Pourquoi les puces AMD Strix Halo ont fait dérailler leur propre marché
Les puces AMD Strix Halo sont apparues chez AMD avec une double promesse assez forte. Être la meilleure puce mobile pour le jeu grâce à la combinaison d’un excellent centre de calcul et d’un circuit graphique musclé. Mais aussi être des éléments suffisamment performant pour pousser leur avantage sur le terrain de l’Intelligence Artificielle.
Prévus pour le premier et le second trimestre 2025, les puces se démarquaient par l’emploi d’un NPU XDNA 2 proposant 50 TOPS de performances et un ensemble d’autres compétences techniques censées ravir différents types d’utilisateurs.
Les joueurs pour commencer. La promesse que le haut de gamme de ces puces rivaliserait en capacités 3D avec une solution équipée d’un chipset graphique mobile Nvidia GeForce RTX 4070 avait tout pour leur plaire. Les créatifs ensuite, puisque la combinaison proposée pouvait piloter des outils nécessitant de grandes ressources de calcul. Image, son et vidéo pourraient être chouchoutés par des programmes exigeants sur des solutions mobiles. Les curieux cherchant à exploiter des IA pouvaient enfin compter sur les performances globales de ces puces Strix Halo. Avec en ligne de mire un NPU puissant, une solution 16 cœurs ayant du répondant et 40 Compute Units RDNA 3.5 Radeon capables également de belles performances, ils avaient un couteau suisse intéressant à explorer.
Sur cette promesse de janvier 2025, AMD a mis en avant beaucoup de services dédiés à ces usages : des compétences de calcul mettant à l’amende les puces Intel concurrentes. Aussi bien pour les logiciels de création et de rendu 3D que pour les usages 2D les plus lourds.
Sur le segment du jeu, même constat. AMD envoyait un sérieux coup de semonce sur le marché avec des résultats impressionnants. S’il faut toujours tenir ces tableaux avec une certaine dose de scepticisme quant aux résultats réellement proposés. La promesse était là et bien là. L’acheteur d’une machine AMD Strix Halo allait pouvoir profiter d’une station de travail complète et de capacités de jeu étonnante.
Aujourd’hui, le marché AMD Strix Halo s’est largement éloigné de ce premier objectif
Ce qui crée un engouement majeur autour des machines sous Strix Halo a largement dévié des objectifs initiaux. Les constructeurs traditionnels n’ont pas vraiment répondu présent. Rares sont les machines portables à avoir profité de ces puces et en particulier de la plus évoluée d’entre elles.
On retrouve certes un étrange « portable » chez Asus avec le ROG Flow Z13, « l’incubateur des possibles »… Une sorte de tablette convertible qui propose un joli niveau de performances mais qui se négocie à 2499€ en version 32Go/1To. Autrement dit, un engin pas très intéressant d’un simple point de vue performances / tarif. HP propose également une station de travail, la HP ZBook Ultra G1a, qui se négocie à plus de 2600€ en version Ryzen AI Max Pro 385 n 32 Go / 1 To. Là encore, on est assez loin des anticipations originelles de ce marché. Et encore, il semble s’agir d’un « cadeau » de la part de HP puisque le prix officiel de cet engin est de 3588€.
Si la solution Ryzen AI Max fait encore tourner beaucoup de têtes aujourd’hui ce n’est plus à cause de ses capacités de calcul classiques ou de sa force d’affichage en 3D. Ce n’est plus pour des utilisateurs « grand public » ou « classiques ». Enfin, si ce public a toujours beaucoup d’intérêt pour ces machines, c’est parce que tout le monde caresse l’espoir de les obtenir un jour à un meilleur tarif. Même si la majorité parait avoir fait son deuil de la possibilité de les obtenir.
Les « derniers » intéressés par la possibilité réelle d’acheter des machines Strix Halo ne sont plus les utilisateurs habituels du marché. Ce sont des gens avec un objectif très clair qui n’a rien à voir avec la manière dont ont été pensées les puces au départ. Ces Ryzen sont très majoritairement intégrés dans des engins qui embarquent énormément de mémoire vive. En général de la LPDDR5 soudée qui atteint les 128 Go. Et on comprend très vite avec les réglages effectués, que le public visé par les constructeurs ne jouera jamais à Fortnite ou ne lancera pas une session de modélisation 3D sous Blender. Le BIOS de ces machines va systématiquement permettre de diriger la majorité de cette mémoire à l’usage exclusif du circuit graphique. 96 Go seront ainsi exploitables par les 40 cœurs RDNA 3.5 sous Windows et jusqu’à 110 Go sous Linux. Intérêt de l’opération ? Pouvoir monter en local une IA de type LLM avec une utilisation fluide. Ce que ne permettent pas les cartes graphiques classiques, même les plus chères du marché, qui profitent certes d’une mémoire plus rapide, mais pas d’autant de mémoire embarquée.
Les Strix Halo sont désormais considérés comme des puces Pro
Et ce détail a totalement fait dérailler le marché de cette puce Strix Halo. Quand AMD l’a imaginée, ce n’était pas pour qu’elle se retrouve uniquement au sein de laboratoires de recherche ou dans des entreprises de développement en quête de solution de tests d’IA locales. C’était un processeur mobile haut de gamme de plus sur le marché. Cette possibilité d’exploiter des LLM facilement a complètement changé sa cible. Les moyens des acheteurs professionnels à la recherche de ce type de solution a clairement entrainé le marché vers des produits très – trop ? – haut de gamme.
Ainsi, on ne trouve pas ou très peu de solution Strix Halo avec moins de 128 Go de mémoire vive alors qu’un utilisateur classique n’en a clairement pas besoin d’autant. Les fabricants préfèrent logiquement gonfler ce poste pour viser des acheteurs ayant plus de moyens que l’utilisateur. A vrai dire, pour un joueur ou un créateur, au prix où ces solutions sont vendues, l’addition posée n’a aucun sens. Avec leurs prix élevés, les solutions Strix Halo sont beaucoup moins performantes en jeu ou en calcul créatif qu’un produit plus classique comprenant un processeur et un circuit graphique indépendant type Radeon ou GeForce. Pour un chercheur ou un développeur s’intéressant à l’IA, le calcul est par contre très différent. Ces solutions en général proposées entre 1500 et 2500€ sont hyper intéressantes financièrement. Le fait de pouvoir développer des outils en local, sans risque de sécurité et sans payer d’abonnement externe, est évidemment un grand avantage.
En pratique, les puces Strix Halo sont devenus des sortes de processeur pros, comme les Xeon d’Intel ou les Threadripper d’AMD. De sortes de gros NPU hyper spécialisés que l’on traite comme des unités de traitement et non pas comme les puces mobiles telles qu’elles ont pu être imaginées.
Tant que le marché de l’IA absorbera en masse ces produits pour ces usages précis, il y a peu de chance que ces puces soient abordables. Si vous recherchez un engin de ce type pour vis loisirs, faire de la retouche d’image ou du montage vidéo, le jeu n’en vaut pas la chandelle pour le moment. Une machine au format Mini-ITX vous apportera plus pour un prix souvent inférieur et avec plus d’évolutivité. Strix Halo est devenu un mirage que seuls des utilisateurs ayant un usage précis d’IA peuvent penser être une bonne affaire. Et pour eux cela l’est clairement. Pour tous les autres l’addition est trop salée et les performances trop maigres pour que l’offre ait du sens.
Pourquoi les puces AMD Strix Halo ont fait dérailler leur propre marché © MiniMachines.net. 2025