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Lobby et marchands de (ci)trouilles bio 

19 août 2025 à 04:40

Après deux décennies de croissance, le bio marque le pas. Les ventes stagnent, et les surfaces cultivées reculent. Pourtant, l’État continue de miser sur lui, à coups de subventions et d’objectifs toujours plus ambitieux. Le secteur, en crise, fonde sa survie sur le lobbying et la fabrique de la peur.

Trou d’air passager ou marché mature ? Après un plongeon en 2021 et deux années dans le rouge, l’agriculture biologique se stabilise. Son chiffre d’affaires s’est maintenu l’an dernier à 12,2 milliards d’euros (+0,8 %), certes loin de son pic de 2020 (12,8 milliards), et sa part de marché reste de 5,7 % des achats alimentaires des Français selon les chiffres de l’Agence Bio. Une situation liée au net rebond en circuits spécialisés et en vente directe (+7 % par rapport à 2023), alors que les ventes en grande distribution, qui représentent encore près de la moitié du total, poursuivent leur dégringolade pour la quatrième année consécutive (-5 %). L’inflation a en effet conduit les grandes enseignes classiques à sabrer dans leur offre de produits bio qui, 30 à 50 % plus chers, ne trouvaient plus preneurs. Et le retour des prix à la normale n’a pas suffi à inverser la tendance. Quant à la restauration hors domicile, elle reste marginale (8 % du marché).

Le marché bio tient donc essentiellement grâce aux consommateurs « purs et durs », à fort pouvoir d’achat, qui fréquentent les magasins spécialisés comme La Vie Claire, Naturalia (Monoprix), Bio C Bon (Carrefour) ou, surtout, Biocoop, leader incontesté du secteur avec 742 magasins et 1,7 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Un créneau certes en voie de rétablissement, mais loin des croissances à deux chiffres des années 2010.

Dans ces conditions, l’acharnement des pouvoirs publics à subventionner toujours plus le développement de l’agriculture biologique laisse perplexe. Surtout, en constatant que les surfaces agricoles bio ont encore reculé en 2024, leur part stagnant autour de 10 % du total. Pourtant, la loi d’orientation agricole votée en mars dernier prévoit de doubler ce pourcentage d’ici 2030, en l’amenant à 21. Soit, dans quatre ans et demi ! Qui peut y croire ?

Sécurité Sociale de l’alimentation : le bio joue sa carte vitale

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Étranglés entre la baisse de la demande et les surcoûts de production (rendements plus faibles qu’en agriculture conventionnelle, besoins en main-d’œuvre), bon nombre d’agriculteurs bio ne parviennent plus à garder la tête hors de l’eau, malgré les aides européennes et les plans d’urgence de l’État – 104 millions d’euros en 2023, 105 millions en 2025. S’y ajoute une série d’aides à la filière, notamment via le fonds Avenir Bio, créé en 2008 : 18 millions d’euros de budget l’an dernier, sans compter les 5 millions de financement de la campagne de promotion lancée cette année à l’occasion des 40 ans du label AB.

La récente décision de réduire de plus de moitié le budget 2025 du fonds Avenir Bio (au nom de la quête d’économies) a logiquement mis la filière en émoi. Mais est-il réaliste de vouloir à tout prix, à coup de subventions et de dirigisme, doper les surfaces et les volumes d’un modèle coûteux, dont les bénéfices sur la santé et l’environnement sont loin d’être avérés ? La loi Egalim impose ainsi depuis 2022 au moins 20 % d’aliments bio dans les repas des cantines scolaires. On en est loin : trop cher pour les collectivités, ou trop compliqué (ou contre-productif si les produits bio sont importés). Autre initiative, émanant cette fois de la mairie écologiste de Strasbourg : la distribution gratuite, sur simple ordonnance du médecin (dispositif Ordonnance Verte), de paniers de fruits et légumes bio à 2 000 femmes enceintes.

Biocoop : fils de pub

En fait, la filière bio a surtout construit son succès foudroyant du milieu des années 2000 à 2020, grâce à un discours agressif, axé autour du bashing systématique de l’agriculture conventionnelle. Ou plutôt du « lobby agro-industriel » et, surtout, des pesticides. À ce jeu, Biocoop a fait très fort. En 2014, le réseau coopératif lance une campagne d’affichage s’attaquant aux produits alimentaires classiques. Une affiche montrant une pomme dont sort un tas de ferraille, avec ce slogan : « n’achetez pas de pommes (traitées chimiquement) », lui vaudra deux ans plus tard une condamnation pour dénigrement. Sans aucun dommage pour son image, puisque les ventes ont progressé et que l’enseigne a récidivé en 2017, à l’occasion d’Halloween, avec une affiche de citrouille et cette annonce en gros caractères : « Vous devriez en avoir peur toute l’année ». En guise de légende : « la citrouille est l’un des aliments contenant le plus de pesticides. Chez Biocoop, tous nos produits sont garantis bio, zéro pesticide et zéro OGM ».

Un marketing de la peur qui s’est avéré très payant dans l’opinion, même s’il repose sur un double mensonge, au moins par omission. Car l’agriculture bio utilise, elle aussi, des pesticides, certes dits « naturels » (non issus de la chimie de synthèse), mais parfois tout aussi néfastes pour l’environnement, tels que les traitements à base de cuivre, toxiques pour les micro-organismes du sol, ou le spinosad, insecticide tueur d’abeilles avéré. Par ailleurs, le bio cultive de nombreuses plantes classées OGM car issues de mutagenèse in vitro, même si, grâce à la relative ancienneté de cette technique (une cinquantaine d’années), elles ne sont pas soumises aux règles de la directive européenne de 2001, notamment en matière d’étiquetage.

Spinosad : l’autre tueur d’abeilles ?

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Il n’empêche, la diabolisation de ces deux totems fonctionne, d’autant mieux qu’elle est attisée depuis des années par une nébuleuse d’ONG, d’activistes écologistes, collectifs et scientifiques militants, allant de Greenpeace à Pan Europe en passant par Nature et Progrès, Secrets Toxiques, les Faucheurs volontaires, la Confédération paysanne ou le CRIIGEN. Au centre se trouve l’influente association Générations futures (741 500 € de budget), sponsorisée par le biobusiness et l’État français. Elle multiplie les campagnes anxiogènes et les rapports ou études, biaisés mais très médiatisés, sur les résidus de pesticides. Cet écosystème, qui possède des relais de poids dans la presse et au Parlement européen (entre autres, l’eurodéputé Claude Gruffat, qui fut président de Biocoop pendant 15 ans), présente toutes les caractéristiques d’un lobby puissant. L’an dernier, la mouvance anti-pesticides s’est même élargie aux mutuelles, comme le démontre le journaliste Gil Rivière-Wekstein dans sa revue en ligne Agriculture et environnement.

Générations futures, un lobby peu discret

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Cancers : peur sur la métropole

L’outrance et l’hystérie ont atteint des sommets le 8 juillet dernier lors du vote à l’Assemblée nationale de la loi dite Duplomb, qui réintroduit ponctuellement et sous conditions très strictes l’acétamipride, un néonicotinoïde autorisé partout en Europe mais interdit en France depuis 2018. Les députés écologistes Benoît Biteau et Delphine Batho ont fait venir dans l’hémicycle des malades du cancer et des parents d’enfants qui en sont morts. Ils ont accusé les députés d’être « les alliés du cancer ». Des élus de gauche ont même prédit une hausse de ces pathologies chez les enfants, sans fournir d’arguments réels pouvant le laisser penser. Quant au journaliste-activiste Hugo Clément, il s’est offert cette indigne sortie sur tous les réseaux sociaux : « la majorité des députés a voté POUR des produits qui causent le cancer, tuent des enfants et détruisent la vie sauvage »… Une instrumentalisation cynique de la souffrance des malades, relayée sans recul par bon nombre de médias. Dénonçant « une soumission aux intérêts de l’agrobusiness », Générations futures a même annoncé sa volonté de contester le texte devant les tribunaux.

Peu importe que l’Agence sanitaire européenne EFSA, censée s’appuyer sur le consensus scientifique, après avoir passé en revue toutes les études les plus récentes, considère l’usage de cette molécule sans danger pour la santé humaine et pour l’environnement, si les conditions d’utilisation sont bien respectées (idem pour son homologue française l’Anses). Peu importe, pour les promoteurs du bio, qu’en 20 ans, l’agriculture française ait fait d’énormes progrès, grâce à la réduction des intrants, à l’interdiction de la quasi-totalité des molécules au risque cancérogène, mutagène ou reprotoxique avéré (les CMR 1), à l’amélioration constante des pratiques culturales et du recours à l’irrigation. À ce sujet, rappelons que lors de l’examen de la loi Duplomb, la commission du développement durable, présidée par une agricultrice en bio, Sandrine Le Feur, avait voté sans honte plusieurs amendements (effacés dans la version finale) interdisant la construction de nouvelles retenues d’eau et réservant aux seules exploitations en bio le droit d’utiliser celles existant déjà !

Ce déni a peut-être une explication : en 2021, le Synabio (syndicat regroupant industriels et distributeurs bio) reconnaissait être « challengé » par d’autres signes de qualité comme le Label Rouge, le « zéro résidu de pesticides » ou la certification HVE (Haute valeur environnementale). En d’autres termes, tout effort alternatif en faveur d’une agriculture plus exigeante et plus durable serait perçu comme une compétition menaçante pour le bio. Le syndicat du biobusiness, allié à d’autres acteurs dont UFC-Que Choisir, la FNAB et son incontournable bras armé, Générations futures, avait d’ailleurs engagé un recours contre la certification HVE, qualifiée de « greenwashing ». Il a été débouté en mars dernier par le Conseil d’État.

Tout l’été, nous publions ici gratuitement les bonnes feuilles de notre livre, « Trop bio pour être vrai ? ». Pour le lire en intégralité, c’est par là :

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Suite la semaine prochaine avec le chapitre V : Le bio qui cache la forêt

Épisode précédent : Environnement, le vert à moitié plein

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Les entreprises investissent des milliards dans l'intelligence artificielle, mais les retombées continuent de se faire attendre, dans un contexte de doutes sur la rentabilité de cette technologie

17 août 2025 à 16:46
Les boîtes d'IA c'est pas «Jusque là tout va bien» mais «Jusque là tout va mal». Avec pour le moment des bénéfices qui se font attendre face aux investissements colossaux.
Je le redis: L'IA c'est vraiment un concours de bites à celui qui fera le plus gros investissement. https://sebsauvage.net/links/?4RO6NQ
(Permalink)

L’éditorial de Gaëtan de Capèle : «La Chine face à Trump, œil pour œil, dent pour dent»

Pendant que les États-Unis punissent et humilient à coups de droits de douane les trois quarts de la planète, Pékin resserre ses liens avec ses voisins asiatiques, avec l’Afrique et avec l’Amérique du Sud.

© Le Figaro

Gaëtan de Capèle.

L’éditorial de Gaëtan de Capèle : «Une fonction publique écrasante, un trésor pour faire des économies»

Le recrutement d’agents supplémentaires, à un rythme supérieur à celui de la population, s’accompagne d’invraisemblables dérives, régulièrement dénoncées dans des rapports officiels.

© Le Figaro. 

Gaëtan de Capèle. 

AI Is A Money Trap

8 août 2025 à 08:37
Très long article sur l'état économique du marché de l'IA.
Je ne le résumerai pas mieux que cette internaute :
(partie 1/2) : https://eldritch.cafe/@UnePorte/114986962031526715
(partie 2/2) : https://eldritch.cafe/@UnePorte/114986966061581705

TL;DR :  300 milliards d'investissement des boîtes d'IA dans des datacenters et des GPU.
Bénéfices (en étant très généreux) : 15 milliards seulement.
Ce n'est pas signe d'un marché en bonne santé : Toutes ces sociétés perdent de l'argent. Massivement.
Habituellement pour une startup la porte de sortie c'est soit un rachat soit l'entrée en bourse. Aucun de ces deux scénarios ne semble se produire.
(Permalink)

Live coding sucks | Mustapha Hadid

2 août 2025 à 06:38
Le "live coding" lors des entretiens d'embauche ne mesure pas les compétences, il mesure le niveau de stress. Du coup même des gens très compétents peuvent échouer. Et cela impacte particulièrement plus les femmes. Les RH risquent donc de perdre des candidats qui seraient intéressants.
(Permalink)

Édouard Tétreau : «Pour la France, un scénario à la grecque devient de plus en plus plausible»

TRIBUNE - Le plan d’économie annoncé par François Bayrou est famélique au regard de la dette. Dans ces conditions, un scénario « à la grecque » est de plus en plus réaliste, estime l’essayiste.

© Fabien Clairefond

Édouard Tétreau.

« Ils font leurs profits ici, ils paieront ici » : un député veut que la France riposte à Trump

28 juillet 2025 à 16:50

Annoncé le 27 juillet, le nouveau deal entre l'Union européenne et les États-Unis est très mal accueilli de ce côté-ci de l'Atlantique. Des voix s'élèvent pour dénoncer une soumission du Vieux Continent. Des appels se font entendre pour une riposte.

Bertille Bayart : «Entre l’Europe et les États-Unis, l’accord des dupes»

CHRONIQUE - Le «deal» inéquitable, signé par Ursula von der Leyen et Donald Trump, est humiliant pour l’UE. Car il ne suffit pas à l’Europe de se penser puissance pour en être une.

© Evelyn Hockstein / REUTERS

«L’Union européenne ne maîtrise aucune de ces positions stratégiques à l’échelle de l’économie globale, aucun de ces «chokepoints» (goulets d’étranglement) desquels d’autres tirent des arguments décisifs dans la négociation.»

Glasgow : un passager arrêté à bord d’un avion après avoir perturbé un vol, la police antiterroriste saisie

VIDÉO - Des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent un homme debout à l’arrière d’un avion, criant à plusieurs reprises «Allah Akbar», avant d’être immobilisé au sol par un autre passager.

© PETER NICHOLLS/REUTERS / stock.adobe.com

La compagnie EasyJet a confirmé l’arrestation d’un homme à l’atterrissage du vol ZY609.
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