qu’on ne peut pas déduire d’un simple comptage de particules dans une bouteille d’eau qu’elles finiront dans notre cerveau. C’est aussi hiérarchiser les priorités. Oui, la pollution plastique exige des mesures fortes pour l’environnement et l’industrie ; oui, les soupçons d’impact sur la santé justifient d’accélérer la recherche et le suivi médical ; mais non, on ne peut pas, à ce stade, établir un lien avec la démence ou donner des conseils médicaux précis. 

Aujourd’hui, hormis une norme « d’attente » trop généraliste et peu pertinente, il n’existe toujours pas de méthode standardisée pour extraire, mesurer et identifier les microplastiques, ce qui rend les études difficilement comparables entre elles. Ce travail est en cours au niveau européen et international, mais il prendra du temps. Or pour informer, il faut s’appuyer sur des études solides, capables de détecter les microplastiques avec rigueur et de limiter les erreurs. Puis expliquer clairement ce que l’on ne sait pas encore — comme la relation dose-effet chez l’humain, l’importance des nanoplastiques par rapport aux microplastiques, ou le rôle des additifs et des autres polluants présents dans le matériau. 

Enfin, mettre en avant les actions qui font consensus. En avril, l’Europe a ainsi adopté un accord pour réduire les fuites de granulés industriels. Elle a également imposé des restrictions dans l’utilisation de microplastiques intentionnellement ajoutés. Reste à essayer de réduire les particules liées à l’usure des pneus et à faire la promotion de gestes simples du quotidien, comme éviter de chauffer des aliments dans des plastiques non prévus à cet usage, privilégier la réutilisation plutôt que le jetable, et si c’est le cas, trier ses déchets. Par contre, privilégier l’eau du robinet ne limite pas forcément l’exposition aux microplastiques, puisqu’elle passe dans des tuyaux qui en sont constitués. 

Tout ceci est moins spectaculaire qu’un titre alarmiste, plus utile pour la santé publique, et plus fidèle à l’état réel des connaissances. Malheureusement, nous assistons à un cercle vicieux. Les médias mettent en lumière les études les plus anxiogènes, au risque d’influencer négativement le comportement des consommateurs et d’alimenter la défiance envers la science, en entretenant la confusion entre hypothèse et certitude. Pour avancer, celle-ci a besoin de temps, de transparence et de sérénité. Surtout pas de frénésie médiatique.

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L’humanité va-t-elle vaincre de justesse les super-bactéries ?

6 août 2025 à 20:51

La peste. Et si cette terrible maladie infectieuse revenait, plus résistante que jamais ? Face à cette menace, et à d’autres plus terribles encore, la pandémie de Covid-19 a offert une arme redoutable : l’ARN messager.

Le monde oublie trop souvent certains de ses plus grands héros. En janvier 1897, la peste ravage Byculla, un quartier de Bombay bâti sur d’anciens marécages. Dans un laboratoire de fortune, le docteur ukrainien Waldemar Haffkine s’administre un avant-goût du bacille Yersinia pestis.

Il n’est est pas à son coup d’essai : 4 ans plus tôt, il vaccinait 25 000 indiens contre le choléra, malgré la méfiance des populations locales, qui l’accusent de mener des expérimentations pour le pouvoir colonial. A Calcutta, un fanatique religieux musulman tente même de le poignarder à la gorge. Il s’en sort avec de simples blessures, et refuse de quitter son poste. Affaibli par la malaria, il doit pourtant retourner en France quelques mois plus tard. 

Mais, très vite, il repart affronter cette nouvelle épidémie qui décime la péninsule indienne. Après ses premiers tests sur des lapins et des chevaux, puis, donc, sur lui-même, il inocule son nouveau vaccin à des volontaires de la prison voisine. Tous survivent. Les sept détenus du groupe-contrôle, eux, meurent les uns après les autres.

Pour la première fois dans l’histoire, on apprivoise la « peste ».

La peste, un retour possible ?

Depuis, cette maladie semble reléguée au rang de souvenir, cantonnée à quelques foyers en Afrique et en Asie centrale. Mais la menace persiste. Si les antibiotiques (streptomycine, gentamicine, doxycycline, fluoroquinolones) ont permis de sauver des vies, la découverte en 1995 de souches de Y. pestis multirésistantes a mis en garde contre un possible retour en force du bacille.

Heureusement, un nouvel espoir apparaît. Héritée de la lutte contre la COVID-19, la technologie de l’ARN messager est aujourd’hui exploitée pour neutraliser la forme pulmonaire de la peste. En encapsulant deux protéines clés de la bactérie dans des nanoparticules lipidiques, une équipe israélienne vient d’obtenir 100 % de protection chez l’animal, après seulement deux injections. Cette avancée repose sur la capacité unique de l’ARNm à activer à la fois la réponse humorale et la réponse cellulaire. La première produit des anticorps pour neutraliser les agents pathogènes à distance, dans les liquides du corps (sang, lymphe, etc.). La seconde mobilise des cellules immunitaires, comme les lymphocytes T, qui vont reconnaître et détruire directement les cellules infectées. Cela ouvre la voie à des vaccins « plug-and-play », adaptables en quelques semaines seulement.

Lutter contre les “super-bactéries” résistantes aux antibiotiques

Cette technologie est une révolution. Car si la peste reste un risque, c’est surtout la menace globale des « super-bactéries » qui inquiète. A force d’y être exposées, ces bactéries résistent aux antibiotiques. Un phénomène naturel amplifié par leur usage excessif. Dans le monde, leur consommation continue de croître, malgré un recul dans certains pays comme la France depuis le début du siècle. Aujourd’hui, c’est  l’un des plus grands dangers sanitaires mondiaux.

Ainsi, la typhoïde XDR, résistante à presque tous les antiobiotiques de première ligne, est apparue au Pakistan en 2016. Depuis, elle a été exportée via les voyageurs vers le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, et plusieurs pays d’Europe et d’Asie

En 2022, environ 410 000 personnes ont développé une tuberculose résistante à l’isoniazide et à la rifampicine, notamment en Inde, en Chine, en Russie et en Afrique du Sud, mais aussi dans certaines républiques d’Asie centrale et d’Europe de l’Est.

L’Organisation mondiale de la santé tire la sonnette d’alarme :  l’antibiorésistance est la « peste » du XXIᵉ siècle, responsable de plus d’un million de morts chaque année.

Y mettre un terme pourrait réduire drastiquement la mortalité liée aux infections, alléger la pression sur les hôpitaux et limiter la propagation de clones résistants. La plateforme ARNm offre des perspectives inédites : un ciblage vaccinal plus précis, un moindre recours aux antibiotiques, et la possibilité de freiner l’émergence de nouveaux variants bactériens. 

Sous la présidence de Donald Trump, les vaccins ARNm sont remis en cause par le Ministre de la santé, l’antivax Robert Kennedy Jr.. Leur développement pourrait pourtant permettre de sauver l’humanité de nouvelles pandémies mondiales. Nul doute que Haffkine en aurait rêvé.

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Santé, l’effet placeb(i)o

5 août 2025 à 03:59

Laquelle choisir ? C’est la question que chacun s’est déjà posée devant son rayon fruits et légumes au moment de choisir entre une laitue conventionnelle et son alternative bio, presque deux fois plus chère. La santé serait-elle à ce prix ?

Dans l’imaginaire collectif, le logo AB agit comme un talisman. Il suggère une assiette plus saine, censée protéger des cancers et autres maladies chroniques. Ce récit est nourri par un marketing agressif, largement relayé par une communication médiatique et politique très alarmiste sur les « pesticides chimiques ».

Les salades bio de Benoît Biteau

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Mais que dit vraiment la littérature scientifique ?

Les promesses santé du bio : des corrélations, mais pas de preuves

L’une des études épidémiologiques les plus commentées est celle de NutriNet-Santé, publiée en 2018. Elle a suivi près de 70 000 volontaires pendant quatre ans, dont 78 % de femmes, d’un âge moyen de 44 ans. Au total, 1 340 cancers ont été diagnostiqués. Résultat : les consommateurs réguliers de produits bio affichaient un taux de cancers de 1,6 %, contre 2,2 % chez les non-consommateurs — soit une différence relative d’environ 25 %.

De quoi nourrir un battage médiatique sans nuance… mais trompeur. Car il s’agit d’une étude observationnelle de cohorte, sans répartition aléatoire entre groupes « bio » et « non bio ». Or, avec cette méthode, les différences constatées peuvent résulter de biais de confusion (habitudes alimentaires globales, niveau d’études, activité physique, tabagisme…), plutôt que d’un effet direct du mode de production. Dit autrement : les amateurs de bio ne sont pas en meilleure santé parce qu’ils mangent bio, mais mangent bio parce qu’ils prennent soin de leur santé et sont donc sensibles aux messages prétendant cette agriculture plus vertueuse sanitairement.  .

Pourtant, l’Institut national du cancer le rappelle explicitement : « Il n’y a pas de preuve scientifique qui indique qu’une alimentation bio réduit le risque de cancer ».

Même prudence dans une étude norvégienne (MoBa) portant sur 28 000 femmes enceintes. Elle suggère une association entre consommation fréquente de légumes bio et réduction du risque de prééclampsie (une hypertension artérielle pouvant survenir après 20 semaines de grossesse). Mais là encore, ce lien statistique pourrait s’expliquer par d’autres paramètres liés au mode de vie, indépendamment du bio lui-même.

Enfin, une revue systématique de Stanford, publiée en 2012, n’a identifié aucun bénéfice clair du bio sur la santé, ni de différence notable en valeur nutritionnelle, et pas davantage en morbidité, malgré une exposition réduite aux résidus de pesticides.

Pesticides dangereux : la décrue silencieuse

De son côté, l’agriculture conventionnelle ne reste pas figée dans ses pratiques et progresse continuellement. Depuis 2009, les quantités de substances classées CMR (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques) qu’elle utilise ont fortement diminué en France. Les CMR1 (les plus préoccupantes) ont été quasiment éliminées à partir de 2021, tandis que les CMR2 ont chuté de près de moitié en dix ans. Ces évolutions traduisent les améliorations continues de la régulation européenne et des pratiques agricoles, qui tendent à éliminer les molécules les plus dangereuses. 

Risques de résidus et contaminations naturelles : pas de blanc-seing pour le bio

La question des résidus de pesticides illustre bien cette autre nuance. Les enquêtes officielles montrent qu’environ 10 % des fruits et légumes bio contiennent des traces mesurables, contre près de 50 % en conventionnel. Mais toutes filières confondues, plus de 95 % des échantillons restent entre 50 et 100 fois en dessous des limites maximales de résidus fixées avec une large marge de sécurité. Autrement dit, même si la salade conventionnelle a plus de chances de contenir un résidu, celui-ci reste très inférieur aux seuils jugés préoccupants. À moins de consommer plusieurs dizaines de salades par jour, l’impact sanitaire est négligeable. Pas de quoi — vous en conviendrez — en faire toute une salade.

Précisons aussi que la méthode la plus efficace pour éliminer la grande majorité des résidus présents en surface reste… de laver ses fruits et légumes.

Mais tout ne peut pas se nettoyer. C’est le cas de la bière. Or, une étude récente portant sur 45 d’entre elles, a détecté des traces de glyphosate dans plus de la moitié des échantillons — y compris deux productions bio — à des niveaux si faibles qu’il faudrait boire près de 2 000 bouteilles par jour pour atteindre la dose maximale admissible. On vous a pourtant martelé (à raison) que l’alcool devait être consommé avec modération !

Ces résidus, même dans les produits bio, sont généralement dus à des contaminations fortuites : dérives de pulvérisation, pollution environnementale ou fraudes ponctuelles. Preuve en est, que le bio est régulièrement l’objet de rappels de ses produits. Ainsi, en 2025, un lot de potimarrons bio français a été retiré du marché pour dépassement des seuils réglementaires en pesticides, tout comme un autre, de poivre noir bio importé, contaminé par de l’anthraquinone, une substance non autorisée.

Quand une ferme bio déclenche une épidémie

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Cela ne signifie pas que le label soit trompeur. Seulement qu’il ne donne en rien un blanc seing sanitaire sur la seule base de sa revendication.

D’autant que les agriculteurs bio utilisent notamment le sulfate de cuivre pour lutter contre les maladies fongiques. Ce métal lourd, « naturel » certes, s’accumule dans les sols et peut être toxique pour la faune… comme pour l’être humain, s’il est soumis à de fortes doses du produit.

Bouillie bordelaise : une image de naturel vraiment fondée ?

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Autre exemple souvent ignoré : les alcaloïdes pyrrolizidiniques (AP), toxines naturelles produites par certaines plantes sauvages (séneçon, datura…). On en a retrouvé dans des herbes aromatiques bio, entraînant des rappels de produits. Des vaches en pâture peuvent aussi en ingérer si leur pré est infesté : des traces d’AP peuvent alors se retrouver dans le lait, y compris bio.

Même logique pour l’aflatoxine M1, une mycotoxine cancérogène issue de fourrages moisis, détectable dans le lait — bio ou non — en cas de mauvaises conditions de stockage. Mais, rassurons-nous, ces contaminations restent exceptionnelles, grâce à la rigueur des contrôles européens.

Enfin, des enquêtes ont mis en lumière la présence de polluants persistants (PCB, dioxines) parfois plus élevée dans des produits animaux bio, ou encore des taux de phtalates surprenants dans certaines huiles d’olive bio, parfois supérieurs à ceux mesurés en conventionnel.

Autant de signaux qui rappellent que « bio » ne rime pas automatiquement avec « pureté », et que, quels que soient les labels, la vigilance et les contrôles sanitaires restent essentiels.

Nutrition et équilibre : le vrai levier santé

La plupart des méta-analyses convergent vers un même constat : les grands déterminants nutritionnels de notre santé sont la surconsommation de sucre, de sel, d’alcool, de produits ultra-transformés et la sédentarité — bien plus que l’exposition résiduelle à des substances déjà très encadrées.

Ainsi, passer de deux à cinq portions quotidiennes de fruits et légumes, bio ou non, diminue la mortalité toutes causes confondues de l’ordre de 13 %. Inversement, un burger-frites bio reste de la malbouffe bio, tandis qu’une assiette de brocolis surgelés conventionnels constitue un véritable atout pour le cœur et les artères.

Et puis, il y a le coût — un facteur décisif. Le surcoût du bio varie de +30 % à +80 % selon les filières et les enseignes le commercialisant. Pour un foyer modeste, cette surtaxe peut réduire la consommation totale de végétaux. Or, la première priorité de santé publique est d’augmenter la part de fruits et légumes dans l’assiette, pas de sélectionner un label ni de privilégier les plus chers. Et le constat est préoccupant : seulement un Français sur cinq atteint les cinq portions recommandées par jour, une part encore plus faible chez les jeunes.

Le marketing de la peur, qui laisse entendre qu’« hors du bio, point de salut », risque aussi de détourner les budgets des ménages de produits sains mais accessibles. 

C’est que conclut une thèse soutenue en 2018 : « À l’échelle individuelle, nous devons continuer à encourager nos patients à manger des fruits et légumes conventionnels s’ils ne peuvent avoir accès au bio. En effet, des études confirment qu’il est préférable de consommer des légumes avec pesticides que de ne pas en manger du tout. »

Alors, quelle salade choisir ?

Une laitue conventionnelle bien lavée ne mettra pas votre santé en danger, même consommée quotidiennement. Si réduire légèrement votre exposition aux résidus vous semble important — et si votre budget le permet — alors la salade bio peut être une option.

Mais l’essentiel est ailleurs : manger plus de végétaux variés, choisir des produits frais, éviter la malbouffe et les produits ultra-transformés, cuisiner davantage, bouger plus. Le bio est un choix possible, pas un passage obligé. Ce qui compte, c’est ce que vous mettez dans votre assiette… pas le logo sur l’étal.

Tout l’été, nous publions ici gratuitement les bonnes feuilles de notre livre, « Trop bio pour être vrai ? ». Pour le lire en intégralité, c’est par là :

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Suite la semaine prochaine avec le chapitre III : Environnement, le vert à moitié plein.

Épisode précédent : La bio du bio

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