Arduino Uno Q : une concurrente pour Raspberry Pi
Avec le rachat d’Arduino par Qualcomm, les lignes vont certainement bouger. La carte Arduino Uno Q débarque et se positionne frontalement face aux solutions Raspberry Pi. Avec des arguments de poids : prix, capacités et environnements.
Au recto, le SoC Qualcomm QRB2210, à gauche le module sans fil et son antenne
Pendant que les avocats des deux parties négociaient ce rachat et les modalités qui en découlent d’un point de vue gouvernance. Les ingénieurs d’Arduino et de Qualcomm se réunissaient pour définir la génétique de la nouvelle carte Arduino Uno Q. Un ADN qui emploie une double hélice composée d’un Soc Qualcomm Dragonwing QRB2210 et un microcontrôleur externe, un STM32U585. Il peut sembler étrange de faire appel à deux composants principaux pour une seule carte étant donné la simplicité de création d’un microcontrôleur face aux puces que Qualcomm est capable de proposer. Mais c’est en réalité très logique puisque les deux entités ont des fonctions très différentes.
Au verso, le STM32U585 et la seconde paire de broches
Le QQRB2210 est un SoC ARM classique sur une base de quatre cœurs Cortex-A53 capables de grimper à 2 GHz. Son circuit graphique est sans surprise un Adreno 702 qui peut atteindre 845 MHz. Qualcomm met l’accent sur les capacités de vision de sa solution avec un ISP sur 18-bits qui pourra prendre en charge un capteur d’images 25 Mégapixels ou deux solutions 13 Mégapixels. De quoi mieux comprendre son environnement en robotique.
Le petit STM32U585 est une solution ARM monocœur en Cortex-M33 à 160 Mhz. Il serait probablement possible de créer une puce unique avec des chiplets combinant les deux univers sur un seul DIE, mais ce serait d’abord affreusement cher à produire et ensuite très « figé » dans le temps. Rien n’empêche un jour Arduino/Qualcomm de changer de composants et cette implantation en deux éléments facilitera cette tâche.
Arduino Uno Q : « From blink to think »
Sur la page de Qualcomm concernant la carte Arduino Uno Q, on peut lire cette devise, qu’on peut traduire par quelque chose comme « De clignoter à penser ». C’est un message très clair pour tous ceux qui ont déjà posé une carte Arduino devant eux et ouvert un manuel pour apprendre à s’en servir. Le tout premier exercice que l’on réalise est toujours le même. Pour comprendre comment fonctionne la structure de la programmation de cet outil, on suit un exemple simple, qui consiste à faire clignoter une LED avec la commande « blink« . Avec cette phrase, la carte propose déjà son programme. Passer des montages simples et classiques à des possibilités plus impressionnantes. On peut en effet lire le « blink » renvoyant comme un « réflexe instantané » à l’inverse d’un « think » qui renvoie à des réflexions plus profondes. Cela n’a l’air de rien, mais c’est un message très clair qui ouvre Arduino vers une nouvelle dimension d’usages.
Les cartes classiques de la marque ont été pensées pour proposer une base de travail abordable et simple d’approche pour initier les gens à toutes sortes de créations. Cette idée a fait le succès de la marque qui a trouvé un écho favorable autant chez les utilisateurs les plus chevronnés que chez les débutants. Avec une carte Arduino et un tout petit peu de matériel électronique, il est possible de concevoir des centaines de montages simples en robotique, en domotique, en IoT. Un enfant en primaire peut facilement construire une vraie batterie de détecteurs variés et comprendre très facilement comment les programmer avec une de ces cartes.
Impossible par contre d’aller plus loin. On reste sur une solution de microcontrôleur qu’on programme en amont avec des ordres simples. Si le détecteur détecte alors réagit comme cela. Par exemple, si un capteur de lumière capte la tombée de la nuit on demandera à Arduino de réagir en actionnant un circuit qui allumera la lumière. Au-delà de ce type d’usages, il existe également une foule d’exploitations plus complexes avec diverses variables plus complexes néanmoins la structure est toujours assez basique.
La carte Arduino Uno Q change de dimension en proposant la prise en charge d’un système d’exploitation Linux. Au même titre qu’un Raspberry Pi par exemple. En combinant le contrôleur d’un côté et une puce capable de faire tourner un système de l’autre on peut varier les usages de ce contrôleur à l’infini. Non seulement réagir à ce que détectent des capteurs mais conditionner cette réaction à d’autres éléments, internes ou externes. Ce n’est pas le premier intégrateur à proposer des solutions de ce type, d’autres existent déjà sur le marché avec des puces ARM, RISC-V ou x86 : les cartes BeagleBoard proposent ce genre de carte sous SoC ARM ou RISC-V. Des solutions signées LattePanda ou Radxa proposent la même chose avec une puce Intel et un RP2040.
Arduino Pro Portenta X8
Arduino lui même a proposé des cartes de ce type avec la Arduino Pro Portenta X8 équipée d’une puce ARM capable de piloter une solution Linux et d’un microcontrôleur en soutien. Avec toutefois un bémol pour cette dernière, son tarif élevé, puisque la marque l’orientait pour un marché industriel uniquement : la carte Arduino Pro Portenta X8 est proposée à 223€.
On comprend donc ici tout l’enjeu de cette nouvelle voie tracée par la société bicéphale : Arduino UNO Q veut réunir les deux mondes pour un prix plus abordable. Lui offrir un support Linux complet avec le support de Debian 13 et Yocto sans perdre le riche héritage Arduino classique avec une prise sur le réel au travers de son contrôleur : des muscles et un cerveau.
Un équipement plus communicant
Cette ouverture sur le monde se fera aussi au travers d’un support vers l’extérieur. La carte embarque un module Qualcomm WCN3980 en Wi-Fi5 et Bluetooth 5.1 avec une antenne intégrée. S’alimentera avec un port USB 3.1 Type-C pour une exploitation facile sur batterie mais également pour une connexion plus aisée à d’autres périphériques. Avec un dock adapté, on pourra retrouver des ports USB, des sorties vidéo, de la connectivité réseau Ethernet et autres prises jack, webcams et lecteurs de cartes. Il sera par ailleurs possible d’alimenter la carte en 5V via ses brochages.
Le SoC Dragonwing QRB2210 sera épaulé par de la mémoire vive en LPDDR4 de 2 à 4 Go et d’un module de stockage soudé allant de 16 à 32 Go en eMMC non détaillé. Arduino met en avant le fait que sa solution n’aura pas besoin d’une carte MicroSD pour fonctionner mais semble oublier que cela oblige à se cantonner à 32 Go de stockage maximum3.
Le format Qwiic
On retrouve autour de la carte les brochages UNO habituels avec les entrées et sorties classiques. Un connecteur au format Qwiic, développé par Sparkfun, très pratique pour du prototypage aisé ou avec des plus petits. Deux connecteurs MIPI-CSI permettront à la carte de voir le monde avec des capteurs d’image. Un MIPI-DSI sera également présent pour de l’affichage externe.
Un point très intéressant proposé par la carte est dans la présence d’une matrice de LEDs assez complète pour diffuser des messages lisibles. Avec 8 rangées de 13 LEDs, il est possible de faire défiler du texte, d’afficher des icônes compréhensibles, ce qui va permettre un dialogue visuel entre la carte Arduino UNO Q et un utilisateur. Cela peut sembler assez gadget, mais cela fonctionne extrêmement bien en termes d’apprentissage. On a connu le même système de LEDs embarquées sur les cartes micro:bit par exemple et beaucoup d’usages ont été faits des petites LEDs que la carte proposait dans son dos.
Le tout entre sur une carte de 6.88 cm de large pour 5.33 cm de profondeur. L’ensemble est proposé en Open-Hardware du moins pour la partie technique de la carte. Les puces sont évidemment protégées par leurs créateurs. On retrouve ainsi le détail de l’ensemble dans une documentation très complète. La carte Arduino UNO Q est proposée à 39€ en version 2/16 Go et sera vendue à 53€ en Novembre en version 4/32 Go. Une carte Raspberry Pi 5 en version 2 Go sans stockage est proposée à 55€, une version 4 Go est à 67€.
Quel avenir pour cette carte ?
Avec un parc installé comprenant des dizaines de millions d’utilisateurs, une présence remarquable dans les secteurs de l’industrie et de l’éducation, l’avenir est rose sur le papier. On imagine facilement qu’au vu des tarifs demandés, quantité de développeurs et hobbyistes de tous poils vont avoir envie de tester la UNO Q pour voir ce qu’il est possible de faire avec. Des aficionados des solutions Raspberry Pi vont également chercher a se frotter à l’appareil pour se faire un avis.
Le prochain cap à passer pour la solution sera précisément dans l’accueil de tous ces curieux. Comment ce produit et son nouveau système de développement vont séduire les utilisateurs. Arduino App Lab, l’environnement de programmation dédié, a évolué pour prendre en charge plus de choses et notamment l’arrivée de Linux et de l’IA en plus du très classique développement sous Python.
Je ne sais pas ce qu’en penseront mes lecteurs mais, pour ma part, j’ai senti un net désintérêt ces derniers mois pour les solutions Raspberry Pi. Certains utilisateurs qui y voyaient simplement un « ordinateur pas cher » en sont « revenus ». Trouvant plus de puissance pour un prix équivalent du côté des MiniPC Intel Nxxx. Ceux qui cherchaient un Raspberry Pi pour des montages dédiés sont évidemment toujours là, mais les créations originales ont baissé en quantité. Il fût une époque ou pas une semaine ne passait sans qu’un projet m’enthousiasme assez pour passer deux heures à rédiger un compte rendu sur le blog. Je ne suis pas le seul à avoir ressenti cette baisse d’intérêt. Plusieurs sites anglophones ont eu la même réaction. Certains ayant même fait disparaitre la rubrique Raspberry Pi autrefois visible sur leur page d’accueil. Les plateformes dédiées comme Reddit croulent depuis toujours plus sous les bugs que les développements originaux mais la proportion de messages interessants est désormais vraiment réduite. Le mouvement de la fondation Raspberry Pi en boite côté en bourse avec un nez rouge pour dire qu’elle aime les enfants a également eu des effets sur son public.
Est-ce que la solution Arduino Uno Q va reprendre ce flambeau ? Ou va-t-elle subir le même marasme ? Difficile à dire aujourd’hui. Qualcomm semble compter sur l’IA pour tirer son épingle du jeu. Le nouvel environnement de programmation (sous licence GPL 3.0) va proposer d’intégrer très facilement des modèles d’IA dans son code. Avec ces éléments déjà entrainés à des tâches, il sera bien plus facile de piloter ce genre d’outils. De la reconnaissance d’objets par exemple ou des mots clés pour réaliser des tâches. On imagine qu’on pourra passer d’une chatière connectée qui réagit à la présence d’une puce RFID sur le collier de Minouche à l’ouverture de la même chatière grâce à la détection de Minouche. D’une lampe qui s’illuminait au bruit d’un claquement de main à la même lampe qui va reconnaitre une phrase dédiée.
Ces usages locaux, par exemple détecter un « trou » dans un stock pour alerter le gestionnaire et lancer le réapprovisionnement, sont utiles. Le fait de les rendre accessibles à de petits budgets sans se casser la tête à les programmer ni passer par un service dans les nuages est un gros point positif. Si la partie logicielle et la partie matérielle se rejoignent autour d’usages demandés et faciles d’accès, la solution aura un futur.
Il faut absolument que Arduino propose un environnement et un accueil au niveau pour que la mayonnaise prenne. Le premier réflexe des utilisateurs chevronnés à l’arrivée de Qualcomm dans l’équation n’est pas forcément très positif. Si le papa des Snapdragons propose sa force de communication et ses équipes pour épauler Arduino dans le développement logiciel autour de sa carte, la garde des développeurs pourra baisser et leur intérêt dépasser leurs appréhensions.
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