À l’été 2023, l’Europe a connu des températures sans précédent et une série d’événements climatiques meurtriers, causant plusieurs dizaines de milliers de victimes. Une étude récente tente d’en comprendre les origines : des vents anormalement faibles et l’effet inattendu de nouvelles normes environnementales.
Jusqu’alors, l’Atlantique Nord se réchauffait plus lentement que le reste du globe. Mais brutalement, la tendance s’est inversée. Les écosystèmes marins en ont été durement affectés : des milliers de poissons se sont échoués sur les côtes du golfe du Texas, quelques semaines à peine avant que l’Europe ne suffoque.
Une canicule historique
Juillet 2023 est devenu le mois le plus chaud jamais mesuré sur Terre, juste devant… le mois d’août qui a suivi. Septembre a établi un record absolu d’anomalie thermique : +1,82 °C au-dessus des niveaux préindustriels (1850‑1900).
Cette canicule aurait causé près de 48 000 morts en Europe, un continent encore mal préparé à faire face à de telles chaleurs, notamment en raison d’un faible accès à la climatisation. Un chiffre malheureusement plus exact que celui des 48 000 morts de la pollution.
En Grèce, des incendies d’une ampleur inédite ont fait au moins 20 morts. La tempête Daniel a causé des milliers de victimes. Fin juillet, l’Italie a été frappée par des grêlons de 19 cm de diamètre, un record européen.
Des causes multiples, parfois inattendues
Depuis cet été hors normes, les climatologues s’efforcent d’en décrypter les causes. Et entre partisans des différentes hypothèses, les débats ont parfois été vifs. Mais une étude récente publiée dans Nature pourrait mettre tout le monde d’accord.
Principale cause identifiée : des vents exceptionnellement faibles dans l’Atlantique Nord. En été, l’océan est fortement stratifié, avec une couche d’eau chaude en surface reposant sur des eaux plus froides. Or, l’épaisseur de cette couche dépend directement de la force du vent. En temps normal, elle mesure entre 20 et 40 mètres. En 2023, elle n’atteignait que 10 mètres. Moins de vent signifie moins d’échanges thermiques, moins d’embruns, une mer plus calme, une couverture nuageuse plus faible, et donc plus de rayonnement solaire absorbé.
Ce phénomène pourrait avoir été aggravé par le développement d’El Niño, un cycle climatique bien connu pour perturber les vents océaniques. Par ailleurs, le réchauffement climatique affaiblit lui aussi la capacité des vents à mélanger les couches océaniques supérieures.
Un autre facteur, plus inattendu, semble avoir aussi joué un rôle, moindre, mais réel : la forte baisse des émissions de dioxyde de soufre des navires. Depuis 2020, de nouvelles régulations les ont réduites de plus de 80 %. Cela a permis d’assainir l’air, mais aussi… de rendre les nuages moins brillants, et donc moins réfléchissant. Or, l’Atlantique Nord est une des zones les plus fréquentées du globe. Tianle Yuan, physicien de l’atmosphère à la NASA, avait à l’époque parlé d’un véritable « choc pour le système ».
Ce type d’effet fortuit avait déjà été observé pendant le confinement du Covid : la baisse du trafic routier avait entraîné une surprenante hausse de la concentration de méthane dans l’atmosphère.
La mystérieuse augmentation de la concentration de gaz à effet de serre pendant la pandémie
Quand la géo-ingénierie entre dans le débat climatique
Ironie de l’histoire : relâcher du soufre dans l’atmosphère est précisément l’une des méthodes envisagées dans le cadre de la géo-ingénierie. Peu coûteuse, elle permettrait — en théorie — de faire baisser la température moyenne de 0,1 °C par an, pour un coût inférieur à 5 milliards de dollars. Techniquement simple, cette méthode serait redoutablement efficace… mais aussi extrêmement risquée.
Le soufre entraîne des pluies acides, qui détruisent les forêts, rongent les bâtiments, et provoquent maladies cardiaques, respiratoires, voire cancers. D’autres substances sont à l’étude, comme le carbonate de calcium. Certaines équipes, soutenues entre autres par la fondation Bill Gates, étudient la possibilité d’en disséminer en haute altitude pour réduire l’ensoleillement. Selon certains chercheurs, cela pourrait suffire à diviser par deux l’augmentation de la température mondiale.
Quelles leçons pour demain ?
« Les vagues de chaleur devraient s’aggraver, avec des conséquences dévastatrices sur les écosystèmes marins, et les ouragans devraient s’intensifier », concluent les auteurs de l’étude sur l’été 2023. Face à cela, la tentation de la géo-ingénierie risque de grandir, suscitant des débats qui dépasseront probablement l’analyse rationnelle.
Cet été meurtrier nous rappelle une chose essentielle : toute action, même vertueuse, peut avoir des conséquences inattendues. C’est précisément pour cette raison que le débat climatique ne peut se satisfaire de slogans simplistes et de discours alarmistes. Le catastrophisme peut paralyser l’action ou pousser à des solutions radicales sans consensus. L’urgence ne doit pas tuer la nuance : c’est la compréhension fine des mécanismes climatiques, et non la peur, qui nous aidera à choisir les réponses adaptées.
Réduire les intrants « jusqu’à 50 % », tout en augmentant les rendements agricoles « d’au moins 20 % ». C’est la promesse de la jeune pousse Teravenir, installée à Amiens, qui veut révolutionner la fertilisation des sols avec une sonde connectée.
Start-up créée il y a quelques mois seulement, en octobre 2024, Teravenir fait déjà parler d’elle dans le monde de l’AgTech. Sa promesse ? Aider les agriculteurs à produire mieux, avec moins. Grâce à une sonde connectée enterrée dans le sol et une application mobile, les exploitants pourraient bientôt surveiller en temps réel les besoins nutritionnels de leurs cultures. Une technologie inédite, qui combine capteurs optiques et électrochimiques, algorithmes de recommandations, et surtout, autonomie totale sur le terrain.
Une idée née de la recherche académique, mûrie au contact du terrain
Derrière cette innovation, un homme : Benjamin Mendou, docteur en biotechnologie végétale et enseignant-chercheur à l’Université de Picardie Jules Verne. Depuis 2014, il planche sur un outil qui pourrait rendre les pratiques agricoles à la fois plus intelligentes, plus rentables et plus durables. Il s’associe à Alain Cauchois et Pascal Fradcourt, qui apportent leur expérience terrain et managériale, et donne ainsi naissance à Teravenir. Ensemble, ils veulent transformer ce projet de laboratoire en solution de terrain opérationnelle, testée dans les champs, et bientôt industrialisée.
Le dispositif phare de Teravenir, la station ATS (Agriculture Technology Solution), s’enterre discrètement dans la parcelle, capte les taux de nitrates, de phosphore ou de potassium, puis envoie les données à l’agriculteur via une appli intuitive. L’exploitant reçoit alors des recommandations claires : quand intervenir, avec quelle dose d’engrais, et sur quelle zone précise. L’objectif est simple : apporter « la juste dose, au bon moment, au bon endroit ». Ce dosage millimétré permettrait d’économiser entre « 200 et 300 euros par hectare » en fertilisants, le tout associé à une réduction des pesticides utilisés. « Notre solution permet d’augmenter les rendements de 20 à 30 %, en diminuant l’utilisation des intrants d’environ 50 % », assure le dirigeant de la jeune pousse. À l’heure où l’agriculture est sommée de produire davantage avec moins d’impact, Teravenir coche donc toutes les cases !
Premiers déploiements en 2025, ambitions mondiales en ligne de mire
Sur le plan technologique, la solution Teravenir se distingue par plusieurs innovations notables : l’automatisation du système grâce à des algorithmes avancés, l’intégration d’un module optique polyvalent capable de mesurer en temps réel plusieurs paramètres du sol (azote, phosphore, potassium, magnésium), des sondes placées à différentes profondeurs, etc. L’ensemble de ces caractéristiques font de cette sonde connectée un outil de fertilisation de précision « sans équivalent connu à l’heure actuelle ».
Son dernier prototype industriel, baptisé « INEO » et optimisé avec l’aide du français Equans, a été présenté au printemps 2025 à la Chambre d’agriculture de la Somme. Il est désormais équipé d’une batterie et de panneaux solaires (pour l’été) et d’une résistance (en hiver). Il est prévu de déployer environ une cinquantaine de stations cet automne sur des exploitations pilotes en Picardie, avant une production plus large et une levée de fonds pour accélérer l’industrialisation : « Nous allons d’abord passer à 500 machines, puis lancer une commercialisation internationale ». Sachant que chaque système de trois sondes serait capable de gérer jusqu’à « 10 hectares », et est produit avec des matériaux « prévus pour résister aux intempéries et aux chocs, comme ceux des machines agricoles et des animaux ».
Si la France reste le cœur de cible, via ses coopératives agricoles, des signaux venus de l’étranger, notamment de Chine, où une administration locale (Hefei) souhaite commander « 1000 unités », montrent que l’intérêt pour cette technologie est déjà mondial. « Nous allons fabriquer à Laroche Industries (Méaulte) et exporter ensuite. C’est du Made in France que l’on va déployer en Chine », se réjouit l’inventeur-entrepreneur.
« Connaissez-vous quelqu’un qui n’aime pas le Comté ? » Ce slogan bien connu pourrait bientôt faire sourire jaune. Car depuis quelques temps, le célèbre fromage est dans le viseur : on l’accuse d’être à l’origine d’un « écocide » dans les rivières du Jura.
L’envers du décor
L’élevage laitier franc-comtois avait pourtant tout pour plaire : des vaches Montbéliardes broutant paisiblement dans des prairies verdoyantes, loin de l’image d’une agriculture intensive et polluante. Or… ce sont bien leurs déjections qui sont aujourd’hui pointées du doigt, en tant que principales responsables de la hausse des nitrates dans les eaux du massif jurassien depuis les années 1980.
Le paradoxe ? Il s’agit d’un élevage extensif, nourri à l’herbe, sans maïs, sans pesticides, sans engrais de synthèse, sans irrigation. Sur le papier, pratiquement un modèle rêvé pour les écologistes. Mais le Jura a un talon d’Achille géologique : son sous-sol.
Des roches comme du gruyère
Sous les sabots des vaches, la roche calcaire est criblée de cavités et de fissures, agrandies par la dissolution liée à la circulation de l’eau : c’est ce qu’on appelle un karst. Le résultat ? Des eaux de ruissellement qui s’infiltrent à toute vitesse. Les molécules azotées contenues dans les déjections, qui ne sont pas suffisamment filtrées par des sols trop minces, rejoignent donc (trop) rapidement les rivières, où elles fragilisent gravement la faune aquatique.
Et le changement climatique aggrave encore la situation. En été, les sécheresses provoquent une accumulation des nitrates dans les sols. Puis, à la première grosse pluie, tout est lessivé d’un coup, avec des pics de pollution qui dépassent souvent les seuils de tolérance pour de nombreuses espèces.
Alors, on arrête le Comté ?
Pas si vite. L’idée de bannir le Comté est aussi impopulaire qu’irréaliste. Même l’écologie politique y va avec des pincettes, tant le sujet est sensible. Car si la filière pose des problèmes environnementaux réels, elle apporte aussi des bénéfices impossibles à balayer d’un simple revers de main… Bien au-delà de la qualité gustative de ce trésor de la fromagerie française.
D’un point de vue économique, c’est une pépite : 700 millions d’euros de chiffre d’affaires, 8000 emplois directs, une dynamique rurale exceptionnelle. Sur le plan culturel, c’est une fierté nationale. Et écologiquement, le tableau n’est en réalité pas si sombre : les vaches permettant de maintenir des prairies permanentes, véritables refuges de biodiversité, tout en freinant la progression de la forêt sur les zones ouvertes.
Photo Stéphane Varaire
Et puis, soyons lucides : si on arrêtait de produire du Comté dans le Jura, la demande ne disparaîtrait pas pour autant. La production serait alors simplement déplacée. On compenserait ailleurs, sans doute dans des zones de plaine, avec des élevages plus intensifs, nourris aux cultures céréalières. Résultat : peut-être moins de nitrates dans les rivières jurassiennes… mais plus d’impacts ailleurs. Un jeu à somme nulle pour l’environnement. Et au passage, on y perdrait beaucoup de goût. Parce qu’entre nous, un fromage industriel, c’est quand même pas le même plaisir.
Faut-il arrêter l’élevage pour gagner de la place ?
Réduire brutalement la filière serait contre-productif, à la fois pour l’économie locale et pour l’environnement. Mais cela ne signifie pas rester inactif !
Une diminution de la densité du cheptel, associée à une meilleure répartition géographique des élevages, pourrait limiter les excès locaux de nitrates. On peut aussi envisager de mieux gérer les autres sources de pollution par différents leviers :
Optimisation des épandages agricoles,
Renforcement de l’assainissement des eaux usées en zones urbaines,
Contrôle des rejets azotés des fromageries.
Et surtout, ne pas oublier les efforts déjà réalisés. Dans les années 90, un vrai virage a été pris. Grâce à lui, les niveaux de nitrates dans les rivières ont été stabilisés… alors même que la production de Comté a presque doublé depuis les années 2000.
Un bilan contrasté, mais encourageant.
Alors certes, on peut voir le verre à moitié vide : malgré les efforts, les concentrations restent élevées. Ou à moitié plein : sans ces efforts, la situation serait bien pire. Encore une fois, la complexité du réel vient se heurter à l’angélisme ou à la mauvaise foi du politique. Entre rejet total et laissez-faire, il y a une voie de bon sens : celle d’un Comté plus durable, conciliant tradition, économie locale et respect de l’environnement.
Un ennemi revient sous les projecteurs : le cadmium, brandi dans les médias comme une nouvelle « bombe sanitaire » pour les Français. Pourtant, loin des effets de manche, il est essentiel d’examiner calmement les faits, sans céder à l’alarmisme ambiant. Les Électrons Libres sont là pour ça ! Alors ? S’empoisonne-t-on vraiment avec les céréales du matin ou le pain quotidien ?
D’où vient le cadmium ?
Ce métal lourd est naturellement présent dans les roches phosphatées, utilisées depuis des décennies pour fabriquer des engrais. Selon leur origine, ces phosphates peuvent contenir de quelques dizaines à plusieurs centaines de milligrammes de cadmium par kilogramme. Une fois épandus, ils se dispersent dans le sol, se lient aux particules argileuses et à la matière organique, puis s’infiltrent dans les plantes via les racines. Les feuilles (épinards, choux), tubercules (pommes de terre) et surtout les céréales (blé, riz, avoine, maïs) sont particulièrement susceptibles d’accumuler ce métal. Mais pas que : les crustacés aussi.
En France, l’enquête ESTEBAN (2014–2016), publiée en 2021, montre qu’une proportion significative de la population française est exposée : 47 % des adultes et 18 % des enfants présentent un taux urinaire de cadmium supérieur à la valeur critique (≈ 0,5 µg/g de créatinine) définie par l’ANSES. Ce sont ces chiffres qui justifient l’alerte sur les céréales, car ce sont les enfants qui en consomment le plus. « On empoisonnerait donc nos enfants ? » Loin de là … Car, en creusant un peu – ce que certains confrères omettent parfois de faire – on constate que le sur-risque de voir un taux biologique élevé parmi les consommateurs réguliers de céréales n’est que de …8 % par rapport aux gamins qui en consomment très peu ! Pas de quoi fouetter le matou ! De même, on évite de dire que chez les adultes, le principal facteur de risque retrouvé parmi les 47% des adultes… est le tabagisme. Là, le risque de constat de la présence d’un taux élevé de cadmium dans l’organisme augmente de plus de 50% ! Et oui… dans chaque cigarette il y a entre 1 et 2 µg de cadmium !
Au surplus, il est nécessaire de garder en mémoire que les recommandations actuelles sur les valeurs toxicologiques de référence (fondées avant tout sur un risque accru d’atteinte tubulaire rénale ou d’ostéoporose) intègrent d’importantes marges de sécurité : les dépasser ne se traduit pas nécessairement par une maladie, d’autant que le cadmium s’accumule sur plusieurs décennies et que chaque individu réagit différemment.
Le cadmium : un enjeu politico-économique
Derrière la question sanitaire, se cache en réalité un véritable bras de fer géopolitique gavé de lobbying. Les engrais phosphatés importés du Maroc, riches en cadmium (60–70 mg/kg de P₂O₅), rivalisent avec ceux de Russie, beaucoup moins contaminés (< 20 mg/kg). Lorsque l’Union européenne a proposé d’abaisser progressivement le seuil maximal à 20 mg/kg d’ici 2034, Rabat a déployé un lobbying intense pour préserver ses parts de marché, tandis que Moscou, voyant une opportunité pour renforcer ses exportations, a soutenu des normes strictes. Selon notre consœur du Point, Géraldine Woessner, cette démarche russe serait l’œuvre de Safer Phosphate, un « lobby créé en 2016 par le géant […] des engrais PhosAgro, propriété de l’oligarque Andrey Guryev, proche de Vladimir Poutine ». Ce qui expliquerait que l’étude ayant conduit à sonner l’alerte médiatique, ne comportant pourtant aucune nouvelle donnée, se soit opportunément invitée dans le débat, afin d’offrir quelques lauriers vertueux au Kremlin, tandis que fait rage la guerre qu’il mène à une Ukraine soutenue par l’UE.
Entre pays nordiques, Benelux et États méditerranéens, les débats ont reflété tant des préoccupations sanitaires que des enjeux économiques. Au final, le règlement européen (UE) 2019/1009 a opté pour un seuil intermédiaire (60 mg/kg en 2022, 40 mg/kg en 2026, 20 mg/kg en 2034). Un compromis qui témoigne de la pression exercée par les différents Etats concernés.
Et le cancer ?
Le cadmium est classé cancérogène avéré (CIRC, Groupe 1), mais ses dangers dépendent de la dose et de la durée d’exposition. Une méta-analyse de 2025 signale un risque relatif (RR) de 2 pour le cancer du pancréas : exposé à forte dose, on pourrait doubler le risque. Cependant, ce chiffre reste modéré comparé à d’autres facteurs mieux documentés : le tabagisme (RR > 4 pour un paquet par jour), la consommation excessive d’alcool ou l’obésité, qui jouent ici un rôle plus net et mieux établi. Comme bien souvent. Même si nombreux préfèrent regarder ailleurs. Ce ne sont donc pas nos céréales ou notre tartine matinale qui sont donc le plus à incriminer.
Pour autant attention ! L’accumulation chronique du cadmium n’est pas anodine. De faibles apports répétés s’ajoutent au fil des années et peuvent induire des atteintes rénales (tubulopathies), osseuses (ostéoporose, fractures) voire cardiovasculaires, même sans symptôme immédiat.
Phobie alimentaire et responsabilités médiatiques
La solution miracle selon certains pour ne pas se tuer à petit feu ? Consommer bio ! Une méta-analyse publiée il y a plus de dix ans rapporte que les aliments issus de la filière bio présentent en moyenne 48% de cadmium en moins que les aliments issus de l’agriculture traditionnelle. Problème, pour arriver à un tel chiffre, cette méta-analyse a colligé des publications allant de 1992 à 2011, qui ne reflètent pas les modes de cultures d’aujourd’hui. Car outre le fait que l’agriculture bio peut aussi contenir des résidus de cadmium, en agriculture conventionnelle, l’utilisation des engrais phosphatés a été divisée par deux depuis l’an 2000.
Les messages alarmistes, assimilant les céréales pour enfants ou le pain à un poison permanent, sont non seulement exagérés, mais aussi injustes envers ceux qui ne peuvent pas s’offrir des produits bio ou de niche. Culpabiliser les familles modestes, au prétexte qu’elles achètent des produits « à bas prix », est un procédé dangereux. La peur générée risque de faire basculer nombre de nos compatriotes dans la méfiance systématique, voire la défiance envers toute autorité sanitaire. Les Électrons Libres ont déjà souligné la dérive similaire avec l’alerte autour de l’aspartame, pourtant bien plus anodin que le cadmium. Preuve en est que crier au loup quelle que soit la substance concernée peut s’avérer problématique.
En guise de conclusion. Si la nuance nous est permise…
Le cadmium mérite de faire l’objet d’une vigilance sérieuse, mais ne doit pas provoquer une panique contagieuse. Il est donc, à son propos, nécessaire de :
Reconnaître que son accumulation à long terme peut nuire à la santé, en particulier aux fonctions rénale et osseuse.
Comprendre que l’exposition actuelle (hors tabagisme assidu) n’entraîne pas automatiquement un surcroît massif de cancers, notamment pancréatiques.
Se méfier des messages trop choquants qui occultent la nuance nécessaire et culpabilisent inutilement.
Promouvoir des pratiques agricoles et industrielles réduisant la teneur en cadmium, tout en encourageant une alimentation diversifiée plutôt qu’une diète de la peur.
Enfin, pour répondre à l’appel de l’ancien Ministre de la Santé Aurélien Rousseau et de l’actuel, Yannick Neuder, pousser en faveur de la création d’un registre national épidémiologique des cancers pour mieux comprendre les véritables facteurs de risque évitables… qui peuvent d’ailleurs varier d’un territoire à l’autre.
En somme, informer sans dramatiser, c’est protéger la santé publique sans alimenter la psychose. Elle-même dangereuse pour la santé.
« Achetez local », « Au moins ça ne vient pas de l’autre bout du monde »… Qui n’a jamais entendu ces phrases censées dénoncer l’aberration environnementale du transport de marchandises sur de longues distances ? Le porte-conteneurs, symbole par excellence de la mondialisation, incarne cette image d’un « global » opposé au « local ». Pourtant, derrière cette perception tenace se cache une réalité surprenante : le transport maritime est, et de loin, le mode de transport de marchandises le plus efficace d’un point de vue énergétique. Préparez-vous à ré-expédier vos idées reçues.
Le JACQUES SAADE lors de son voyage inaugural 2020 – licence Creative commons
Commençons par prendre l’exemple d’un géant des mers. Voici le “Jacques Saadé”, un des derniers-nés de la compagnie française CMA-CGM. Il mesure environ 400 m de long, 60 m de large et 75 m de haut. Ces chiffres peuvent paraître ordinaires mais, placés à la verticale dans le quartier de la Défense, ce navire écraserait les tours voisines : la plus haute, la Tour First, ne mesurant “que” 231 m de haut. On est, de fait, face à l’une des plus grosses machines jamais construites par l’humanité.
Ces géants des mers sont propulsés par des moteurs tellement grands qu’on les appelle « moteurs cathédrale ». Un technicien peut littéralement entrer dans un cylindre ! Celui du Jacques Saadé est un moteur dual-fuel deux-temps de 63 mégawatts brûlant un mix de fioul et de méthane liquéfié. 63 MW, c’est l’équivalent de 84 000 chevaux de votre voiture ! Si l’on considère une Twingo de première génération avec un moteur de 55 chevaux, on a donc un navire avec la puissance propulsive de 1 530 Twingos (Jancovici a les esclaves énergétiques, j’aurai les Twingos !).
1 530 Twingos… assurément, un monstre pareil doit consommer énormément, me direz-vous ! Regardons ça de plus près. Ce navire, qui relie l’Asie du Sud-Est à l’Europe du Nord en environ 30 jours, déplace 23 000 conteneurs EVP (équivalent 20 pieds, soit 6 m de long). Or, 23 000 conteneurs tirés par 1 530 Twingos, c’est tout à fait impressionnant puisque cela fait 15 conteneurs par Twingo !
Les navires déplacent donc les marchandises avec une incroyable efficacité énergétique. Cela tient à plusieurs facteurs. Premièrement, ils flottent naturellement : pas besoin, contrairement aux avions, d’énergie pour les maintenir en altitude. Ensuite, ils glissent assez facilement : l’eau offre un coefficient de frottement relativement faible lorsque les vitesses sont raisonnables (environ 30 km/h pour les porte-conteneurs). De plus, ils se déplacent sur un plan horizontal (pas de col à franchir), principalement en ligne droite, et s’arrêtent très rarement, tirant profit de leur inertie. Enfin, la taille des navires augmentant, ils bénéficient d’un rapport volume/surface de plus en plus favorable.
Mais cela ne s’arrête pas là. Les moteurs diesel des navires, bien qu’étant des deux-temps, n’ont rien à voir avec ceux de nos vieilles mobylettes : ils affichent des rendements record pouvant dépasser les 50 %, bien loin des performances du moteur à essence de notre Twingo qui tourne autour de 25 % en moyenne. En termes de consommation — et donc d’émissions de CO₂ — notre porte-conteneurs géant consomme et émet donc à peu près l’équivalent de 765 Twingos (1 530 / 2, si vous avez suivi), soit une pour 30 conteneurs !
Le transport maritime est donc le roi de la sobriété quand il s’agit de transporter des marchandises ! Déplacer une tonne de marchandise sur 1 km avec un navire n’émet qu’environ 14 g de CO₂, alors que le chiffre sera 11 fois supérieur avec un camion (158 g) et 40 fois avec un avion (540 g). Autrement dit, importer à Dunkerque des marchandises de Singapour en passant par le canal de Suez émet autant que de les importer par camion depuis Barcelone ou par avion depuis Caen !
On voit ici que la préférence pour le local, pour des raisons climatiques, est largement surfaite, si ce n’est de l’ordre du fantasme ! Le mode de transport (bateau, avion, camion, train) est un critère bien plus important que la distance. Mais, par ailleurs, saviez-vous que tous les transports confondus (marchandises + passagers) ne pèsent “que” 16 % des émissions mondiales ?
En fin de compte, dans l’analyse de cycle de vie d’un produit, la part du transport est souvent marginale : c’est bien plus le mode de production et éventuellement la phase d’utilisation (si le produit consomme de l’énergie fossile, comme une voiture) qui pèsent le plus lourd.
Le poids du transport dans l’empreinte carbone de notre alimentation
Comme souvent, notre méconnaissance des chiffres nous pousse à agir de manière inefficace : on préfère manger de l’agneau local plutôt que des bananes antillaises alors que ces dernières sont bien moins “carbonées”. Ne faudrait-il pas encourager le ferroviaire ? Si, c’est une très bonne idée : le train est un mode de transport très peu émetteur, surtout quand il est alimenté par de l’électricité bas-carbone comme en France. Mais le train souffre d’un problème de capacité : déplacer nos 23 000 conteneurs sur le rail nécessiterait un train de 140 km de long !
Autrement dit, un train arrivant en gare d’Angoulème n’aurait pas encore quitté la gare de Bordeaux. En réalité, les deux modes de transport, trains et navires, ne sont pas tellement concurrents dans la mesure où le train ne traverse pas encore les océans, et les bateaux n’arrivent pas encore à Genève.
Si tout n’est pas idyllique avec le transport maritime (il engendre d’autres externalités négatives que le carbone, telles que la pollution atmosphérique, le bruit ou le transport d’espèces invasives), il se révèle malgré tout être le mode de fret le plus efficace pour acheminer des marchandises. À tel point qu’il doit être systématiquement privilégié face au transport routier et aérien, chaque fois que c’est possible. Cette substitution est d’ailleurs une piste majeure pour la décarbonation globale de nos transports.
Pensez à l’itinéraire Barcelone–Dunkerque par la mer : il émet moins que par la route, malgré le détour. On en vient à notre fameux paradoxe : pour décarboner le transport dans son ensemble, il faudrait davantage de transport maritime, alors même que ce secteur doit lui-même réduire drastiquement ses émissions, avec un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, fixé par l’OMI (Organisation maritime internationale).
Avec 80 % des marchandises transitant déjà par les mers (et cela ne concerne pas que les porte-conteneurs), le secteur est responsable de 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit l’équivalent du transport aérien ou d’un pays comme le Japon. Le défi est donc double : décarboner une industrie déjà très efficace et lui permettre de prendre des parts de marché aux modes de transport plus émetteurs, tout en accompagnant la croissance économique des prochaines décennies.
Ce secteur est réputé être l’un des plus difficiles à décarboner. Néanmoins, sa transition énergétique et écologique est non seulement nécessaire, mais elle constitue également une priorité stratégique pour l’ensemble de la chaîne logistique mondiale. Nous explorerons prochainement les pistes concrètes permettant d’atteindre cette décarbonation, tout en augmentant le trafic maritime.
En 2 ans, les offres de location ont baissé de 25%. Au point que la question se pose : le DPE (diagnostic de performance énergétique) est-il en train de créer une pénurie de logements ? La Cour des comptes met les pieds dans le plat, et dénonce un système défaillant, corrompu et appliqué sans discernement. Hélas, la solution qu’elle préconise pour y remédier pourrait être pire que le mal.
L’affaire est connue depuis le rapport du Conseil d’Analyse Économique de janvier 2024 : le DPE, ce diagnostic censé évaluer la performance énergétique de nos logements, est très éloigné de leur réalité. Un logement classé G consomme deux fois plus qu’un A, pas sept fois comme le modèle le prévoit.
Revu en Juillet dernier pour éviter les aberrations de classification des petites surfaces, il reste très perfectible. Notamment pour les maisons individuelles : en pratique, les moins bien classées ne consomment que 27 % de plus que les meilleures du parc.
Un an plus tôt, Hello Watt, cabinet spécialisé dans la transition énergétique des logements, remettait déjà en cause sa fiabilité en révélant que 7 diagnostics sur 10 étaient erronés. Et la cour des comptes pointe un autre problème connu : la discontinuité des mesures, qui montre qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du diagnostic. Comme aucune limite n’est fixée, certains vendeurs malins multiplient les évaluations « jusqu’à obtenir un DPE satisfaisant », voire de complaisance.
Pourtant, en 2021, le gouvernement Castex lui donne un poids considérable. Influencé par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, il l’adosse à une interdiction de louer les biens considérés comme plus énergivores. Depuis le 1er janvier, les logements classés G sont interdits à la location. En 2028, ce sera au tour des logements classés F. Problème, tout ceci a été mis en place sans réaliser d’étude d’impact, ni mesurer les conséquences de cette décision.
Et celles-ci sont considérables.
L’étiquette de performance énergétique a un impact avéré sur la valeur des biens. SeLoger estime à 452 €/m² la décote moyenne d’une “passoire énergétique”. Oui, 45 200 € pour un bien de 100 m². Mais cette baisse ne se répercute pas sur le prix des loyers, en hausse continue depuis 2021. Pour une raison simple : l’offre s’effondre, alors que la demande est constante. La Cour des comptes cite une autre étude de SeLoger, qui note que le stock de biens à louer a chuté de 22 % pour les logements classés A à D entre mi-2021 et mi-2023, et de 33 % pour les logements F et G.
Mais les derniers chiffres du site sont encore plus inquiétants.
Tout cela alors que l’ensemble de la politique de rénovation thermique est dans la tourmente. Suspendu par le gouvernement, le dispositif MaPrimeRénov’ entraînerait des fraudes massives, révélées par Le Point. Pour un résultat pour le moins incertain. L’Allemagne, qui a dépensé 340 milliards d’euros dans la rénovation énergétique des bâtiments, n’a pas vu la consommation énergétique du secteur diminuer. La faille de cette politique ? Négliger le comportement des ménages, davantage guidés par leur budget que par leur confort. Pour le respecter, ils ne se chauffent pas beaucoup plus dans un logement moins bien isolé. Malgré tous ces écueils, la Cour des comptes ne semble pas prête à revoir en profondeur le système, mais au contraire à l’alourdir : géolocalisation des diagnostiqueurs, formation renforcée, création d’un Ordre des inspecteurs DPE…
Il existe pourtant une voie qui a fait ses preuves. Entre 1990 et 2020, les émissions de CO2 liées au chauffage ont baissé de 72 % en Finlande, de 83 % en Norvège et de 95 % en Suède ! Grâce à une même stratégie : l’instauration d’une taxe carbone, pénalisant notamment le chauffage au fioul, au moment du développement des pompes à chaleur (PAC).
Une voie que le DPE pénalise : 1 kWh de consommation électrique est comptabilisé comme 2,3 kWh de gaz ! Concrètement, pour prétendre au même classement énergétique, un logement équipé d’un chauffage électrique doit consommer 2,3 fois moins que son homologue au gaz ou au fioul.
En l’état, le dispositif DPE favorise donc les énergies fossiles émettrices de CO2 par rapport à l’électricité, dont la production est très décarbonée en France. Pire, notre pays a une sorte de taxe carbone inversée : l’électricité est plus taxée que le gaz ! Une aberration, alors que la France tente de sortir de sa dépendance au gaz russe (encore 15% des importations) ou algérien (8%). Mais soutenue par de nombreux lobbyistes antinucléaires. Encore récemment, fin 2023, un rapport d’évaluation de la politique de rénovation thermique des bâtiments s’inquiétait que “l’accent mis sur la décarbonation [rende] la France encore plus dépendante de l’électricité”.
Inefficacité, biais idéologiques, pénurie de logements… ces problèmes n’ont aucune chance d’être résolus par l’Ordre des Diagnostiqueurs prôné par la Cour des comptes. L’expérience européenne montre que, bien fléché, le signal prix pousse naturellement les consommateurs à investir efficacement, sans réduire le nombre de logements disponibles. Mais pour le voir, il faut faire confiance à l’esprit d’initiative des citoyens, plus qu’à la bureaucratie.
Vraie solution pour limiter la pollution ou aberration visant à éloigner les pauvres des centres-villes ? Les ZFE, tout juste supprimées par l’Assemblée, ont enflammé le débat entre deux France qui ne cessent de s’éloigner. Les Électrons vous expliquent tout (ou presque).
En France, dès qu’il est question d’automobile, les débats provoquent des crispations. Surtout dans cette période d’extrême polarisation politique. On l’observe avec éloquence concernant la mise en place des ZFE (zones à faibles émissions), ces secteurs urbains réservés aux véhicules censés être les moins polluants. Un système initié par la Suède il y a déjà 30 ans et repris par la plupart des pays européens selon des normes propres à chacun.
En France, la première ZFE fut instaurée en 2015 dans la région parisienne. Peu coercitive, elle ne concernait que les poids lourds, autocars et autobus immatriculés avant le 1er octobre 2001, du lundi au vendredi, de 8h à 20h, hors jours fériés. C’est ensuite en août 2021 que fut votée la loi imposant leur mise en place dans les 43 agglomérations françaises de plus de 150 000 habitants, avant fin 2024. Une mesure assouplie dès juillet 2023 par le gouvernement. Insuffisamment pour les opposants à ces zones, qui ont obtenu – peut-être provisoirement – leur suppression, le 28 mai dernier, grâce à un vote à l’Assemblée statuant sur deux amendements déposés dans le cadre de la loi « de simplification de la vie économique ».
Au commencement était Crit’Air
Les ZFE régentent la circulation des véhicules dans les zones définies en fonction de la vignette Crit’Air dont ils bénéficient. Celles-ci sont au nombre de 6. La pastille ultime, non numérotée, concerne les voitures 100 % électriques et celles roulant à l’hydrogène. Elle offre un passe-droit total à leurs heureux propriétaires. Du moins en France (voir prolongement sur la Belgique). Viennent ensuite 5 autres catégories, se fondant sur la date de production des véhicules concernés et leurs motorisations : essence, diesel ou hybride.
Or depuis le 1er janvier 2025, les véhicules possédant les vignettes Crit’Air 4 et 5, sont bannies de toutes les ZFE, les Crit’Air 3, l’étant également à Paris. Sur l’ensemble du territoire, cela viserait environ un tiers des véhicules particuliers en circulation, selon les données officielles pour 2023. Loin d’être une paille. Ce qui peut expliquer l’ampleur de la grogne, quelle que soit la validité des arguments ayant présidé à l’installation des ZFE. Le coût de leur suppression est, quant à lui, estimé à 3 milliards d’euros, en raison des engagements pris par la France dans le cadre du Plan National de Relance et de Résilience (PNRR) auprès de l’Union européenne, qui nécessiteront des remboursements. Aïe la dette !
Listons maintenant, car c’est l’essentiel, les arguments des deux camps qui s’opposent : d’un côté les sociaux-démocrates, écologistes et socialistes, de l’autre, la droite l’extrême droite et la gauche radicale insoumise. Mais surtout beaucoup de citoyens inquiets. Les uns pour leur présent. Les autres pour leur avenir.
La raison principale ayant conduit à la création des ZFE, tient dans une volonté de réduire les émissions polluantes et améliorer la qualité de l’air, assez dégradée dans les zones urbaines les plus denses. Qui pourrait être contre cette vertueuse entreprise ? Personne en vérité. Il s’agit de créer un bénéfice pour la santé publique et d’encourager la transition vers des moyens de mobilité plus soutenables pour l’environnement.
De l’autre côté de l’argumentaire, on pointe un impact social et économique inégal. Ce serait aux plus pauvres de supporter l’essentiel de cette mesure. A savoir ceux qui n’auraient pas les moyens de changer de véhicules pour embrasser l’électrification ou la modernité thermique. Les autres, nous alertent sur l’inefficacité supposée de ces règles. Les derniers pointent un manque d’accompagnement de cette mutation.
A ce stade, nous avons rappelé les enjeux des ZFE. Nous allons maintenant tranquillement analyser les données qui ont présidé à leur mise en place. Et là…
Le péché originel : 48 000 morts de la pollution chaque année ?
Tout part d’un chiffre répété en boucle : la pollution atmosphérique tuerait 48 000 personnes chaque année. Un chiffre martelé par Barbara Pompili, ministre de la transition écologique jusqu’en mai 2022, en ouverture des débats parlementaires sur la loi « Climat et Résilience », dont la création des ZFE constitue l’un des piliers. C’est ce chiffre qui a été repris en chœur, sur les plateaux, par les autorités concernées et les écologistes — jusqu’à très récemment — chaque fois que la mesure a été contestée.
Les Électrons Libres ont déjà montré que ce chiffre, issu d’un rapport de Santé publique France de 2016, réévalué depuis à 40 000 morts en 2021, était manifestement surgonflé. D’autant plus qu’il s’agit d’une fourchette très large — de 11 à 48 000 décès selon les scénarios — dont seule l’estimation la plus haute a été reprise. Un choix qui ne doit rien au hasard.
(11 ou 48 000 morts ? A vous de choisir ! Preuve du sérieux des études. Mais surtout de la difficulté à envisager la « mort prématurée »)
D’autant — et cela est longtemps passé à la trappe — qu’il ne s’agit pas de décès directement liés à la pollution. Personne ne connaît quelqu’un mort de pollution. En réalité, il est question de décès prématurés, un concept fondé sur des modèles statistiques, qui désigne une espérance de vie raccourcie en moyenne du fait d’une exposition prolongée à un polluant. En clair, des années de vie perdues, calculées par extrapolation : huit mois en moyenne, selon les dernières données de Santé publique France. Un indicateur utile pour les épidémiologistes, mais trompeur pour la qualité du débat public.
Plus grave encore, cette estimation est liée à une exposition chronique aux particules fines PM2,5. Or ces fameuses PM2,5, sur lesquelles reposent principalement les justifications sanitaires des ZFE, ne sont que faiblement liées à la circulation automobile. Elles proviennent en premier lieu du chauffage au bois, de l’industrie, de l’agriculture et du trafic non routier. Quant à la part liée à la route, elle ne regarde pas uniquement les pots d’échappement : freins, pneus, abrasion des surfaces y contribuent largement. Un lourd SUV électrique flambant neuf produira donc potentiellement plus de particules qu’une petite diesel bien entretenue. Ce que ne voit pas la vignette Crit’Air.
Pire, à Paris, Airparif a montré que l’air est souvent plus pollué en particules fines dans le métro qu’à l’extérieur. Or le métro reste la principale alternative opposée à la voiture dans les ZFE.
De nombreuses voix se sont élevées — y compris celle de l’actuel ministre des Transports, Philippe Tabarot, dans un rapport qu’il a co-signé alors qu’il n’était encore que sénateur. En s’arc-boutant sur ce narratif, les défenseurs des ZFE desservent leur propre cause, fragilisent la crédibilité des politiques environnementales et alimentent la défiance, voire le complotisme.
Le test grandeur nature : et si on fermait vraiment tout ?
En mars 2020, la France a vécu, malgré elle, une expérience inédite : le premier confinement lié au Covid. Circulation automobile en berne, activité économique au ralenti, avions cloués au sol … L’occasion, inespérée, de tester grandeur nature les effets d’une réduction brutale des émissions.
Le résultat ? Éloquent — mais pas si simple à analyser.
D’après les évaluations croisées de Santé Publique France et d’Airparif, les niveaux de dioxyde d’azote (NO₂), principal polluant émis par les moteurs thermiques (notamment diesel), ont chuté de 30 à 50 % dans les grandes agglomérations. Bilan sanitaire estimé : 1 200 décès évités grâce à cette réduction du NO₂. Par ailleurs, la baisse des PM2,5 aurait permis de prévenir 2 300 morts supplémentaires. À première vue, la leçon semble limpide : moins de circulation signifie moins de pollution, donc moins de morts.
Mais observées à la loupe, les choses se compliquent. Car si les NOx (soit les émissions de NO₂) , imputables directement au trafic routier, ont effectivement reculé de manière spectaculaire, les particules fines (PM2,5), elles, n’ont baissé que très modérément, puisque provenant majoritairement d’activités pas ou peu ralenties par la pandémie. À Paris par exemple, les concentrations de PM2,5 sont restées comparables à celles d’une journée d’hiver sans vent.
Pire : ces baisses n’ont pas suffi à ramener les niveaux sous les recommandations de l’OMS (fixées en 2021 à 5 µg/m³ pour les PM2,5 et 10 µg/m³ pour le NO₂). Autrement dit : même en arrêtant (presque) tout, l’objectif sanitaire reste hors d’atteinte. Le « test Covid » valide donc une idée simple : les ZFE ciblant uniquement les véhicules thermiques permettent un gain partiel — sur le NO₂ — mais restent largement inefficaces sur les PM2,5, pourtant au cœur de la rhétorique des « 48 000 morts ».
Ces limites sont confirmées par les études d’impact obligatoires, comme celle réalisée à Valence Romans Agglomération. Celle-ci chiffre précisément les effets d’une ZFE selon trois scénarios, du plus timide au plus ambitieux (interdiction des Crit’Air 2 diesel en 2027). Résultat ? Même le plus musclé ne permettrait qu’une réduction de 29 % des émissions de NOx et 17 % de celles des PM2,5 sur le périmètre ZFE d’ici 2027. Sur l’agglomération élargie, la baisse chute à 11 % pour les NOx et 8 % pour les PM2,5.
Et ce par rapport à un scénario tendanciel… qui voit déjà les émissions baisser fortement grâce au simple renouvellement du parc roulant. Entre 2019 et 2027, sans aucune ZFE, les émissions de NOx chuteraient déjà de 46 % et celles de PM2,5 de 36 %.
Bref, le confinement l’a montré, les études le confirment : les ZFE agissent sur un seul pan du problème. Réduire le trafic routier permet de faire baisser le NO₂ — c’est utile. Mais cela ne règle ni le problème global de la pollution, ni la question complexe de ses multiples sources. Et les gains sanitaires promis sont bien plus modestes que ne le suggèrent les slogans anxiogènes.
Une réponse (trop) simple à un problème (très) complexe
Face à l’objectif louable d’améliorer la qualité de l’air, les ZFE promettaient une solution simple : le tri sélectif entre les bons et les mauvais véhicules à l’aide d’une vignette colorée. À la clé : la promesse de rues respirables, de bébés en meilleure santé et de seniors à l’espérance de vie prolongée. Mais comme souvent, derrière la simplicité apparente se cache une usine à gaz à la française.
D’abord, il y a le biais de conception. La vignette Crit’Air classe les véhicules selon leur motorisation et leur année, pas selon leurs émissions réelles. Un petit diesel récent (Euro 6d) est ainsi classé Crit’Air 2, alors qu’un SUV essence hybride de 2 tonnes sera Crit’Air 1. Or, comme nous l’avons déjà vu, pour les PM2,5, le poids et le freinage comptent autant que la motorisation.
Et il y a tous les cas de dérogations possibles. Parmi les exemptions, ici ou là : les véhicules de collection, les forces de l’ordre, les engins de chantier, les ambulances, les services publics, les livraisons, les artisans, les métiers d’art, les déménagements, les handicapés, les véhicules étrangers, les concessions auto… et même certains résidents situés dans la zone. Danger, Zone à Forte Émission de CERFA.
Mais la vraie ligne de fracture est sociale. Le Sénat a sonné l’alerte dans le rapport Tabarot (juin 2023) : « les ZFE, si mal accompagnées, risquent de devenir un nouveau déclencheur de révolte sociale ». Pourquoi ? Parce qu’elles frappent plus durement les ménages modestes vivant en périphérie, souvent dépendants de leur véhicule pour aller travailler. Dans le 3ᵉ arrondissement de Marseille — le quartier le plus pauvre de France — plus d’un véhicule sur deux est classé Crit’Air 3 ou au-delà. Autrement dit, il aurait dû être remplacé à brève échéance si le calendrier initial avait été maintenu.
Malheureusement, une nouvelle fois s’agissant d’écologie, une action mal pensée et offrant un gain marginal est devenue un totem. Une manière pour les pouvoirs publics d’afficher une action visible sur l’écologie, sans toucher à de secteurs plus complexes (chauffage, agriculture, industrie). Et ce, alors même que le renouvellement naturel du parc automobile en réduit encore la portée.
Les ZFE partaient d’une bonne intention : améliorer la qualité de l’air. Elles ont accouché d’un monstre technocratique, socialement explosif et scientifiquement fragile. Le problème est réel, mais mérite de la cohérence, de l’équité et une stratégie claire et compréhensible : taxe carbone fléchée vers les plus modestes pour aider au renouvellement du parc automobile, soutien aux transports alternatifs, déploiement massif de pompes à chaleur, régulation du fret urbain.
L’enjeu mérite mieux. Et nous aussi… Reste qu’en supprimant les ZFE, la France se met en marge de nos voisins européens qui les maintiennent, ce qui peut être problématique. Encourageons alors ces derniers à en reconsidérer les motifs, en se fondant sur des données sérieuses et des solutions réellement efficaces et ambitieuses qui s’exemptent des simples enjeux électoraux.
Et si, au lieu de bloquer une protéine qui stimule une cellule cancéreuse, on la faisait carrément disparaître ?
C’est le principe des PROTACs, une nouvelle génération de médicaments qui ouvre une voie inédite en cancérologie. Testée dans le cancer du sein, cette technologie vise à éliminer les récepteurs aux œstrogènes (ER), souvent responsables de la croissance des tumeurs.
Dans l’essai VERITAC-2, présenté à l’ASCO 2025 et publié dans le New England Journal of Medicine, un PROTAC oral appelé vépdégestrant a été comparé au fulvestrant, traitement de référence injecté. Résultat : chez les patientes présentant une mutation appelée ESR1, fréquente après hormonothérapie, la maladie a progressé plus lentement (5,0 mois contre 2,1) avec un bon profil de tolérance.
Cette mutation ESR1 rend les traitements hormonaux classiques moins efficaces. Les PROTACs, eux, n’essaient pas de bloquer les récepteurs : ils les marquent pour qu’ils soient éliminés par la cellule elle-même, comme des déchets.
C’est donc bien plus qu’un nouveau médicament : c’est une nouvelle classe thérapeutique, avec une stratégie radicalement différente. Et même si le gain médian de survie semble modeste (3 mois), certaines patientes peuvent en bénéficier plus longtemps, surtout dans un contexte de rechute déjà traitée.
D’autres PROTACs sont en cours d’étude, en cancérologie mais aussi dans d’autres domaines, comme la dermatologie. Une chose est sûre : on entre dans une ère où on ne se contente plus de freiner les mauvaises protéines… mais où on les fait disparaître.
En vingt ans, le coût des panneaux solaires s’est effondré, passant de 5,4 à 0,3 dollar par watt, soit une division par dix-huit. Des cellules photovoltaïques à bas coût, principalement importées de Chine, inondent le marché, au point d’éliminer la plupart des fabricants européens, notamment français. Ceux qui subsistent, comme Voltec Solar, achètent leurs cellules en Asie.
Source : Our world in data
À première vue, importer des panneaux solaires bon marché semble nuire à l’emploi local. Un emploi industriel qui pourrait être occupé par un Européen est délocalisé vers un travailleur chinois. Cependant, comme le souligne la scientifique des données Hannah Ritchie, cette vision est trop restrictive. Elle se focalise sur les emplois manufacturiers, sans prendre en compte ceux liés au déploiement, à l’installation ou à l’exploitation des panneaux, qui représentent les trois quarts des emplois générés par le secteur solaire en Europe.
Augmenter le prix des cellules par des mesures protectionnistes entraînerait inévitablement une baisse des achats, et donc une réduction des emplois dans les secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois. Une autre approche, consistant à subventionner la production européenne, pourrait concilier prix bas et production locale. Cependant, cette stratégie a ses limites : les fonds alloués au solaire manquent alors à d’autres secteurs, comme la justice, la santé ou l’éducation.
Ce qui importe avant tout, c’est la création de richesse, l’amélioration des revenus et l’accès à des infrastructures de qualité. L’emploi pour l’emploi n’a pas de valeur en soi. Faire travailler plus de Français avec des fonds publics, sans gain d’efficacité, n’est pas un progrès. Une stratégie de subventions n’est viable que si elle s’accompagne d’exportations, comme le fait la Chine, qui a doublé ses emplois dans le secteur grâce à sa domination mondiale. Or, le vieux continent ne bénéficie pas de cette dynamique.
Pour se démarquer, l’Europe, et la France en particulier, doit miser sur l’innovation. Deux grands projets, Carbon et Holosolis, font ce pari. Leur succès pourrait créer des emplois industriels tout en proposant des produits plus performants, à l’empreinte carbone réduite. Deux initiatives à suivre de près…
Et si la preuve la plus sidérante des progrès du monde moderne se cachait dans ce que nous préférons oublier ? Les excréments. Jadis, nos ancêtres pataugeaient dans un cloaque de déjections humaines et animales, les manipulaient à mains nues, en inhalaient les relents putrides comme une fatalité quotidienne. Faute d’alternative, ces immondices servaient d’engrais pour les champs. Heureusement, nous les avons aujourd’hui presque annihilés de notre horizon quotidien.
Cette révolution silencieuse – notre émancipation triomphale de la dictature fécale – repose sur des conquêtes formidables des deux derniers siècles : égouts modernes, engrais azotés de synthèse, moteurs thermiques et révélations de la théorie des germes. Une transformation radicale mais rarement célébrée de la condition humaine.
Avant l’automobile, les chevaux faisaient des rues urbaines des véritables cloaques. Richard Rhodes révèle dans Energy: A Human History qu’à New York, les équidés déposaient chaque jour 1,8 million de kilos de bouse et 378 000 litres d’urine en pleine voie publique ! Dans The Rise and Fall of American Growth, Robert Gordon cite ce passage édifiant de « The Horse in the City » :
« L’odeur des tas de fumier et les nuées de mouches qu’ils attiraient étaient parmi les nuisances les plus désagréables créées par les écuries. La nuisance était particulièrement grave en été… Sur Liberty Street à New York, il y avait un tas de fumier de 2 mètres de haut. Les rues de New York… étaient souvent recouvertes de couches de crottin. »
L’or brun
Ramasser la merde constituait un métier à temps plein. Comble de l’ironie : l’une des principales fonctions des chevaux était de tirer les charrettes destinées à évacuer… leurs propres déjections. Mais ne croyez pas que ces excréments étaient simplement des déchets à éliminer. Ce serait méconnaître leur valeur inestimable ! La merde était précieuse. Un trésor. De l’or brun.
Pendant des millénaires, le fumier, principalement issu du bétail, a été le principal moyen de régénérer la fertilité des sols après chaque récolte. Les systèmes agricoles étaient largement conditionnés par la quantité d’excréments qu’ils pouvaient efficacement utiliser. Le passage de l’agriculture sur brûlis à la rotation biennale dans l’Antiquité reposait sur le bétail qui paissait dans les pâturages avant d’être parqué la nuit dans les champs en jachère pour les fertiliser naturellement. La transition vers la rotation triennale dépendait de la charrue qui, entre autres avantages, permettait d’enfouir le fumier dans le sol, et des chariots qui facilitaient le transport de plus grandes quantités d’excréments.
Les déjections servaient également de combustible dans les régions manquant de bois, et même de matériaux de construction. Dans les zones les plus pauvres du monde, on les brûle encore aujourd’hui pour se chauffer, contribuant à une pollution intérieure dévastatrice pour la santé humaine.
La prospérité et le développement sont corrélés à l’usage de sources d’énergies plus propres, plus efficaces et plus pratiques pour la cuisine. Source : Our World in Data.
Le « pic de la fiente »
Au 19ème siècle, le commerce du fumier prit une dimension mondiale. Les Îles Chincha, au large du Pérou, où la pluie se faisait rare, accumulaient des fientes d’oiseaux marins depuis des millénaires. Ces montagnes de guano, hautes comme des immeubles, étaient exploitées telles des mines de charbon et exportées massivement vers l’Europe et les États-Unis.
La frénésie pour cet or brun était telle que les îles atteignirent rapidement leur « Pic de la Fiente » – épuisant totalement ces réserves millénaires en à peine 40 ans. L’obsession pour les fertilisants était si intense que plusieurs intellectuels du XIXème siècle critiquèrent vivement les égouts urbains pour leur incapacité à capturer les déjections humaines à des fins agricoles. Sir William Crookes, dans un discours de 1898, célébra « le trésor enfermé dans les eaux usées et les égouts de nos villes » (!), déplora le « gaspillage indicible » consistant à « retourner imprudemment à la mer ce que nous avons pris de la terre, » et imagina « de convertir les eaux usées en maïs. »
Dans Les Misérables, Hugo s’indigne lors de sa digression sur les égouts parisiens : « Employer la ville à fumer la plaine, ce serait une réussite certaine. Si notre or est fumier, en revanche, notre fumier est or. […] Un égout est un malentendu. »
Rassurez-vous, tous les déchets urbains n’étaient pas perdus ! Les déjections équines étaient acheminées vers les campagnes, tout comme certains déchets humains, pudiquement baptisés « terreau de minuit » (« night soil »). On imagine aisément que la collecte de cette matière devait être une tâche particulièrement répugnante. Le terreau de minuit demeure encore aujourd’hui une ressource exploitée dans les pays les plus démunis.
La fin de la « tyrannie du cheval »
Comment l’humanité s’est-elle affranchie de cette condition insalubre qui fut jadis son quotidien ? Rendons d’abord hommage à l’avènement des égouts modernes. En 1833, Paris inaugura son premier réseau d’égouts destiné à canaliser tant les eaux pluviales que celles issues du lavage des voies publiques. Quelques innovations déterminantes marquèrent ensuite l’aube du XXe siècle : l’engrais azoté de synthèse, nous libérant ainsi de notre ancestrale dépendance au fumier ; puis l’essor des transports mécanisés – d’abord les tramways électriques, suivis des automobiles – mettant un terme à ce que Gordon qualifiait avec justesse de « tyrannie du cheval ».
L’adoption fulgurante de ces technologies a été catalysée par la nouvelle théorie des germes et la prise de conscience scientifique que les matières fécales constituaient des véritables bombes bactériologiques.
L’invisibilité des excréments dans notre quotidien n’est pas l’état naturel de la condition humaine, mais bien l’une des plus remarquables conquêtes de notre civilisation moderne.
Cette révolution silencieuse, que nous tenons aujourd’hui pour acquise, représente une rupture fondamentale avec des millénaires d’histoire où l’humanité vivait littéralement entourée de déjections. Ce changement radical dans notre rapport à la merde constitue peut-être l’un des progrès les plus tangibles – quoique trop rarement célébré – de notre modernité technologique et sanitaire.
La France va-t-elle réintroduire un dangereux poison pour les humains, les abeilles et la biodiversité, comme le clament LFI, les écologistes, les associations environnementales, mais aussi certains chercheurs ? Accusé acétamipride, levez-vous !
« Tueur d’abeilles » pour le syndicat d’apiculteurs UNAF, « poison » selon la députée écologiste Delphine Batho, « une des causes du cancer du pancréas » dixit la députée verte Sandrine Rousseau… L’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde interdit en France depuis 2018, a enflammé le Palais Bourbon la semaine dernière. Sa réautorisation, bien que temporaire, dérogatoire et très encadrée, est l’élément le plus explosif de la loi Duplomb visant « à lever les contraintes du métier d’agriculteur », votée par le Sénat en janvier et examinée actuellement en commission mixte paritaire à l’Assemblée nationale.
Un néonicotinoïde pas comme les autres ?
Pour la gauche, les Verts et pour certains scientifiques, réintroduire cette molécule serait criminel pour l’environnement, la santé humaine et les pollinisateurs. Elle est pourtant homologuée par l’Agence sanitaire européenne (EFSA) jusqu’en 2033 et reste donc autorisée dans les 26 autres pays de l’Union européenne. Tous irresponsables, donc ?
Il faut pourtant distinguer l’acétamipride des quatre autres néonicotinoïdes (NNI), utilisés en Europe depuis les années 90, et combattus dès l’origine par les apiculteurs et les écologistes. Tous sont de puissants neurotoxiques (ciblant le système nerveux), très efficaces pour lutter contre les ravageurs de nombreuses cultures. Dans les années 2010, l’Inrae et l’ITSAP (Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation) ont mis en évidence la forte rémanence de certains NNI dans les sols et les cours d’eau et le fait que, même à faible dose, ils pouvaient désorienter les abeilles et les empêcher de retrouver leur ruche. Ce sont ces travaux qui, en 2016, ont conduit Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, à faire voter l’interdiction (effective en 2018) de tous les NNI. Une décision purement politique, a rappelé récemment devant les députés Benoit Vallet, président de l’agence sanitaire française (Anses) et sans doute trop radicale. Car si l’Union européenne a suivi la France sur 4 molécules, elle a maintenu l’autorisation de l’acétamipride. Selon la plupart des agences sanitaires, dont l’EFSA, la toxicité sur les abeilles de cette substance active est en effet nettement plus faible, et sa persistance dans l’environnement beaucoup plus courte, avec une demi-vie (durée nécessaire à la disparition de 50 % du produit) souvent inférieure à 8 jours, contre plusieurs centaines de jours pour les autres NNI.
Une interdiction dévastatrice pour les producteurs français
Le choix de la France a généré de graves distorsions de concurrence pour des pans entiers de l’agriculture, jugées inacceptables par beaucoup de producteurs. Face à des attaques dévastatrices de pucerons en 2020, les betteraviers ont obtenu par dérogation la possibilité d’utiliser des semences enrobées de deux NNI (imidaclopride et thiaméthoxame) avant que le Conseil d’État n’y mette fin en 2023 sous la pression des écologistes. Un désastre pour la filière sucrière française (leader en Europe), alors que sa concurrente allemande pulvérise chaque année ses champs à l’acétamipride. « Les betteraviers allemands nous regardent, morts de rire, mourir à petit feu », s’indigne sur France Info Bruno Cardot, producteur de betteraves dans l’Aisne, rappelant que six sucreries ont fermé en six ans. « Je cherche des solutions alternatives [notamment de biocontrôle] mais elles ne sont pas encore au point. Dans quatorze pays, les semis de betterave sont traités cette année à l’acétamipride. Je veux les mêmes règles ! » L’an dernier, la filière noisette a subi des pertes de rendement de l’ordre de 30 % face aux attaques de balanin et de punaises diaboliques, faute de réelle alternative à l’acétamipride, selon les producteurs. Mêmes impasses technologiques en perspective pour les vergers de pommiers ou de pruniers, ou pour de nombreux légumes.
En 2022 et en 2024, l’EFSA a procédé à de nouvelles évaluations de la molécule, sur la base d’études qui lui ont été soumises par la France (très désireuse de la faire interdire dans toute l’UE) et par l’organisation Pesticide Action Network (PAN Europe). L’agence persiste et signe : « si l’acétamipride est utilisé conformément aux conditions réglementaires, nous estimons qu’il ne pose pas de problème pour la santé humaine et pour l’environnement», a déclaré récemment une porte-parole de la Commission européenne.
La perfection, ennemie de la raison ?
Certes, même avec des conditions d’utilisation draconiennes, ce produit ne peut pas être considéré comme inoffensif. Aucun insecticide ne l’est, par définition. Si certaines accusations relèvent de la pure mauvaise foi, tel le lien entre cancer du pancréas et acétamipride démontré par aucune étude (à lire : Aspartame, pesticides… stop à l’instrumentalisation du cancer), de nombreux effets potentiels sur la santé humaine et l’environnement n’ont pas encore été testés. L’EFSA évalue donc actuellement un possible impact de la molécule sur le développement des neurones et des structures cérébrales associées à l’apprentissage ou la mémoire, mais aussi les risques de perturbation endocrinienne, ou encore les effets potentiels sur la reproduction des pollinisateurs. Dans l’attente d’études de grande ampleur et de qualité sur ces questions, l’Agence a recommandé l’an dernier d’abaisser les seuils toxicologiques, notamment la dose journalière admissible de résidus (DJA).
Les agriculteurs en sont conscients : il faudra, avec le temps, trouver des substituts moins agressifs, avec le soutien des chercheurs. Les filières y travaillent, mais cela prendra des années. Dans l’intervalle, la France va devoir trouver un chemin équilibré : se prémunir des effets les plus délétères des pesticides, sans sacrifier son autonomie agricole et alimentaire. En raisonnant plus sereinement en termes de bénéfices / risques ?
La pollution tue 48 000 personnes par an. La précarité énergétique, 10 000. Ces chiffres, connus de tous, sont à l’origine de lois comme celle sur les ZFE ou le DPE. Seul petit problème, ils sont faux.
Alors, d’où viennent ces chiffres et comment s’imposent-ils dans le débat public ?
Les zones à faibles émissions, c’est avant tout une réponse à un enjeu de santé publique : 48 000 Françaises et Français meurent chaque année à cause de la pollution de l’air.
Ce sont les collectivités locales qui définissent les zones et les règles du jeu des ZFE, elles ont la… pic.twitter.com/BNlp5N2J5F
Ces chiffres aussi circulent partout. Ils suscitent le débat, voire l’indignation. Manque de chance, ils sont trompeurs, voire carrément bidonnés.
Alors, comment et par qui sont-ils fabriqués ?
« D’après un rapport… », la formule magique
Commençons par le plus facile : l’étude produite par une ONG militante, et reprise sans recul par les médias. C’est le célèbre « d’après un rapport… »
La méthodologie d’Oxfam, à qui l’honnêteté imposerait de se rebaptiser Hoax-Fake, a déjà été débunkée mille fois. Dans son calcul, Oxfam ne tient pas seulement compte du mode de vie des plus riches mais aussi des émissions des entreprises qu’ils possèdent. Chaque fois que vous passez à la pompe, vos émissions sont comptabilisées au passif des vilains actionnaires de Total. Ici le biais est grossier, l’intention évidente (servir son agenda anticapitaliste). Mais chaque année, Oxfam nous ressert son rapport, et chaque année ses « conclusions » sont reprises sans recul par des journalistes paresseux. Pourquoi se priver ?
Oxfam, leur obsession, ce sont les « 1 % ». Autre exemple qui ressort chaque année avec quelques variantes : « les 1 % les plus riches de la planète possèdent près de la moitié des richesses mondiales« . Problème, Oxfam se focalise sur le patrimoine net ce qui gonfle artificiellement les inégalités et ignore les dynamiques de revenu, rendant le tableau plus alarmiste qu’il ne l’est réellement. Pour les besoins de la cause, bien sûr.
Sobriété numérique : ma petite entreprise ne connaît pas la crise
Autre catégorie de chiffres venant d’associations, le sondage aux résultats abusivement généralisés et déformés.
Ainsi ce sondage réalisé en 2015 au Royaume-Uni par Censuswide pour Barnardo’s, à l’occasion d’une campagne de don de vêtements. 54,7 % des 1480 participantes répondent qu’elles portent en moyenne 7 fois un vêtement acheté pour une « occasion spéciale », ce qui est devenu au fil du temps et des reprises (dont – évidemment – par Oxfam) : « en moyenne un vêtement est jeté après avoir été porté 7 fois ».
Autre cas d’école, l’enquête annuelle de l’association « Régles élémentaires » réalisée par l’institut Opinion Way, un questionnaire en ligne auto-administré, auprès de 1022 répondantes. Curieusement, et sans que ça n’interroge l’institut sur sa méthodologie , on passe de 2 millions de femmes confrontées à la précarité menstruelle en 2021 à 4 millions de femmes n’ayant pas accès à des protections périodiques en 2023. Ah oui au fait, en 2021, « confrontée » veut dire « personnellement ou déclarant connaître quelqu’un de son entourage qui a déjà été dans cette situation ».
En 2023, ce chiffre de 4 millions est construit à partir des 21 % de répondantes qui ont dû renoncer une (13 %) ou plusieurs fois (9 %) à acheter des protections périodiques l’an passé auxquelles s’ajoutent les 13 % des femmes ayant dû faire un arbitrage une (5 %) ou plusieurs fois (8 %) pour acheter des protections périodiques, soit au total 34 % des répondantes.
Il y aurait donc 34 % des femmes en âge d’avoir leurs règles qui n’auraient pas accès à des protections périodiques ? Un tiers ? Cette exagération manifeste, d’une association qui milite pour la gratuité des protections périodiques, pourrait prêter à sourire si elle n’était reprise telle quelle en ouverture des motifs d’un projet de loi sur le sujet.
Et encore il y aurait à dire sur le paquet de 12 serviettes hygiéniques à 3 euros. Faites vos propres recherches !
Quand l’état s’emmêle
Dernière catégorie, tout aussi intéressante, celle des chiffres provenant des services de l’Etat eux mêmes.
Ainsi notre chiffre de 48 000 décès prématurés liés à la pollution en France est-il issu d’un rapport de Santé Publique France de 2016, dont le communiqué de presse de SPF n’a retenu que la valeur haute d’une fourchette commençant à… 11 décès !
Ce chiffre repose sur une méthodologie très discutable : un taux de risque maximal, appliqué à un scénario extrême dans lequel toute la population vivrait en montagne, dans les communes les moins polluées du pays. Le modèle, jamais confronté aux données réelles, attribue à la pollution seule des écarts d’espérance de vie — sans tenir compte d’autres facteurs bien établis, comme l’alimentation ou les inégalités sociales.
Même calcul à la truelle pour le chiffre avancé par France Stratégie de 10 350 décès par an en hiver liée à la précarité énergétique en France. Ce chiffre repose sur des calculs approximatifs et des extrapolations d’études étrangères, comme celles du Royaume-Uni, sans tenir compte des spécificités françaises, notamment météorologiques, ni d’autres causes de mortalité hivernale, comme les épidémies de grippe.
Enfin, nouvelle tendance, et pas la moins inquiétante, le chiffre qui ne repose sur rien, asséné juste pour faire peur. Dernier exemple en date : Sandrine Rousseau, affirmant à propos de la réintroduction de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, autorisé dans le reste de l’Union Européenne : « Et là on autorise des produits qui sont l’une des causes du cancer du pancréas, mais on est où ? »
Alors que selon les données disponibles, l’incidence du pancréas a doublé chez les hommes et triplé chez les femmes en 30 ans, et non pas tous les six ans, comme elle le prétend. Alors que l’acétamipride n’est à ce jour pas classé comme cancérogène par le CIRC1 (Centre international de recherche sur le cancer). Alors que les principaux facteurs de risque reconnus pour le cancer du pancréas sont le tabac (de très loin, près de 30 % des cas), le vieillissement, et, en pleine progression, l’obésité. Alors que justement, le taux d’incidence du cancer du pancréas est de 21 % inférieur à la population générale chez les agriculteurs.
Mais on est où, si une responsable politique de premier plan peut affirmer pareille contre-vérité sans ciller, et surtout sans être contredite ni même questionnée par personne sur le plateau ?
Alerte enlèvement de contexte
« Les chiffres ne mentent pas, mais les menteurs adorent les chiffres », disait Mark Twain. Un chiffre sans son contexte ou la méthodologie utilisée pour le calcul, une comparaison frappante, un ordre de grandeur surprenant, des unités mal connues… autant de signaux d’alerte qui devraient alerter le journaliste, avant de relayer, ou le politique, avant de légiférer, ou même le simple internaute avant de réagir.
Au fait…
5 terrains de foot par heure, en réalité 24.000 hectares par an sur la période 2011-2021, rapporté à la superficie de la France métropolitaine, c’est une artificialisation de 0,04 % / an. Moins impressionnant comme ça, non ?
Alors, on arrête de se faire prendre pour un lapin de 3 semaines et on aiguise son esprit critique? Chiche?
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) n’a pas évalué l’acétamipride dans le cadre de ses monographies. Il ne figure donc dans aucun des groupes de classification (1, 2A, 2B ou 3). En conséquence, l’acétamipride n’est à ce jour pas classé quant à son potentiel cancérogène selon les critères du CIRC. ︎
La Chine, le pays le plus polluant du monde, aurait-elle atteint son pic d’émissions de CO₂ ? C’est en tout cas ce que laisse entendre une étude finlandaise du Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (Crea), publiée par Carbon Brief.
Ces rejets sont même en recul de 1,6 % au premier trimestre 2025 et de 1% sur les 12 derniers mois. La nouvelle est certes à prendre avec des pincettes. Mais si le phénomène perdure et dicte une tendance, il pourrait marquer une nouvelle ère. Car l’Empire du Milieu représente à ce jour environ 30 % de l’ensemble des émissions mondiales de gaz à effet de serre, contre 11 % pour des États-Unis, moins enclins à s’y attaquer. Des chiffres astronomiques qui rendent les efforts des autres nations, et particulièrement de l’Europe (6,8% des émissions) et de la France, assez vains dans le contexte de hausse continue observée ces dernières années et négativement alimentée par la guerre commerciale que se livrent Pékin et Washington.
En réalité, ce n’est pas la première baisse enregistrée, mais à la différence des précédentes, elle semble influencée par les mesures structurelles engagées par la Chine en matière d’énergies décarbonées. Un premier repli avait été observé entre 2020 et 2021, en pleine pandémie de Covid. Mais il était le fruit de la diminution globale de l’activité et il avait été suivi d’une croissance violente et d’une contraction en 2023. Or, la nouvelle baisse s’inscrit dans une période économiquement intense, même si le PIB chinois n’a augmenté « que » de 4.6% en 2024, contre 5.6% l’année précédente, alors même que les émissions de la dernière année suivent une courbe en plateau légèrement descendante. Mieux, comme le rappelle le politologue et auteur pour le GIEC, François Gemenne, qui regrette le peu de lumière projetée sur cette information : « la croissance des énergies décarbonées […] dépasse pour la première fois celle de la demande en énergie. » Bien que la partie soit loin d’être gagnée, un prolongement de la tendance verrait Pékin atteindre ses objectifs de pic de ses émissions, fixé en 2030, avec cinq ans d’avance. Réjouissons-nous un peu, dans l’espoir de la confirmation du phénomène.
Aux États-Unis, des cochons génétiquement modifiés pourraient considérablement améliorer le bien-être animal, notre santé et l’environnement.
Apparu à la fin des années 80, le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (SDRP) est une maladie virale dévastatrice pour la filière porcine. Elle entraîne des troubles de la reproduction chez les truies, des problèmes respiratoires, des retards de croissance et augmente la mortalité des porcelets. Elle affaiblit leur système immunitaire et les rend plus vulnérables aux infections bactériennes secondaires. Ces co-infections peuvent multiplier par trois l’usage d’antibiotiques dans les élevages affectés. Lors des épidémies, elles entraînent même parfois des campagnes d’euthanasie massives. En Bretagne ou dans le Nord de la France, le SDRP est présent dans plus de la moitié des cheptels.
La société britannique Genus a utilisé CRISPR-Cas9 pour désactiver un récepteur que le SDRP utilise pour infecter les porcs. Le résultat ? Des animaux immunisés contre 99 % des souches connues de la maladie. Mieux encore, l’édition de gènes se fait au stade embryonnaire, ce qui garantit que le caractère de résistance est transmis aux générations futures.
Et – c’est une première – la FDA (Food and Drug Administration) a autorisé l’élevage de ces porcs génétiquement modifiés.
Outre la baisse de consommation d’antibiotiques, c’est la promesse de réduire le stress et la souffrance des animaux. Et aussi celle de diminuer de près de 5% les émissions de gaz à effet de serre en limitant les pertes. Financièrement, celles-ci sont estimées aux États-Unis à 664 millions de dollars par an. Une économie qui va renforcer la compétitivité des éleveurs américains et baisser le prix de la viande pour les consommateurs.
Après les États-Unis, où les premiers cochons modifiés devraient être élevés dès l’an prochain, Genus cherche à obtenir des approbations réglementaires au Mexique, au Canada, au Japon et en Chine. Malheureusement pas en Europe, où la réglementation rend l’homologation impossible, probablement encore pour longtemps. L’assouplissement prochain de la législation sur les “nouveaux organismes génétiquement modifiés” ne porte que sur les végétaux, pas sur les animaux.
Dommage pour leur bien-être, le climat et nos éleveurs.
Les thérapies cellulaires anticancer ont récemment fait leur entrée dans la pratique clinique courante, élargissant de manière significative l’arsenal thérapeutique, notamment dans certains cancers du sang comme les lymphomes. Parmi elles, la thérapie par cellules CAR-T représente une avancée majeure : il s’agit d’une immunothérapie innovante qui repose sur la modification des propres globules blancs du patient, les lymphocytes T, afin de leur permettre de détecter et d’éliminer les cellules cancéreuses. Ils deviennent alors de super tueurs capables de mieux reconnaître les cellules qui n’ont rien à faire là.
Concrètement, les cellules CAR-T sont des lymphocytes T d’un patient donné génétiquement modifiés en laboratoire pour exprimer un récepteur chimérique (appelé CAR, pour Chimeric Antigen Receptor) capable de reconnaître un antigène présent à la surface des cellules tumorales, comme CD19 dans le cas des lymphomes B. Ce traitement est actuellement utilisé lorsqu’un premier traitement de référence a échoué. Mais malgré son efficacité, certains patients rechutent ou ne répondent pas.
Une étude parue en mai 2025 dans la prestigieuse revue américaine New England Journal of Medicine a testé une version « améliorée » des CAR-T : les huCART19-IL18. Ces cellules « armées » sécrètent de l’interleukine-18, une cytokine pro-inflammatoire qui renforce l’activation du système immunitaire et aide à surmonter l’environnement immunosuppresseur de la tumeur.
Les résultats de cette étude de phase 1 très préliminaires sont très prometteurs : 81 % des 21 patients antérieurement traités par des cellules CAR-T « classiques » mais en échec ont répondu au traitement, dont 52 % avec une réponse complète (disparition complète du lymphome), et avec une toxicité acceptable compte tenu du bénéfice attendu. Fait remarquable, certains patients restent en rémission plus de deux ans après l’infusion. Sans ce nouveau traitement, ces patients seraient probablement décédés aujourd’hui…
Ces résultats préliminaires ouvrent la voie à une nouvelle génération de CAR-T plus efficaces car capables de contourner certains mécanismes de résistance.
Une lueur d’espoir pour les patients en impasse thérapeutique !
Une bombe à retardement visant à assécher l’agriculture française ! Tel est le résultat des amendements délirants qui ont modifié le texte de la loi censée « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », actuellement débattue à l’Assemblée. Objectif caché : interdire toute construction de nouveaux dispositifs de stockage de l’eau.
Le forfait a eu lieu les 6 et 7 mai derniers, tandis que le texte, déjà adopté au Sénat le 18 janvier, passait sous les fourches caudines de l’Assemblée et de sa Commission Développement durable, dirigée par la députée du groupe Ensemble pour la République, Sandrine Le Feur. Tout sauf un hasard, on le verra plus loin. C’est particulièrement l’article 5 de son titre III, « Faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource », qui a été labouré dans les grandes largeurs. Le tout pour arriver à un résultat contredisant strictement la volonté du législateur, en augmentant drastiquement les contraintes imposées aux agriculteurs et en les privant d’eau dans les périodes où elle est déjà la plus rare. Un comble ! La manœuvre est passée quasiment inaperçue dans les médias. Elle aurait pu nous échapper aussi, sans la vigilance de notre consoeur Emmanuelle Ducros (l’Opinion). Pourtant, le texte était très attendu par les agriculteurs, après les promesses qui ont fait suite à leurs récentes manifestations. Or, après son passage en commission, plus question de simplification administrative, mais une batterie de 493 amendements, évidemment non retenus pour la plupart, pour torpiller de manière à peine voilée la possibilité d’installation de retenues d’eau. Une bataille rangée principalement menée par les parlementaires insoumis et écologistes, notamment sous la houlette de Lisa Belluco, Julie Ozenne et Delphine Batho, concernant ces derniers.
Un premier article propose d’interdire le financement public de ces retenues, qui devraient désormais être entièrement prises en charge par les usagers. Le sujet n’est pas tabou, toute question propre à l’allègement des finances publiques et à la responsabilisation de la sphère privée et des citoyens étant légitime. Mais ce n’est qu’un hors-d’œuvre.
L’article suivant monte d’un cran et introduit le plat principal : il impose une étude hydrologique exhaustive, à l’échelle territoriale, réalisée dans les cinq années précédant la mise en place des projets envisagés, incluant une analyse des impacts du changement climatique. Exigeant, dilatoire, mais admissible. En effet, l’efficacité des réserves hydriques dépend du contexte local, comme nous le rappelons dans l’article connexe, « stockage de l’eau, solution ou illusion ? ».
Puis arrive le dessert, pour ne pas dire le coup de grâce : un moratoire de dix ans interdisant toute nouvelle autorisation de construction de « mégabassines ». Cerise sur le gâteau : le moratoire se veut rétroactif ! Tous les projets validés depuis moins de dix ans, mais pas encore réalisés, seraient instantanément gelés.
L’article est ouvertement militant, employant le terme tendancieux de « mégabassines », sans aucune valeur juridique, plutôt que « retenues d’eau », ainsi que le rappelle Carole Hernandez-Zakine, docteur en droit, spécialisée en droit de l’environnement, citée par Emmanuelle Ducros dans son article pour l’Opinion.
Bref : rideau. Adieu les projets de stockage d’eau pendant au moins une décennie. Après les toilettes sèches, voici donc venu le temps de l’agriculture sèche ?
Irriguer, c’est mal… sauf en bio ?
Et quid des retenues déjà en service ? On en arrive presque à être soulagés, elles ne seront pas démantelées. Mais leur utilisation devra être conditionnée à un « partage équitable » de la ressource entre agriculteurs. Soit. C’est généralement déjà le cas : les utilisateurs se raccordent au réseau en payant leur part.
Pourtant, ô surprise, dans le même paragraphe, la promesse d’équité s’évapore : l’usage est réservé à l’agriculture biologique ou en conversion. Une exclusivité bio donc, sans que ses bénéfices écologiques ne soient démontrés de manière convaincante. Et là, soudainement, nous revient en mémoire le nom de la présidente de la commission ayant supervisé ce massacre. Sandrine Le Feur. Ne serait-elle pas concernée par cette loi ? Elle qui, ancienne de la Confédération paysanne, pratique le métier d’agricultrice… dans le bio. En plus d’avoir fondé le magasin Elocoop, vendant en circuit court les produits de ses collègues investis dans le même secteur dans son Finistère d’élection. On n’ose imaginer l’idée d’un léger conflit d’intérêt, laissant l’histoire trancher, même si la question a le droit d’être posée.
L’irrigation : gaspillage d’eau ou pratique indispensable ?
Parce qu’à l’arrivée, les agriculteurs traditionnels ayant financé une retenue pourraient se retrouver face à un choix ubuesque : soit ils se convertissent au bio — un pari risqué, alors que le marché stagne ; soit ils renoncent à l’eau — et s’exposent à des pertes économiques en cas de sécheresse. Et dire qu’il s’agit d’un texte censé « lever les contraintes » sur la profession…
Des effets contre-productifs
Pire, économiquement, cette loi est une impasse. Moins de stockage, c’est plus de pertes et moins de prévisibilité pour les exploitants. Et pour le pays, c’est un moyen de dire adieu à sa souveraineté alimentaire. Ce n’est pas tout. Socialement, c’est aussi un nouveau coup dur pour une profession déjà profondément en crise. Quant à la pertinence écologique de l’ensemble, rien ne permet de la déduire. Moins de production locale signifie souvent plus d’importations depuis des zones où les pratiques agricoles sont potentiellement moins vertueuses. Résultat : on ne réduit pas l’impact, on le délocalise. Or, le stockage permet précisément de limiter les prélèvements estivaux, quand la ressource est la plus fragile. Le texte évoque bien de confuses « solutions fondées sur la nature » ou la « réduction des volumes prélevés », mais dans les faits, l’irrigation reste indispensable. Sans elle, c’est tout un pan de l’agriculture qui risque de s’effondrer; en plus de rendre hypothétique la diversification vers des cultures plus durables, comme les légumineuses.
Disponibilité de l’eau en France : faut-il vraiment s’inquiéter ?
Il est encore temps de revoir la copie. Plutôt que d’interdire, encadrons intelligemment. Car, indiscutablement, existe la nécessité d’une gestion rigoureuse de l’eau, de la réalisation de solides études d’impact, et de la mise en place d’une gouvernance transparente. Mais un tel texte, si jamais il était voté, ne produirait rien d’autre que de nouvelles difficultés pour les agriculteurs, sans résoudre la question de la gestion hydrique. Si la France veut concilier souveraineté alimentaire, adaptation au changement climatique et protection des milieux, elle doit s’appuyer sur une ingénierie hydrologique maîtrisée, non sur des moratoires idéologiquement mortifères. Plus grave encore. Ces entraves doctrinaires, bien que fondées sur l’honorable prétexte de la préservation des ressources, attisent les fractures déjà béantes entre les citoyens, participent à la délétère polarisation du pays et favorisent des extrêmes n’ayant pas besoin de tels cadeaux pour prospérer. Reste que, bien que pouvant profiter de l’absentéisme parlementaire lors du pont de l’Ascension, durant lequel le projet sera soumis au vote, il y a peu de chance qu’il passe en l’état, tant il est empreint d’une radicalité irrationnelle. Espérons-le !
Le 4 Février dernier, j’apprends qu’une pétition réclame l’interdiction de l’Aspartame. Pas du tabac, ni de l’alcool, non, de l’Aspartame. La très respectable Ligue Contre le Cancer soutient cette initiative de l’ONG Foodwatch et de l’application Yuka. L’Aspartame, vraiment ?
Les procureurs médiatiques l’accusent d’être à l’origine de cancers évitables, notamment chez les jeunes, risque jugé « inacceptable ». Pourquoi donc cette information est-elle arrivée ce jour-là sur mon chemin ? Parce qu’il s’agissait de la Journée mondiale contre le cancer. Enfin, visiblement surtout de la Journée mondiale contre l’aspartame, étant donné qu’elle a monopolisé 90% de la fenêtre médiatique dédiée au sujet. Ni le tabac, ni l’alcool, ni les papillomavirus, ni l’obésité croissante dans les pays développés, notamment chez les enfants, tous facteurs de risque établis de cancer, n’auront eu droit à la même exposition médiatique. Une fois encore, l’attention aura déviée des vrais enjeux de santé publique au profit d’un épouvantail à fort potentiel anxiogène : j’empoisonnerais donc, père indigne, à petit feu mes enfants en leur autorisant de boire un soda « light » occasionnellement ? Je commençais tout doucement mais sûrement à m’agacer et décidais donc de creuser un peu plus cette histoire.
Un pétard mouillé scientifique ?
Rapidement, je réalise que tout ceci ne repose… que sur une seule étude. Publiée en 2022, cette publication rapporte une hausse du risque de cancer de 13 % chez les gros consommateurs d’aspartame. Dit comme ça, ça impressionne. Mais dans le jargon des épidémiologistes, cela signifie un risque relatif de 1,13. Autant dire un murmure statistique. Pour mémoire, le tabac multiplie par 25 (soit 2500 % !!!) le risque de cancer du poumon. À titre de comparaison, pour un risque du même ordre de grandeur et mieux établi, l’utilisation prolongée de la pilule contraceptive est associée à un risque relatif de 1,2 pour le cancer du sein, et pourtant, elle reste largement prescrite en raison de ses bénéfices. Non, ce jour-là, c’est l’aspartame qui a eu droit à sa mise au pilori publique.
Augmentation
du risque relatif
de cancer
Or, aucune donnée solide ne vient vraiment soutenir les conclusions alarmistes de l’étude NutriNet-Santé. On est face à un pétard mouillé scientifique, bien relayé médiatiquement. Une méta-analyse récente, qui compile plusieurs études sérieuses, n’a trouvé aucun lien significatif entre édulcorants artificiels (dont l’aspartame) et cancers. Rien. Nada. Mieux encore, une étude espagnole multicentrique (MCC-Spain) non seulement n’établit aucun lien, mais elle a même observé un effet protecteur contre le cancer du seinchez les gros consommateurs : –72 % de risque. Soyons justes : cette même étude note une légère hausse du risque de cancer gastrique, preuve que les données sont nuancées, parfois contradictoires. Bref, la science ne crie pas au scandale. Elle doute. Et c’est tout son intérêt.
Aspartame, pesticides, même combat ?
Même mécanique avec les pesticides. Une étude épidémiologique écologique française a récemment suggéré une augmentation de 1,3 % du risque de cancer du pancréas pour chaque hausse de 2,63 kg/ha dans l’achat de certains pesticides d’un territoire, sur la base de plus de 130 000 cas recensés entre 2011 et 2021. Il n’en fallait pas plus pour que certains y voient aussitôt la clé de l’augmentation (réelle, certes, mais modérée) de l’incidence de ce cancer. L’équation était toute trouvée : pesticides = cancer du pancréas = panique générale. Sauf qu’évidemment, personne n’a pris le temps de préciser que cette augmentation de risque – si elle est avérée – reste extrêmement limitée. Surtout quand on la compare aux niveaux moyens d’usage des pesticides en Europe : 3,45 kg/ha en France, contre 4,69 kg/ha en Italie et 4,06 kg/ha en Allemagne. Rien qui permette de crier à l’empoisonnement massif des champs hexagonaux. Mais le plus ironique reste à venir : les agriculteurs eux-mêmes – ceux qui manipulent ces produits à longueur d’année – présentent un taux plus faible de cancer du pancréas que la population générale. Un comble. Et ce, probablement parce qu’ils fument moins et ont une prévalence plus basse d’obésité. Alors, peut-être qu’avant d’incriminer la chimie des champs, il serait temps de regarder ce qu’on met dans nos assiettes… et dans nos poumons.
Cancer du pancréas :
moins de risque relatif
chez les agriculteurs
Attention, il ne s’agit pas de nier les risques environnementaux. L’affaire de la chlordécone aux Antilles – ce pesticide massivement utilisé entre 1970 et 1990 contre le charançon du bananier – rappelle à quel point certaines expositions chimiques peuvent être graves et durables. Mais tout ne peut pas être mis dans le même sac au nom d’un principe de précaution poussé à l’extrême, qui néglige parfois les effets pervers de ses propres injonctions. Restreindre l’aspartame sans solution crédible ? On favorise le retour du sucre, dont les ravages sur la santé sont bien établis. Discréditer les pesticides sans voir les enjeux agricoles et sanitaires globaux ? On fragilise des équilibres déjà précaires et risque d’encourager des alternatives pires ou de décourager des pratiques vertueuses. La peur n’est pas une stratégie de santé publique.
Refusons la politisation du cancer
Dans ce climat de suspicion généralisée, certains journalistes vont plus loin. Avec, comme souvent, en tête de gondole, Stéphane Foucart, dans une tribune récemment parue dans le Monde. Il y évoque un possible lien entre la survenue d’un cancer chez une jeune femme et… son vote (sic). Oui, vous avez bien lu. La science, la vraie, quoi ! Face à la maladie, écrit-il, il faudrait se demander « pour qui on a voté ». Ce glissement vers une politisation du cancer est non seulement indécent mais dangereux. En désignant des ennemis politiques plutôt que des causes biologiques ou comportementales, on détourne le débat de sa rigueur scientifique. On alimente la méfiance envers la médecine et la politique au lieu de construire des solutions partagées.
De même, on a vite fait de créer la panique en parlant de « tsunami » de cancers chez les jeunes, alors que les chiffres sont simplement mal interprétés (voir encart). Une population plus nombreuse et mieux diagnostiquée entraîne mécaniquement plus de cas. D’où l’importance des taux standardisés : ils ajustent selon l’âge et permettent de distinguer croissance démographique et véritables facteurs de risque. Ainsi, l’incidence paraît plus élevée en Afrique (16,2 %) qu’en Europe (3,6 %) chez les 15–39 ans, principalement à cause d’une population plus jeune. L’absence de vaccination (HPV, hépatite B), de dépistage et l’accès limité aux soins expliquent aussi une mortalité bien plus élevée.
Pendant qu’on consacre une journée entière à débattre de l’aspartame, dans une mécanique fondée sur la peur et sans mise en perspective, les données les plus solides passent à la trappe. Or, le taux de mortalité par cancer baisse régulièrement depuis 1990: –1,8 % par an chez les hommes, –0,8 % chez les femmes. Chez les moins de 50 ans, la mortalité a même chuté de plus de moitié. Ces progrès tiennent au dépistage, aux innovations thérapeutiques, à un meilleur accès aux soins… et à la baisse du tabac et de l’alcool, surtout chez les hommes. Car 40 % des cancers sont évitables ! Voilà ce qu’il faudrait marteler. Le tabac tue prématurément 75 000 personnes chaque année (soit une ville comme Antibes), l’alcool 16 000. L’obésité, la sédentarité, les infections à HPV ou à l’hépatite B sont des leviers d’action majeurs.
En cancérologie, l’espoir n’est désormais plus un vain mot. Il se vit. Julie, 34 ans, a repris sa vie après un mélanome métastatique et a mis au monde un petit Lucas qui se porte comme un charme, grâce à l’immunothérapie – voir encart – qui a complètement et durablement effacé les métastases de son corps. Maurice, 68 ans, a retrouvé les promenades familiales après une thérapie CAR-T qui a éradiqué son lymphome résistant à la chimiothérapie. Ces parcours, fruits d’une médecine exigeante et fondée sur des preuves, sont la véritable réponse à la peur. Mais ils peinent à émerger dans un espace médiatique saturé de récits anxiogènes.
Il est temps de reprendre la main. De cesser de courir après des causes invisibles et de se concentrer sur les priorités réelles. La prévention, ce n’est pas diaboliser l’alimentation industrielle ou le shampoing du quotidien. C’est promouvoir le sevrage tabagique, la vaccination, l’activité physique et la lutte contre l’obésité, comme l’accès aux soins. C’est aussi refuser que l’on instrumentalise le cancer pour faire passer des messages politiques ou moralisateurs. Car oui, effectivement, derrière, il y a potentiellement de mauvaises décisions politiques.
La science progresse. Les malades en bénéficient. Aidons-les à guérir, non en désignant des boucs émissaires douteux, mais en renforçant ce qui marche. La peur ne sauve pas. La rigueur, si.