[TEST] Indiana Jones et le Cercle Ancien : l’aventure feel good avec un beau chapeau
Initialement teasé en 2021, il a fallu attendre janvier 2024 pour avoir la confirmation qu’Indiana Jones et le Cercle Ancien serait bien un FPS. Développé par MachineGames, jusque-là responsable de la renaissance de la licence Wolfenstein, et produit par nul autre que le mythomane professionnel Todd Howard, on craignait un nouveau massacre de notre cher Indy. Heureusement, il n’en est rien, et nous sommes les premiers heureux de constater que notre habituel cynisme était infondé. MachineGames livre un très bon jeu d’aventure qui respecte les trois premières œuvres de Steven Spielberg avec une expérience centrée sur l’exploration, la résolution de puzzles, et ce qu’il faut d’action pour calmer des fascistes à coup de poings.
Genre : Action-aventure | Développeurs : MachineGames| Éditeur : Bethesda Softworks | Plateforme : Steam, Game Pass | Prix : 69,99 € | Langues : Français ou anglais | Date de sortie : 09/12/2024 | Durée : Entre 15 et 30h
Test effectué sur la version Game Pass.
Indy a perdu son chat
Afin d’assurer un maximum de fan service, Indiana Jones et le Cercle Ancien s’ouvre sur un remake de la séquence d’intro des Aventuriers de l’Arche Perdue, cette fois à la première personne. C’est l’occasion de constater que le jeu est très beau. La jungle luxuriante et les rayons du soleil passant entre les feuilles nous immergent complètement dans cette scène mythique ; même Satipo est crédible. Et comme c’est de l’id Tech 7, les performances sont excellentes, avec entre 70 et 90 fps en 1440p natif sur un 5800X3D et une 7800XT. La direction artistique rappelle celle des jeux Arkane : on est proche du photoréalisme mais avec un côté cartoon qui embelli la réalité. On croit se promener dans les décors des films, sans pour autant avoir l’impression que tout est en carton-pâte. Le plus gros point noir est que le jeu utilise le ray tracing au niveau software pour la gestion des lumières et on retrouve les mêmes écueils que sur S.T.A.L.K.E.R. 2, à savoir des ajustements de visibilité entre extérieurs et intérieurs très long à la détente (de l’ordre de la seconde) et parfois l’absence d’ombre sur certains assets, ou qui changent brutalement selon l’angle de vue. Malgré cela, Indiana Jones et le Cercle Ancien est très beau, et ce, autant dans les niveaux linéaires que ceux plus ouverts.
En effet, si la première prise en main est sur rails, la deuxième phase du didacticiel dans l’université, le Marshall College, nous donne un meilleur aperçu de ce que nous réserve l’aventure. Après s’être fait casser la gueule par un type de deux mètres cinquante, nous sommes libres d’explorer une partie de l’université, et résoudre notre première énigme gentillette, pour découvrir que le malandrin a piqué une momie de chat parmi les artefacts exposés dans le musée. Le MacGuffin est en place, Indiana se lance à la recherche du mystérieux individu venu du Vatican.
L’action-aventure, quand c’est pas signé Sony, c’est pas chiant
Comme on l’avait compris avec les previews, on est avant tout face à un jeu d’aventure. Les passages dirigistes rappellent fortement les films avec leurs enchaînements de puzzles — très simples, même en difficulté « modérée», la plus élevée — et de phases d’infiltrations qui peuvent dégénérer en festival de baffes. Je redoutais ces sections, les imaginant parfaitement ennuyeuses. Pourtant, elles m’ont agréablement surpris : malgré quelques longueurs, elles nous gardent en haleine grâce aux environnements traversés et à la sensation de percer un mystère vieux de plusieurs milliers d’années. Je regrette juste l’abondance d’épreuves de plateforme qui finissent par être franchement lassantes à la fin du jeu. Les développeurs introduisent de temps en temps de nouvelles mécaniques, mais c’est fondamentalement toujours un enchainement de sauts, de déplacements latéraux, suspendu à d’étroites corniches, et de coups de fouets pour se balancer au-dessus d’un gouffre. Heureusement, MachineGames va plus loin dans la variation du gameplay grâce aux trois cartes ouvertes qu’il nous est permis de parcourir comme bon nous semble.
Les doublages sont d’excellente qualité. Pour la VO, Troy Baker reproduit presque parfaitement le jeu d’acteur du Harrison Ford de l’époque. Pour la VF, c’est Richard Darbois qui reprend du service, et nous offre une performance à la hauteur de son travail pour les films.
On va tout de suite mettre fin aux divagations de certains Grands Journalistes : non, Indiana Jones et le Cercle Ancien n’est pas un immersive sim. Certes, le level design des zones à l’exploration libre offre parfois plusieurs moyens d’accéder à un endroit, comme des échafaudages nous assenant à coup de peinture blanche où accrocher notre fouet, des fenêtres ouvertes, ou encore des portes dont on aura trouvé la clef au préalable. Mais les similitudes s’arrêtent là. Pas de gameplay émergent ici, toutes les manières de résoudre un problème sont strictement prévues par les développeurs, et les puzzles n’ont notamment qu’une seule et unique solution. Il n’empêche que l’exploration de ces environnements ouverts, et la résolution de quêtes et énigmes annexes de manière organique à mesure qu’on avance dans l’histoire principale, est un vrai plaisir. Pour nous récompenser de nos découvertes, le jeu nous gratifie de points d’expérience et de livres permettant d’augmenter nos capacités comme l’endurance, notre efficacité au corps-à-corps, ou encore la taille de notre inventaire. De manière générale, les niveaux fourmillent de secrets, de documents ou autres objets à collectionner, et il faut sans doute passer beaucoup de temps dans chaque niveau pour tout trouver. Pour vous inciter à explorer toujours plus, le jeu vous prend parfois par la main via un PNJ qui vous donne directement un objectif secondaire, mais si vous voulez tout voir, il faudra vous donner du mal. Ou acheter la liste des quêtes et mystères du niveau en cours auprès du marchand local. Et si vous n’avez pas tout trouvé lors de votre premier run, il vous est toujours possible de revenir dans les précédentes cartes après avoir fini le jeu. Ça n’a aucun sens scénaristique, mais j’imagine que ça ravira les complétionnistes chroniques. Et comme on incarne Dr. Jones dans les années 30, des représentants de régimes politiques autoritaires cherchent à nous importuner.
Du sound design de la pelle
Pour nous défaire de nos adversaires, et comme dans beaucoup de jeux, on a le choix entre infiltration et attaque frontale. Il est cependant peu recommandé de combattre plus de trois ou quatre ennemis à la fois, et éviter la bagarre reste la solution à privilégier, surtout au début. Le système est très basique avec des ennemis ayant un champ de vision restreint, même en poussant la difficulté, et une ouïe pour le moins inconstante : parfois capable de nous entendre courir à travers une fenêtre deux étages au-dessus de leur tête — on se demande d’ailleurs pourquoi ça les inquiète tant — et parfois entièrement absorbés par leurs pensées alors qu’on plonge dans un lac souterrain à cinq mètres d’eux. Ça casse un peu l’immersion, mais c’est finalement raccord avec les films, puisque les méchants y sont souvent assez neuneus. Toujours pour coller à l’univers, Indiana peut revêtir une tenue locale pour passer inaperçu parmi les PNJ. Attention, n’espérez pas un équivalent de ce que propose Hitman : on a un déguisement obligatoire qui correspond au niveau en cours, et si on remet notre fedora, tous les gardes nous tombent dessus, et c’est tout. Le problème est que l’infiltration devient rapidement plus chiante qu’autre chose, notamment à cause des officiers qui peuvent voir à travers votre déguisement même en dehors des camps militaires. D’ailleurs, ces camps sont malheureusement des passages obligés au moins une fois dans chacun des trois niveaux ouverts. Je dis malheureusement, car le gameplay d’infiltration est bien loin des cadors comme Dishonored. En cause, un level design souvent trop dirigiste et une IA trop imprévisible dans ses réactions. On s’en sort tout de même après deux ou trois essais, et même si on ameute toute la faune locale, tant qu’on a accompli notre tâche auparavant, il est très facile de semer nos poursuivants.
Lorsqu’on est obligé d’en venir aux mains, soit parce qu’on s’est fait repéré, soit parce que le jeu force l’affrontement, on a loisir d’utiliser à peu près tous les objets contondants à notre portée. On déblaye joyeusement notre route à coup de balayette, matraque, ou résonnante pelle. Et dès l’instant où notre arme improvisée se brise sur un crâne trop entreprenant, s’ensuit une recherche frénétique pour un nouvel ustensile. On pourra évidemment aussi jouer des poings, avec une combinaison basique de coups forts, coups faibles, et parade qui fait bien l’affaire. Les sensations d’impact sont très bonnes, bien aidées par le sound design qui reprend les bruitages des films. Le fouet d’Indy se montre également utile pour désarmer nos adversaires, ou les tirer vers nous pour une distribution d’arguments percutants. Les munitions sont rares, mais on a bien la possibilité d’utiliser des armes à feu, dont le six-coups iconique qui ne quitte pas notre inventaire diégétique. On a souvent l’occasion d’utiliser les armes des soldats ennemis, mais on ne peut ni les recharger, ni les conserver dans notre inventaire. Un autre point noir à noter ici, les nazis encaissent très bien les balles. Ainsi, même si les flingues sont réussis sur la partie sonore et les impacts — on serait bien passé de cette saloperie de hit marker digne d’un Call of Duty —, la sensation de puissance en prend un coup, sauf pour le shotgun qui one shot les nuisibles à courte portée. Comme dans les films, les combats sont très « tout public », donc pas d’effusion de sang, et le ton léger et comique est appuyé par les répliques d’Indy.
Un jeu pour les fans, fait par des fans
À la lecture de ces trop longs paragraphes, vous vous dites probablement qu’Indiana Jones et le Cercle Ancien est un jeu d’action-aventure moyen, calibré pour le plus grand nombre, et ne proposant rien d’autre qu’une licence à succès, toute bien retranscrite soit-elle. Et c’est en partie vrai : un bon produit AAA avec peu de bugs, hormis quelques problèmes de collision et de clipping, et un jeu assez facile qui a l’avantage ne pas être frustrant. Là où MachineGames fait mieux est dans les variations de gameplay grâce à ce mélange d’exploration, de résolution, d’énigmes, d’infiltration, et de combats. Si chacun de ces éléments n’est pas d’un niveau exceptionnel — sauf pour la partie exploration qui, pour moi, est excellente — l’aventure prise dans son ensemble offre un très bon divertissement. Même les nombreuses cinématiques, dont j’ai horreur dans les jeux vidéo, sont bien réalisées et bien écrites. Les plans et gags font régulièrement référence aux films, et ce, jusque dans les mimiques d’Harrison Ford. Évidemment, parfois ça ne marche juste pas à cause d’expressions faciales pour le moins étranges, ou de répliques qui se déclenchent un poil trop tard, mais cela reste sans doute la meilleure production Indiana Jones depuis Le Mystère de l’Atlantide.
Et c’est là qu’est l’autre grande force du titre : si vous aimez Indiana Jones, le jeu est fait pour vous. On voyage aux quatre coins du globe, de la cité du Vatican tout en verticalité et truffée de passages secrets, à Gizeh au milieu de sites de fouilles archéologiques révélant des tombeaux clos depuis des millénaires, en passant par la jungle du Sukhotaï et ses temples renfermant des mécanismes impossibles que l’on remet en marche pour se frayer un chemin jusqu’à l’artefact convoité.
Un très bon jeu pour les nostalgiques de l’archéologue au fedora
Capturer et reproduire la magie de la licence Indiana Jones n’est pas chose facile, encore moins en jeu vidéo. Si on n’a pas de goût, on peut éventuellement jouer à Uncharted, et on évite habituellement de mentionner ce genre d’infamie dans nos colonnes. Avec Indiana Jones et le Cercle Ancien, MachineGames ne révolutionne pas le genre de l’action-aventure, mais propose un vrai bon épisode de la saga de notre professeur d’archéologie préféré. Entre la découverte de ruines oubliées, la résolution de mystères qui remontent aux prémisses de l’humanité, et le claquage de vilains en uniforme, on revit avec plaisir les émotions qu’on a ressenties aux visionnages des films des années 80. Il faut cependant être conscient que si vous n’avez pas vu les films, il est fort possible que votre expérience ne soit aussi positive que la mienne, tant l’intérêt du titre réside dans son univers et son ambiance. Et si vous n’aimez pas Indiana Jones, partez, et ne revenez pas.
Vous vous perdez dans l’immensité du catalogue Steam ? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à séparer le bon grain de l’ivraie.