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À partir d’avant-hierFlux principal

Daniel Kahneman est décédé

J'apprends sur Bluesky que le psychologue et économiste américano-israélien Daniel Kahneman est décédé à l'âge de 90 ans.

Au cours de sa longue carrière scientifique, Daniel Kahneman a contribué à montrer que les mécanismes psychologiques influencent substantiellement les décisions humaines, dont les biais cognitifs. Psychologue de formation, ses travaux ont participé à fonder l'économie comportementale, une branche de la science économique à la frontière avec la psychologie.

Il a reçu le Prix Nobel en 2002.

Mes condoléances à sa famille ainsi qu'à ses proches.

Best-selling psychologist of Thinking, Fast and Slow, dies at 90
One of the founders of behavioral economics, who incorporated human quirks into the study of how people make economic decisions, has died. Daniel Kahneman was 90.
NPRScott Horsley

Via Paul Hünermund sur Bluesky

Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4

Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4

À quoi sert la défense ? Combien coûte l’armée chaque année ? Est-ce que les budgets militaires européens sont réellement en augmentation ? À quels autres services publics faut-il renoncer pour financer le réarmement ?

Alors que la Russie a illégalement envahi l’Ukraine, ces questions, et d’autres, sont devenues des questions d’actualité. En plus de fournir un soutien militaire à l’Ukraine, l’hostilité de la Russie oblige les pays européens à se réarmer, afin de renforcer leur dissuasion.

Découvrez comment un chercheur en science économique répond à ces questions dans cet entretien.

Pour s'abonner à la newsletter de la Chaire Économie de défense :

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Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4Chaire Économie de défense - IHEDNBertrand Demandre
Le budget de la défense à l’heure où l’Europe se réarme - Podcast #4

Retrouvez-moi chaque semaine sur France Bleu Sud Lorraine

Retrouvez-moi chaque semaine sur France Bleu Sud Lorraine

Chère lectrice, cher lecteur,

C'est avec grand plaisir que je vous annonce que depuis le mercredi 7 février 2024, je tiens une courte chronique hebdomadaire de médiation scientifique sur France Bleu Sud Lorraine. J'y aborde des travaux scientifiques qui permettent d'éclairer les sujets d'actualité et les thématiques lorrains.

Je partagerai régulièrement les chroniques sur mon site. Même si vous ne vivez pas en Lorraine, je pense qu’elles peuvent vous intéresser.

Participer à un média est une expérience nouvelle pour moi, que je prends avec curiosité et intérêt. En tant que nancéien et lorrain, c'est par ailleurs un réel plaisir que de participer à un grand média local comme France Bleu Sud Lorraine — qui plus est, un média du service public.

Je précise que je ne suis pas rémunéré pour ces chroniques.

J'en profite pour remercier Olivier Damette, Julien Lhuillier ainsi que toute l'équipe de France Bleu Sud Lorraine pour son chaleureux accueil.

Olivier

Un Café sur l'économie de la défense

26 février 2024 à 14:53

Combien coûte la défense nationale chaque année ? Qu’est-ce qu’implique l’augmentation du budget de l’armée pour les autres dépenses publiques, comme l’éducation, la justice, la santé ou encore l’environnement ? Comment l'invasion de l'Ukraine par la Russie modifie-t-elle la trajectoire du budget de la défense, en France mais aussi en Europe ?

Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ces questions, et d’autres, sont devenues des questions d’actualité. En plus de fournir un soutien militaire à l’Ukraine, l’hostilité de la Russie oblige les pays européens à se doter de forces armées robustes, afin de renforcer leur dissuasion.

Je vais enregistrer dans les prochains jours un Café portant sur l'économie de la défense, où nous aborderons ces questions — et d’autres. Mon invité sera Julien Malizard, chercheur en économie de la défense, titulaire-adjoint de la Chaire Économie de défense à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN).

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Chaire Économie de défense - IHEDNBertrand Demandre

Si vous avez des questions sur l’économie de la défense que vous aimeriez que je pose à mon invité, n’hésitez pas à m’en faire part — par exemple, en publiant un commentaire sous cette Note.

Pour rappel, les Cafés sont un format où pendant environ une heure, j’échange avec une personne experte sur l’un des thèmes que je couvre dans ma newsletter. Auparavant, les Cafés étaient enregistrés en public. Pour des raisons logistiques, j’ai récemment annoncé qu’ils seront désormais diffusés en différé.

L'émission sera diffusée plus tard dans l’année sur mon site. Pour ne pas la manquer, n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter.

Quiz #1 - À la découverte de la macroéconomie

🖋️
Mise à jour le 2 mars 2024 à 15 h 25 : à la suite de vos retours (encore merci !), j'ai substantiellement réécrit le quiz.

Date de publication initiale : le 24 février 2024 à 14 h.
Quiz #1 - À la découverte de la macroéconomie

Si le quiz ne s'affiche pas correctement, vous pouvez y accéder à cette adresse.

Je suis de retour

22 février 2024 à 15:30
Je suis de retour

Chère lectrice, cher lecteur,

En novembre 2023, j'ai publié un article afin de vous rassurer : non, je n'ai pas abandonné L'Économiste Sceptique. Entre la déliquescence de Twitter et d'importants problèmes de santé qui m'ont occupé de l'été 2022 à la fin de 2023, 2023 a été une année difficile pour mon activité de médiation scientifique.

Ai-je abandonné L’Économiste Sceptique ?
Après une année pleine de turbulences, il est temps de faire le point
Je suis de retourOlivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
Je suis de retour

Pour autant, ces péripéties sont derrière moi. En coulisses, le travail a continué. Il a été considérable. Le gros du chantier est désormais terminé. Ce qui me permet de vous annoncer que je reprends le rythme normal de publication de mon contenu de médiation scientifique. Avec trois importants changements.

Par ailleurs, j'ai conscience qu'au cours des derniers mois, ma communication n'a pas été idéale. Je vous propose de faire le point.

📋
En bref

• Je reprends la publication de mon contenu de médiation scientifique sur la science économique, l'esprit critique, l'environnement et les États-Unis à un rythme normal.
• Même chose pour mon contenu sur la création de contenu sur Internet.

• Annonce #1 : j'ai fusionné mes différentes newsletters et sites sur un site unique, olivier.simardcasanova.net. Vos abonnements ont été migré, ainsi que mon contenu.
• Annonce #2 : je mets à la retraite le nom de mes différentes newsletters, y compris celui de "L'Économiste Sceptique", pour écrire directement sous mon nom. Le retrait des différents noms est sans conséquence sur mon contenu.
• Annonce #3 : ma ligne éditoriale évolue. Moins d'analyses personnelles, davantage de littérature scientifique, et davantage de graphiques.

• Si vous aviez un abonnement à l'une de mes newsletters, choisissez quels articles recevoir dans votre compte.

Qui suis-je ?

Après la (longue) semi-absence qui s'achève aujourd'hui, c'est sans doute utile de refaire les présentations. Il est également possible que vous m'ayez découvert sur Threads, Bluesky ou Mastodon. C'est l'occasion d'en savoir plus sur qui je suis.

Je m'appelle Olivier Simard-Casanova, je suis économiste (depuis 2012), statisticien (depuis 2014) et médiateur scientifique (depuis 2015). J'ai une expérience dans le milieu de la recherche et de l'enseignement supérieur, et depuis 2019, je suis indépendant.

Je suis de retour

Au cours des dernières années, j'ai été le créateur et l'auteur de plusieurs newsletters :

  • L'Économiste Sceptique, sur la science économique, le scepticisme scientifique et l'économie de l'environnement
  • L'Heure Américaine, sur la société et la politique des États-Unis
  • Cities 2100, sur les mobilités urbaines en Amérique du Nord
  • IndieNotes, sur la création de contenu indépendante en ligne

Pour en savoir plus sur moi, n'hésitez pas à consulter la page À propos.

Ma communication

Avant d'aborder les newsletters, j'aimerais faire un point sur mon manque de communication.

Comme je l'expliquais dans mon article de novembre, j'ai pris de plein fouet la destruction de Twitter par Elon Musk. Twitter jouait un rôle central dans mon activité d'indépendant. Sa destruction a eu un impact négatif considérable sur mon travail. Et en particulier, sur mon travail de médiation scientifique.

Concernant ma capacité à communiquer, c'est comme si Elon Musk m'avait pris de force le mégaphone des mains en exigeant que je lui donne de l'argent pour le récupérer. Ça n'est rien de moins que de l'extorsion, extorsion que je ne peux pas accepter.

Or, ça n'a pas été possible de vous dire "je quitte Twitter, retrouvez-moi sur la plateforme Y".

D'une part, je n'ai pas toujours eu des expériences heureuses sur les plateformes alternatives à Twitter, qui ont par ailleurs mis du temps à émerger et à atteindre une masse critique d'utilisateurs.

D'autre part, ni Mastodon, ni Threads, ni Bluesky ne sont des clones de Twitter. Après tout, Twitter était un lieu toxique bien avant son rachat par Elon Musk. Je comprends que les plateformes alternatives tentent d'emprunter un chemin différent. Mais ce chemin différent suppose de comprendre comment ces nouvelles plateformes fonctionnent, et de s'y adapter. Ce qui prend forcément du temps.

Je me suis donc retrouvé dépourvu et orphelin, ne sachant plus trop ni où, ni comment, m'exprimer. Quand s'ajoutent à la destruction de Twitter mes problèmes de santé, devoir gérer ce qui ont été les deux pires crises de ma vie en même temps n'a pas été simple. Sans mes problèmes de santé, j'aurais probablement pu trouver un nouvel équilibre plus rapidement, et me remettre à communiquer efficacement plus rapidement.

Et puis, petit à petit, je me suis souvenu que j'avais déjà un espace où je peux m'exprimer librement : mes newsletters.

Annonce #1 : les newsletters

L'un des avantages des périodes difficiles est qu'elles permettent de s'interroger en profondeur, et d'introduire des changements parfois importants.

La destruction de Twitter m'a obligé à refondre des pans entiers de ma manière de travailler, Elon Musk ayant détruit la plupart de mes outils. Mes problèmes de santé m'ont par ailleurs donné une nouvelle vision de moi-même, encore plus saine et encore plus robuste que la précédente. Je me suis dit que j'avais une occasion idéale, et sans doute unique, pour repenser en profondeur mon activité de médiation scientifique.

Jusqu'ici, je publiais, ou de manière plus objective, j'ai essayé de publier, plusieurs newsletters thématiques distinctes, chacune avec un site Internet et une identité différente : L'Économiste Sceptique, L'Heure Américaine et IndieNotes . Pour moi, c'était lourd à gérer. Pour vous, c'était confus et dispersé. Afin de simplifier aussi bien ma vie que la vôtre, j'ai fusionné mes newsletters en un site unique.

Concrètement, mon contenu précédemment publié sur mes différentes newsletters est désormais hébergé sur mon nouveau site, qui est à mon nom : olivier.simardcasanova.net. Si vous aviez un abonnement à l'une de mes précédentes newsletters, j'ai migré votre abonnement vers le nouveau site.

Sur le nouveau site, j'écrirai, et en réalité, j'écris déjà, sur les mêmes sujets que précédemment : la science économique, l'esprit critique, l'environnement, les États-Unis, la création de contenu indépendante sur Internet, et quelques autres encore. C'est d'ailleurs un peu abusif de parler de "nouveau" site : le nouveau site contient l'essentiel du contenu de médiation scientifique que j'ai publié depuis 2015, soit plus de 600 articles !

Au lieu d'avoir plusieurs sites avec chacun une newsletter thématique, il y a désormais un site unique qui héberge tous mes articles et toutes mes newsletters.

Bien sûr, j'ai conscience que tout le monde n'est pas intéressé par tous les sujets sur lesquels j'écris. J'ai ainsi séparé les anciennes newsletters en Univers, dont vous pouvez retrouver la liste sur la page Explorer. Si vous avez un abonnement à la newsletter, vous pouvez choisir de ne recevoir que les articles de certains Univers.

Lors de la fusion des newsletters, je n'ai pas pu préserver vos préférences d'abonnement aux courriels.

Si vous aviez déjà un abonnement à l'une de mes newsletters, merci de vous rendre dans votre compte grâce au bouton ci-dessus pour choisir quels articles vous souhaitez recevoir par courriel.

Toutes mes excuses pour la gêne occasionnée.

Annonce #2 : L'Économiste Sceptique

L'Économiste Sceptique étant, et de très loin, ma newsletter la plus lue, il me semble important de lui consacrer quelques mots. D'autant que la deuxième annonce concerne L'Économiste Sceptique.

Fondamentalement, la fusion des différentes newsletters en un site unique est une démarche de simplification. À la fusion, j'ai associé le retrait du nom des différentes newsletters préexistantes. Y compris pour "L'Économiste Sceptique". En d'autres termes, je mets à la retraite le nom "L'Économiste Sceptique".

J'aurais pu titrer mon annonce "La fin de L'Économiste Sceptique". Un tel titre aurait sans aucun doute fait parler. Mais il aurait été trompeur. Le seul Économiste Sceptique qui disparaît, c'est le nom. Le contenu, lui, reste intact. Tous les articles que j'ai publiés depuis 2021 sur www.ecosceptique.com sont disponibles en intégralité sur le nouveau site. Surtout, je continue à écrire sur la science économique, l'esprit critique et l'environnement à un rythme similaire, voire supérieur, au rythme de croisière que j'avais sur L'Économiste Sceptique.

Pourquoi retirer le nom "L'Économiste Sceptique" ? Après tout, c'est un nom qui commençait à être connu. C'est une décision importante, que j'ai mûrement réfléchie. Elle est motivée par trois raisons principales.

La première raison est que c'est un nom parfois confus, en particulier pour les personnes qui ne sont pas familières avec le scepticisme scientifique. Le retrait du nom permet de mettre un terme à cette confusion. La deuxième raison est que parfois, les gens m'appellent "L'Économiste Sceptique". Or, "L'Économiste Sceptique" n'a jamais été un pseudonyme. C'est le nom de la newsletter. Retirer le nom permet de mettre un terme à cette seconde confusion. La troisième raison est que je me sens désormais à l'aise d'écrire directement sous mon nom, plutôt que de me "cacher" derrière un nom impersonnel et dans une certaine mesure, artificiel.

Sur le nouveau site, trois Univers remplacent L'Économiste Sceptique :

La séparation en trois Univers vous donne davantage de contrôle : vous pouvez choisir plus finement les articles que vous souhaitez recevoir par courriel.

La création d'un Univers spécifique à l'esprit critique va également me permettre de partager des travaux scientifiques en lien avec l'esprit critique issus d'autres disciplines que la science économique. J'en ai d'ores et déjà plusieurs dizaines que j'aimerais partager avec vous, et j'en découvre chaque semaine de nouveaux.

Si un ou plusieurs de ces Univers vous intéressent, ne manquez pas mes prochains articles en vous abonnant à la newsletter.

Annonce #3 : la ligne éditoriale

Depuis plusieurs mois, j'expérimente avec une nouvelle ligne éditoriale. Si vous consultez la liste chronologique de mes publications, vous constaterez que malgré mon manque de communication, j'ai en réalité été particulièrement actif depuis l'été 2023. Ces expérimentations ont porté leurs fruits. Leurs résultats sont même allés au-delà de mes espérances.

Je peux donc vous annoncer ce qui est sans doute le plus important changement : la ligne éditoriale de mon travail de médiation scientifique évolue. À compter de maintenant, je publierai moins d'analyses personnelles, davantage d'articles portant directement sur la littérature scientifique, et davantage de graphiques.

Pourquoi cette nouvelle ligne éditoriale en particulier ?

Contrairement à ce que certains allumés toxiques qui ne savent manifestement pas lire prétendent à longueur de vidéos insultantes et fallacieuses sur YouTube, je ne suis pas un commentateur. Je ne suis pas un éditorialiste. Je ne suis pas un économiste de plateau télé qui vient donner son avis mésinformé sur la dernière polémique en cours, ou qui dit à son audience exactement ce qu'elle veut entendre au mépris des faits.

Depuis 2015, ma démarche, que j'ai régulièrement répété, a toujours été celle d'un médiateur scientifique. Mon objectif n'est pas de vous convaincre. Mon objectif n'est pas de vous faire changer d'avis. Mon objectif n'est pas de faire la guerre à quiconque ayant l'audace de ne pas penser exactement comme moi. Mon objectif n'est pas d'être connu, ni de me bâtir une influence sur votre dos.

Mon objectif a toujours été, est encore, et continuera à être, de partager avec vous la littérature scientifique qui m'intéresse, qui m'interpelle, qui m'étonne, qui m'émerveille, qui me surprend ou qui me fait réfléchir. Et c'est tout. Je n'ai pas d'autre objectif. Le reste ne m'intéresse pas.

Sans renier mon travail, il m'a semblé que la ligne éditoriale des anciennes newsletters, et celle de L'Économiste Sceptique en particulier, était encore trop souvent dans l'analyse personnelle plutôt que dans le partage de la littérature scientifique. Le recours à l'analyse personnelle m'a également conduit à écrire des articles contenant d'importantes erreurs et d'importants oublis. Commettre des erreurs n'est pas en soi une catastrophe. Les erreurs sont des occasions d'apprendre. Mais en tant que médiateur scientifique soucieux de faire du bon travail, je me devais de tirer les leçons de ces erreurs. La nouvelle ligne éditoriale a pour objectif d'éviter qu'elles ne se reproduisent.

Enfin, à un niveau plus personnel, la nouvelle ligne éditoriale est davantage en phase avec mes aspirations profondes de médiateur scientifique : la curiosité, l'émerveillement, et l'envie de partager ma passion pour les sciences.

Concrètement, je vais davantage partager et expliquer des articles de recherche publiés par des économistes, et par des scientifiques issus d'autres sciences humaines et sociales. Il y aura toujours de l'éditorial, mais il sera plus explicitement identifié comme tel.

Concernant les formats, je n'ai pas prévu de changer les formats existants. Il y aura toujours des articles, et il y aura toujours des vidéos. Les Cafés continueront, même si pour des raisons logistiques, j'ai pris la décision de ne plus les enregistrer en direct. Vous aurez la possibilité de me transmettre à l'avance vos questions, que je poserai à l'invité·e pendant l'enregistrement.

Depuis l'été 2023, j'expérimente avec un format court, les Notes. Plus courtes et plus simples à écrire que les articles, les Notes ont pour objectif de remplacer les publications sous forme de fils que dans le passé, j'aurais publié sur Twitter. Les Notes ont vocation à prendre une place importante dans mon contenu. C'est un format qui s'ajoute aux formats existants, en les complétant.

Enfin, j'expérimente avec des directs en vidéo sur YouTube. L'expérimentation est prometteuse, et a vocation à continuer au cours des prochains mois.

Qu'en est-il des formules payantes ?

Comme pour L'Économiste Sceptique, la newsletter fusionnée est également une newsletter partiellement payante. Si vous vous étiez abonné à l'une des formules payantes de L'Économiste Sceptique, j'ai migré votre abonnement payant vers le nouveau site. Vous n'avez rien à faire.

💡
Sur le nouveau site, vous avez accès au même contenu que celui auquel vous aviez accès sur le site de L'Économiste Sceptique. Le contenu qui était gratuit reste gratuit, le contenu qui était derrière le paywall reste derrière le paywall.

Les formules payantes vous donnent accès à l'intégralité de mon contenu, passé comme à venir. Elles vous permettent également de soutenir mon travail, et de m'aider à pérenniser mon activité de médiation scientifique. Enfin, elles vous permettent de recevoir toutes les Notes par courriel dès leur publication, ainsi que le Point mensuel.

J'en profite pour remercier du fond du cœur celles et ceux d'entre vous qui avez continué à me soutenir financièrement malgré cette longue période de creux. Sans votre précieux soutien, je n'aurais pas pu refondre mon activité de médiateur scientifique comme j'ai pu le faire. J'aurais même sans doute été contraint de mettre un terme à mon activité de médiateur scientifique. Un grand merci ! Je me considère chanceux d'avoir une communauté bienveillante, intéressante et intéressée, et engagée comme vous l'êtes.

Si ça n'est pas déjà le cas, vous pouvez vous aussi vous abonner à l'une des formules payantes, et ainsi m'aider à relancer sereinement mon activité de médiateur scientifique.

Une nouvelle aventure, ensemble

Entre le retour à un rythme de publication normal, et les trois changements que je viens d'annoncer, c'est sans aucune doute une nouvelle aventure qui commence ! Une nouvelle aventure qui est, et de très loin, la plus enthousiasmante de toute ma carrière de médiateur scientifique. Elle fait suite à une période vraiment difficile, ce qui la rend d'autant plus savoureuse. J'espère que vous serez nombreuses et nombreux à la partager avec moi.

Si vous n'êtes pas déjà abonné·e à la newsletter, n'hésitez pas à rejoindre les milliers d'autres personnes qui font déjà partie de l'aventure. Vous ne manquerez aucun de mes prochains articles.

Pour discuter sereinement de ces changements, pour répondre à vos questions, et pour discuter de mes projets à venir, je vous donne rendez-vous mardi 27 février 2024 de 20 h 30 à 21 h 30 (heure de Paris) sur YouTube pour un direct.

Si vous recevez cet article par courriel, n'hésitez pas à répondre au courriel pour me faire part de vos retours, de vos questions et de vos remarques. Vous pouvez également publier un commentaire sur le site.

À très bientôt,
Olivier

Les effets de l'école à distance sur la santé mentale des élèves

31 janvier 2024 à 09:51

Lors de la pandémie de COVID-19, de nombreuses écoles sont passées à l'enseignement à distance. Quels effets le passage au distanciel a eu sur la santé mentale des élèves ?

Cette question n'est pas une question d'opinion, mais une question factuelle. Les effets du passage au distanciel ne sont pas une question de point de vue personnel, mais une question de données empiriques.

Un article à paraître dans la revue American Economic Journal: Economic Policy utilise des données suédoises pour offrir un élément de réponse à cette question. Comme le montre la Figure 1, une partie seulement des élèves suédois sont passés à l'école à distance, ce qui permet de constituer un groupe contrôle (les élèves en distanciel) et un groupe témoin (les élèves en présentiel).

🧭
Indicateur de confiance

• Profondeur de lecture : lecture partielle (2/3)
• Proximité scientifique : proximité moyenne (2/3)

En savoir plus →
Figure 1 - Part des élèves en présentiel ("Open") et en distanciel ("Remote") au collège ("Lower-secondary", de 14 à 16 ans) et au lycée ("Upper-secondary", de 17 à 19 ans) lors du printemps 2020 en Suède

Grâce à cette expérience naturelle et comme l'illustre la Figure 2, Evelina Björkegren, Helena Svaleryd et Jonas Vlachos, les trois auteurs de l'article, trouvent que les élèves en distanciel ont utilisé 4.4 % moins souvent les services de soins psychiatriques que les élèves en présentiel. La baisse est principalement due à une diminution des diagnostics et des prescriptions pour des troubles dépressifs et des troubles anxieux.

Un surprenant résultat sur les différences de comportements de compétition entre femmes et hommes

17 janvier 2024 à 15:31

Une vaste littérature en science économique montre que les hommes font en moyenne davantage preuve de compétition que les femmes. L'explication dominante de cette différence est une tendance à la sur-confiance dans leurs capacités des hommes.

Un working paper de Tünde Lénárd, Dániel Horn et Hubert János Kiss remet en question cette explication.

🧭
Indicateur de confiance

• Profondeur de lecture : lecture superficielle (1/3)
• Proximité scientifique : proximité moyenne (2/3)

En savoir plus →

Comme la littérature scientifique pré-existante, le working paper mesure également que les hommes font davantage preuve de compétition que les femmes. Mais il échoue à établir que la différence est due à une tendance à la sur-confiance des hommes.

Dans une expérience de laboratoire, les chercheurs mesurent trois niveaux de confiance chez les sujets : sur-confiance (le sujet surestime ses performances), sous-confiance (le sujet sous-estime ses performances), et réalisme (le sujet estime correctement ses performances). Si l'explication dominante est correcte, parmi les sujets faisant preuve de sur-confiance, les hommes devraient davantage faire preuve de compétition que les femmes. Or, de manière surprenante, il n'y a pas de différence dans les comportements de compétition entre femmes et hommes parmi les sujets sur-confiants. Il n'y a pas non plus de différence parmi les sujets sous-confiants.

En revanche, parmi les sujets faisant preuve de réalisme sur leurs performances, les hommes font davantage preuve de compétition que les femmes — et la différence est significative.

Le working paper échoue donc à établir que la différence dans les comportements de compétition est due à une sur-confiance des hommes. Le résultat est robuste à différentes spécifications statistiques, suggérant qu'il ne s'agit pas d'un artéfact dans les données expérimentales.

Deux précisions cependant. La première est qu'il s'agit d'un working paper, qui n'a pas fait l'objet d'une revue par les pairs. La seconde est qu'il s'agit d'un seul article. Son résultat devra être répliqué par d'autres articles pour être confirmé, précisé ou réfuté.

Competition, confidence and gender: shifting the focus from
The gender gap in competitiveness is argued to explain gender differences in later life outcomes, including career choices and the gender wage gap. In experimental settings, a prevalent explanation at
Tünde Lénárd & Hubert János Kiss & Dániel Horn

Via Dennis Alexis Valin Dittrich sur Mastodon

Résumé

The gender gap in competitiveness is argued to explain gender differences in later life outcomes, including career choices and the gender wage gap. In experimental settings, a prevalent explanation attributes this gap to males being more (over)confident than females (we call this the compositional channel). While our lab-in-the-field study using data from students in 53 classrooms (N$>$1000) reproduces this finding, it also uncovers a second, potentially more impactful channel of confidence contributing to the gender gap in competitiveness (the preference channel). To disentangle the two channels, we propose a more precise measure of confidence based on whether the subjects’ believed performance rank exceeds, coincides with or falls short of their actual performance in a real-effort task. We label categories of this Guessed - Actual Performance (GAP) difference as overconfident, realistic or underconfident, respectively. Surprisingly, there is no gender difference in competitiveness within the over- and underconfident subgroups, while a significant gender gap exists among the realistic. So, even if both genders had the same level of confidence, a persistent gender gap in preference (or taste) for competition would remain in the realistic group. This finding is robust across all specifications, challenging previous theories about the overconfidence of men being the sole driver of the relationship between confidence and the gender gap in competition.

Bibliographie

Lénárd, Tünde, Hubert János Kiss, et Dániel Horn. 2023. « Competition, Confidence and Gender: Shifting the Focus from the Overconfident to the Realistic ». CERS-IE Working Papers. Institute of Economics, Centre for Economic and Regional Studies. https://ideas.repec.org//p/has/discpr/2327.html.

#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?

15 septembre 2023 à 16:55
🗓️
Rendez-vous jeudi 21 septembre 2023 de 20h à 21h pour le prochain Café de L'Économiste Sceptique

Mon invité est le chercheur en psychologie Nathanael Larigaldie. Nous aborderons les accusations de fraude scientifique à l'encontre de Dan Ariely et Francesca Gino.

Toutes les informations →
#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?

Chère lectrice, cher lecteur,

Dans le premier article du diptyque, en lien ci-dessous, j'ai montré que X, anciennement Twitter, perd régulièrement des places dans le classement des applications les plus téléchargées sur l'App Store, en France comme aux États-Unis. Ces données, que m'a gentiment et gracieusement fourni Appfigures, suggèrent que les externalités de réseau sur lesquelles X est bâti sont en train de se déliter.

#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?
De nouvelles données confortent l’hypothèse que les externalités de réseau sur lesquelles X est bâti sont en train de se déliter
#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?L'Économiste Sceptique - Par Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?

Si les externalités de réseau de X sont bel et bien en train de se déliter, sans changement rapide et substantiel de la stratégie d'Elon Musk, à moyen terme X est condamné. Pour autant, il existe un scénario dans lequel le délitement des externalités de réseau de X peut prendre une forme catastrophique : s'il existe une alternative crédible vers laquelle les utilisateurs de X peuvent migrer sans avoir préalablement besoin de se coordonner.

Comme je l'écrivais à la fin du premier article, des données suggèrent que Threads, le concurrent de X récemment lancé par Meta, pourrait être cette alternative crédible. De la même manière que Facebook a remplacé Myspace, ou que Reddit a remplacé Digg, Threads pourrait remplacer X. Dans l'article d'aujourd'hui, j'explique sur quoi je fonde cette suspicion.

Un scénario de délitement catastrophique

De mon point de vue, les conditions pour que X connaisse un scénario de délitement catastrophique de ses externalités de réseau semblent se mettre en place.

Par "délitement catastrophique", je fais référence à l'expression anglo-saxonne "catastrophic failure" : un délitement relativement rapide, qui ferait considérablement diminuer le nombre d'utilisateurs actifs et dont X ne se remettrait pas. Le (probable) délitement actuel ressemble à une fuite qui vide petit à petit le lac de retenue d'un barrage. La fuite est réelle, elle a des effets négatifs, mais elle est réparable. Un délitement catastrophique ressemble à la rupture du barrage : la rupture vide le lac beaucoup plus rapidement, et le barrage est définitivement inutilisable ensuite.

Lorsque les externalités de réseau se délitent de manière non catastrophique, les utilisateurs cessent petit à petit d'utiliser le réseau. C'est un problème que connaissait déjà Twitter avant son rachat. Dans ce scénario, le réseau se meurt à petit feu. Lorsqu'un délitement catastrophique survient, le volume des départs est beaucoup plus important, et se concentre sur une période beaucoup plus brève.

Il est plus probable qu'un délitement catastrophique survienne s'il existe une alternative crédible à la plateforme en train de se déliter. Je vous renvoie à l'article 117 pour le mécanisme par lequel les externalités de réseau se délitent, et en particulier le mécanisme du cercle vicieux.

#117 · Qu’est-ce que les externalités de réseau ?
Ou pourquoi Facebook et YouTube continuent à dominer malgré les scandales et les polémiques
#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?L'Économiste Sceptique - Par Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?

Lorsqu'il existe une alternative crédible à une plateforme qui se délite, cette alternative peut devenir un point focal. En théorie des jeux, un point focal désigne une décision identique prise par de nombreux utilisateurs sans qu'ils aient besoin ni de se coordonner, ni de communiquer, entre eux. Dans le cas présent, la décision des utilisateurs de X serait "je migre de X vers le réseau social alternatif Y". Myspace, ou Digg, n'ont pas vu leurs externalités de réseau se déliter à la suite de l'organisation d'une sorte de vaste campagne de migration des utilisateurs. Les utilisateurs ont tout simplement migré par eux-mêmes vers le réseau social concurrent. Une telle migration est extrêmement dangereuse pour la plateforme qui la subit : une fois la migration enclenchée, elle est difficile, pour ne pas dire impossible, à arrêter.

Est-ce que l'un des concurrents de X est en capacité à incarner une alternative crédible, et donc à le remplacer ? D'après moi, les données d'Appfigures suggèrent que oui.

Des concurrents qui profitent des décisions impopulaires de Elon Musk

Dans le premier article du diptyque, j'ai étudié le classement de X parmi les applications les plus téléchargées de l'App Store, en France et aux États-Unis. Appfigures m'a également transmis les données du classement de trois concurrents de X : Mastodon, Bluesky et Threads. Que disent ces données ?

Commençons par Mastodon. Il est difficile de suivre le classement de Mastodon dans l'App Store. En plus de l'application officielle, il est possible d'utiliser Mastodon avec de nombreuses applications tierces — comme Ivory, Ice Cubes ou encore Mona. Sauf erreur de ma part, les données d'Appfigures ne permettent pas d'agréger les classements des différentes applications qui permettent d'utiliser Mastodon en un classement unique. Je me suis donc contenté du classement de l'application officielle, considérant que c'est le moins mauvais proxy à ma disposition. On peut voir les données de classement de l'application officielle comme la borne inférieure de la véritable popularité de Mastodon dans l'App Store.

Comme le montre la Figure 1, le classement de Mastodon a massivement augmenté depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, passant du top 400 au top 25. La baisse dans le classement entre janvier et juillet est d'après moi difficile à interpréter : est-ce une baisse de la popularité de Mastodon ? Ou est-ce que les applications alternatives à l'application officielle ont attiré des utilisateurs qui utilisaient auparavant l'application officielle ?

#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?
Figure 1

La Figure 1 montre également que le classement de l'application officielle Mastodon augmente à chaque fois qu'une décision impopulaire est prise, ou annoncée, par Elon Musk sur X.

Le deuxième concurrent pour lequel Appfigures m'a transmis des données est Bluesky. Contrairement à Mastodon, qui existe depuis 2017, Bluesky n'est arrivé que mi-avril (et non, Bluesky n'est pas vraiment "l'alternative à Twitter de Jack Dorsey"). La Figure 2 montre un phénomène similaire à celui que connaît Mastodon : Bluesky remonte dans le classement à chaque décision impopulaire de Elon Musk.

#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?
Figure 2

Le troisième et dernier concurrent pour lequel j'ai des données est Threads. Threads a été lancé par Meta le 5 juillet 2023, avec l'objectif explicite de concurrencer Twitter. Threads n'étant pas encore disponible dans l'Union Européenne, je n'ai que le classement aux États-Unis. Après un lancement ayant pulvérisé le record d'adoption d'un produit tech, la Figure 3 montre que Threads a vu son classement chuter. Il est cependant reparti à la hausse fin juillet, lorsque Elon Musk a annoncé que Twitter allait être renommé X. Et contrairement à Mastodon et Bluesky, le classement de Threads n'a pas baissé ensuite.

#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?
Figure 3

Que ce soit pour Mastodon, Bluesky ou Threads, les données montrent qu'à chaque décision impopulaire annoncée, ou prise, par Elon Musk sur X, le classement des concurrents de X s'améliore soudainement. Ces pics suggèrent qu'un nombre substantiel d'utilisateurs de X cherchent activement une alternative à X. Si cette interprétation est correcte, chaque nouvelle décision impopulaire agit possiblement comme une "force" supplémentaire appliquée sur les externalités de réseau de X. Ce qui les fragilise chaque fois un peu plus.

Pour autant, l'amélioration du classement des concurrents de X ne dure pas. Sauf pour Threads. Ce qui devrait terrifier les gestionnaires de X.

Est-ce que Threads remplacera X ?

Il me semble que Threads est le candidat le plus probable pour remplacer X. Je suspecte même que Threads ait d'ores et déjà commencé à s'installer comme alternative crédible.

Notez bien que mon analyse n'exprime pas mes préférences personnelles. En réalité, c'est même tout l'inverse : même si j'ai des critiques vis-à-vis de Mastodon, je préfèrerais que ce soit Mastodon, ou pourquoi pas Bluesky, qui remplace X. Mais le scénario que je préfère, et le scénario qui est d'après moi le plus probable, ce ne sont pas des synonymes. J'ai lu trop d'analyses, notamment de partisans de Mastodon, fondées sur des biais de confirmation et autres raisonnements motivés, où l'auteur confond le résultat qu'il aimerait voir, avec le résultat le plus probable. C'est une erreur que j'essaie d'éviter ici.

Commençons par rappeler une évidence : pour le moment, aucun concurrent à X n'a atteint un nombre comparable d'utilisateurs. Mastodon et Bluesky sont en croissance, et tout laisse à croire que Threads connaît une trajectoire normale pour un produit nouvellement lancé. Néanmoins, X a entre 200 et 250 millions d'utilisateurs mensuels actifs. Mastodon, 1.8 million. Bluesky a un million d'utilisateurs en tout. Et pour Threads, il y a sans doute entre 10 et 30 millions d'utilisateurs mensuels actifs.

Cela étant, Threads est dans une position différente que Mastodon et Bluesky. Cette position se voit dans les Figures 1, 2 et 3. Vous aurez peut-être remarqué que le classement de Mastodon et Bluesky est leur classement dans la catégorie "Social networking". Le classement de Threads est son classement toutes catégories d'applications confondues.

La raison est simple : à part pour quelques jours, ni Mastodon, ni Bluesky, n'apparaissent dans le classement toutes catégories d'applications confondues. Leur bon classement dans la catégorie "Social networking" n'est pas suffisant pour les faire émerger dans le classement général. Ni Mastodon, ni Bluesky, n'ont suffisamment d'utilisateurs pour que le téléchargement de leur application respective n'intègre le classement général de l'App Store.

Pour Threads, en revanche, l'histoire est bien différente. Même si l'application a connu une baisse (normale) du nombre d'utilisateurs mensuels actifs après son lancement (aucun produit n'a un taux de rétention de 100 %, ça n'existe juste pas), elle a sans doute plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs actifs. Moins de deux mois après son lancement. Sans être disponible dans l'Union Européenne. Et avec des fonctionnalités vraiment limitées par rapport à ses concurrents. Threads a d'ores et déjà une tout autre échelle que Mastodon ou Bluesky.

Surtout, la Figure 4 suggère que Threads est d'ores et déjà en train de s'installer comme une alternative crédible à X.

#139 - Qui remplacera X, anciennement Twitter ?
Figure 4

Contrairement à Mastodon et Bluesky, le classement de Threads n'a pas baissé une fois le choc de la décision impopulaire de Elon Musk passé. Un nombre important de personnes continuent à télécharger Threads, ce qui suggère que le nombre d'utilisateurs mensuels actifs de Threads augmente.

Par ailleurs, le classement de Threads a une dynamique différente du classement de X. X perd régulièrement des places dans le classement, et ce, depuis plus d'un an. Threads est dans le top 3, et s'y maintient malgré la baisse de fin juillet. La dynamique de Threads est cohérente avec celle d'une plateforme qui gagne des utilisateurs. La dynamique de X est cohérente avec celle d'une plateforme qui perd des utilisateurs.

Enfin, lorsque Threads a connu son classement le plus bas, l'application est malgré tout restée mieux classée que X. Même au plus bas, il y avait davantage de téléchargements de Threads que de X.

D'après moi, l'ensemble de ces données sont cohérentes avec un scénario dans lequel Threads est en train de devenir un point focal alternatif à X. Dans ce scénario, Threads accrète à un bon rythme de plus en plus d'utilisateurs, dont un certain nombre viennent de X. Plus Threads accrète des utilisateurs, plus Threads se rapproche du point où il atteint la masse critique d'utilisateurs permettant à ses externalités de réseau de s'emballer. Si Threads atteint cette masse critique, il est d'après moi très probable que survienne une sorte de migration de masse de X vers Threads. Si cette migration survient, et dans la mesure où les externalités de réseau sont stables, il serait virtuellement impossible pour X de rebâtir les siennes. X ne se relèverait sans doute pas d'une telle migration.

Voilà pourquoi je pense que Threads est le réseau social le plus susceptible de remplacer X.

Pour autant, je ne fais pas de prévision, ni de prédiction, sur l'avenir de X. Je n'ai pas de boule de cristal. Mon propos n'est pas de dire que X va nécessairement se déliter, ni que Threads va nécessairement remplacer X. Ce que je dis, c'est que les données d'Appfigures, lorsqu'on les interprète avec un peu de science économique et, je l'espère, suffisamment de prudence, suggèrent que les externalités de réseau sur lesquelles X est bâti sont en grand danger de délitement catastrophique — au profit de Threads.

Rendez-vous dans un ou deux ans voir comment le marché du micro-blogging aura évolué.

En conclusion

J'aimerais finir par deux précisions.

La première précision est que même dans un scénario de délitement catastrophique, le délitement de X ne sera pas instantané. De la même manière qu'un avion dont les moteurs s'arrêtent en plein vol plane avant de s'écraser, un réseau de la taille de X ne se délite pas en un claquement de doigts. L'inertie est telle qu'il faudra du temps pour que le délitement s'opère complètement. Un délitement catastrophique accélèrera la vitesse du délitement, mais probablement pas au point d'en faire un délitement "instantané".

La deuxième précision est que si Threads remplace X, ça ne sera paradoxalement pas une mauvaise nouvelle pour Mastodon. En fait, ce serait même plutôt une bonne nouvelle pour Mastodon. Les deux plateformes sont bâties sur le même protocole — ActivityPub. Concrètement, les utilisateurs de l'une pourront interagir avec les utilisateurs de l'autre. Si Threads attire des centaines de millions d'utilisateurs, les utilisateurs de Mastodon profiteront, eux aussi, de ce nouvel écosystème.

Pour Bluesky, le remplacement de X par Threads serait en revanche une mauvaise nouvelle. À l'origine, Bluesky est un projet (de… Twitter) consistant à développer un protocole alternatif à ActivityPub — AT Proto. Bluesky est bâti sur AT Proto, et pour cette raison, Bluesky n'est compatible ni avec Mastodon, ni avec Threads. Et AT Proto est vraiment trop différent d'ActivityPub pour que Bluesky puisse s'y interfacer facilement.

Voilà pour ce dytique. J'espère que mon exploration des externalités de réseau vous aura intéressé. Si c'est le cas, n'hésitez pas à m'en faire part, ainsi qu'à partager les deux articles autour de vous.

Vous pouvez également soutenir mon travail et m'aider à péreniser L'Économiste Sceptique en adhérant à l'une des formules payantes. L'Économiste Sceptique est intégralement financé par vous, ses lectrices et ses lecteurs.

Pour ma part, j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce diptyique, ainsi qu'à travailler avec les données d'Appfigures.

À bientôt sur L'Économiste Sceptique — et ailleurs,
Olivier

#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?

8 septembre 2023 à 14:25
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?

Chère lectrice, cher lecteur,

Si vous êtes comme moi, la gestion catastrophique de X, anciennement Twitter, par Elon Musk commence sans doute à vous fatiguer. Néanmoins, cette (pénible) agitation présente pour le vulgarisateur de la science économique que je suis au moins un intérêt : elle me donne une occasion d'illustrer le concept d'externalités de réseau — et de documenter ce qu'il se passe lorsque les externalités de réseau se délitent.

Grâce à des données habituellement privées auxquelles j'ai récemment eu accès, je peux (modestement) contribuer au débat sur le possible délitement des externalités de réseau sur lesquelles X est bâti.

Pour rappel, les externalités de réseau émergent lorsque la valeur d'usage d'un réseau (par exemple, un réseau social) augmente avec le nombre d'utilisateurs : plus il y a de personnes qui utilisent le réseau, plus il est intéressant pour les autres personnes de l'utiliser également. Pour une définition complète, je vous renvoie à cet article du Wiki.

#117 · Qu’est-ce que les externalités de réseau ?
Ou pourquoi Facebook et YouTube continuent à dominer malgré les scandales et les polémiques
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?L'Économiste Sceptique - Par Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?

Lorsque les externalités de réseau se délitent, concrètement, cela signifie que le réseau perd des utilisateurs. Pire, le délitement des externalités de réseau peut dégénérer en un cercle vicieux, qu'il est généralement impossible d'enrayer : puisqu'il y a moins d'utilisateurs, la valeur d'usage pour les utilisateurs restant diminue, augmentant la probabilité qu'ils partent eux aussi. Myspace est un exemple de réseau social dont les externalités de réseau se sont délitées.

L'article d'aujourd'hui est la première partie d'un diptyque. Dans le diptyque, je vais explorer si, oui et non, les externalités de réseau sur lesquelles X est bâti sont en train de se déliter. Les données à ma disposition suggèrent que c'est effectivement le cas. Et je suspecte qu'il est sans doute déjà trop tard pour que X parvienne à arrêter le processus. Au-delà des conclusions, je suis surtout intéressé par le raisonnement, et par les concepts, qui me permettent de parvenir à cette conclusion.

Dans la première partie du diptyque, je vais m'intéresser à X. Dans la deuxième partie, je vais élargir au marché du micro-blogging.

Le contexte

X, anciennement Twitter, est un réseau social de micro-blogging. Le micro-blogging consiste à publier de courtes publications, principalement textuelles, généralement en public.

Le marché du micro-blogging a pendant longtemps été dominé par Twitter — et continue à être dominé par X, au moins pour le moment. Des concurrents comme Mastodon, Bluesky ou encore Threads existent, mais aucun n'a un nombre d'utilisateurs équivalent, ou même proche, de celui de X.

En octobre 2022, le milliardaire Elon Musk a racheté Twitter. Depuis, il a pris une série de décisions catastrophiques, série qui ne semble pas s'arrêter. Pour un historique d'octobre 2022 à avril 2023, vous pouvez lire l'article 126.

#126 - Elon Musk est en train de détruire Twitter
Voici un résumé de ce qui est arrivé à Twitter depuis son rachat par Musk en octobre 2022. Accrochez-vous, c’est édifiant.
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?L'Économiste Sceptique - Par Olivier Simard-CasanovaOlivier Simard-Casanova
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?

Depuis la prise de contrôle de Twitter par Elon Musk, de nombreuses données suggèrent que les externalités de réseau de Twitter, puis X, sont en train de se déliter. Par exemple, Cloudflare a mesuré que le trafic vers le domaine twitter.com était en baisse continue depuis le début de 2023.

Twitter traffic sinks in wake of changes and launch of rival platform Threads
Data shows the micro-blogging website has been shedding users since early 2023, not long after Elon Musk’s takeover
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?The GuardianJosh Taylor
#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?

Dans le même temps, Twitter, puis X, a cessé d'utiliser les indicateurs standards pour communiquer les données d'usage de sa plateforme. Elon Musk parle de "secondes passées sur l'application", un indicateur qui, à ma connaissance, n'est utilisé que par X. Le recours à un indicateur non-standard suggère que les données internes de X ne sont pas bonnes, obligeant l'entreprise à des contorsions rhétoriques pour masquer une possible diminution du nombre d'utilisateurs.

Les données

Comme je l'écris dans l'introduction, le diptyque se base sur des données habituellement privées auxquelles j'ai eu accès. L'entreprise Appfigures a eu la gentillesse de partager gratuitement et sans conditions des données avec moi — merci à Frank.

Appfigures suit (notamment) l'évolution du rang auquel se classent les applications les plus téléchargées dans l'App Store (sur iOS et iPadOS) et le Play Store (sur Android) au cours du temps. Appfigures m'a transmis le classement de Twitter, et de quelques autres applications de réseaux sociaux, en France et aux États-Unis dans l'App Store entre le 1er janvier 2022 et le 18 août 2023.

X en perte de vitesse

Sans grande surprise pour qui fréquente X, les données sont mauvaises pour le réseau d'Elon Musk.

Comme le montrent les courbes d'ajustement de la Figure 1, le classement de Twitter, puis X, toutes catégories d'application confondues ne cesse de s'éroder depuis le 1er janvier 2022. Le classement s'érode aux États-Unis comme en France.

#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?
Figure 1

Alors que Twitter était généralement classé dans le top 25 des applications les plus téléchargées, X se classe désormais dans le top 60. Cette baisse suggère que X est moins téléchargé aujourd'hui qu'au début de 2022.

Si l'on se limite à la période postérieure à la prise de contrôle de Twitter par Elon Musk (Figure 2), la tendance est là aussi à la baisse. Et ce, depuis quasiment le début. Aux États-Unis, la dégradation du classement de X s'est particulièrement accélérée depuis juillet 2023 — lorsque Twitter a limité le nombre de publications que les utilisateurs peuvent lire et publier (fin juin), puis lorsque Elon Musk a annoncé le changement de nom de Twitter en X (fin juillet).

#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?
Figure 2

Un classement n'est pas équivalent à des données sur le nombre de téléchargements. Il est possible que le nombre de téléchargements de l'application X ait augmenté, et qu'en même temps, le nombre de téléchargements de toutes les autres applications du top 60 aient augmenté encore plus. Dans ce cas, X pourrait avoir gagné des utilisateurs, et pour autant avoir perdu des places dans le classement. L'hypothèse me semble cependant peu probable.

Une autre limite des données de classement est qu'elles ne disent rien sur l'écart du nombre de téléchargements entre les applications classées. Est-ce que l'application classée numéro 1 est téléchargée dix fois plus que l'application classée numéro 2, ou est-elle seulement téléchargée 1 % de plus ? Si l'écart est faible, une petite baisse du nombre de téléchargements peut faire rapidement chuter une application dans le classement. Si l'écart est important, une baisse dans le classement implique une importante baisse du nombre de téléchargements. N'ayant pas de données sur les écarts, il est difficile de conclure.

Pour autant, la chute de Twitter, puis X, est substantielle, aux États-Unis comme en France. Ce qui suggère que le nombre de téléchargements de l'application ait, lui aussi, baissé de manière substantielle. L'hypothèse est d'autant plus probable qu'elle est cohérente avec les données de Cloudflare, et plus généralement, avec l'important rejet que les décisions d'Elon Musk génèrent de la part des utilisateurs de Twitter, puis X.

Si X est moins téléchargé, cela signifie que X perd des utilisateurs. Et non seulement, la baisse ne s'arrête pas (les courbes d'ajustement sont décroissantes), mais semble même s'accélérer (les courbes d'ajustement sont de plus en plus décroissantes). D'après moi, ces données sont cohérentes avec celles que l'on observerait si X était pris dans un cercle vicieux de délitement de ses externalités de réseau.

Des concurrents qui en profitent ?

Jusqu'à la prise de contrôle de Twitter par Elon Musk, le marché du micro-blogging était dominé par Twitter. Mastodon existe depuis 2017, mais n'avait qu'environ 600.000 utilisateurs mensuels actifs avant la prise de contrôle. En comparaison, Twitter en avait plusieurs centaines de millions.

Pour autant, en quelques mois, Mastodon a multiplié quasiment par quatre son nombre d'utilisateurs mensuels actifs. Deux autres réseaux sont entrés sur le marché, Bluesky (qui, contrairement à ce qu'on entend parfois, n'est pas vraiment le réseau de Jack Dorsey) et Threads, de Meta. Threads a pulvérisé le record d'adoption d'un nouveau produit tech, record jusqu'ici détenu par ChatGPT. En moins d'un an, le marché du micro-blogging est devenu beaucoup plus concurrentiel.

Lorsqu'il existe une alternative au réseau dont les externalités de réseau sont en train de se déliter, le risque que le délitement entre dans un cercle vicieux augmente. Ces nouveaux (et moins nouveaux) entrants sont-ils en train de remplacer X ? Pour le moment, non. Mais si j'étais à la tête de X, je pense que je serais terrifié par la Figure 3.

#138 - X, anciennement Twitter, est-il en train de se déliter ?
Figure 3

Dans la deuxième partie du diptyque, j'expliquerai pourquoi je pense que la Figure 3 devrait terrifier la direction de X. Et plus généralement, pourquoi je pense qu'il est sans doute déjà trop tard pour arrêter le délitement des externalités de réseau de X.

Pour ne pas manquer cette deuxième partie, n'hésitez pas à vous abonner à la newsletter de L'Économiste Sceptique.

À bientôt sur L'Économiste Sceptique — et ailleurs,
Olivier

#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation

1 septembre 2023 à 15:56
J'avais prévu de publier cet article vendredi dernier. En le finalisant, je me suis rendu compte qu'il contenait une importante erreur. J'ai préféré décaler sa publication afin de corriger l'erreur.
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation

Chère lectrice, cher lecteur,

Dans l'article 134 sur l'épisode d'inflation aux États-Unis, j'ai écrit que le système économique américain ne s'est pas tout à fait comporté selon les prédictions des modèles macroéconomiques. Ce décalage entre les prédictions et les observations est une bonne occasion d'illustrer comment les énigmes scientifiques émergent dans la science économique, et comment les aborder avec rigueur.

#134 - Quelle théorie a le mieux expliqué l’épisode d’inflation aux États-Unis ?
Les théories spectaculaires ne sont pas forcément les plus efficaces pour expliquer le réel
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflationOlivier Simard-CasanovaL'Économiste Sceptique - Par Olivier Simard-Casanova
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation

Commençons par les prédictions. Grâce à la courbe de Phillips, la théorie macroéconomique standard prédit qu'à court terme, il n'est pas possible de lutter en même temps et contre l'inflation, et contre le chômage. Si la banque centrale mène une politique monétaire anti-inflation, le chômage augmentera. Si l'État mène une politique de lutte contre le chômage, l'inflation augmentera. On dit qu'il existe un arbitrage entre chômage et inflation.

#106 · Comment lutter contre l’inflation ?
La politique monétaire, pilotée par la banque centrale, est la principale politique publique pour lutter contre l’inflation. Mais elle n’est pas la seule.
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflationOlivier Simard-CasanovaL'Économiste Sceptique - Par Olivier Simard-Casanova
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation

Or, aux États-Unis, le récent épisode d'inflation, auquel la Federal Reserve (Fed) a répondu avec une politique monétaire anti-inflation relativement classique, n'a pas été associé à une augmentation du chômage. Le chômage aurait dû augmenter, même un peu. Or, comme le montre la Figure 1, il n'a pas du tout augmenté.

#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation
Figure 1

Par contraste, la Figure 2 montre l'évolution du taux de chômage et du taux d'inflation entre 1972 et 1985. On voit que lorsque l'inflation diminue, le chômage a tendance à augmenter. C'est par exemple le cas entre 1980 et 1983.

#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation
Figure 2

Peut-être que sans la politique monétaire anti-inflation de la Fed, le taux de chômage aurait baissé encore davantage. Ce contrefactuel n'est en réalité pas envisageable : il est difficile pour le taux de chômage de baisser en dessous de 3.5 %. En d'autres termes, le chômage est déjà à son niveau minimum et n'aurait pas pu baisser davantage. La prédiction de la courbe de Phillips de court terme semble bel et bien ne pas s'être matérialisée.

Je vous propose de représenter ces données comme on le fait avec une courbe de Phillips : en abscisse, le taux de chômage, en ordonnées, le taux d'inflation. J'ai séparé les données en plusieurs sous-périodes, en me basant sur la littérature sur la courbe de Phillips (pour les trois premières périodes, et pour les trois dernières).

#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation
Figure 3

Il y a beaucoup d'information sur le graphique. Prenons le temps de les détailler.

L'information qui m'intéresse, c'est la pente des différentes droites d'ajustement. Chaque droite "résume" la relation statistique entre le chômage et l'inflation pour chaque période. La première droite (points turquoises) correspond par exemple à la période 1955-1971. À part pour la période 2022(Q2)-2023 (étoiles dorées), les pentes sont systématiquement négatives (les droites "vont vers le bas").

Sous réserve qu'un ajustement linéaire soit une bonne approximation des différents nuages de points, la pente négative signifie que pour chaque période, il existe une relation négative entre le taux de chômage et le taux d'inflation : si l'un augmente, l'autre diminue — et inversement. C'est tout le message de la courbe de Phillips de court terme.

Pour autant, on voit que la pente de la droite pour 2022(Q2)-2023 est inversée : elle est croissante ! Si on isole cette seule période, cette pente différente des autres droites d'ajustement apparaît clairement.

#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation
Figure 4

Comme l'illustre la Figure 3, la pente de la droite d'ajustement peut varier d'une période à l'autre. Cette variation de la pente signifie que l'intensité de l'arbitrage entre inflation et chômage est plus ou moins forte selon les périodes. Mais depuis juillet 2022, la relation entre inflation et chômage n'a pas seulement changé d'intensité. Elle a même changé de sens !

Sur les Figures 3 et 4, j'ai ajusté la période depuis juillet 2022 avec une droite. Il me semble que l'on peut plutôt argumenter que la droite d'ajustement pour la période 2022(Q2)-2023 est verticale. C'est en tout cas ce que suggère la Figure 5.

#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation
Figure 5

Une droite verticale signifie qu'il n'y a pas (ou plus) d'arbitrage entre inflation et chômage.

Dans le détail, il y a deux courbes de Phillips : la courbe de court terme, et la courbe de long terme. Le consensus scientifique est que la courbe de long terme est une droite verticale : à long terme, il n'y a pas d'arbitrage entre inflation et chômage. À court terme, par contre, il y a un arbitrage. En toute vraisemblance, les données américaines montrent que la courbe de Phillips de court terme est devenue elle aussi verticale, au moins sur la période 2022(Q2)-2023.

Comment expliquer cette énigme scientifique ? Je n'ai bien évidemment pas la réponse. Pour autant, il me semble que l'on peut d'ores et déjà faire quelques commentaires.

Le premier commentaire est que des travaux récents montrent que la courbe de Phillips a commencé à devenir davantage verticale dès 2021 (donc avant l'épisode d'inflation).

The Recent Steepening of Phillips Curves - Federal Reserve Bank of Chicago
The Phillips curve captures the empirical inverse relationship between the level of inflation and unemployment. The reciprocal of its slope, sometimes referred to as the “sacrifice ratio,” represents the increase in the unemployment rate associated with a 1 percentage point reduction in the inflatio…
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflationBart HobijnFederal Reserve Bank of Chicago
#137 - Cette énigme scientifique autour du récent épisode d'inflation

Le second commentaire, lié au premier, est qu'il y a peut-être eu une transformation du système économique américain du fait de la COVID. De nombreuses chaînes logistiques se sont transformées. Le marché du travail s'est transformé. Est-ce que ces transformations du système économique expliquent pourquoi les prédictions de la courbe de Phillips de court terme ne se sont pas matérialisées ? Je ne sais pas. Mais il me semble que l'hypothèse n'est pas invraisemblable.

Le troisième commentaire concerne les autres pays. Ont-ils connu, eux aussi, une "verticalisation" de leur courbe de Phillips de court terme ? Je n'ai pas vérifié. Mais selon que le phénomène est spécifique aux États-Unis, ou plus général, il me semble que l'explication de cette transformation substantielle de la courbe de Phillips de court terme pourra être différente.

Le quatrième commentaire est que cet "échec" des prédictions de la courbe de Phillips de court terme est une bonne nouvelle. La lutte contre l'épisode d'inflation ne s'est pas faite au prix d'une augmentation du chômage. On a pu faire diminuer l'intensité d'un phénomène économique néfaste (l'inflation) sans faire augmenter l'intensité d'un autre phénomène économique néfaste (le chômage).

Même si, à l'avenir, la courbe de Phillips de court terme reprend une pente négative aux États-Unis, le simple fait qu'elle soit devenue verticale pendant au moins cet épisode d'inflation est une authentique énigme scientifique. Je n'ai guère de doute que de nombreux macroéconomistes travaillent d'ores et déjà à essayer de l'expliquer. Car c'est ainsi que l'on résout les énigmes scientifiques dans la science économique : dans la littérature scientifique. Pas dans une newsletter comme L'Économiste Sceptique. Pas sur les plateaux télé. Pas en superposant des graphiques comme le font certains magazines économiques que je préfère ne pas citer, qui semblent complètement ignorer que corrélation n'est pas causalité. Et encore moins en utilisant ses seules observations personnelles.

Si vous avez aimé cet article de décryptage, vous pouvez soutenir mon travail et accéder à tout mon contenu en adhérant à l'une des formules payantes.

Même s'il m'a donné du fil à retordre, j'ai pris beaucoup de plaisir à l'écrire. La macroéconomie peut parfois s'avérer fascinante. Comme quoi !

À bientôt,
Olivier

Daniel Cohen est mort

J'apprends par Le Monde que Daniel Cohen est mort. Daniel Cohen a été un brillant chercheur en science économique. Il aura permis à une génération d'économistes français également brillants d'émerger, et d'apporter des contributions scientifiques décisives à la littérature en économie.

Le décès de Daniel Cohen est une bien triste nouvelle. J'adresse mes condoléances à sa famille, ses proches, ainsi qu'à toutes les personnes qui ont eu la chance de croiser son chemin.

L’économiste Daniel Cohen est mort
Spécialiste de la dette souveraine, professeur à l’Ecole normale supérieure et membre fondateur de l’Ecole d’économie de Paris, Daniel Cohen est mort, dimanche. Il avait 70 ans.
Philippe EscandeLe Monde
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