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Reçu aujourd’hui — 10 octobre 2025

La Cour des comptes juge «crédible et réaliste» la trajectoire de déficit 2025

EXCLUSIF - Le Haut Conseil des finances publiques estime que le solde budgétaire pourrait atteindre la cible fixée par le gouvernement.

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Le Haut Conseil des finances publiques doit rendre son avis ce lundi sur le budget.

Que se passe-t-il si le gouvernement ne présente pas de budget lundi ?

DÉCRYPTAGE - La date butoir du premier mardi d’octobre, fixée par le texte qui régit le calendrier des projets de loi de finances est déjà dépassée.

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Le prochain locataire de Matignon devra, s’il veut respecter les textes, déposer son budget dès lundi. 
Reçu hier — 9 octobre 2025

Frédéric Merlin, le réenchanteur du BHV devenu paria depuis son alliance avec Shein

PORTRAIT -  Issu d’une famille modeste, cet entrepreneur lyonnais de 34 ans adore sortir des sentiers battus. Pour sortir le grand magasin parisien de ses difficultés, il s’est allié au géant chinois de l’ultra-fast fashion. Déclenchant une véritable déflagration.

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« Nous sommes chahutés car nous avons fait un choix stratégique qui ne plaît pas à tout le monde », assure Frédéric Merlin.

Quelles seraient les conséquences pour les Français s’il n’y avait pas de budget à la fin de l’année ?

DÉCRYPTAGE - Alors que la perspective d’un dépôt du texte à temps s’éloigne, la possibilité d’un recours à une loi spéciale se renforce.

© Stephanie Lecocq / REUTERS

Le premier ministre démissionnaire, Sébastien Lecornu, souhaite qu’un budget soit déposé dès ce lundi. 
Reçu avant avant-hier

Emploi : la nouvelle jeunesse des séniors !

8 octobre 2025 à 19:41

Des boomers de plus en plus geeks, qui dament le pion aux jeunes sur le marché du travail ? Nous n’en sommes pas encore là. Mais un réel progrès en faveur de l’emploi des seniors dans le tertiaire se confirme, notamment grâce à l’entrée dans cette catégorie des premières générations ayant frayé avec les ordinateurs.

Faire du neuf avec du vieux

Imaginez une génération qui a grandi en découvrant, incrédule, les prémices de l’informatique personnelle. Des quinquas qui, enfants, bavaient devant les publicités pour la première console de jeux offrant la possibilité de se démener, manette en main, face au préhistorique « Pong » ; puis, adolescents, ont vu les cafés commencer à se débarrasser de leurs flippers au profit de jeux d’arcade comme Space Invaders, Asteroids, puis Pac-Man et Tetris. La même qui a appris le CD-ROM, puis les délices de ces ordinateurs dépourvus d’O.S., dont il fallait programmer chaque pixel d’action en Basic, puis en Pascal, tel le Sinclair ZX 81. Et ce avant l’arrivée du fameux Atari 520 ST et du premier Mac, avec leur processeur Motorola cadencé à 7,8 MHz et leur RAM figée à… 128 Ko, pour le second.

Deux révolutions qui ont forgé l’avenir de ces ancêtres du travail face aux écrans, alimenté par la navigation sur les logiciels des années 1980 et 1990, et qui, aujourd’hui, apporte une touche d’expérience unique dans un monde boosté par l’intelligence artificielle. En France comme en Europe, les seniors (55-64 ans) redessinent le paysage du travail, particulièrement dans le secteur tertiaire. Leur maîtrise pionnière des outils numériques et leur savoir-être affûté par des décennies d’expérience en font des acteurs précieux pour les entreprises. Bien plus qu’un simple atout, ils incarnent un pont entre tradition et innovation, contribuant à une économie plus équilibrée face au vieillissement démographique.

En France : une vitalité record et un élan numérique

Même si notre pays reste à la traîne par rapport à nos voisins, l’emploi des seniors atteint des sommets historiques : 60,4 % des 55-64 ans étaient actifs en 2024. Un bond de 2 points en un an et de plus de 12,4 points en dix ans ! Le secteur tertiaire, qui regroupe 70 % de ces travailleurs, est leur terrain de prédilection.

Pourquoi un tel engouement ? Cette génération, née entre 1965 et 1975, s’adapte avec aisance aux technologies modernes, y compris l’IA. Comme le souligne France Travail, « L’expertise de ces salariés, dépositaires des savoirs de l’entreprise, se caractérise par une certaine vision stratégique et une capacité de prise de recul forgées au fil des années. »

Mais ce n’est pas tout. Les réformes des retraites et les incitations fiscales encouragent cette dynamique, tout comme le désir des seniors de transmettre leur expertise. Dans les métiers du conseil, de la formation ou des services numériques, 80 % d’entre eux se disent motivés à partager leur savoir. Et ça fonctionne dans les deux sens : les jeunes forment leurs aînés aux dernières innovations technologiques, tandis que les seconds leur offrent fiabilité et sens de la collaboration. Résultat : 63 % des actifs estiment que ce mélange générationnel booste l’innovation tout en renforçant la cohésion des équipes. Un véritable cercle vertueux.

Europe : aussi des promesses

À l’échelle européenne, les seniors ne sont pas en reste. Avec un taux d’emploi dépassant les 75 % (pour les 55-64 ans), des pays comme la Suède et l’Allemagne sont en tête de peloton. Sans doute l’une des raisons ayant conduit la ministre de l’Économie d’outre-Rhin, Katherina Reiche, à envisager de repousser l’âge de départ à la retraite de ses concitoyens à 70 ans, même si ce sont essentiellement des préoccupations budgétaires qui dictent cette volonté.

Là encore, l’exposition précoce à l’informatique joue un rôle clé. Depuis 2010, le nombre de seniors actifs en Europe est passé de 23,8 millions à près de 40 millions en 2023. Dans des pays comme les Pays-Bas, des programmes de mentorat inversé permettent même aux concernés n’ayant pas immédiatement pris le virage du numérique de partager leur expérience tout en se formant aux outils modernes, compensant ainsi les limites de l’IA par leur intuition et leur recul. Car prompter est essentiellement un art du questionnement, dont l’âge est souvent la clé de la maîtrise.

Une idée confirmée par une large étude publiée par le FMI en avril dernier, qui stipule : « Cela suggère que, pour un niveau d’éducation donné, les travailleurs plus âgés peuvent bénéficier davantage de l’adoption de l’IA que les cohortes plus jeunes, car les premiers sont relativement plus concentrés dans les occupations à forte exposition et forte complémentarité. »

C’était… moins bien avant

Contrairement aux salariés nés entre 1940 et 1950, dont le taux d’emploi jusqu’aux années 2010 stagnait entre 40 % et 45 % en raison d’une exposition limitée à l’informatique et de politiques de préretraites massives, la cohorte actuelle gagne de 15 à 20 points.

Cette génération antérieure, souvent perçue comme réfractaire au numérique, subissait une exclusion structurelle, avec peu d’accès aux outils bureautiques émergents. Une analyse confirmée par David Autor et David Dorn, en 2009, dans l’American Economic Review, montrant que les études pointaient cette révolution comme un obstacle soudain à l’adaptation technologique des plus de 55 ans : un âge se présentant, en France, comme une barrière quasi infranchissable dans la quête d’un nouvel emploi après la perte du précédent.

Aujourd’hui, l’entrée précoce sur le marché durant le boom du PC permet une adaptation plus fluide, transformant les seniors en atouts pour l’IA, où leur vision humaine complète l’automatisation. Surtout, comme le précise aussi l’étude du FMI déjà citée : « Plusieurs caractéristiques des emplois à forte exposition à l’IA correspondent aux préférences des travailleurs plus âgés. Au cours des trois dernières décennies, il y a eu une augmentation générale des emplois adaptés à ces personnes, caractérisés par une activité physique moins exigeante, des niveaux de danger au travail plus faibles et un rythme d’activité modéré […] Ces caractéristiques sont attrayantes pour les travailleurs visés et s’alignent avec les gains positifs de leurs capacités cognitives dans le cadre d’un vieillissement en meilleure santé […], d’autant plus que ces emplois exposés à l’IA offrent généralement des revenus plus élevés. »

Ce shift générationnel réduit les discriminations et valorise l’expérience, avec 90 % des seniors engagés dans le transfert de compétences.

Mais tout n’est pas encore rose. Assez logiquement, seul le secteur tertiaire est touché par cette grâce en faveur des grands aînés. Selon la DARES, dans l’agriculture et le secondaire (industrie, construction), la situation de l’emploi des seniors reste très dégradée en France, avec une stagnation ou une baisse relative des effectifs depuis les années 2010. Une tendance observée dans la plupart des pays de l’OCDE. Les travailleurs âgés y sont sous-représentés en raison de la pénibilité physique accrue et des exigences en mobilité, limitant les embauches à moins de 10 % des postes. Cette disparité persiste en 2024-2025 et s’accompagne, dans tous les secteurs, de la subsistance de freins culturels à l’emploi, malgré l’embellie décrite dans cet article. France Travail note d’ailleurs : « Encore trop peu d’entreprises déploient une culture senior friendly. »

Et demain ?

D’ici 2030, l’emploi des seniors dans le tertiaire pourrait atteindre 75 % en France et 80 % en Europe, porté par l’IA et des formations adaptées. Dans des secteurs comme la cybersécurité ou le conseil digital, leur expérience historique devient un atout pour anticiper les disruptions. Les initiatives gouvernementales, comme la valorisation des salariés expérimentés lancée en 2025, promettent de réduire le chômage senior à moins de 5 %, tout en boostant le PIB de 2 à 3 % grâce à une productivité intergénérationnelle.

À voir, tout de même…
Il n’en demeure pas moins que cette génération, pionnière du numérique, ouvre la voie à une économie où l’expérience et l’innovation se nourrissent mutuellement. En créant des espaces de collaboration, comme des comités mixtes, les entreprises peuvent tirer le meilleur de chaque époque.

Les seniors ne sont pas seulement dans le coup. Ils sont au cœur de la transformation, prêts à façonner un avenir où chacun peut trouver sa place sur le marché de l’emploi.*

(Ce qui arrange votre rédacteur en chef, né en 1968, et ayant l’éternelle nostalgie de ses parties de Pong…)

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Peugeot, Porsche, Agnelli : ces grandes familles de l’automobile qui lâchent peu à peu le volant

ENQUÊTE - Les nouvelles générations à la tête des holdings familiaux n’hésitent plus à réduire la voilure dans une industrie devenue moins rémunératrice, pour se tourner vers les services, le luxe, la tech ou encore la santé.

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Exor, le holding des Agnelli, les fondateurs de Fiat, est le premier actionnaire de Stellantis, avec 15,16 % du capital.

Suspension de la réforme des retraites: les syndicats se réjouissent d’un «signal positif» et veulent aller plus loin

Après les déclarations d’Élisabeth Borne qui a ouvert la porte à une suspension de la réforme des retraites, les organisations de salariés pourraient bien obtenir ce qu’elles revendiquent depuis des mois.

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Les syndicats lors de la dernière mobilisation du 2 octobre 2025 à Paris.

Le vent de l’IA souffle sur l’Europe

8 octobre 2025 à 04:14

2 milliards d’euros levés en deux mois. Une décacorne française. Des licornes qui éclosent partout. L’Europe, longtemps spectatrice du grand bal numérique américain, s’invite à la table de l’intelligence artificielle. Et si cette fois, on ne ratait pas le coche ?

Soyons honnêtes : l’Europe a en grande partie loupé le train du numérique. Pas de GAFAM européen, pas de suite bureautique, aucun moteur de recherche ni réseau social majeur. Pendant que la Silicon Valley transformait le monde, nous regardions passer les trains. Nos talents partaient s’exiler outre-Atlantique, nos investissements restaient frileux et nos champions se faisaient racheter avant même d’atteindre leur majorité. De quoi constater avec amertume l’existence d’un écart qui pourrait sembler insurmontable pour l’Europe.

Mais voilà qu’une nouvelle course est lancée : celle de l’intelligence artificielle. Et le Vieux Continent a compris qu’il pouvait y participer. Les jeux ne sont pas encore faits. Les positions ne sont pas figées. Et surtout, nos atouts — la qualité de notre recherche, la force de nos ingénieurs — s’affirment. Notre exigence réglementaire, elle, reste un handicap… à moins que l’Europe ne réussisse à l’imposer au monde entier, auquel cas nos start-ups pourraient avoir un coup d’avance.

La France joue ses cartes : Mistral et le pari de la souveraineté

Décembre 2023 : Mistral AI est valorisée 2 milliards d’euros. Septembre 2025 : 11,7 milliards. En moins de deux ans, cette start-up française qui développe ses propres LLM a multiplié sa valeur par six, devenant au passage la première décacorne tricolore. Ce n’est pas juste une histoire de levée de fonds spectaculaire, c’est le symbole que l’Europe peut créer ses propres leaders de l’IA générative.

L’approche de Mistral ? Jouer la carte de la transparence et de l’open source face aux géants américains. Proposer une alternative qui respecte le RGPD plutôt que de le contourner. Faire de la souveraineté des données un atout commercial plutôt qu’une contrainte bureaucratique. Pour les entreprises européennes qui ne veulent pas confier leurs informations sensibles à des serveurs américains ou chinois, c’est une aubaine. Pour les citoyens soucieux de leurs données personnelles, c’est rassurant. Pour l’Europe, c’est stratégique.

Et Mistral n’est pas seule. Hugging Face, cette autre pépite française devenue « le GitHub de l’IA ». Concrètement ? Une plateforme collaborative et open source qui démocratise l’intelligence artificielle en offrant une bibliothèque géante de modèles préentraînés. Au lieu de créer son IA de zéro, n’importe quel développeur peut y piocher des briques prêtes à l’emploi et les adapter à ses besoins. Résultat : 1,3 million de modèles hébergés, un milliard de requêtes par jour, et même Google ou Meta y publient leurs créations. Avec une valorisation de 4,5 milliards de dollars, Hugging Face est devenue une infrastructure incontournable de l’écosystème mondial de l’IA et l’une des rares start-ups du secteur ayant déjà atteint son seuil de rentabilité.

De Londres à Stockholm : l’écosystème prend forme

Le phénomène dépasse largement nos frontières. À Londres, Synthesia révolutionne la production vidéo : des avatars numériques ultra-réalistes qui parlent toutes les langues, sans caméra ni acteur. Résultat ? 60 % des entreprises du Fortune 100 utilisent leur technologie pour leurs communications internes. Valorisation : 2,1 milliards de dollars.

En Suède, Lovable permet à n’importe qui de créer un site web fonctionnel simplement en décrivant ce qu’il veut. Au Royaume-Uni, PhysicsX applique l’IA à la simulation physique pour accélérer l’innovation en ingénierie. En Allemagne, DeepL offre des traductions d’une qualité qui fait rougir les géants américains, tandis que Black Forest Labs a développé FLUX Kontext, l’un des modèles d’édition d’images les plus performants au monde : il suffit de lui dire « change la couleur de la voiture en rouge » pour qu’il modifie précisément cet élément sans toucher au reste de l’image. Sans oublier Wayve, qui enseigne aux voitures à conduire seules dans les rues londoniennes.

Ces start-ups ne sont pas des imitations tardives de modèles américains. Elles explorent des niches, innovent selon des approches différentes et répondent à des besoins spécifiques. Elles construisent un écosystème diversifié où chacun apporte sa pierre à l’édifice global de l’IA européenne.

L’effet boule de neige : quand les licornes engendrent des licornes

Cette dynamique ne sort pas de nulle part. La France compte désormais 30 licornes, contre zéro en 2013. Ce changement quantitatif masque une transformation plus profonde : l’émergence d’une génération d’entrepreneurs et d’investisseurs qui ont appris à gérer des hypercroissances. Les fondateurs de Criteo, Fotolia, Datadog, Zenly, BlaBlaCar ou OVHcloud créent de nouvelles entreprises ou investissent dans la génération suivante. Les ingénieurs qui ont bâti ces succès lancent leurs propres projets.

Comment la Suède finance ses startups (et pourquoi la France échoue)

J’approfondis

Ce cercle vertueux, la Silicon Valley le connaît depuis des décennies. Chez nous, il commence à peine à tourner. Mais il tourne. Les gouvernements européens l’ont compris, et l’UE elle-même change de posture, passant du rôle de régulateur méfiant à celui d’accélérateur volontariste, comme en témoigne l’AI Summit organisé à Paris, il y a peu, réunissant tous les acteurs du secteur.

Les fantômes du passé : pourquoi il ne faut pas gâcher notre chance

Pourtant, le tableau n’est pas sans ombres. Les start-ups européennes brillent en phase d’amorçage et en séries A et B. Mais quand vient le moment de passer à l’échelle, de lever des centaines de millions pour conquérir le monde, l’argent se raréfie. Les fonds américains et asiatiques prennent alors le relais, imposant souvent un déménagement du siège social vers des cieux plus cléments fiscalement. Or, la réalité est têtue : avant 2021, nos entrepreneurs ont créé 46 licornes… mais aux États-Unis. Seulement 18 en France.

La fiscalité sur les capitaux et sur les hauts salaires, pourtant indispensable pour attirer les meilleurs ingénieurs mondiaux, reste parmi les plus élevées du monde. Une situation qui ne pourrait qu’empirer en cas d’instauration de la suicidaire taxe Zucman, agitée sans discernement ces dernières semaines, et qui s’en prend directement au capital des entreprises.

Pendant ce temps, la compétition ne s’arrête pas. La Chine, en État stratège omniprésent, injecte des milliards dans ses pépites nationales, tandis que les États-Unis gardent une avance confortable en capacité de calcul et en capitaux disponibles. Même des pays comme les Émirats arabes unis ou Singapour se positionnent agressivement sur le secteur, tandis que l’Inde, pourtant très dépendante du secteur informatique, semble avoir totalement raté le virage IA.

La croissance de demain se construit aujourd’hui

Alors oui, l’Europe a en partie raté la révolution numérique des années 2000. Mais l’histoire ne se répète jamais à l’identique. Nous avons des start-ups qui maîtrisent les fondamentaux. Un écosystème se met en place, des champions émergent. Tirons les leçons du passé pour les aider à grandir.

Mais attention, il serait tragique de saboter cette dynamique par frilosité fiscale ou rigidité réglementaire. L’enjeu n’est pas seulement économique — même si les emplois qualifiés et les exportations futures se jouent maintenant. Il est aussi stratégique : dans un monde où l’IA va structurer tous les secteurs, de la santé à la défense en passant par l’éducation, ne pas avoir nos propres fleurons, c’est accepter de dépendre entièrement de puissances étrangères.

Le risque de la vertu réglementaire

J’approfondis

Les Européens qui s’inquiètent de la domination américaine sur nos vies numériques devraient être les premiers à soutenir nos start-ups d’IA et nos acteurs du cloud souverain. Ceux qui veulent protéger nos données personnelles devraient applaudir Mistral. Ceux qui rêvent de souveraineté technologique devraient faciliter, pas entraver ni dénigrer, l’essor de notre écosystème.

L’Europe a longtemps été spectatrice. Aujourd’hui, elle est sur scène. À nous de lui donner les moyens de jouer les premiers rôles plutôt que de lui couper les jambes au moment où elle s’élance enfin.

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Bertille Bayart : «Nous ne sommes pas encore au fond du trou (mais on y va tout droit)»

CHRONIQUE - L’incertitude politique ne se traduit pas, à ce stade, par une crise économique aiguë. Mais elle a déjà provoqué deux cassures dont les effets se feront sentir sur le long terme.

© Heiko Becker / REUTERS

«La démocratie s’abîme dans le spectacle d’élus incapables de faire ce pour quoi la nation les paie : faire tourner le pays».

La tentation du chaos

7 octobre 2025 à 05:02

Tous irresponsables ? Alors que les tensions internationales s’intensifient, que les finances publiques vacillent et que l’économie s’enlise, les politiques rivalisent d’inconséquence et de postures populistes. Au point que les Français s’habituent au chaos — le plus sûr moyen de ne pas voir venir la chute.

Même si le cirque semble reprendre de manière désespérée jusqu’à mercredi, après le retrait de Bruno Le Maire du casting, l’immédiate chute du gouvernement Lecornu s’imposait comme une évidence. Bien que cette rapidité laisse songeur et témoigne de l’aspect rédhibitoire de la simple idée que l’attelage ait pu exister. Surtout après les deux tentatives improductives de dribbler l’absence de possible, figurées par les passages de Michel Barnier et François Bayrou par la case Matignon. Le fruit d’une majorité parlementaire de plus en plus introuvable, minée par les incohérences internes du bloc central, qui peinent à masquer les divergences idéologiques et stratégiques entre macronistes purs et alliés de droite. Les oppositions, de leur côté, ont systématiquement refusé tout compromis, érigeant des lignes rouges sur des réformes clés comme les retraites, les allocations chômage, la taxe Zucman, ou le gel des prix de l’énergie. Des exigences délibérément impossibles à satisfaire, produites pour forcer un retour aux urnes, soit par une dissolution anticipée, soit par la démission d’Emmanuel Macron lui-même. Cette stratégie de blocage, calculée pour exploiter le vide institutionnel, n’a laissé aucune marge de manœuvre, transformant l’exercice de nomination en un échec prévisible et inévitable. Nous verrons mercredi ce qu’il en sera définitivement, mais, vraisemblablement, la messe est dite et de toute façon, sans Lecornu..

Gabriel Attal l’a bien résumé en qualifiant la séquence « de spectacle affligeant », un jugement partagé par une large part des Français qui assistent, impuissants, à une déliquescence politique accélérée. Un sentiment immédiatement confirmé par un sondage Elabe pour BFM TV, 86% de nos concitoyens estimant avoir assisté à « un spectacle navrant donné par la classe politique qui n’est pas à la hauteur de la situation ». Au-delà du fiasco immédiat, cette crise aggrave la dégradation de l’image de la France sur la scène internationale, où nos partenaires, de Bruxelles à Washington, observent avec inquiétude – ou ironie gourmande – un pays autrefois pilier de l’Europe, désormais enlisé dans l’instabilité. Si cela était encore possible, elle accentue encore la défiance des citoyens envers la politique, perçue comme un théâtre d’egos et de postures, éloignant un peu plus les électeurs des urnes et favorisant l’abstention ou les votes protestataires. Plus grave encore, elle accélère l’ascension des forces populistes, en progression partout sur le continent. Comme nous l’avons encore constaté en Tchéquie ces derniers jours – mais aussi en Géorgie -, après les législatives ayant vu le parti ANO d’Andrej Babiš, populiste et eurosceptique, remporter la victoire avec 35 % des voix et 80 sièges sur 200, reléguant les coalitions pro-européennes au second plan et promettant une réduction de l’aide à l’Ukraine tout en défiant les institutions de l’UE.

France : le corps nu

En France, une dissolution ou la démission du président ne feraient que perpétuer ce cycle, alors que nulle autre solution n’existe pourtant. Le pays est piégé, soit promis au Rassemblement national, par la voie des urnes, soit au chaos souhaité par l’extrême gauche, par celle de la rue. À moins que ne se réalise la fameuse « union des droites », un euphémisme validant la dernière étape de l’effacement des digues déjà branlantes entre la droite républicaine et son versant extrême. Une situation exacerbée par les jeux d’apprentis sorciers inconséquents d’un Emmanuel Macron aperçu seul sur les quais de Paris à la suite de la défection de Sébastien Lecornu.

Cette instabilité interne profite directement aux puissances étrangères qui misent sur la fragilisation de la France et de l’Europe. Les États-Unis, sous une administration de plus en plus isolationniste, nous regardent avec un mépris conquérant, voyant dans notre chaos une opportunité de rééquilibrer les alliances atlantiques à leur avantage exclusif, en imposant des termes plus favorables dans les négociations commerciales ou sécuritaires. Mais c’est surtout la Russie qui tire les marrons du feu. Notre inconséquence politique lui mâche le travail de sa guerre hybride à notre encontre. Depuis janvier 2025, Moscou orchestre une offensive informationnelle massive contre la France, avec des campagnes de désinformation sophistiquées, comme l’a révélé un rapport de Viginum couvrant les six premiers mois de l’année. Ces opérations inondent les réseaux sociaux de faux contenus pour semer la division, discréditer notre soutien à l’Ukraine, et amplifier les narratifs internes de crise pour éroder la cohésion nationale. En fragilisant nous-mêmes Paris, nous offrons à Moscou un levier inespéré en faveur de ses ambitions.

Au cœur de ce grotesque indigne, où seul Sébastien Lecornu a fait preuve de dignité en remettant sa démission sans effusions théâtrales, les conséquences sociales et économiques pèsent comme une menace existentielle. Cette crise de régime s’ancre profondément dans l’incapacité persistante à adopter un budget pour 2025, forçant l’État à opérer sous une loi spéciale prorogeant les crédits de 2024, un palliatif qui paralyse toute action ambitieuse. Les retombées sont immédiates et multiformes : gel des investissements publics dans les infrastructures vitales, comme les réseaux de transport ou les équipements numériques, qui retarde la modernisation du pays ; report des aides sociales aux ménages vulnérables ; blocage des réformes en matière de formation professionnelle, laissant des milliers de travailleurs sans outils pour s’adapter aux mutations du marché du travail ; et une précarité accrue pour les services publics essentiels qui mine la cohésion sociale et alimente un sentiment d’abandon chez les citoyens les plus fragiles.

Les marchés financiers, impitoyables sentinelles de la stabilité, réagissent avec une défiance accrue, entraînant une hausse dramatique des taux d’intérêt sur la dette souveraine. L’OAT à 30 ans culmine à 4,523 % en septembre 2025, son plus haut depuis juin 2009, tandis que les taux à 8 ans ne cessent de grimper voisinant les 4 % en septembre, reflétant une prime de risque qui alourdit la charge annuelle de plusieurs milliards d’euros. Avec une dette publique dépassant les 115,6 % du PIB en septembre – soit 3 416 milliards d’euros –, ce seuil critique expose le pays à des dynamiques spéculatives potentiellement incontrôlables, où chaque point de hausse des taux ajoute des milliards à la facture. Cette vulnérabilité est amplifiée par les dégradations de la note souveraine. Fitch l’a abaissée à A+ le 12 septembre, soulignant notre fragilité budgétaire comme politique, et Moody’s pourrait lui emboîter le pas le 24 octobre, augmentant encore les coûts d’emprunt. Et cela tombe au pire moment, avec de prochaines échéances majeures de remboursement estimées à environ 50 milliards d’euros en obligations arrivant à maturité, à refinancer dans un climat de tension accrue qui pourrait précipiter une spirale vicieuse.

Le secteur privé subit aussi de plein fouet ces turbulences. Les faillites d’entreprises s’enchaînent en cascade, avec plus de 67 000 défaillances sur un an au deuxième trimestre 2025, en hausse de 3,5 % par rapport à 2024 et un pic de 10,6 % pour les PME dans les secteurs du commerce et des services, où la contraction de la demande et les coûts accrus d’emprunt étouffent les marges. L’investissement privé se contracte violemment, alors qu’il est indispensable pour financer la transition vers l’intelligence artificielle et défendre l’innovation, domaines où la France et l’Europe, certes de plus en plus réactifs, accusent encore un retard flagrant face aux géants américains et chinois – avec seulement 109 milliards d’euros mobilisés en février pour tenter de combler le fossé. Cette contraction menace directement l’emploi, avec des centaines de milliers de postes en péril dans les secteurs high-tech, de l’industrie et des services, freinant les embauches et aggravant le chômage au moment où la formation et la reconversion deviennent cruciales.

À l’instant où le monde impose une transformation structurelle profonde – numérisation accélérée des économies, recomposition des chaînes de valeur mondiales face aux tensions géopolitiques, adaptation au changement climatique, renforcement des souverainetés stratégiques en énergie, technologies et défense –, la France choisit le blocage et l’immobilisme politique. C’est une irresponsabilité absolue, qui non seulement hypothèque son avenir immédiat en l’exposant à des chocs financiers et sociaux, mais vole aussi aux générations futures leur droit à une nation compétitive, résiliente et prospère. En persistant dans cette voie, nous risquons, non pas une simple crise passagère, mais un déclin durable. Sans un sursaut collectif pour dépasser les clivages et prioriser l’intérêt national, le désastre ne sera plus une menace, mais une réalité. Et dans ce contexte, le pire danger serait de s’habituer au chaos, de banaliser le désordre pour en faire un contexte de vie ouvrant la porte à tous les déshonneurs, à toutes les solutions inhumaines considérées comme seules issues et regardées avec une froide indifférence… L’histoire a déjà été témoin de ces moments. Avant de pousser l’humanité à s’en excuser tardivement. Toujours trop tardivement…

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Cybersécurité: le français Thales développe le premier algorithme capable de neutraliser des attaques quantiques

Une carte à puce intégrant des algorithmes de rupture a été certifiée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques (Anssi). Une première mondiale.

© Crédit : Thales/ 123REF

Les ordinateurs quantiques seront mille fois plus puissants et plus rapides que les machines actuelles (vue d’artiste d’un ordi quantique).

L’effet Laffer : taxer plus pour gagner moins

6 octobre 2025 à 04:42

En Norvège, la taxe façon Zucman vire au fiasco. Au Royaume-Uni, la chasse aux riches déclenche un exode massif. Pourtant, la classe politique française s’obstine à croire qu’augmenter l’impôt sauvera les finances publiques. Dans un pays déjà asphyxié par les prélèvements, taxer plus, c’est récolter moins — et hypothéquer l’avenir.

1974, dans un restaurant de Washington. L’économiste Arthur Laffer griffonne une courbe sur une serviette en papier pour convaincre deux conseillers du président Gerald Ford d’une idée simple : taxer à 0 % rapporte 0, taxer à 100 % rapporte 0. Entre les deux existe une nuance efficace pour l’État. Franchissez-la, et chaque micron d’impôt supplémentaire détruit plus de richesse qu’il n’en collecte.

Cinquante et un ans après ce repas, cette idée n’a jamais été aussi centrale, tandis qu’en France, de la taxe Zucman à celle sur le patrimoine financier, l’offensive politico-médiatique pousse à instaurer des prélèvements toujours plus lourds sur les plus fortunés qui n’ont pas encore quitté le pays.

Des expériences récentes doivent pourtant nous alerter. Elles se sont toutes avérées désastreuses.

La faillite du “Zucman norvégien”

En 2022, la Norvège a décidé de taxer davantage les patrimoines les plus élevés en durcissant son impôt sur la fortune (formuesskatt) et en alourdissant la taxation des dividendes. Le taux marginal de l’impôt sur la fortune est ainsi passé à 1,1 % pour les patrimoines dépassant 20 millions de couronnes (environ 1,7 million d’euros), avec une particularité redoutable : cet impôt s’applique sur la valeur de marché des actifs, imposant ainsi les plus-values latentes — c’est-à-dire avant même leur réalisation.

Pire encore, voilà un piège fiscal redoutable : l’État norvégien taxe désormais 75 % de la valeur des entreprises (contre 55 % avant), même si cette valeur n’existe que sur le papier. Et pour payer cet impôt sur des gains non réalisés, les propriétaires doivent verser des dividendes… eux-mêmes taxés à 37,84 %. Un cercle vicieux où l’impôt s’auto-alimente. Le gouvernement de centre gauche tablait sur un gain annuel de 1,5 milliard de couronnes norvégiennes (environ 128 millions d’euros).

En réaction, plus de 30 milliardaires et multimillionnaires ont quitté le pays en 2022 — plus que durant les treize années précédentes réunies. La Suisse, avec son impôt sur la fortune plafonné à 0,3 % dans certains cantons et l’absence d’imposition des plus-values mobilières privées, est devenue la terre promise de cet exode fiscal. Un cas illustre l’ampleur des dégâts : le départ de l’industriel Kjell Inge Røkke représenterait à lui seul une perte annuelle de 175 millions de couronnes pour le fisc norvégien (environ 15 millions d’euros).

Au total, entre septembre 2022 et avril 2023, 315 foyers norvégiens fortunés, dont 80 classés comme « très riches », se sont installés en Suisse, emportant avec eux leur contribution globale aux finances publiques : impôt sur le revenu, cotisations sociales, TVA sur leur consommation, etc.

Une analyse du média Citizen X a estimé la perte nette de revenus fiscaux à environ 381 millions d’euros, soit trois fois le gain initialement projeté pour les hausses d’impôt. La prévision gouvernementale reposait sur une analyse statique, supposant que la base imposable resterait inchangée.

Au-delà des recettes fiscales perdues, c’est toute l’économie productive qui souffre. En imposant chaque année la valeur latente des actions d’entreprise, le système contraint les entrepreneurs à puiser dans les réserves ou la trésorerie de leur société pour régler l’impôt, au détriment de l’investissement ou de l’emploi. Cette décapitalisation récurrente ampute leur capacité à investir, innover ou embaucher — en plus d’être vexante.

Une étude du National Bureau of Economic Research (NBER), menée sur des données scandinaves, en quantifie l’impact : dans les années suivant le départ d’un propriétaire pour raisons fiscales, l’emploi dans son entreprise chute de 33 %, la valeur ajoutée de 34 % et les investissements de 22 %.

Bien loin de nuire aux seuls riches qu’ils visent, les nouveaux impôts norvégiens touchent l’ensemble de la population par un affaiblissement des ressources de l’État et une dégradation de l’économie.

« Wexit » britannique : quand la chasse aux riches tourne au fiasco

En avril 2025, le Royaume-Uni a mis fin à l’un des plus anciens privilèges fiscaux au monde : le statut « non-dom ». Vieux de 225 ans, ce régime permettait aux résidents britanniques dont le domicile permanent était à l’étranger de ne payer l’impôt que sur leurs revenus au Royaume-Uni, laissant leur fortune offshore intouchée. Environ 69 000 personnes en bénéficiaient, versant 12,4 milliards de livres au fisc de Sa Gracieuse Majesté en 2022.

Le nouveau système, baptisé Foreign Income and Gains (FIG), n’offre plus qu’une exemption de quatre ans aux nouveaux arrivants, contre un régime quasi permanent auparavant. Surtout, il introduit une « queue fiscale » redoutable : quiconque a vécu dix ans au Royaume-Uni voit ses actifs mondiaux soumis aux droits de succession britanniques (40 %) pendant trois à dix ans après son départ. Le gouvernement travailliste projetait 33,8 milliards de livres de recettes sur cinq ans.

L’hémorragie a commencé avant même l’entrée en vigueur de la loi. Dès l’annonce de la réforme en mars 2024, la fuite massive a démarré : 10 800 millionnaires ont quitté le pays dans l’année, soit une hausse de 157 % par rapport à 2023. Pour 2025, où le texte sera effectivement appliqué, les projections anticipent 16 500 départs supplémentaires, ce qui ferait du Royaume-Uni le champion mondial de l’exode des fortunes.

Le pari budgétaire pourrait même virer au cauchemar. Des analyses indépendantes du Centre for Economics and Business Research (CEBR) ont identifié un seuil critique : si plus de 25 % des non-doms partent, le gain fiscal se transformera en perte nette. À 33 %, le trou atteindrait 700 millions de livres la première année et 3,5 milliards sur la législature. Or, 60 % des conseillers fiscaux prévoient que plus de 40 % de leurs clients non-doms partiront dans les deux ans — bien au-delà du seuil fatal.

L’impact économique observé dès 2024 dépasse largement les seules recettes fiscales. Le marché immobilier de luxe londonien s’est effondré : aucune transaction supérieure à 100 millions de livres en 2024 ; 70 % des vendeurs de propriétés haut de gamme sont des non-doms en partance vers Miami, Dubaï ou Monaco. Le secteur du commerce de détail a perdu 169 000 emplois en 2024, le pire résultat depuis la pandémie. Les services financiers ont vu leurs offres d’emploi chuter de 28 %.

Ce fiasco britannique rappelle le cas norvégien : la taxation des plus riches finit souvent par appauvrir bien au-delà de sa cible initiale et aggrave les déficits de l’État.

La taxe yachts française : entre 200 et 500 euros perdus pour chaque euro taxé

En 2018, la France a instauré une surtaxe sur les grands yachts de plus de 30 mètres, censée rapporter 10 millions d’euros par an. L’objectif affiché ? Compenser symboliquement la suppression de l’ISF et faire contribuer les « signes extérieurs de richesse » jugés « improductifs ».

En sept ans, le total des recettes atteint péniblement 682 000 euros, soit moins de 1 % des 70 millions espérés. En 2025, seuls cinq navires sont taxés, contre une cinquantaine attendue. Les coûts de gestion de la taxe excèdent vraisemblablement déjà les maigres recettes perçues.

Mais le véritable gouffre se situe ailleurs. On peut estimer les pertes fiscales indirectes dues à la fuite des yachts (TVA sur l’avitaillement, charges sociales des équipages, taxes sur le carburant, impôts sur les sociétés de services) à un montant annuel compris entre 20 et 50 millions d’euros, sur la base des baisses d’activité constatées dans les principaux ports azuréens. Ainsi, pour chaque euro collecté par la taxe, l’État en perd entre 200 et 500 en recettes indirectes chaque année. Bien joué.

Outre les recettes fiscales, le désastre est également économique. Face à cette taxation de 30 000 à 200 000 euros annuels, les propriétaires ont massivement changé de pavillon vers la Belgique, les Pays-Bas ou le Panama.

Le résultat est terrible pour la Côte d’Azur. Le Port Vauban d’Antibes, le plus grand d’Europe dédié au yachting, a vu son activité chuter de 33 % et ses ventes de carburant de 50 %. Le « Quai des Milliardaires » s’est vidé par anticipation dès l’été 2017. À Saint-Tropez et Toulon, les pertes de chiffre d’affaires en escale ont atteint 30 à 40 %.

L’onde de choc a fini par toucher tout l’écosystème productif : commerces de luxe, avitailleurs, équipages, etc. Le secteur du yachting génère 1 à 2,1 milliards d’euros de retombées annuelles en région PACA et soutient 10 000 emplois directs.

La France possède le deuxième espace maritime mondial, est leader sur les voiliers, et 36 % de la flotte mondiale de yachts fréquente la Méditerranée. Pourtant, en 2025, le Port Vauban n’accueille aucun yacht sous pavillon français, et la surtaxe sur les yachts n’a ni disparu, ni même fait l’objet d’une évaluation rigoureuse par le législateur.

Quand l’État français cloue les avions au sol

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Des taxes qui coûtent cher à l’État et à toute la société

L’histoire fiscale moderne regorge d’exemples frappants de taxes conçues pour punir les riches, mais qui finissent par nuire aux finances publiques et à l’ensemble de l’économie.

En France, la « mise au barème » des revenus du capital par François Hollande en 2013 était censée rapporter 400 millions d’euros. D’après une note de l’Institut des politiques publiques, elle a entraîné une perte fiscale de 500 millions d’euros, en provoquant un effondrement des dividendes de 14 milliards d’euros.

Aux États-Unis, la proposition de taxe Warren de 2019 — 2 % au-dessus de 50 millions de dollars, 6 % au-dessus d’un milliard — a été évaluée par l’Université de Pennsylvanie. Verdict : même en utilisant les recettes pour exclusivement réduire le déficit, l’effet sur 30 ans était estimé à –0,9 % de PIB et –0,8 % de salaires.

L’économiste Gabriel Zucman lui-même a publié une étude sur l’impôt sur la fortune danois des années 1980. Elle montre que pour chaque couronne prélevée, les contribuables réduisaient leur patrimoine de cinq couronnes supplémentaires en modifiant leurs comportements d’épargne et d’investissement. Il s’agissait donc d’un outil redoutablement efficace pour détruire la richesse, pas pour combler les déficits de l’État. Le Danemark l’a d’ailleurs abrogé en 1997.

Quid de la « taxe Zucman » elle-même ? L’économiste Antoine Levy a décortiqué la note du Conseil d’analyse économique (CAE) — que Zucman cite lui-même comme référence — et révèle que cette taxe, loin de rapporter 20 milliards comme annoncé, impliquerait une perte nette pour l’État. La note du CAE montre que l’exil fiscal ne représente que 27 % des recettes perdues ; la réponse comportementale totale (réduction des dividendes, ventes d’actifs, restructurations patrimoniales, etc.) ferait grimper les pertes fiscales à près de 30 milliards d’euros.

Les prévisions optimistes des législateurs reposent sur une erreur fatale : croire que les contribuables resteront immobiles face aux prédations fiscales. Dans les faits, ils fuient, réduisent leur production ou leurs investissements, ou encore déploient des stratégies d’évitement. Les politiques fiscales ont un pouvoir immense sur ce que chacun fait de sa vie. Avec des taxes excessives, l’État perd plus d’argent qu’il n’en gagne, tout en appauvrissant tout le monde au passage.

Quand baisser les impôts remplit les caisses de l’État

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Le 23 septembre dernier, l’économiste Thomas Piketty a livré une réponse glaçante aux critiques de la « taxe Zucman ». Face aux objections sur le risque d’exil fiscal, il rétorque sans trembler : « Vos actifs sont gelés, vous pouvez être arrêtés à l’aéroport. »

Au-delà de son inefficacité évidente — les contribuables trouveront mille autres façons d’adapter leurs comportements —, cette proposition est extrêmement dangereuse. Quel type de régime interdit à ses ressortissants de quitter le territoire national ? On ne le sait que trop bien. Que reste-t-il de la liberté inscrite dans notre devise quand des agents de l’État contrôlent les départs sur des critères patrimoniaux ? Rien. Les velléités autoritaires d’économistes tels que M. Piketty doivent être dénoncées sans ambiguïté, car l’histoire a déjà montré jusqu’à quelles atrocités mènent de telles illusions.

À moins que la destruction de l’assiette fiscale soit voulue ? Gabriel Zucman lui-même l’assume avec une franchise déconcertante dans son ouvrage Le Triomphe de l’injustice : « Dans ce chapitre, nous allons expliquer pourquoi des gouvernements démocratiques peuvent raisonnablement choisir d’appliquer aux riches des taux supérieurs à ceux qui maximisent les recettes fiscales — c’est-à-dire pourquoi détruire une partie de l’assiette fiscale peut être dans l’intérêt de la collectivité. » (nous soulignons)

Est-il vraiment dans l’intérêt de la collectivité d’aggraver les déficits qui nourrissent la dette léguée aux jeunes, de réduire les financements de l’école, de la santé et de la transition énergétique ? A-t-on bien réfléchi à l’intérêt de la société quand on promeut des mesures qui violent le droit de propriété inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tout en appauvrissant le pays ?

Les expériences récentes convergent toutes vers une même conclusion : La satisfaction tirée de la volonté de « faire mal aux riches » ne saurait justifier de nuire gravement à l’avenir du pays.

L’article L’effet Laffer : taxer plus pour gagner moins est apparu en premier sur Les Électrons Libres.

« Récompensons la France du goût plutôt que celle de la malbouffe » : Philippe Etchebest et Stéphane Manigold s’insurgent contre la TVA dans la restauration

TRIBUNE - Face à la crise que traverse le secteur de la restauration, le fondateur du groupe Eclore et le chef étoilé au Guide Michelin proposent de réserver le taux de TVA réduit à 5,5 % aux établissements qui cuisinent eux-mêmes leurs plats.

© Domine Jérôme / Roses Nicolas / ABACA 

Stéphane Manigold et Philippe Etchebest.

Hausse d’impôts : la grande inquiétude des entrepreneurs et des contribuables fortunés

DÉCRYPTAGE - Redoutant l’adoption de mesures fiscales les ciblant, certains envisagent même de quitter la France.

© QUENTIN TOP / Hans Lucas via AFP

Manifestation contre les mesures d’économies budgétaires, à Pau, le 5 décembre 2024.

L’éditorial de Gaëtan de Capèle : «Sébastien Lecornu, les limites du contorsionnisme»

Dans le grand marchandage en cours sur les arbitrages budgétaires, le premier ministre veut croire que le «en même temps» lui permettra de conclure un hypothétique accord de non-censure, qui lui donnerait un sursis.

© Le Figaro.

Gaëtan de Capèle.

«Il refait les erreurs de François Bayrou et de Michel Barnier» : les syndicats rejettent la main tendue de Sébastien Lecornu

DÉCRYPTAGE - Alors qu’une nouvelle journée de mobilisation est prévue ce jeudi, les organisations de travailleurs ne baissent pas la pression.

© Benoit Tessier / REUTERS

Les syndicats (ici, à leur sortie de Matignon, le 24 septembre) s’accordent à dénoncer les nouvelles négociations telles que proposées par Sébastien Lecornu.

Benjamin Lemoine, politiste : « La dette ne représente pas un danger universel, elle est devenue un instrument de sécession d’une classe rentière »

2 octobre 2025 à 04:56
La dette publique de la France est une rente pour les plus riches, qui ont donc intérêt à laisser la France en état de crise : "La dette publique devient une source de rente privée garantie : ce qu’ils ne paient pas en impôts, les plus riches le prêtent à un État qu’ils ont contribué à appauvrir, et ils perçoivent des intérêts sur leurs placements alors que les classes moyennes et populaires subissent les coupes budgétaires."
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